LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 février 2011), que la société Europe immobilier (le franchisé), liée à la société Century 21 France (le franchiseur) par un contrat de franchise à durée déterminée l'autorisant à exploiter une agence immobilière sous l'enseigne "Century 21 Europe immobilière" à Manosque, n'a pas renouvelé leurs accords au terme de ce contrat et a adhéré à un réseau concurrent en poursuivant son activité dans la même ville ; que le franchiseur, invoquant la violation de la clause de non-affiliation prévue au contrat, a notamment demandé réparation de son préjudice ; que le franchisé a fait valoir reconventionnellement la nullité de cette clause ;
Attendu que le franchiseur fait grief à l'arrêt d'avoir dit que la clause de non-réaffiliation insérée dans le contrat de franchise ayant lié les parties était nulle et d'avoir rejeté l'ensemble de ses demandes, alors selon le moyen :
1°/ que tandis que la clause de non-concurrence a pour objet de limiter l'exercice par le franchisé d'une activité similaire ou analogue à celle du réseau qu'il quitte, la clause de non-réaffiliation, qui a pour objet de protéger le savoir-faire du réseau quitté et ce réseau lui-même, se borne à restreindre la liberté d'affiliation de l'ancien franchisé à un autre réseau ; qu'une clause de non-réaffiliation qui n'interdit pas la poursuite d'une activité commerciale identique et se trouve limitée dans le temps et l'espace ne viole aucune règle d'ordre public et n'encourt pas la nullité ; qu'il n'en est autrement que s'il est constaté que la clause n'est pas proportionnée aux intérêts légitimes du franchiseur ; qu'en l'espèce, par la clause de non-réaffiliation, le franchisé s'était engagé «à ne pas s'affilier, adhérer ou participer de quelque manière que ce soit à une chaîne concurrente du franchiseur (…) pendant une durée de deux ans sur le territoire de la France métropolitaine» ; que la cour a constaté que la société Century 21 France, franchiseur, justifiait d'un intérêt légitime à protéger le savoir-faire substantiel, secret, expérimenté et identifié de son réseau contre la divulgation à un réseau concurrent ; que celui-ci comportant neuf cent-cinquante agences en métropole, il s'ensuit que l'extension de la restriction territoriale à la France métropolitaine se trouvait proportionnée aux intérêts légitimes du franchiseur ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1134 du code civil ;
2°/ que toute décision, à peine de censure, doit être motivée ; que ne répond pas à cette exigence un arrêt dont la motivation se borne, par des affirmations générales et imprécises, à renvoyer aux circonstances de la cause ; qu'en l'espèce, pour justifier sa décision d'annuler la clause litigieuse, la cour d'appel a relevé qu'elle était insuffisamment limitée «notamment au regard des circonstances de la cause» et en particulier au fait que l'activité de la société Europe immobilier était locale ; qu'en se déterminant ainsi, au regard de circonstances absentes de sa motivation et échappant ainsi à tout examen, la cour d'appel, qui n'a pas permis à la Cour de cassation d'exercer son contrôle, a privé sa décision de motif, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ qu'une clause de non-réaffiliation limitée dans l'espace et le temps, ne peut être annulée que s'il est constaté qu'elle n'est pas proportionnée aux intérêts légitimes du franchiseur ; que cette "proportion"s'entend ainsi de celle qui existe entre, d'une part, la limitation territoriale apportée à la liberté du franchisé de s'affilier à un autre réseau et, d'autre part, l'intérêt légitime du franchiseur à protéger son réseau, avec le savoir-faire qui lui est attaché, de toute divulgation à un réseau concurrent ; qu'en l'espèce, pour retenir, parmi les «circonstances de la cause», que la limitation territoriale de la clause litigieuse, étendue à la France métropolitaine, n'était pas proportionnée, la cour d'appel a jugé que l'activité de la société Europe immobilier était locale ; qu'en se fondant ainsi, non pas sur l'examen des intérêts légitimes du franchiseur, par ailleurs reconnus, mais sur la simple implantation locale de l'exploitation de l'ancien franchisé, la cour, qui s'est déterminée par des motifs impropres à justifier l'absence de proportion retenue, a violé l'article 1134 du code civil ;
4°/ que la société Century 21 France avait fait valoir dans ses écritures que la société Europe immobilier n'avait été soumise à aucune clause d'exclusivité territoriale, de sorte que l'extension de la clause de non-réaffiliation à tout le territoire métropolitain s'avérait une nécessité pour protéger le réseau, son savoir-faire et ses membres, car, sans elle, ladite société conservait la faculté de s'implanter sur le territoire de son choix et d'y concurrencer, par conséquent, n'importe laquelle des neuf cent-cinquante agences que compte la société Century 21sur le territoire métropolitain (p.27) ; qu'en se déterminant dès lors comme elle l'a fait, au motif que l'exercice de l'activité de la société Europe immobilier était local, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, compte-tenu de l'absence de toute clause d'exclusivité territoriale et des risques de concurrence d'autres membres du réseau Century 21sur tout le territoire, l'extension de la clause de non-réaffiliation à l'ensemble du territoire métropolitain n'était pas nécessaire en vue d'assurer la protection légitime, par ailleurs reconnue, de son savoir-faire à l'égard d'un réseau concurrent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
