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28/02/2012 | FRANCE | N°11-81402

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 février 2012, 11-81402


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- l'Union générale tunisienne du travail, partie civile,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 6e section, en date du 30 novembre 2010, qui a déclaré irrecevable sa constitution de partie civile contre personne non dénommée du chef d'apologie de crime de guerre ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6, 13 et 14 de la Convention européenne des droits de

l'homme, 24, alinéa 5, 47, 48, 48-2 de la loi du 29 juillet 1881, 2, 2-5, 3, 591 à 593 ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- l'Union générale tunisienne du travail, partie civile,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 6e section, en date du 30 novembre 2010, qui a déclaré irrecevable sa constitution de partie civile contre personne non dénommée du chef d'apologie de crime de guerre ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6, 13 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, 24, alinéa 5, 47, 48, 48-2 de la loi du 29 juillet 1881, 2, 2-5, 3, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de l'UGTT ;

"aux motifs qu'en vertu de l'article 1 de ses statuts, l'UGTT est une organisation syndicale nationale, démocratique, indépendante de toute organisation politique qui regroupe tous les travailleurs, intellectuels et manuels ainsi que les travailleurs retraités ; que ses objectifs définis à l'article 2 ne prévoient pas qu'elle ait pour mission de défendre les intérêts moraux et l'honneur de la résistance ou des déportés, condition exigée par l'article 48-2 de la loi du 29 juillet 1881 pour qu'une association puisse être recevable à exercer des droits de la partie civile en matière d'apologie de crime de guerre ; que l'apologie de crime de guerre ne figure pas parmi les infractions de l'article 48 de la loi sur la presse qui accorde à la partie civile le droit d'exercer les poursuites de certaines infractions, par dérogation à l'article 47 de la même loi qui réserve au ministère public la mise en oeuvre de l'action publique des délits commis par voie de presse ; que, si, en application des articles 47, 48, et 48-2 de la loi du 29 juillet 1881, seul le ministère public et certaines associations peuvent mettre en mouvement l'action publique dans le cas du délit prévu à l'article 24, alinéa 5 de la même loi, la partie qui s'estime lésée par les propos constitutif de ce délit a la faculté, soit d'intervenir dans l'instance pénale qui aura été engagée sur l'initiative du ministère public ou d'une association habilité, soit d'engager une action civile séparément de l'action publique ; qu'il s'ensuit que les dispositions de la loi de la presse ne sont pas incompatibles avec le principe du droit à un procès, qui n'est pas absolu, garanti par la Convention européenne des droits de l'homme ; que les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 s'appliquent sans distinction de l'origine nationale des parties ; que, dès lors, il n'y a pas de violation de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

"1) alors que toute personne morale étrangère, qui se prétend victime d'une infraction, est habilitée à se constituer partie civile, devant une juridiction française, dans les conditions prévues par l'article 2 du code de procédure pénale, même si elle ne remplit pas les conditions exigées par les articles 48 et suivants de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'en refusant à l'UGTT de mettre en mouvement l'action publique pour des faits qualifiés d'apologie de crime de guerre, parce qu'elle n'a pas pour mission de défendre les intérêts moraux et l'honneur de la résistance ou des déportés, condition exigée par l'article 48-2 de la loi du 29 juillet 1881, inapplicable à une association étrangère, la chambre de l'instruction a violé les textes et principes susvisés, notamment les articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

"2) alors que le droit d'accès à un juge doit être concret et effectif et ne saurait être restreint d'une façon disproportionnée ; qu'en déclarant la constitution de partie civile l'UGTT irrecevable, en relevant qu'elle aurait pu intervenir dans l'instance pénale engagée sur l'initiative du ministère public ou d'une association habilitée soit engager une action civile séparément de l'action publique, ce qui ne lui permettait pas de déclencher elle-même l'action publique devant une juridiction pénale, la chambre de l'instruction a violé les textes et principes susvisés, notamment les articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme" ;

Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevable la plainte avec constitution de partie civile du chef d'apologie de crime de guerre portée par l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) à la suite de propos, relatifs à l'assassinat du fondateur du syndicat en 1952, tenus par M. X... lors d'une émission diffusée par la chaîne Al Jazira le 18 décembre 2009, la chambre de l'instruction retient qu'en application des dispositions des articles 47, 48 et 48-2 de la loi du 29 juillet 1881, seuls le ministère public et certaines associations, dont ne fait pas partie l'UGTT, peuvent mettre en mouvement l'action publique sur le fondement de l'article 24, alinéa 5, de la loi sur la liberté de la presse et que ces restrictions, qui s'appliquent sans distinction de l'origine nationale des parties, ne méconnaissent pas les dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, la chambre de l'instruction a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués, en l'absence, pour le demandeur, de tout droit d'action propre à faire jouer les dispositions conventionnelles invoquées ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Guirimand conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 11-81402
Date de la décision : 28/02/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Procédure - Action publique - Mise en mouvement - Apologie de crimes de guerre - Plainte avec constitution de partie civile - Recevabilité - Condition

ACTION PUBLIQUE - Mise en mouvement - Partie civile - Conditions - Recevabilité de l'action civile - Presse - Apologie de crimes de guerre - Condition CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Articles 6 et 13 - Presse - Procédure - Apologie de crimes de guerre - Irrecevabilité de la plainte avec constitution de partie civile - Compatibilité

Selon les dispositions des articles 47, 48 et 48-2 de la loi du 29 juillet 1881, seuls le ministère public et certaines associations spécifiées par le dernier de ces textes peuvent mettre en mouvement l'action publique en ce qui concerne l'infraction d'apologie de crimes de guerre prévue par l'article 24, alinéa 5, de la loi du 29 juillet 1881. En conséquence, c'est à bon droit que, par application de ces textes et en l'absence d'un droit d'action propre à faire jouer les articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, la chambre de l'instruction confirme l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevable la plainte avec constitution de partie civile portée, du chef d'apologie de crimes de guerre, par une organisation syndicale de droit étranger, à raison de propos relatifs à l'assassinat du fondateur du syndicat, en retenant que les restrictions légales, qui s'appliquent sans distinction de l'origine nationale des parties, ne méconnaissent pas les dispositions de ladite Convention


Références :

articles 24, alinéa 5, 47, 48 et 48-2 de la loi du 29 juillet 1881

articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 30 novembre 2010

A rapprocher :Crim., 12 novembre 2003, pourvoi n° 02-84709, Bull. crim. 2003, n° 212 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 fév. 2012, pourvoi n°11-81402, Bull. crim. criminel 2012, n° 57
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2012, n° 57

Composition du Tribunal
Président : M. Louvel
Avocat général : M. Cordier
Rapporteur ?: Mme Guirimand
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 12/09/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.81402
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