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15/02/2012 | FRANCE | N°10-22899

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 15 février 2012, 10-22899


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 juin 2010) que se plaignant du refus de Mme X... de les autoriser à poser un échafaudage sur sa propriété pendant le temps nécessaire à la réalisation des travaux de réfection de la toiture de leur pavillon, les époux Y... ont assigné leur voisine pour obtenir l'autorisation d'y procéder ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ qu'un propriétaire ne peut être

tenu de souffrir le passage d'un voisin sur son fonds à l'effet de réaliser des...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 juin 2010) que se plaignant du refus de Mme X... de les autoriser à poser un échafaudage sur sa propriété pendant le temps nécessaire à la réalisation des travaux de réfection de la toiture de leur pavillon, les époux Y... ont assigné leur voisine pour obtenir l'autorisation d'y procéder ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ qu'un propriétaire ne peut être tenu de souffrir le passage d'un voisin sur son fonds à l'effet de réaliser des travaux que pour autant que ceux-ci concernent une partie de l'immeuble du voisin qui serait autrement physiquement inaccessible, telle qu'un mur situé en limite de propriété ; qu'en revanche, le voisin ne dispose pas d'un " tour d'échelle " pour réaliser des travaux sur une partie de son immeuble qui n'est pas physiquement inaccessible depuis sa propriété ; qu'au cas d'espèce, en contraignant Mme X... à subir l'installation d'un échafaudage sur son fonds à l'effet de permettre à ses voisins M. et Mme Y... de procéder à des réparations sur le toit de leur maison, sans constater que cette partie de leur immeuble était physiquement inaccessible depuis leur propre fonds, les juges du fond n'ont pas donné de base légale à leur décision au regard de l'article 544 du code civil ;
2°/ que le bénéfice d'un " tour d'échelle ", permettant à un propriétaire d'imposer au propriétaire voisin un passage voire une installation temporaire sur son fonds à l'effet de réaliser des travaux ne peut être accordé que pour autant qu'il s'agisse du seul moyen possible pour y parvenir ; qu'au cas d'espèce, en condamnant Mme X... à supporter l'installation d'un échafaudage sur son fonds pour permettre à ses voisins M. et Mme Y... de procéder à des réparations sur la toiture de leur maison, en retenant qu'il s'agissait du seul moyen possible pour y parvenir, excluant par principe le recours à d'autres moyens au motif que ceux-ci seraient trop onéreux, quand le coût des moyens alternatifs de réaliser les travaux était insuffisant à conclure qu'il s'agissait du seul moyen possible justifiant l'atteinte aux prérogatives du propriétaire, les juges du fond ont violé l'article 544 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté la nécessité de réaliser des travaux sur la toiture du pavillon des époux Y... du côté de la propriété de Mme X..., le refus du maire de la commune de voir installer une nacelle en vue d'effectuer ces travaux à partir de la voie publique, sans passage sur le fonds de Mme X... et le coût disproportionné de toute autre solution au regard de la valeur des travaux à effectuer, la cour d'appel, qui a souverainement retenu qu'il n'existait aucun autre moyen pour réaliser ces travaux que de passer sur le terrain de Mme X... et en a déduit que celle-ci ne pouvait, sous peine de commettre un abus de droit, s'opposer à l'installation d'un échafaudage en éventail ou sur pieds dans la propriété voisine pour une durée de trois semaines, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... ; la condamne à payer aux époux Y... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour Mme X...

