LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Michel X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3e chambre, en date du 29 juin 2011, qui pour agressions sexuelles aggravées, l'a condamné à dix mois d'emprisonnement avec sursis, dix ans d'interdiction d'exercer toute activité en lien avec les mineurs, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d'agressions sexuelles par personne ayant autorité sur mineur de moins de 15 ans, et l'a condamné pénalement et civilement ;
"alors que toute personne a droit à un procès équitable permettant de s'assurer que les magistrats ont tenu compte des demandes des différentes parties ; que l'appel doit être effectif ; qu'en cas de procédure orale, il appartient à la juridiction saisie de présenter même sommairement les moyens invoqués par les parties et les réquisitions du parquet ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui n'a pas indiqué quels étaient les moyens de défense invoqués pour le prévenu ni les réquisitions, la cour d'appel a méconnu les articles 6 de la convention européenne des droits de l'homme, préliminaire et 593 du code de procédure pénale" ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 222-30 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d'agressions sexuelles par personne ayant autorité sur mineur de moins de 15 ans, et l'a condamné pénalement et civilement ;
"aux motifs qu'interpellé sur les faits, M. X... a contesté toute connotation sexuelle, tout en admettant qu'il avait pu commettre des maladresses en utilisant des contacts physiques pour encourager ses élèves ; qu'il a indiqué qu'il lui était en effet arrivé de les embrasser sur les joues ; qu' il qualifie lui-même cette approche « d'affectivité très démonstrative » ; qu' il a également déclaré aux enquêteurs qu'il avait pu poser la main sur le ventre de ses élèves pour leur apprendre à respirer ; que lors des débats devant la cour, M. X... a toutefois admis avoir pu embrasser sur la bouche certains élèves, mais uniquement de manière involontaire en se retournant brusquement ;
que les faits ne sont contestés que partiellement ; que si l'expertise psychiatrique qui a été confiée au docteur Y... n'a pas conduit celui-ci à développer davantage son analyse sur la personnalité du prévenu, les propos que celui-ci a tenus devant la cour ont mis davantage l'accent sur le côté sthénique et procédurier que sur la conception de la pédagogie ; que dans ces conditions, les faits visés à la prévention sont établis par les éléments du dossier, les débats, ainsi que les aveux partiels du prévenu ; qu'ils ont été exactement analysés et qualifiés par les premiers juges : que le jugement sera confirmé sur la déclaration de culpabilité ;
"aux motifs éventuellement adoptés que pour la période des faits incriminés, l'infraction reprochée à M. X... est établie par les éléments suivants :
- les déclarations constantes de la victime, partie civile, Camille Z..., laquelle, si elle n'a pu accepter la confrontation avec M. X... tant pendant l'enquête que pendant l'instruction, en raison du malaise ressenti décrit pas l'expert et sa psychologue à l'audience maintient fermement ses déclarations ;
- les déclarations des témoins et particulièrement des autres élèves de M. X..., entendus et également victimes d'actes similaires ;
- les déclarations du prévenu lui-même en garde à vue et devant le magistrat instructeur sur son comportement de proximité physique avec ses élèves qualifié par lui d'affectivité très démonstrative », alors qu'il repérait parfaitement le caractère limité voire ambigu de ses gestes ; que M. X... fait état de calomnie et d'un complot mené par la famille Z... ; qu' outre que la thèse du complot apparaît comme une constante des prévenus dans les affaires de moeurs, il résulte de l'information que les parents de Camille n'ont jamais, avant la plainte, été mis au courant par leur fille de ce qu'elle avait subi ; que les témoignages favorables recueillis par les enquêteurs ou versés au dossier par M. X... n'ôtent pas leur réalité aux faits reprochés ; que les faits étant établis dans leur matérialité et leur réalité, même si les dates et leur nombre n'ont pu être déterminés exactement, il convient de déclarer M. X... coupable de l'infraction reprochée commise entre le 17 juin 1995 et le 30 juin 1996 ;
"1) alors que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime ; que les agressions sexuelles sont des actes à connotation sexuelle volontairement commis par leur auteur, par violence, contrainte ou surprise ; que la cour d'appel a retenu la culpabilité du prévenu au motif qu'il reconnaissait partiellement les faits, alors que son arrêt constate seulement qu'il a affirmé avoir eu des manifestations d'affectivité, en embrassant les élèves sur la joue, qu'il leur avait parfois touché le ventre pour leur apprendre une technique de respiration ; qu'il a admis comme hypothèse, qu'il ait pu embrasser des élèves sur la bouche, involontairement lorsqu'il se retournait brusquement ; qu'en l'état de la présentation par l'arrêt de la façon dont le prévenu appréhendait les faits, niant toute connotation sexuelle donnée aux manifestations d'affectation dont il pouvait faire preuve et à tout le moins toute intention coupable, la cour d'appel ne pouvait faire état d'une prétendue reconnaissance partielle des faits, sans se contredire ;