5°/ que la société Century 21, en toute hypothèse, avait fait valoir qu'il découlait de l'article 5 b) du règlement n°2790/1999 de la Commission du 22 décembre 1999, invoquées par la société Europe immobilier elle-même, que l'obligation de non-réaffiliation insérée à l'article 17 du contrat de franchise s'appliquait aux locaux à partir desquels cette société avait exploité la franchise Century 21 et que, la société Europe immobilier ayant violé cette obligation en exploitant une agence d'un réseau concurrent, Square habitat, dans les locaux mêmes où elle exploitait antérieurement la franchise Century 21, sa demande de condamnation se trouvait en toute hypothèse fondée ; qu'en se déterminant dès lors comme elle l'a fait, au regard de cette circonstance que l'exploitation de la société Europe immobilier était locale, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette exploitation locale elle-même, rattachée à un réseau concurrent, ne contrevenait pas aux engagements qu'elle avait pris, la cour a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la clause, emportant interdiction de s'affilier à un réseau concurrent sur l'ensemble du territoire métropolitain, était insuffisamment limitée dans l'espace du fait que l'activité du franchisé s'exerçait dans une seule agence située à Manosque, la cour d'appel, qui ne s'est pas référée à des circonstances absentes de sa motivation et n'était pas tenue de procéder à des recherches que ses appréciations rendaient inopérantes, a pu retenir qu'elle n'était pas proportionnée aux intérêts légitimes du franchiseur ; que le moyen, qui manque en fait en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Century 21 France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Europe immobilier la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le conseiller doyen qui en a délibéré, en remplacement du président, à l'audience publique du trois avril deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils pour la société Century 21 France.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la clause de non-réaffiliation insérée dans le contrat de franchise ayant lié la société CENTURY 21 FRANCE et la société EUROPE IMMOBILIER était nulle et d'avoir rejeté l'ensemble des demandes de la société CENTURY 21 FRANCE ;
AUX MOTIFS QUE par le dernier contrat de franchise conclu avec la société CENTURY 21 FRANCE, le 26 février 2002, pour une durée de 5 ans, la société EUROPE IMMOBILIER s'est vu conférer le droit non-exclusif d'exploiter une agence immobilière à l'enseigne "CENTURY 21 EUROPE IMMOBILIERE" à Manosque ; que la société CENTURY 21 FRANCE reproche à la société EUROPE IMMOBILIER d'avoir violé l'article 17 dudit contrat par lequel elle s'était engagée « expressément à ne pas s'affilier, adhérer ou participer de quelque manière que ce soit à une chaîne concurrente du franchiseur (…) pendant une durée de deux ans sur le territoire de la France Métropolitaine », en ayant adhéré dès l'expiration du contrat à un réseau concurrent, SQUARE HABITAT, et en exploitant sous cette enseigne une agence immobilière à MANOSQUE même ; que la société EUROPE IMMOBILIER invoque la nullité de cette clause de non-réaffiliation ; qu'une telle clause, pour être valable doit, d'une part, tendre à la protection des intérêts légitimes de son bénéficiaire et, d'autre part, produire une restriction de concurrence qui soit proportionnée aux intérêts légitimes ; que la société EUROPE IMMOBILIER invoque l'absence d'intérêt légitime du franchiseur, en soutenant que celui-ci ne justifierait pas d'un savoir-faire dont il aurait intérêt à empêcher la divulgation ; que cependant la société CENTURY 21 FRANCE rapporte la preuve d'un savoir-faire substantiel consistant en un système de promotion et d'assistance destiné à des agents immobiliers et administrateurs et d'une notoriété avérée s'exprimant notamment par la présence de plus de 950 agences sur le territoire national ; qu'elle justifie ainsi d'un intérêt légitime à protéger son savoir-faire contre sa divulgation dans un réseau concurrent ; que cette clause, pour être valable, doit cependant être proportionnée à l'objectif poursuivi et, par conséquent, limitée dans l'espace et le temps ; que la clause litigieuse, en interdisant de s'affilier à un réseau concurrent sur tout le territoire de la France métropolitaine est insuffisamment limitée dans l'espace notamment au regard des circonstances de la cause et en particulier du fait que l'activité exercée par la société EUROPE IMMOBILIER était locale puisqu'elle exploitait une seule agence du réseau CENTURY 21 située à Manosque ;
