La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/01/2012 | FRANCE | N°10-27947

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 05 janvier 2012, 10-27947


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 30 septembre 2010), que M. X..., qui exerce une activité agricole sur une parcelle louée à M. Y..., a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux aux fins de voir qualifier cette location de bail rural soumis au statut du fermage ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter son contredit à l'encontre du jugement par lequel le tribunal paritaire s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance, alors, se

lon le moyen :
1°/ que le tribunal paritaire des baux ruraux est seul co...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 30 septembre 2010), que M. X..., qui exerce une activité agricole sur une parcelle louée à M. Y..., a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux aux fins de voir qualifier cette location de bail rural soumis au statut du fermage ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter son contredit à l'encontre du jugement par lequel le tribunal paritaire s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance, alors, selon le moyen :
1°/ que le tribunal paritaire des baux ruraux est seul compétent pour connaître des contentieux entre bailleurs et preneurs de baux ruraux, relatifs à l'application du livre IV du code rural et de la pêche maritime relatif au statut du fermage ; que toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploitation pour y exercer une activité agricole définie à l'article L. 311- 1 est régie par le statut du fermage, qu' est nécessairement soumise au statut des baux ruraux la location à titre onéreux en vue de faire pacager des chevaux d'élevage ; que dès lors, en statuant comme elle la fait pour écarter la compétence du tribunal paritaire des baux ruraux tout en constatant que M. X... était locataire du pré depuis le 15 octobre 2002 et se prévalait d'un reçu de paiement ce qui correspondait à une mise à disposition à titre onéreux d'un bien à usage agricole en vue de l'exploiter, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de articles L. 311-1, L. 411-1 et L. 491-1 du code rural et de la pêche maritime ;
2°/ qu'en statuant encore comme elle l'a fait sans rechercher si, en toute hypothèse, M. X... ne pouvait se prévaloir de l'existence d'un bail rural à compter du 1er janvier 2007, en vue de mettre en valeur un pré pour y exercer une activité équestre, de nature agricole au sens de l'article L. 311-1 du code rural, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 311-1 , L. 411-1 et L. 4191-1 du code rural et de la pêche maritime ;
3°/ que le tribunal paritaire des baux ruraux est compétent pour se prononcer sur la nature des conventions d'occupation précaire visées à l'article L. 411-2 du code rural ; que cependant, il y a convention d'occupation précaire remplissant les conditions de l'article L. 411-2-3° du code rural lorsque le caractère temporaire de l'exploitation résulte à l'évidence des autorisations annuelles délivrées à l'occupant et des conditions dans lesquelles il a pris possession des lieux, alors qu'on se trouve en présence d'une obligation de changer la destination agricole des lieux ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, tout en constatant que la convention verbale liant les parties portait sur la mise en valeur à titre onéreux d'un pré en vue du pacage de chevaux et ne permettait pas au preneur de connaître des projets ultérieurs d'un éventuel changement de destination envisagé par le propriétaire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 411-2 et L. 491-1 du code rural et de la pêche maritime ;
Mais attendu qu'ayant relevé que M. X... prétendait au bénéfice d'un bail rural sur la parcelle litigieuse depuis le 1er janvier 2007, qu'il avait été délivré au propriétaire, en 2006, un certificat d'urbanisme duquel il ressortait que la parcelle litigieuse pouvait être utilisée pour la réalisation d'un projet de construction à usage d'habitation, que M. X... ne pouvait ignorer, dès le début de son activité de centre équestre, que la destination agricole de la parcelle était susceptible d'être modifiée, qu'il se prévalait en avoir été locataire depuis plusieurs années par renouvellements annuels successifs, qu'il n'avait pas déclaré, entre 2003 et 2009, exploiter cette parcelle auprès des services de la caisse de mutualité sociale agricole et que le propriétaire lui avait confirmé, dans une lettre du 10 janvier 2008, qu'il occupait les parcelles en attendant leur vente, la cour d'appel, qui a pu en déduire que MM. Y... et X... étaient liés par une convention d'occupation précaire au sens de l'article L. 411-2 du code rural et de la pêche maritime, a retenu, à bon droit, que le tribunal paritaire des baux ruraux était incompétent pour connaître du litige ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... à payer à M. Y... la somme de 2 500 euros et aux époux Z... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, statuant en matière de contredit, d'avoir, par confirmation du jugement entrepris, dit que le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux était incompétent pour statuer sur la qualification de la convention liant M. X... à M. Y... et qu'il convenait de renvoyer le litige au Tribunal de grande instance de CHARTRES ;
AUX MOTIFS QUE l'article L. 411-1 alinéa 1er du Code rural édicte : « Toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l'article L. 311-1 est régie par les dispositions du présent titre, sous les réserves énumérées à l'article L. 411-2. Cette disposition est d'ordre public » ; que les conditions d'application du statut du fermage sont donc une mise à disposition à titre onéreux, qui doit porter sur des biens à usage agricole et qui doit être effectuée en vue d'une exploitation agricole ; s'agissant de ce dernier point, l'article L. 311-1 du code rural, définissant les activités agricoles, a été complété par la loi 2005-157 du 23 février 2005 consacrée au développement des territoires ruraux (publiée au J.O. du 24 février 2005). Sont désormais réputées agricoles « les activités de préparation et d'entraînement des équidés domestiques en vue de leur exploitation, à l'exclusion des activités de spectacle » ; qu'il convient de rappeler que cette loi s'applique aux baux conclus ou renouvelés postérieurement à sa promulgation, ainsi que le précise l'article 105-1 de la loi 2006-11 d'orientation agricole du 05 janvier 2006 ; qu'en premier lieu, si l'on considère que M. X... , qui n'indique précisément ni à quelle date le bail verbal dont il se prévaut a débuté ou à quelle date il a pris possession de la parcelle, ni à quelles dates précises le bail aurait fait l'objet de renouvellements, indique cependant qu'il en bénéficie « depuis plusieurs années » et se prévaut d'un reçu de paiement en date du 15 octobre 2002, il convient de relever qu'à cette époque, l'article L. 311-1 n'incluait pas parmi les activités agricoles « les activités de préparation et d'entraînement des équidés domestique en vue de leur exploitation » ; qu'en second lieu, il résulte des pièces versées aux débats que M. Laurent X... a été inscrit au registre du commerce et des sociétés de CHARTRES du 20 décembre 1994 jusqu'au 31 décembre 2006, date de sa radiation, avec pour activité celle de commerce de gros d'animaux vivants, activité dont le siège social était fixée