LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante de ce qu'il se désiste du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. Anthony X... et Mme Emilie X... ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Pascal X..., ayant été exposé à l'amiante, a été atteint d'un mésothéliome pleural, maladie dont le caractère professionnel a été reconnu le 9 novembre 2004 par la caisse primaire d'assurance maladie ; qu'il est décédé le 16 avril 2005 ; que sa veuve Mme Marie-Claude Y..., et ses enfants, M. Anthony X... et Mme Emilie X... (les consorts X... ) ont saisi le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA ) d'une demande d'indemnisation, et ont accepté l'offre d'indemnisation notifiée le 20 octobre 2006 et portant sur les préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux de Pascal X... et sur leurs propres préjudices moraux ; que les consorts X... ont ensuite réclamé l'indemnisation des préjudices économiques subis de son vivant par Pascal X... et, depuis le décès de celui-ci, par sa veuve ; que le FIVA n'ayant pas notifié d'offre dans le délai de six mois, puis ayant notifié une offre au titre du seul préjudice économique subi par Mme Y..., veuve X..., les consorts X... ont saisi la cour d'appel d'une action en contestation de ce refus implicite d'indemniser et en indemnisation ;
Attendu que le FIVA fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à Mme Y..., veuve X... la somme de 136 208,68 euros au titre du préjudice économique viager capitalisé à compter du 1er janvier 2009, avec intérêts au taux légal, alors, selon le moyen :
1°/ qu'un préjudice hypothétique et éventuel ne saurait donner lieu à indemnisation ; qu'en décidant cependant d'indemniser le préjudice économique futur supposé subi par Mme Marie-Claude X... à compter du 1er janvier 2009, quand la réalité d'un tel préjudice est sous la dépendance des revenus futurs à percevoir par la victime par ricochet, revenus dont le montant est, par hypothèse, inconnu à la date à laquelle la cour d'appel saisie d'un recours juridictionnel statue sur l'évaluation du préjudice économique subi, la cour d'appel, qui a indemnisé un préjudice hypothétique et éventuel, a violé l'article 53 I de la loi du 23 décembre 2000, ensemble l'article 1382 du code civil et le principe de la réparation intégrale ;
2°/ que la capitalisation du préjudice économique subi par le conjoint survivant doit être calculée en fonction de l'espérance de vie du conjoint prédécédé, à partir de la date de son décès ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé l'article 53 I de la loi du 23 décembre 2000, ensemble l'article 1382 du code civil et le principe de la réparation intégrale ;
3°/ que dans ses écritures d'appel le FIVA avait fait valoir que la survenue de l'âge de 55 ans pour la veuve Mme X... (étant née le 12 octobre 1954, elle a atteint cet âge le 12 mars 2009) d'une personne décédée d'une maladie professionnelle, est un élément susceptible de faire évoluer sa situation économique (pension de réversion) et d'imposer de ne pas anticiper les calculs d'éventuelles pertes de revenus ; qu'en laissant sans réponse ces chefs de conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que dans ses écritures d'appel le FIVA avait fait valoir que la survenue de la retraite aurait inévitablement entraîné une baisse de revenus du foyer par rapport aux années précédentes ; qu'il précisait que Mme X... n'a pas encore atteint l'âge légal de la retraite, 60 ans, qu'elle aura le 12 mars 2014 et que Pascal X... n'aurait atteint l'âge de la retraite qu'au 13 avril 2012 ; qu'en laissant sans réponse ces chefs de conclusions, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt retient que le préjudice économique futur et viager supporté par Mme Marie-Claude Y..., veuve X... est d'ores et déjà établi, qu'il n'y a pas lieu en conséquence de faire droit à la demande du FIVA tendant à la contraindre à une saisine annuelle pour évaluation du préjudice, que le document intitulé "présentation du barème indicatif du FIVA" dispose sur ce plan qu' "est pris en compte le préjudice économique subi du fait du décès de la victime" ; que, dans ce cadre, le revenu pris en compte intègre la rente d'incapacité de la victime ; qu'en d'autres termes, le capital restant à verser au titre de l'incapacité est pris en compte dans le préjudice des proches qui auraient bénéficié du revenu ainsi généré (conjoint et enfants à charge) dans le cadre du calcul du préjudice économique; que ce capital est servi aux proches sous forme d'une rente (calculée selon l'espérance de vie de l'ayant droit pour le conjoint et jusqu'à l'âge de fin de prise en charge pour les enfants) ; que si la rente versée aux enfants est affectée d'un principe de limitation dans le temps, cela n'est pas le cas en ce qui concerne le conjoint ; que, par ailleurs, les tables de mortalité n'ont qu'une valeur statistique et ne peuvent permettre d'affirmer péremptoirement comme le fait le FIVA que, sans la maladie due à l'amiante, Pascal X... serait nécessairement décédé en 2031 à l'âge de 79 ans, en sorte qu'il est impossible d'imaginer un quelconque préjudice économique indemnisable à compter de l'année 2031 ; qu'il convient en conséquence d'admettre la pertinence du taux de capitalisation que propose Mme Marie-Claude Y..., veuve X... (16,711 euros) et de l'appliquer à la perte arrêtée au 31 décembre 2008 (8 150,84 euros ) ; que le FIVA est donc condamné à payer à Mme Y..., veuve X..., selon sa demande qui tend au règlement du capital représentatif de sa créance, la somme de (8 150,84 X 16,711) = 136 208,68 euros ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations procédant de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve, et en présence d'un désaccord des parties sur la table de capitalisation qu'il convenait de retenir , la cour d'appel , répondant aux conclusions sans être tenue de s'expliquer sur les moyens qu'elle écartait, a pu décider que la rente servie à Mme X... au titre de ce poste de préjudice devait être capitalisée selon l'euro de rente du barème viager en fonction de l'âge de la veuve au jour du décès de Pascal X... ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ,
