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30/09/2010 | FRANCE | N°09/04461

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1ère chambre 1ère section, 30 septembre 2010, 09/04461


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 63B



1ère chambre 1ère section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 30 SEPTEMBRE 2010



R.G. N° 09/04461



AFFAIRE :



[N] [T]



C/





S.A. COVEA RISKS

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Mai 2009 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° chambre : 1

N° Section :

N° RG : 07/5723



ExpÃ

©ditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER

SCP BOMMART MINAULT,

REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE TRENTE SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt s...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 63B

1ère chambre 1ère section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 30 SEPTEMBRE 2010

R.G. N° 09/04461

AFFAIRE :

[N] [T]

C/

S.A. COVEA RISKS

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Mai 2009 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° chambre : 1

N° Section :

N° RG : 07/5723

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER

SCP BOMMART MINAULT,

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE TRENTE SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [N] [T] agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal de son fils mineur [V], né le [Date naissance 2] 2000 à [Localité 10] (84)

demeurant [Adresse 5]

[Localité 4]

représenté par la SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER - N° du dossier 20090589

Rep/assistant : Me Roland POYNARD (avocat au barreau de PARIS)

APPELANT

****************

S.A. COVEA RISKS

inscrite au registre du commerce sous le numéro 378 716 419 de Nanterre

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 7] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

représentée par la SCP BOMMART MINAULT - N° du dossier 00037271

Rep/assistant : Me Louis VERMOT (avocat au barreau de PARIS)

Maître [C] [P]

avocat

[Adresse 1]

[Localité 6]

représenté par la SCP BOMMART MINAULT - N° du dossier 00037271

Rep/assistant : Me Louis VERMOT (avocat au barreau de PARIS)

INTIMES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 Septembre 2010, Madame Bernadette WALLON, président ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Bernadette WALLON, président,

Madame Evelyne LOUYS, conseiller,

Madame Dominique LONNE, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT

M. [N] [T] a été opéré le 20 mars 2002 de la colonne vertébrale par le docteur [S] au centre hospitalier d'[Localité 8].

A la suite de cette intervention, il est resté atteint de séquelles d'une paraplégie définitive et a chargé maître [C] [P] de la défense de ses intérêts pour obtenir réparation de son préjudice devant le tribunal administratif.

Par ordonnance du 24 novembre 2006 du président du tribunal administratif de Nîmes, sa requête a été déclarée irrecevable en raison de son caractère tardif.

Par acte d'huissier en date du 5 juin 2007, M. [N] [T], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal de son fils mineur [V] né le [Date naissance 2] 2000, a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Versailles, maître Benoist André, avocat et la société Covea Risks aux fins de voir juger qu'en raison de la faute commise par Me [C] [P], il a été dans l'impossibilité de saisir utilement le tribunal administratif de Nîmes et d'obtenir la liquidation de ses préjudices.

Par jugement en date du 13 mai 2009, le tribunal de grande instance de Versailles a :

- débouté M. [N] [T] de l'intégralité de ses prétentions présentées tant en son nom personnel qu'es-qualitès de représentant légal de son fils mineur [V],

- dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [N] [T] aux entiers dépens.

Appelant, M. [N] [T] agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal de son fils mineur [V], né le [Date naissance 2] 2000, demande à la cour, aux termes de ses conclusions signifiées le 29 avril 2010 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens, de :

- dire l'appel interjeté recevable et bien fondé et y faisant droit,

- infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Versailles en date du 13 mai 2009, et statuant à nouveau,

- dire qu'en raison de la faute commise, il a été dans l'impossibilité de saisir utilement le tribunal administratif de Nîmes lui permettant de faire reconnaître les fautes commises par le docteur [S] au cours de son intervention et d'obtenir l'indemnisation de 80% du préjudice subi au décours de l'opération pratiquée le 20 mars 2002 par ce médecin au centre hospitalier d'Avignon, dans le cadre d'une perte de chance,

- condamner maître [C] [P] et la société Covea Risks in solidum à lui payer à la somme de 537 612,89 euros au titre de son préjudice patrimonial, compte non tenu de la diminution du droit à indemnisation ainsi qu'une rente annuelle viagère d'un montant de 67 980 euros au titre de la tierce personne, payable trimestriellement à compter du 28 novembre 2002, indexée et révisable selon les dispositions de l'article L 434-17 du code de la sécurité sociale et suspendue à compter du 46ème jour en cas d'hospitalisation,

- condamner les mêmes in solidum à lui payer une indemnité d'un montant de 474 750 euros au titre de son préjudice extra patrimonial outre la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamner les mêmes in solidum à payer à [V] [T], représenté par son père, une indemnité d'un montant de 25 000 euros au titre de son préjudice moral et de 15 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence,

- condamner les mêmes in solidum en tous les dépens tant de première instance que d'appel.