au COUDRAY (Eure et Loir) 16 rue de la Croix Chaussant ; qu'il résulte tant du certificat d'identification Insee que de la déclaration de création d'entreprise que M. X... a fait à la MSA qu'il a déclaré comme date du début de son activité de centre équestre avec l'exercice d'une activité d'élevage la date du 1er janvier 2007, ce qui correspond à sa radiation du RCS ; que cette nouvelle activité avait un autre lieu d'implantation « la Galopade » place Charles Moulin à SAINT PREST (Eure et Loir) ; qu'en outre, dans ladite déclaration de création d'entreprise, M. X... a déclaré auprès de la MSA que son régime était alors celui d'un non salarié non agricole ; que M. X... ne peut arguer d'une inscription depuis 2001 au seul vu d'une attestation du directeur de la MSA BEAUCE COEUR DE LOIRE en qualité de « cotisant de solidarité » ; document qui ne démontre en rien qu'antérieurement au 1er janvier 2007, il aurait exercé une activité agricole susceptible de lui donner le bénéfice du statut du fermage ; qu'il convient de relever que dans le dernier état de ses demandes devant la Cour , M. X... ne prétend plus au bénéfice d'un bail rural sur la parcelle AE 377 que depuis le 1er janvier 2007 ; que l'article L. 411-2 du Code rural prévoit que les dispositions de l'article L. 411-1 ne sont pas applicables aux conventions d'occupation précaire Tendant à l'exploitation temporaire d'un bien dont l'utilisation principale n'est pas agricole ou dont la destination agricole doit être changée ; qu'un certificat d'urbanisme demandé par M. Y... le 23 mai 2006 pour la parcelle AE 377 et la parcelle voisine AE 496 en vue d'un projet de construction à usage d'habitation lui a été délivré le 27 novembre 2006 ; Il résulte de ce document que ces parcelles pouvaient être utilisées pour la réalisation de l'opération immobilière projetée et sur le plan qui y est joint en ce qui concerne la division de la parcelle AE 377 (surface d'origine de 22 000 m2 environ) outre l'attribution de 3 parcelles, y figure la mention des pâturages attribués à M. X... pour 17 600 m2 ; qu'aux termes d'une lettre du 6 juillet 2006, M. Arnaud Y... a écrit aux époux Z... qu'il mettait en vente la parcelle AE 377 qui borde leur propriété, et que le « locataire actuel » ne se portait plus acquéreur du reste des prés compte tenu de la hausse des prix ; que sans qu'il y ait lieu de s'attacher à la qualification donnée par la partie elle-même, M. X... qui était déjà occupant de cette parcelle et candidat à son acquisition au moins pour partie, ne pouvait ignorer que la destination agricole de la parcelle était susceptible d'être modifiée et ce dès le début de son activité de centre équestre ; que la lettre du 10 janvier de M. Y... à M. X... ne fait que confirmer que ce dernier occupait les prés en attendant la vente de ceux-ci ; qu'il convient d'ajouter qu'aucune déclaration de la parcelle AE 377 n'a été enregistrée à la MSA d'Eure et Loire pour les années 2003 à 2009 et que M. X... se prévaut d'avoir été locataire du pré depuis plusieurs années par renouvellements successifs « annuels » ; qu'enfin, à la suite d'un courrier du 22 janvier 2008 de M. Y... qui lui indiquait « … vous nous avez informés que vous n'êtes toujours pas en mesure de vous porter acquéreur de nos 5 parcelles dans lesquelles vous avez mis vos chevaux, malgré la patience dont nous avons fait preuve jusqu'à présent, nous ne pouvons vous le réserver plus longtemps et procéderons à la vente de celles-ci prochainement. Ainsi nous vous demandons de nous les restituer selon nos accords lorsque vous en avez pris possession, dans l'état où nous vous les avions confiées, libres de toutes occupation, avec un préavis ne pouvant excéder 3 mois » M. X... a, par courrier du 16 avril 2008, répondu : - qu'il confirmait qu'il serait bien en mesure de lui restituer sa parcelle en date du 24 avril prochain, « comme convenu dans votre courrier du 22 janvier 2008 ; - que conformément à sa demande de remise en état, il avait déjà procédé à un certain nombre de travaux ; - « qu'afin de ne pas détériorer vos parcelles, j'ai reporté dès que la météo le permettra, l'enlèvement des buses que j'avais mis dans le fossé et le terrassement du gué entre vos deux parcelles. J'ai bien noté que pour effectuer ces derniers travaux, je devrais obtenir votre autorisation d'accès, ou celle du futur propriétaire, M. A..., selon la date de réalisation. Depuis quelques jours, j'ai retiré les derniers animaux occupant les prés et celle-ci est désormais libre de toute occupation » ; qu'il résulte de cet échange de courriers que les conditions de libération de la parcelle acceptées par M. X... , en dehors de toute durée minimale d'ordre public applicable en matière de baux ruraux même verbaux, confirment sans équivoque l'existence d'une convention d'occupation précaire et non d'un bail rural ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux est seul compétent pour connaître des contentieux entre bailleurs et preneurs de baux ruraux, relatifs à l'application du Livre IV du Code rural et de la pêche maritime relatif au statut du fermage ; que toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploitation pour y exercer une activité agricole définie à l'article L. 311-1 est régie par le statut du fermage , qu' est nécessairement soumise au statut des baux ruraux la location à titre onéreux en vue de faire pacager des chevaux d'élevage ; que dès lors, en statuant comme elle la fait pour écarter la compétence du Tribunal Paritaire des Baux Ruraux tout en constatant que M. X... était locataire du pré depuis le 15 octobre 2002 et se prévalait d'un reçu de paiement ce qui correspondait à une mise à disposition à titre onéreux d'un bien à usage agricole en vue de l'exploiter, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de articles L. 311-1, L. 411-1 et L. 491-1 du Code rural et de la pêche maritime ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en statuant encore comme elle l'a fait sans rechercher si, en toute hypothèse, M. X... ne pouvait se prévaloir de l'existence d'un bail rural à compter du 1er janvier 2007, en vue de mettre en valeur un pré pour y exercer une activité équestre, de nature agricole au sens de l'article L. 311-1 du Code rural, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 311-1 , l. 411-1 et L. 4191-1 du Code rural et de la pêche maritime ;
ALORS, ENFIN, QUE le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux est compétent pour se prononcer sur la nature des conventions d'occupation précaire visées à l'article L. 411-2 du Code rural ; que cependant, il y a convention d'occupation précaire remplissant les conditions de l'article L. 411-2-3° du code rural lorsque le caractère temporaire de l'exploitation résulte à l'évidence des autorisations annuelles délivrées à l'occupant et des conditions dans lesquelles il a pris possession des lieux, alors qu'on se trouve en présence d'une obligation de changer la destination agricole des lieux ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, tout en constatant que la convention verbale liant les parties portait sur la mise en valeur à titre onéreux d'un pré en vue du pacage de chevaux et ne permettait pas au preneur de connaître des projets ultérieurs d'un éventuel changement de destination envisagé par le propriétaire, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 411-2 et L. 491-1 du Code rural et de la pêche maritime.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