L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a dit que Mme X... devra autoriser la pose sur sa propriété d'un échafaudage en éventail ou sur pieds pour la réfection du versant nord de la couverture du pavillon de M. et Mme Y..., à l'aplomb et pendant une durée de trois semaines et dit qu'en cas d'obstruction de Mme X... dans la réalisation de l'échafaudage, elle pourra être contrainte d'y laisser procéder moyennant une astreinte de 100 € par jour de retard ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Mme X... conclut que M. A... n'a pas répondu à plusieurs points de sa mission, qu'il n'a pas décrit avec précision ce qui est prévu pour le remplacement des châssis à tabatières sur la couverture à remanier, qu'il n'apporte aucune précision quant au remplacement des gouttières et descentes d'eaux pluviales, qu'il n'a pas répondu à la question de savoir si les travaux peuvent être effectués sans passage sur le fonds voisin, qu'il n'a pas décrit l'emprise des échafaudages et ne donne aucune précision par rapport au rideau végétal planté par Mme X... pour se protéger des vues directes, qu'il n'a pas répondu sur l'importance du trouble de jouissance, qu'il n'a pas pris en compte le risque d'effondrement des dépendances anciennes et vétustes de Mme X..., et ne préconise aucune mesure de sauvegarde pour les bâtiments ; que l'appelante sollicite au principal un complément d'expertise et subsidiairement elle indique maintenir son refus d'autorisation de passage sur son fonds qui porterait atteinte à son droit de propriété ; qu'il convient de rappeler que la demande principale des époux Y... tend à être autorisés à poser, de façon provisoire, dans la propriété de Mme X... un échafaudage leur permettant de faire effectuer les travaux de réfection de leur toiture ; que M. A... a répondu à chacun des points de sa mission de manière complète :- il a constaté contradictoirement que le pavillon des époux Y... dispose d'une toiture à deux pentes et d'une couverture en petites tuiles dont un versant, côté propriété de Mme X..., est désorganisé et nécessite d'être repris (gouttières et descentes),- il décrit au paragraphe V. 3 de son rapport de façon précise les travaux envisagés par les époux Y...,- il indique que le maire de Magny les Hameaux a donné un avis défavorable à toute installation d'une nacelle en vue d'effectuer les travaux depuis la voie sans passage sur le fonds de Mme X..., refus motivé par des raisons de circulation et de sécurité, en sorte qu'il est indispensable pour les couvreurs de recourir à un échafaudage pour réaliser les travaux,- M. A... a également écarté le recours à un hélicoptère ou la mise en place d'une grue, solutions sans rapport avec le coût des travaux à effectuer,- il a, en conclusion de son rapport, confirmé la nécessité d'autoriser la pose d'un échafaudage en éventail ou sur pied pour la réfection du versant nord de la couverture du pavillon des époux Y... à l'aplomb, pendant une durée de trois semaines,- il a indiqué que cet échafaudage peut être installé avec une plate-forme de circulation en encorbellement (éventail) d'un mètre sans empiètement sur le sol de Mme X... ou fixé sur le sol, que l'intervention dans la propriété de Mme X... pour l'installation de l'échafaudage représente une demi-journée voire une journée avec la mise en place des protections, qu'il en sera de même pour sa dépose en fin de chantier, que les passages sur l'échafaudage devraient s'effectuer depuis la propriété Y...,- il a préconisé la pose d'une clôture provisoire, type palissade tôle ou bâche en pied sur 1, 80 m pour neutraliser la zone de passage nécessaire à l'exécution des travaux durant les jours et heures autorisés par la commune ; il a précisé qu'il n'est pas à exclure que la feuille de zinc sur l'appentis soit déposée et remplacée à défaut d'être protégée et enjambée à l'aide d'une échelle disposée sur le trottoir en accord avec la mairie de Magny les Hameaux, mais qu'aucune disposition autre n'est à prendre en ce qui concerne les préservations de biens immobiliers vu l'éloignement,- au paragraphe V. 6 de son rapport, M. A... a répondu de façon détaillée au point de la mission lui demandant de décrire l'état des biens immobiliers ou des végétaux susceptibles de subir des dégradations du fait des travaux et les protections réalisables, indiquant notamment que le jardin de Mme X... à l'emplacement dudit échafaudage " relève plus de la friche " et que la végétation n'exige pas de protection particulière sauf un pare-gravats côté jardin ou un polyane au sol,- il a conclu que l'intervention limitée dans le temps n'est pas génératrice de gêne de voisinage autre que celle normale, ni de dégradations dans la propriété de Mme X... ; qu'il convient de relever que M. A... n'envisage à aucun moment un risque d'effondrement de dépendances appartenant à Mme X... ; que le rapport de M. A... est complet et son avis argumenté en sorte qu'il n'y a pas lieu à un complément d'expertise ; qu'il convient de préciser, s'agissant du sort du châssis à tabatière qui selon Mme X... ne peut pas être remplacé par un velux sous peine de porter atteinte à l'état des lieux, qu'il résulte des pièces du dossier que l'architecte des bâtiments de France a donné un avis favorable avec des recommandations précises pour la réfection de la toiture ; qu'en l'état des conclusions de l'expertise judiciaire, il n'existe aucune autre solution pour réaliser les travaux indispensables sur la couverture des époux Y... que de passer sur le terrain de Mme X... pour installer un échafaudage, pour une durée de trois semaines ; que Mme X... ne peut, sous peine de commettre un abus de droit, s'opposer sans raisons valables, à la demande des époux Y... » (arrêt, p. 5-6) ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'« il n'existe pas de servitude légale correspondant à la demande de M. et Mme Y..., qui ressortit au domaine général des obligations de voisinage ; que l'atteinte du droit de propriété d'autrui, en raison du caractère d'ordre public de ce droit, doit être limitée au strict nécessaire ; qu'en l'espèce, les opérations d'expertise ont montré que :- la réparation de la pente de toit de M. et Mme Y... du côté de la propriété de Mme X... est nécessaire et urgente,- il n'existe pas d'autre moyen pour les réaliser que de faire poser un échafaudage sur la propriété de Mme X.... En effet, l'expert a évoqué la possibilité de travailler depuis un camion nacelle placé sur la voie publique, mais cette solution a été éliminée compte tenu/ de l'opposition de la mairie au stationnement du camion sur la voie publique et si Mme X... évoque une possibilité de faire travailler les ouvriers à contre-pente avec un harnais, cette technique n'a pas, même en substance, été exposée à l'expert qui avait pourtant accordé, pour ce faire, un délai, qu'il a prolongé, pour produire l'attestation en cause, de sorte qu'elle n'a pas été validée, que rien n'établit que cette attestation aurait été souscrite par un professionnel compétent, et qu'il pourrait exister différentes objections tenant notamment à la sécurité des compagnons couvreurs...- si Mme X... évoque une gêne dans la concentration nécessaire à son travail, il n'apparaît pas que ce trouble soit suffisant pour justifier par lui-même une indemnisation ni disproportionné par rapport à la nécessité des travaux de M. et Mme Y.... En effet, la durée prévisible des travaux est de l'ordre de trois semaines maximum et, au surplus, Mme X..., qui fait état de son âge de 75 ans et ne produit pas de preuve d'une activité postérieure à 1999, doit pouvoir aménager son travail pour subir une moindre gêne, dès lors que ces travaux ont été envisagés de longue date ;- il n'est pas envisagé que les travaux puissent causer des désordres à la propriété de Mme X... compte tenu de la nature de la végétation et des constructions existant à l'endroit prévu pour l'emplacement de l'échafaudage, si pourtant des dommages y étaient causés, les constatations effectuées permettraient des les constater et de les évaluer aisément ; qu'il convient en conséquence de faire droit à la demande, en prévoyant l'exécution provisoire, compte tenu de l'urgence » (jugement, p. 5-6) ;