La SA Covea Risks et maître [C] [P], aux termes de leurs conclusions signifiées le 14 décembre 2009 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs moyens, demandent à la cour de :

- confirmer le jugement du 13 mai 2009 en toutes ses dispositions,

A titre subsidiaire,

- constater que si le rapport [F] retient dans ses conclusions que l'état actuel de M. [N] [T] est en relation non pas avec le fonctionnement du service mais avec le geste chirurgical, il précise que dans la mesure où il n'existait pas d'alternative thérapeutique à l'intervention, le choix fait par le chirurgien ne peut lui être reproché,

- constater que l'ensemble des avis techniques rendus avant le rapport [F] ne faisait pas partie des éléments soumis à l'analyse du médecin,

- constater que ces avis techniques ont tous conclu à l'absence de faute du médecin,

- dire que, dans ces conditions, ces avis n'auraient pas manqué d'être invoqués devant la juridiction administrative et de diminuer considérablement si ce n'est réduire à néant la portée des conclusions du docteur [F],

- constater, en outre, qu'il résulte de l'avis rendu par l'ONIAM ainsi que de l'intégralité des rapports d'expertises produits que l'accident de santé subi par M. [N] [T] n'est pas sans lien avec son état antérieur,

- dire, par conséquent, que les dommages dont M. [N] [T] recherche l'indemnisation sont sans lien de causalité avec la prestation de l'avocat tenu à une simple obligation de moyens,

- débouter M. [N] [T] de toutes ses prétentions,

A titre infiniment subsidiaire,

- les ramener à de plus justes proportions,

- en tout état de cause, condamner M. [N] [T] à payer, à chacun des défendeurs, 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er juillet 2010.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la faute commise par maître [P]

Considérant que suite à la demande préalable adressée par l'avocat au centre hospitalier d'[Localité 8] en date du 6 avril 2005 sollicitant l'indemnisation du préjudice subi par M. [T] suite à l'intervention chirurgicale pratiquée le 20 mars 2002, un refus a été opposé par le centre hospitalier par lettre datée du 26 mai 2005, réceptionnée le 30 mai suivant ;

Considérant qu'il était expressément mentionné la possibilité de saisir le tribunal administratif dans le délai de deux mois à compter de la réception du refus, expirant donc le 30 juillet suivant ;

Considérant que ce n'est que le 19 septembre 2005 que maître [P] a déposé sa requête soit plus de deux mois après la réponse de l'administration ; que c'est dans ces conditions, que le recours contentieux exercé par M. [T] a été irrecevable comme tardif conformément à l'article R 421-1 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il est incontesté qu'en introduisant un recours tardivement devant le tribunal administratif, maître [P] a commis une faute de nature à engager sa responsabilité professionnelle et que cette faute a fait perdre à M. [T] une chance d'obtenir l'indemnisation des séquelles qu'il conserve devant le tribunal administratif ;

Sur la responsabilité et les chances de M. [T] d'être indemnisé

Considérant que M. [N] [T], âgé de 28 ans lors de l'intervention, a présenté des signes de compression médullaire mise en évidence par une IRM réalisée le 13 mars 2002, au niveau des 10è et 11è vertèbres dorsales en relation avec une hernie dorsale calcifiée ; que l'intervention chirurgicale pratiquée le 20 mars 2002 au centre hospitalier d'[Localité 8], a entraîné une paraplégie flasque liée à une lésion de vascularisation de la moelle épinière au niveau T 10 qui confine définitivement le patient au fauteuil ;

Sur la responsabilité pour faute médicale du [Adresse 9]

Considérant que les experts qui ont examiné M. [T], en particulier le professeur [E] et les docteurs [L] et [Z] désignés par le juge d'instruction du tribunal de grande instance d'Avignon dans le cadre d'une plainte pénale déposée par M. [T] ainsi que le docteur [F], dont l'expertise a été ordonnée par le président du tribunal administratif de Marseille, s'accordent sur le fait que l'état de santé de l'appelant nécessitait une décompression médullaire et qu'il n'existait pas d'alternative thérapeutique à l'intervention ;

Considérant que M. [T] fait grief au chirurgien de ne pas avoir recherché la technique chirurgicale la plus appropriée à son état en faisant réaliser une artériographie médullaire pré-opératoire pouvant fournir un argument complémentaire quant à la voie d'abord opératoire et d'avoir omis de lui prescrire une corticothérapie en prévention de l'oedème lésionnel susceptible d'aggraver la contusion ;

Mais considérant que les experts n'ont caractérisé aucune faute technique de la part du chirurgien lors de l'intervention ; que l'observation du docteur [F] qui relève que l'état actuel de M. [T] relève du geste chirurgical ne caractérise pas une faute à l'égard du docteur [S] ; qu'il ressort des expertises que la voie d'abord postérieure choisie par le praticien est une technique autorisée, même si statistiquement elle s'avère la plus risquée, en l'état des connaissances médicales actuelles et que le choix opéré par le chirurgien, dont aucune règle ne lui impose telle ou telle technique, était motivé par son expérience professionnelle et à sa formation ;

Considérant qu'en outre, il n'a été relevé aucune faute dans l'organisation du service hospitalier ; que les soins préopératoires ont été diligents et la prise en charge post-opératoire conforme aux données acquises de la science ;

Considérant, dès lors, qu'il s'ensuit que M. [T] n'est pas fondé à soutenir que la responsabilité du centre hospitalier d'[Localité 8] serait engagée à raison d'une faute médicale commise par le professeur [S], lors de l'intervention pratiquée le 20 mars 2002 ;

Sur la faute liée au défaut d'information

Considérant que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispensent pas les praticiens de leur obligation ;

Considérant que M. [T] reconnaît avoir été avisé, qu'à défaut d'intervention, il encourait un risque majeur de paralysie mais soutient ne pas avoir été informé des risques susceptibles de découler pour lui du type d'intervention pratiquée le 20 mars 2002 , laquelle lui a seulement été présentée comme urgente et impérative ni des alternatives thérapeutiques qui s'offraient à lui et leurs conséquences ;

Considérant qu'il est constant que le professeur [S] ne s'est entretenu, pour la première fois avec M. [T] que quelques minutes avant l'intervention ; qu'il ne justifie pas du contenu de l'information fournie dont il admet cependant qu'elle a été 'succincte' ; qu'en tout état de cause, une information donnée au patient dans les conditions sus-indiquées prive manifestement le patient d'un choix raisonné et conscient de consentir à l'intervention ou de déterminer la technique pouvant être le mieux adaptée à sa pathologie

Considérant encore que le professeur [S] ne démontre pas davantage avoir été placé dans une hypothèse d'urgence immédiate rendant impossible l'information et privant M .[T] de la faculté de consentir de façon éclairée au principe de l'intervention et au choix de la technique utilisée, les experts ayant fait état de l'application d'un protocole d'urgence différée ;

Considérant ainsi que s'il n'est pas contesté que l'état de santé de M. [T] nécessitait une intervention chirurgicale visant à éliminer une compression médullaire basse révélée lors de l'IRM réalisée le 13 mars 2002, il est avéré que l'appelant n'a été prévenu ni des risques de paraplégie engendrée par le type d'intervention choisi par le chirurgien ni qu'il existait d'autres alternatives thérapeutiques dont tous les experts s'accordent pour dire qu'elles étaient moins dangereuses et moins risquées, 10 % de complications neurologiques pour les voies postéro-latérale et antéro-latérale trans thoracique, contre 60 à 70 % pour la technique utilisée par le professeur [S] par la voie postérieure ;

Considérant que l'absence d'information et de consentement éclairé à la technique retenue a entraîné pour l'intéressé une perte de chance de refuser l'intervention et d'échapper aux complications qui s'en sont suivies ; que la réparation qui incombe à l'établissement hospitalier doit être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;

Considérant qu'à cet égard, compte tenu du rapprochement entre, d'une part, les risques inhérents à l'intervention qui était nécessaire et l'existence d'alternatives thérapeutiques dont tous les experts sont unanimes pour dire qu'elles étaient beaucoup moins dangereuses et risquées et d'autre part le risque qui s'est réalisé, à savoir la paralysie à laquelle elle visait à mettre fin ce que confirme le docteur [F] en concluant que dans l'hypothèse d'une réussite, l'état de M. [T] n'aurait pas été identique à celui qu'il conserve, la réparation des dommages résultant de la perte de chance doit être fixée à 45 % des conséquences dommageables de l'intervention subie ;

Considérant que par la faute de l'avocat, maître [P] telle qu'elle a été caractérisée ci-avant et compte tenu des circonstances exposées, M. [T] a perdu une chance réelle et sérieuse de se voir indemniser de son préjudice corporel ;

