AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Caen, 10 décembre 2002), que la société Supercham, aux droits de laquelle se trouve la société Varassedis (société Supercham), a conclu avec la société Prodim un contrat de franchise en vue de l'exploitation d'un fonds de commerce d'alimentation à l'enseigne Shopi ; qu'aux termes de l'article 8 de ce contrat, le franchisé s'engageait, durant une période de trois ans suivant la fin de l'accord et dans une zone géographique de cinq kilomètres, à ne pas s'affilier à une enseigne de renommée régionale ou nationale ; que l'article 12 stipulait que toutes contestations pouvant donner lieu à interprétation et exécution de l'accord seraient soumises à trois arbitres agissant "comme amiables compositeurs" ; qu'après avoir fait constater que la société Supercham avait déposé l'enseigne Shopi pour prendre l'enseigne Coccinelle exploitée par une société concurrente, la société Prodim a engagé la procédure d'arbitrage ; que, par sentence rendue le 23 septembre 1998, devenue définitive après exequatur, le tribunal arbitral a constaté la résiliation du contrat de franchise aux torts de la société Supercham et a condamné celle-ci au paiement de diverses sommes ; que la société Prodim ayant engagé une seconde procédure arbitrale aux fins d'obtention de dommages-intérêts pour violation de la clause de non-réaffiliation, le tribunal arbitral, par sentence du 25 avril 2001, a condamné la société Supercham à des dommages-intérêts ; que le franchisé a formé un recours en annulation contre cette décision ;
Attendu que la société Supercham fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours en annulation contre la sentence arbitrale et de l'avoir condamnée, en raison de son manquement à la clause de non-réaffiliation, à verser à la société Prodim des dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1 / que, suivant les dispositions d'ordre public de l'article 3.1 du règlement (CEE) n° 4087/88 de la Commission du 30 novembre 1988, l'obligation pour le franchisé de ne pas exercer, directement ou indirectement, une activité commerciale similaire sur un territoire où il concurrencerait un membre du réseau franchisé, y compris le franchiseur, peut être imposée au franchisé après la fin de l'accord pour une période raisonnable n'excédant pas un an, dans le territoire où il a exploité la franchise, dans la mesure où elle est nécessaire pour protéger les droits de propriété industrielle ou intellectuelle du franchiseur ou pour maintenir l'identité commune et la réputation du réseau franchisé ; que la cour d'appel, qui a rejeté le recours en nullité d'une sentence arbitrale se fondant sur la reconstitution du réseau local du franchiseur pour admettre la validité d'une clause de non-réaffiliation stipulée dans un contrat de franchise, a violé l'article 3 du règlement CEE n° 4087/88 du 30 novembre 1988, ensemble l'article 1484, 6 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que, suivant les dispositions d'ordre public de l'article 3.1 du règlement (CEE) n° 4087/88 de la Commission du 30 novembre 1988, l'obligation pour le franchisé de ne pas exercer, directement ou indirectement, une activité commerciale similaire dans un territoire où il concurrencerait un membre du réseau franchisé, y compris le franchiseur, peut être imposée au franchisé après la fin de l'accord pour une période raisonnable n'excédant pas un an, dans le territoire où il a exploité la franchise, dans la mesure où elle est nécessaire pour protéger les droits de propriété industrielle ou intellectuelle du franchiseur ou pour maintenir l'identité commune et la réputation du réseau franchisé ; que la cour d'appel, qui a rejeté le recours en nullité d'une sentence arbitrale admettant la validité d'une clause de non-réaffiliation stipulée dans un contrat de franchise, pour une durée de trois ans, a violé l'article 3 du règlement CEE n° 4087/88 du 30 novembre 1988, ensemble l'article 1484, 6 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / qu'une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes du créancier ; que la cour d'appel, pour rejeter le recours en nullité d'une sentence arbitrale admettant la validité d'une clause de non-réaffiliation stipulée dans un contrat de franchise pour une durée de trois ans, a retenu qu'il n'était pas démontré que la clause, constituant une restriction d'exercice d'une activité similaire sous une enseigne de renommée nationale ou régionale, limitée dans l'espace et dans le temps, violait une quelconque règle de droit national d'ordre public ; qu'en statuant ainsi, et sans constater que la clause, tendant selon la sentence entreprise à la reconstitution du réseau local du franchiseur, était proportionnée aux intérêts légitimes à protéger, la cour d'appel a violé la loi des 2-17 mars 1791, ensemble l'article 1484, 6 du nouveau Code de procédure civile ;
4 / que tout jugement doit, à peine de nullité, être motivé ;
que la société Supercham faisait valoir que la renommée d'une enseigne devait être appréciée à la date où elle avait été apposée, et invoquait le défaut de motivation de la sentence arbitrale se bornant à retenir, plus de six ans après l'apposition de l'enseigne, que l'enseigne Coccinelle était "bien connue en France" ; que la cour d'appel, qui n'a pas répondu à ce moyen de nullité, et s'est ainsi abstenue de vérifier si le tribunal arbitral avait motivé sa décision sur les conditions de mise en oeuvre de la clause de non-réaffiliation, n'a pas satisfait aux exigences des articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;
5 / que la sentence arbitrale doit, à peine de nullité, être motivée ; que la cour d'appel, qui a refusé d'annuler la sentence qui, pour imputer à la société Supercham l'apposition d'une enseigne de renommée nationale ou régionale avant l'expiration du délai imparti par une clause de non-réaffiliation, s'est borné à retenir que l'enseigne "Coccinelle" était "bien connue en France", sans s'expliquer sur sa renommée à la date d'apposition de l'enseigne, a violé l'article 1480, 5 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'article 3, paragraphe 1 c) du règlement CE n° 4087/88 de la Commission des communautés européennes concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, devenu l'article 81 du Traité, à des catégories d'accord de franchise permet d'imposer au franchisé l'obligation de ne pas exercer, directement ou indirectement, une activité commerciale similaire dans un territoire où il concurrencerait un membre du réseau franchisé, y compris le franchiseur, dans la mesure où cette obligation est nécessaire pour protéger des droits de propriété industrielle ou intellectuelle du franchiseur ou pour maintenir l'identité commune ou la réputation du réseau franchisé ; qu'ayant retenu que la clause de non-réaffiliation n'interdisait pas la poursuite d'une activité commerciale identique et se trouvait limitée dans le temps et dans l'espace, c'est à bon droit que la cour d'appel, qui a constaté que la décision arbitrale était motivée, a retenu que cette clause ne violait aucune règle d'ordre public et a rejeté le recours en annulation ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Varassedis, venant aux droits de la société Supercham, aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Varassedis, venant aux droits de la société Supercham, la condamne à payer à la société Prodim la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille six.