Condamne le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils pour le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante
LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR condamné le FIVA à payer à Madame Marie-Claude Y... veuve X... la somme de 136.208.68 € au titre du préjudice économique viager capitalisé à compter du 1er janvier 2009, ce avec intérêts au taux légal ;
AUX MOTIFS QUE « … s'agissant du préjudice économique futur et viager supporté par Madame Marie-Claude Y... veuve X..., il convient d'observer qu'il est d'ores et déjà établi et qu'il n'y a pas lieu en conséquence de faire droit à la demande du FIVA tendant à la contraindre à une saisine annuelle pour évaluation du préjudice, que le document intitulé "Présentation du barème indicatif du FIVA" dispose sur ce plan qu'"est pris en compte le préjudice économique subi du fait du décès de la victime ; que, dans ce cadre, le revenu pris en compte intègre la rente d'incapacité de la victime ;
qu'en d'autres termes, le capital restant à verser au titre de l'incapacité est pris en compte dans le préjudice des proches qui auraient bénéficié du revenu ainsi généré (conjoint et enfants à charge) dans le cadre du calcul du préjudice économique ; que ce capital est servi aux proches sous forme d'une rente (calculée selon l'espérance de vie de l'ayant-droit pour le conjoint et jusqu'à l'âge de fin de prise en charge pour les enfants) ; qu'il ressort de cet exposé dont la formulation essentielle est ci-dessus soulignée que si la rente versée aux enfants est affectée d'un principe de limitation dans le temps, cela n'est pas le cas en ce qui concerne le conjoint ; que, par ailleurs, les tables de mortalité n'ont qu'une valeur statistique et ne peuvent permettre d'affirmer péremptoirement comme le fait le FIVA que, sans la maladie due à l'amiante, Monsieur Pascal X... serait nécessairement décédé en 2031 à l'âge de 79 ans, en sorte qu'il est impossible d'imaginer un quelconque préjudice économique indemnisable à compter de l'année 2031 ; qu'il convient en conséquence d'admettre la pertinence du taux de capitalisation que propose Madame Marie-Claude Y... veuve X... (16.711) et de l'appliquer à la perte arrêtée au 31 décembre 2008 (8.150.84 €) ; que le FIVA est donc condamné à payer à Madame Marie-Claude Y... veuve X..., selon sa demande qui tend au règlement du capital représentatif de sa créance, la somme de (8.150.84 € X 16.711) = 136.208.68 € ».
1°/ ALORS, d'une part, QU 'un préjudice hypothétique et éventuel ne saurait donner lieu à indemnisation ; qu'en décidant cependant d'indemniser le préjudice économique futur supposément subi par Madame Marie-Claude X... à compter du 1er janvier 2009, quand la réalité d'un tel préjudice est sous la dépendance des revenus futurs à percevoir par la victime par ricochet, revenus dont le montant est, par hypothèse, inconnu à la date à laquelle la Cour d'appel saisie d'un recours juridictionnel statue sur l'évaluation du préjudice économique subi, la Cour d'appel, qui a indemnisé un préjudice hypothétique et éventuel, a violé l'article 53 I de la loi du 23 décembre 2000, ensemble l'article 1382 du Code civil et le principe de la réparation intégrale ;
2°/ ALORS, d'autre part, QUE (subsidiaire) , la capitalisation du préjudice économique subi par le conjoint survivant doit être calculée en fonction de l'espérance de vie du conjoint prédécédé, à partir de la date de son décès ; qu'en décidant du contraire, la Cour d'appel a violé l'article 53 I de la loi du 23 décembre 2000, ensemble l'article 1382 du Code civil et le principe de la réparation intégrale ;
3°/ ALORS, encore, QUE (subsidiaire) , dans ses écritures d'appel (concl., p. 8), le FIVA avait fait valoir que la survenue de l'âge de 55 ans pour la veuve (Madame X... étant née le 12 octobre 1954, elle a atteint cet âge le 12 mars 2009) d'une personne décédée d'une maladie professionnelle est un élément susceptible de faire évoluer sa situation économique (pension de réversion) et d'imposer de ne pas anticiper les calculs d'éventuelles pertes de revenus ; qu'en laissant sans réponse ces chefs de conclusions, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
4°/ ALORS, enfin, QUE (subsidiaire) , dans ses écritures d'appel (concl., p. 8-9), le FIVA avait fait valoir que la survenue de la retraite aurait inévitablement entraîné une baisse de revenus du foyer par rapport aux années précédentes ; qu'il précisait que Madame Marie-Claude X... n'a pas encore atteint l'âge légal de la retraite, 60 ans, qu'elle aura le 12 mars 2014 et que Monsieur Pascal X... n'aurait atteint l'âge de la retraite qu'au 13 avril 2012 ; qu'en laissant sans réponse ces chefs de conclusions, la Cour d'appel a derechef violé l'article 455 du Code de procédure civile.