BAIL RURAL - Tribunal paritaire - Compétence d'attribution - Litiges relatifs aux conventions d'occupation précaires - Exclusion

Les litiges relatifs aux conventions d'occupation précaires mentionnées à l'article L. 411-2 du code rural et de la pêche maritime n'entrent pas dans la compétence des tribunaux paritaires des baux ruraux


Références :

article L. 411-2 du code rural et de la pêche maritime

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 30 septembre 2010

A rapprocher :3e Civ., 14 décembre 1976, pourvoi n° 75-15326, Bull. 1976, III, n° 458 (rejet) ;3e Civ., 20 décembre 1977, pourvoi n° 76-12805, Bull. 1977, III, n° 455 (rejet)


Publications
Proposition de citation: Cass. Civ. 3e, 05 jan. 2012, pourvoi n°10-27947, Bull. civ. 2012, III, n° 2
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, III, n° 2
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Terrier
Avocat général : M. Petit
Rapporteur ?: M. Crevel
Avocat(s) : Me Copper-Royer, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas

Origine de la décision
Formation : Chambre civile 3
Date de la décision : 05/01/2012
Date de l'import : 01/12/2012

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 10-27947
Numéro NOR : JURITEXT000025119737 ?
Numéro d'affaire : 10-27947
Numéro de décision : 31200001
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2012-01-05;10.27947 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award