"2) alors qu'en considérant par ailleurs que les faits étaient établis par les éléments du dossier, outre les prétendues reconnaissances du prévenu, sans préciser quels étaient les actes à connotation sexuelle retenus contre celui-ci, la référence aux faits visés dans la seule plainte initiale de la partie civile qui avait pu varier dans ses déclarations étant insuffisante pour caractériser de tels actes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
"3) alors que la cour d'appel n'a pas non plus caractérisé l'intention coupable du prévenu, à savoir son intention d'accomplir des actes qu'il savait à connotation sexuelle, privant son arrêt de base légale ;
"4) alors que la cour d'appel n'a pas non plus constaté l'atteinte à la volonté de la victime par usage de violence, contrainte ou surprise, privant encore son arrêt de base légale, privant encore son arrêt de base légale ;
"5) alors que la cour d'appel n'a pas non constaté en quelles circonstances le prévenu aurait pu abuser de son autorité, se contentant de se référer, dans la présentation des faits, au fait que la partie civile avait affirmé qu'il se livrait à de tels actes lorsque les cours avaient lieu en l'absence des parents, sans préciser, si elle tenait ces faits pour incontestables, au vu des éléments du dossier ;
"6) alors qu'en déduisant la culpabilité des éléments du dossier, sans plus s'en expliquer, la cour d'appel a méconnu l'article 593 du code de procédure pénale ;
"7) alors que la cour d'appel n'exclut pas par référence aux éléments du dossier d'avoir pris en compte les propos de M. X... pendant sa garde à vue, intervenue sans assistance d'un avocat, et sans qu'il ait été informé de son droit de se taire ; qu'en cet état, la cour d'appel a méconnu l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme qui interdit de fonder une condamnation sur des propos tenus en garde à vue sans que les droits de la défense aient été respectés" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que les moyens, le deuxième nouveau en sa septième branche, mélangé de fait et de droit, et comme tel irrecevable, en ce qu'il invoque pour la première fois devant la Cour de cassation la méconnaissance des dispositions de l'article 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, et qui, pour le surplus se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus ne sauraient être admis ;
Mais sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 112-1 et 222-45, 3, du code pénal et 591 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d'agressions sexuelles par personne ayant autorité sur mineur de moins de 15 ans, et l'a condamné à une peine de dix mois d'emprisonnement avec sursis et à l'interdiction d'exercer pendant dix ans une activité en lien avec des mineurs ;
"alors que, selon l'article 112-1 du code pénal, peuvent seules être prononcées les peines légalement applicables à la date à laquelle les faits ont été commis, qu'une loi édictant une peine complémentaire ne peut s'appliquer à des faits antérieurs à son entrée en vigueur ; qu'après avoir déclaré le prévenu coupable d'agressions sexuelles commises entre le 1er septembre 1994 et le 30 juin 1996, la cour d'appel a prononcé une l'interdiction pendant dix ans d'exercer toute activité en lien avec des mineurs ; qu'en statuant ainsi, alors que cette peine complémentaire, instituée par la loi du 17 juin 1998 et prévue par l'article 222-45, 3, du code pénal, n'était pas applicable à la date des faits poursuivis, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé" ;
Vu les articles 112-1 et 222-45, 3e du code pénal ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, peuvent seules être prononcées les peines légalement applicables à la date à laquelle les faits ont été commis, qu'une loi édictant une peine complémentaire ne peut s'appliquer à des faits antérieurs à son entrée en vigueur ;
Attendu qu'après avoir déclaré M. X... coupable d'agressions sexuelles aggravées commises entre le 1er septembre 1994 et le 30 juin 1996, l'arrêt attaqué l'a notamment condamné à dix ans d'interdiction d'exercer toute activité en lien avec des mineurs ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que cette peine complémentaire, édictée par la loi du 17 juin 1998 et prévue par l'article 222-45 3° du code pénal, n'était pas applicable à la date des faits poursuivis, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes, en date du 29 juin 2011, en ses seules dispositions ayant condamné M. X... à dix ans d'interdiction d'exercer une activité en lien avec des mineurs, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rennes, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Pometan conseiller rapporteur, M. Foulquié conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;