1°/ ALORS QUE tandis que la clause de non-concurrence a pour objet de limiter l'exercice par le franchisé d'une activité similaire ou analogue à celle du réseau qu'il quitte, la clause de non-réaffiliation, qui a pour objet de protéger le savoir-faire du réseau quitté et ce réseau lui-même, se borne à restreindre la liberté d'affiliation de l'ancien franchisé à un autre réseau ; qu'une clause de non-réaffiliation qui n'interdit pas la poursuite d'une activité commerciale identique et se trouve limitée dans le temps et l'espace ne viole aucune règle d'ordre public et n'encourt pas la nullité ; qu'il n'en est autrement que s'il est constaté que la clause n'est pas proportionnée aux intérêts légitimes du franchiseur ; qu'en l'espèce, par la clause de non-réaffiliation, le franchisé s'était engagé « à ne pas s'affilier, adhérer ou participer de quelque manière que ce soit à une chaîne concurrente du franchiseur (…) pendant une durée de deux ans sur le territoire de la France métropolitaine » ; que la cour a constaté que la société CENTURY 21 FRANCE, franchiseur, justifiait d'un intérêt légitime à protéger le savoir-faire substantiel, secret, expérimenté et identifié de son réseau contre la divulgation à un réseau concurrent ; que celui-ci comportant 950 agences en métropole (arrêt, p.3, § 4), il s'ensuit que l'extension de la restriction territoriale à la France métropolitaine se trouvait proportionnée aux intérêts légitimes du franchiseur ; qu'en jugeant le contraire, la cour, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1134 du code civil ;
2°/ ALORS QUE toute décision, à peine de censure, doit être motivée ; que ne répond pas à cette exigence un arrêt dont la motivation se borne, par des affirmations générales et imprécises, à renvoyer aux circonstances de la cause ; qu'en l'espèce, pour justifier sa décision d'annuler la clause litigieuse, la cour a relevé qu'elle était insuffisamment limitée « notamment au regard des circonstances de la cause » et en particulier au fait que l'activité de la société EUROPE IMMOBILIER était locale ; qu'en se déterminant ainsi, au regard de circonstances absentes de sa motivation et échappant ainsi à tout examen, la cour, qui n'a pas permis à la Cour de cassation d'exercer son contrôle, a privé sa décision de motif, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ ALORS QU'une clause de non-réaffiliation limitée dans l'espace et le temps, ne peut être annulée que s'il est constaté qu'elle n'est pas proportionnée aux intérêts légitimes du franchiseur ; que cette "proportion" s'entend ainsi de celle qui existe entre, d'une part, la limitation territoriale apportée à la liberté du franchisé de s'affilier à un autre réseau et, d'autre part, l'intérêt légitime du franchiseur à protéger son réseau, avec le savoir-faire qui lui est attaché, de toute divulgation à un réseau concurrent ; qu'en l'espèce, pour retenir, parmi les « circonstances de la cause », que la limitation territoriale de la clause litigieuse, étendue à la France métropolitaine, n'était pas proportionnée, la cour a jugé que l'activité de la société EUROPE IMMOBILIER était locale ; qu'en se fondant ainsi, non pas sur l'examen des intérêts légitimes du franchiseur, par ailleurs reconnus, mais sur la simple implantation locale de l'exploitation de l'ancien franchisé, la cour, qui s'est déterminée par des motifs impropres à justifier l'absence de proportion retenue, a violé l'article 1134 du code civil ;
4°/ ALORS QUE, la société CENTURY 21 FRANCE avait fait valoir dans ses écritures que la société EUROPE IMMOBILIER n'avait été soumise à aucune clause d'exclusivité territoriale, de sorte que l'extension de la clause de non-réaffiliation à tout le territoire métropolitain s'avérait une nécessité pour protéger le réseau, son savoir-faire et ses membres, car, sans elle, ladite société conservait la faculté de s'implanter sur le territoire de son choix et d'y concurrencer, par conséquent, n'importe laquelle des 950 agences que compte la société CENTURY 21 FRANCE sur le territoire métropolitain (p.27) ; qu'en se déterminant dès lors comme elle l'a fait, au motif que l'exercice de l'activité de la société EUROPE IMMOBILIER était local, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, compte-tenu de l'absence de toute clause d'exclusivité territoriale et des risques de concurrence d'autres membres du réseau CENTURY 21 sur tout le territoire, l'extension de la clause de non-réaffiliation à l'ensemble du territoire métropolitain n'était pas nécessaire en vue d'assurer la protection légitime, par ailleurs reconnue, de son savoir-faire à l'égard d'un réseau concurrent, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
5°/ ALORS QUE la société CENTURY 21, en toute hypothèse, avait fait valoir qu'il découlait de l'article 5 b) du règlement n° 2790/1999 de la Commission du 22 décembre 1999, invoquées par la société EUROPE IMMOBILIER elle-même, que l'obligation de non-réaffiliation insérée à l'article 17 du contrat de franchise s'appliquait aux locaux à partir desquels cette société avait exploité la franchise CENTURY 21 et que, la société EUROPE IMMOBILIER ayant violé cette obligation en exploitant une agence d'un réseau concurrent, SQUARE HABITAT, dans les locaux mêmes où elle exploitait antérieurement la franchise CENTURY 21, sa demande de condamnation se trouvait en toute hypothèse fondée (concl. p.27, §§ 11-12) ; qu'en se déterminant dès lors comme elle l'a fait, au regard de cette circonstance que l'exploitation de la société EUROPE IMMOBILIER était locale, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette exploitation locale elle-même, rattachée à un réseau concurrent, ne contrevenait pas aux engagements qu'elle avait pris, la cour a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil.