LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, tel que reproduit en annexe :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 15 mars 2011), qu'ayant été assignée devant le tribunal de commerce de Lorient par la société Cemwest et l'assureur de celle-ci, la société Generali, la société Scheepvaartonderneming MS Vliedep II CV (la société) a appelé des tiers en garantie, puis a soulevé l'incompétence du tribunal ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son exception d'incompétence, alors, selon le moyen :
1°/ que constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen du fond du droit, la prétention de l'adversaire ; que le simple appel en garantie formé à l'encontre d'un tiers, qui tend exclusivement à transférer sur ce dernier la charge finale de la condamnation, n'a pas pour objet de faire rejeter comme non justifiée la prétention du demandeur et ne constitue donc pas une défense au fond ; qu'en considérant que les assignations en intervention forcée délivrées par la société aux sociétés R. Le Bras et RBL Rei, et à la CCI du Morbihan, tendant à leur condamnation à garantir et relever indemne la société de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées contre elle, auraient constitué une défense au fond, la cour d'appel a violé les articles 71 et 74 du code de procédure civile ;
2°/ que constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen du fond du droit, la prétention de l'adversaire ; que la simple énonciation par le défendeur de ce qu'il appelle un tiers en garantie « sans aucune approbation de la demande principale et au contraire sous les plus expresses réserves de fait et de droit », ne constitue pas un moyen de droit tendant à faire rejeter comme non justifiée la prétention du demandeur ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 71 et 74 du code de procédure civile ;
3°/ que constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen du fond du droit, la prétention de l'adversaire ; qu'en affirmant que la société aurait dénié sa responsabilité pour la reporter sur des tiers et ainsi formulé une défense au fond, lorsqu'elle constatait qu'il était seulement indiqué, dans les assignations en intervention forcée, que la société ne pouvait être considérée comme responsable du dommage et qu'elle appelait des tiers en garantie des condamnations qui seraient prononcées contre elle, ce dont il résultait qu'elle ne présentait aucun moyen tendant à faire rejeter comme non justifiée la demande de son adversaire à son encontre, et organisait seulement le transfert de la charge finale de ses éventuelles condamnations sur ces tiers, la cour d'appel a violé les articles 71 et 74 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel retient exactement qu'ayant présenté une défense au fond en appelant des tiers en garantie, la société était irrecevable, en application de l'article 74 du code de procédure civile, à soulever ultérieurement une exception d'incompétence ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Scheepvaartonderneming MS Vliedep II CV aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Scheepvaartonderneming MS Vliedep II CV, la condamne à payer aux sociétés Cemwest et Generali IARD la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Tiffreau, Corlay et Marlange, avocat aux Conseils pour la société Scheepvaartonderneming MS Vliedep II CV.
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR dit irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par la société SCHEEPVAARTONDERNEMING MS VLIEDEP II CV et D'AVOIR dit qu'il était compétent pour connaître du présent litige,
AUX MOTIFS ADOPTES QUE « l'exception d'incompétence doit être soulevée in limine litis par la partie qui entend s'en prévaloir ; or, il est de jurisprudence constante que l'assignation en garantie constitue une défense au fond, rendant l'exception irrecevable, malgré l'oralité des débats en application de l'article 74 du code de procédure civile ; or, en l'espèce, la société SCHEEPVAARTONDERNEMING MS VLIEDEP II CV a appelé en garantie les sociétés RBL REI et LE BRAS, afin d'obtenir leur condamnation solidaire et que par la suite la société VLIEDEP II a également assigné la Chambre du commerce et de l'industrie du MORBIHAN en intervention forcée, afin que celle-ci soit condamnée à garantir et relever indemne la société VLIEDEP de toutes les condamnations susceptibles d'être relevées à son encontre ; qu'ainsi, ce faisant, elle est irrecevable à opposer l'exception d'incompétence » (jugement p. 4),
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'article 74 du code de procédure civile oblige, à peine d'irrecevabilité, la partie invoquant une exception de procédure, en ce compris celle relative à l'incompétence d'une juridiction française au profit d'un tribunal arbitral, à la soulever avant toute défense au fond ou toute fin de non-recevoir ; à cet égard, il résulte du dossier de la procédure qu'après avoir fait délivrer des assignations en intervention forcée contre les sociétés LE BRAS et RBL REI le 19 juin 2009 puis contre la Chambre du commerce et de l'industrie du MORBIHAN le 21 août 2009, la société VLIEDEP a, lors de l'audience du tribunal de commerce du 25 juin 2010 au cours de laquelle les appels en garantie (d'abord joints par décision du 19 juin 2009) ont été disjoints, déposé des conclusions reprises oralement et tendant, à titre principal, à soulever l'exception d'incompétence au profit d'un tribunal arbitral et, subsidiairement sur le fond, à contester la responsabilité du transporteur maritime ; mais s'il est de principe que, devant le tribunal de commerce où la procédure est orale, l'exception d'incompétence soulevée oralement par une partie avant toute référence à ses prétentions au fond formulées par écrit doit être déclarée recevable, il est aussi de principe qu'une assignation en intervention forcée contenant des moyens opposables au demandeur principal vaut, dès qu'elle a été placée au greffe et malgré l'oralité des débats, défense au fond ; or, les assignations en intervention forcée délivrées contre les sociétés RBL REI, LE BRAS et contre la Chambre du commerce et d'industrie saisissent la juridiction étatique de demandes tendant à la condamnation des parties intervenantes à garantir et relever indemne la société VLIEDEP de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre « sans aucune approbation de la demande principale et au contraire sous les plus expresses réserves de fait et de droit » ; ces réserves ne sauraient, sans dénaturation des actes des 19 juin et 21 août 2009, s'interpréter comme de pure forme et n'impliquant aucune contestation opposable à la société CEMWEST et à la compagnie GENERALI, alors que la société VLIEDEP soutient explicitement dans ces assignations « qu'elle ne saurait être considérée comme responsable du fait que le bloc de ciment en provenance de la cale ait pu pénétrer jusqu'à l'intérieur du silo » de stockage endommagé, et que, partant, elle dénie bien sa responsabilité pour la reporter sur des tiers ; il en résulte que la société VLIEDEP a, en violation des dispositions de l'article 74 du code de procédure civile, soulevé son exception d'incompétence après avoir fait valoir un moyen de défense au fond opposable aux demandeurs principaux, de sorte que cette exception est irrecevable » (arrêt pp. 3 et 4),
ALORS QUE 1°), constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen du fond du droit, la prétention de l'adversaire ; que le simple appel en garantie formé à l'encontre d'un tiers, qui tend exclusivement à transférer sur ce dernier la charge finale de la condamnation, n'a pas pour objet de faire rejeter comme non justifiée la prétention du demandeur et ne constitue donc pas une défense au fond ; qu'en considérant que les assignations en intervention forcée délivrées par l'exposante aux sociétés R. LE BRAS et RBL REI, et à la CCI du MORBIHAN, tendant à leur condamnation à garantir et relever indemne l'exposante de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées contre elle, auraient constitué une défense au fond, la cour d'appel a violé les articles 71 et 74 du code de procédure civile,
ALORS QUE 2°), constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen du fond du droit, la prétention de l'adversaire ; que la simple énonciation par le défendeur de ce qu'il appelle un tiers en garantie « sans aucune approbation de la demande principale et au contraire sous les plus expresses réserves de fait et de droit », ne constitue pas un moyen de droit tendant à faire rejeter comme non justifiée la prétention du demandeur ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 71 et 74 du code de procédure civile,
ALORS QUE 3°), constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen du fond du droit, la prétention de l'adversaire ; qu'en affirmant que l'exposante aurait dénié sa responsabilité pour la reporter sur des tiers et ainsi formulé une défense au fond, lorsqu'elle constatait qu'il était seulement indiqué, dans les assignations en intervention forcée, que l'exposante ne pouvait être considérée comme responsable du dommage et qu'elle appelait des tiers en garantie des condamnations qui seraient prononcées contre elle, ce dont il résultait qu'elle ne présentait aucun moyen tendant à faire rejeter comme non justifiée la demande de son adversaire à son encontre, et organisait seulement le transfert de la charge finale de ses éventuelles condamnations sur ces tiers, la cour d'appel a violé les articles 71 et 74 du code de procédure civile.