Que la réparation d'une perte de chance ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée de sorte qu'au total, il importe d'évaluer la perte de chance de M. [T] d'obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel à une fraction de 40 % des différents chefs de préjudices subis ;

Sur le préjudice

Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise du docteur [F] que le sujet subit une perte d'autonomie ;

- que son incapacité totale de travail est fixée du 20 mars 2002 au 6 août 2003, date de consolidation,

- que son prétium doloris est de 6/7,

- que le préjudice esthétique est de 5/7

- qu'il existe un préjudice d'agrément en relation avec des activités sportives et de loisirs que nécessite l'usage des membres inférieurs,

- que l'IPP est de 70 %,

- que M. [T] doit être assisté par une tierce personne à temps partiel de l'ordre de 5 heures par jour, 7 jours sur 7,

- qu'un véhicule adapté, un logement adapté et des matériels spécialisés sont nécessaires (à déterminer après communication des éléments dont dispose actuellement le sujet) ;

Considérant qu'au regard de ces conclusions circonstanciées qui ne sont pas critiquées, le préjudice corporel subi par M. [T] doit être fixé comme suit :

Prejudice Patrimonial

Considérant que les prestations servies par l'organisme social s'élèvent à 326 017,98 euros au titre des frais médicaux et pharmaceutiques, frais d'hospitalisation, frais de transport, d'appareillage, de soins infirmiers AIS, frais de massage et actes de radiologie ;

- Frais restant à la charge de M. [T]

Considérant que sont restés à la charge de M. [T], le coût du petits matériels pharmaceutiques : sondes, alèses, pinces de préhension, compresses.... ainsi que certains médicaments suivant l'attestation produite ;

Considérant que si le petit matériel pharmaceutique doit être pris en compte et capitalisé à compter du 1 er août 2009, date de la notification de la pension d'invalidité en appliquant un euro de rente de 22,642 pour un homme de 36 ans, il doit être déduit le prix des médicaments dont aucun élément médical n'atteste de leur nécessité ni de la durée des prises ;

Considérant que ce poste de préjudice ressort ainsi à 22 579 euros ;

- Perte de gains professionnels temporaire

Considérant que M. [T] n'ayant subi aucune perte de salaires de ce chef compte tenu des indemnités journalières qui ont été versées par la sécurité sociale à hauteur de 27. 769,73 euros;

- Perte de gains professionnels futurs

Considérant que M. [T] travaillait en qualité d'agent de production ; qu'il calcule son préjudice en se basant sur la moyenne des revenus perçus avant l'accident, soit 12 386 euros par an qu'il capitalise à compter du 1er août 2009, en se référant à l'euro de rente de 22,642 ;

Considérant que les intimés critiquent cette méthode, contestant que M. [T] puisse réclamer ses salaires pendant 25 ans ;

Mais considérant telle n'est pas la demande puisqu'il a été utilisé, à bon droit, la technique de l'euro de rente dans la mesure où toute reprise professionnelle s'avère particulièrement aléatoire et que le préjudice économique sera également ressenti après l'âge de la retraite ;

Considérant que du 7 août 2003 au 31 juillet 2009, M. [T] a subi une perte de salaires de 74 132 euros, puis de 280 443 euros à compter du 1 er août 2009, soit un total de 354 576 euros dont il a lieu de déduire les arrérages échus de la rente d'invalidité à hauteur de 23 687 euros et le capital des arrérages futurs pour 112 403 euros de sorte que ce chef, le préjudice de M. [T] est de 218 484 euros ;

- Tierce personne

Considérant que M. [T] évalue ce poste de préjudice à 67 980 euros distinguant entre les heures d'activité soit 5 heures à 15 euros durant 412 jours par an et les heures de présence surveillance en faisant état d'un besoin de 9 heures par jour à 10 euros pour la même durée, M. [T] faisant valoir qu'une assistance s'impose aussi lors de tous ses déplacements, pour l'intégralité des tâches domestiques et à l'occasion de toutes ses activités de sorte que la tierce personne ne s'impose pas seulement pour les actes ponctuels mais à tout moment de la journée;

Mais considérant que l'expert, M. [F] n'a retenu la nécessité d'une tierce personne que pendant une durée journalière de 5 heures et aucune pièce médicale n'atteste de la nécessité d'une surveillance particulière pendant 9 heures par jour en plus des 5 heures mentionnées ;

Considérant que le préjudice de M. [T] au titre de la tierce personne, sur la base de 5 heures par jour à raison de 15 euros l'heure est donc de 30 900 euros par an à compter du 28 novembre 2002 date de la fin de ses hospitalisations outre une indemnité de 15 644 euros correspondant à 84 jours correspondant à des périodes où il a regagné son domicile entre des hospitalisations s'étendant du 20 mars 2002 au 28 novembre 2008 ;