ALORS QUE, premièrement, un propriétaire ne peut être tenu de souffrir le passage d'un voisin sur son fonds à l'effet de réaliser des travaux que pour autant que ceux-ci concernent une partie de l'immeuble du voisin qui serait autrement physiquement inaccessible, telle qu'un mur situé en limite de propriété ; qu'en revanche, le voisin ne dispose pas d'un « tour d'échelle » pour réaliser des travaux sur une partie de son immeuble qui n'est pas physiquement inaccessible depuis sa propriété ; qu'au cas d'espèce, en contraignant Mme X... à subir l'installation d'un échafaudage sur son fonds à l'effet de permettre à ses voisins M. et Mme Y... de procéder à des réparations sur le toit de leur maison, sans constater que cette partie de leur immeuble était physiquement inaccessible depuis leur propre fonds, les juges du fond n'ont pas donné de base légale à leur décision au regard de l'article 544 du code civil ;
ALORS QUE, deuxièmement, le bénéfice d'un « tour d'échelle », permettant à un propriétaire d'imposer au propriétaire voisin un passage voire une installation temporaire sur son fonds à l'effet de réaliser des travaux ne peut être accordé que pour autant qu'il s'agisse du seul moyen possible pour y parvenir ; qu'au cas d'espèce, en condamnant Mme X... à supporter l'installation d'un échafaudage sur son fonds pour permettre à ses voisins M. et Mme Y... de procéder à des réparations sur la toiture de leur maison, en retenant qu'il s'agissait du seul moyen possible pour y parvenir, excluant par principe le recours à d'autres moyens au motif que ceux-ci seraient trop onéreux, quand le coût des moyens alternatifs de réaliser les travaux était insuffisant à conclure qu'il s'agissait du seul moyen possible justifiant l'atteinte aux prérogatives du propriétaire, les juges du fond ont violé l'article 544 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 10-22899
Date de la décision : 15/02/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROPRIETE - Voisinage - Immeuble - Réparation - Autorisation temporaire de passage sur le fonds voisin - Conditions - Détermination

Ayant constaté la nécessité de réaliser des travaux sur la toiture du pavillon, le refus du maire de la commune de voir installer une nacelle en vue d'effectuer ces travaux de la voie publique et le coût disproportionné de toute autre solution au regard de la valeur des travaux à effectuer, la cour d'appel a souverainement retenu qu'il n'existait aucun autre moyen pour réaliser ces travaux que de passer sur le terrain appartenant au voisin. Elle en a, dès lors, exactement déduit que celui-ci ne pouvait, sous peine de commettre un abus de droit, s'opposer à l'installation temporaire d'un échafaudage en éventail ou sur pieds sur son terrain et a ainsi légalement justifié sa décision


Références :

article 544 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 10 juin 2010

Sur l'autorisation temporaire de pénétrer sur le fonds voisin en vue de réaliser des travaux sur son propre immeuble, à rapprocher :1re Civ., 14 décembre 1955, pourvoi n° 1.808., Bull. 1955, I, n° 447 (rejet) ;

3e Civ., 15 avril 1982, pourvoi n° 80-17108, Bull. 1982, III, n° 93 (rejet) ;

2e Civ., 8 janvier 1992, pourvoi n° 90-17870, Bull. 1992, II, n° 10 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 15 fév. 2012, pourvoi n°10-22899, Bull. civ. 2012, III, n° 32
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, III, n° 32

Composition du Tribunal
Président : M. Terrier
Avocat général : M. Bailly
Rapporteur ?: Mme Manes-Roussel
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.22899
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