Considérant dès lors, que le préjudice résultant de la tierce personne peut être évalué comme suit, et non comme le propose M. [T] dans ses écritures puisqu'il s'agit de reconstituer le préjudice global de ce dernier dans le cadre d'une perte de chance : 30 900 euros par an, soit pendant 7 ans et 9 mois à la date du présent arrêt une somme de 239 475 euros, puis à compter du présent arrêt le montant annuel capitalisé en appliquant l'euro de rente à 22,642 soit 699 637 euros ;

Considérant que le préjudice de M. [T] résultant de la nécessité d'une tierce personne s'élève donc à 1 039 102 euros ;

- Matériels spécialisés - Véhicule adapté et logement adapté

Considérant qu'au titre des matériels spécialisés que le docteur [F] a conclu à la nécessité de matériels spécialisés à déterminer après communication dont dispose le sujet ; que les intimés contestent sans aucun fondement l'utilité de ces matériels eu égard à l'incapacité de 70 % reconnue à M. [T] ; que les pièces produites par l'appelant permettent de retenir un fauteuil roulant manuel, un fauteuil verticalisateur, deux coussins anti-escarres par an pour les deux fauteuils, un lit médicalisé, un matelas anti-escarres, une chaise douche, un lève-personne de sorte que de ce chef, il doit être retenu pour ce poste de préjudice une somme de 179 056 euros;

Considérant que du chef d'un véhicule automobile adapté, il peut être alloué une somme de 50 000 euros ;

Considérant que le poste logement adapté doit être réservé et la demande de provision rejetée ;

Préjudice extra-patrimonial

- Deficit permanent temporaire pendant une durée de 1an, 4 mois et 18 jours à raison de 600 euros par mois soit 9 960 euros,

- Déficit fonctionnel permanent pour un taux d'incapacité retenu par l'expert de

70 % à l'âge de 30 ans lors de la consolidation des blessures, soit 233 800 euros ;

- Souffrances endurées (6/7) 30 000 euros,

- Préjudice esthétique (5/7) 20 000 euros,

- Préjudice d'agrément en relation avec les activités sportives attestées et de loisirs qui nécessite l'usage des membres inférieurs 20 000 euros,

- Préjudice sexuel et familial qui est incontestable et important compte tenu de son âge : 30 000 euros ;

Considérant que le préjudice personnel global de M. [T] s'élève donc 1. 509 221 euros plus 343.760 euros d'où un total de 1.852 981 euros ;

Considérant que l'indemnisation à allouer à M [T] au titre de la perte de chance s'élève donc à 741.192 euros ;

Considérant que M. [T], ès-qualites de représentant légal de son fils mineur, [V] sollicite encore l'indemnisation du préjudice moral subi par [V] [T] à hauteur de 25 000 euros et des troubles dans les conditions d'existence de l'enfant ;

Considérant que les intimés n'ont formulé aucune observation sur cette demande ; que si l'enfant a subi un préjudice moral en raison de l'état de santé de son père, il n'en demeure pas moins qu'il n'est pas privé de son affection ; que, dans ces conditions, le préjudice moral de l'enfant doit être fixé à 10 000 euros et l'indemnisation du trouble dans ses conditions d'existence à 5 000 euros ;

Considérant qu' il doit donc être alloué à M. [T], pris en sa qualité de représentant légal de son fils mineur, la somme de 6 000 euros ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Condamne in solidum maître [C] [P] et la société Covea Risks à payer à M. [N] [T] la somme de 741.192 euros correspondant à l'indemnisation de sa perte de chance.

Les condamne également sous la même solidarité à payer à M. [N] [T], ès-qualites, la somme de 6 000 euros.

Dit que les fonds devront être placés sur un livret de caisse d'épargne ouvert au nom du mineur sous le contrôle du juge des tutelles.

Réserve le poste Aménagement d'un logement adapté et dit que les frais afférents à ce poste seront pris en charge au fur et à mesure de leur paiement effectif et justifié ;

Condamne in solidum maître [C] [P] et la société Covea Risks à payer à M.

Patrick Roustan la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel avec pour ces derniers droit de recouvrement direct au profit de la SCP Jullien, Lecharny, Rol, Fertier avoués, conformément à l'article 699 du même code.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Bernadette WALLON, président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 09/04461
Date de la décision : 30/09/2010

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°09/04461 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-09-30;09.04461 ?
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