LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 décembre 2009), que par acte à effet au 1er janvier 1975, Mme Renée X... a donné à bail en renouvellement à la société Antiquités et décoration Rapp (la société Rapp) des locaux à usage commercial; que le 17 mars 1975, la société Rapp a cédé son droit au bail à M. Y..., de nationalité turque; que Mme Renée X... a renouvelé le bail de M. Y... par acte des 6 mars 1984 puis 20 janvier 1993; que le 23 juillet 2004, Mme Monique X..., venant aux droits de Mme Renée X..., a délivré à M. Y... un congé pour le 31 mars 2005 avec offre de renouvellement à compter du 1er avril 2005 moyennant un loyer déplafonné; que M. Y... a demandé le renouvellement de son bail le 23 août 2004; que le juge des loyers a été saisi et s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance, les parties s'opposant sur la date du renouvellement du bail ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de ne pas annuler la demande de renouvellement signifiée le 23 août 2004 et de dire que le bail s'est renouvelé le 1er octobre 2004 avec un loyer plafonné, alors ,selon le moyen :
1°) que nul ne peut, quel que soit son comportement, renoncer à un droit qu'il n'a pas ; que l'article L.145-13 du Code de commerce privant légalement le preneur étranger de toute faculté de demander le renouvellement, le seul droit, susceptible de renonciation dont bénéficie le bailleur ayant conclu avec un preneur relevant de ce statut, est de mettre fin au contrat lors du terme ou de l'échéance prévue ; que le refus de mettre fin à ce contrat ne peut faire naître au profit du preneur un droit au renouvellement dont il est en toute hypothèse légalement dépourvu ; qu'en estimant que la circonstance que Mme X..., bailleresse, ait accepté, antérieurement au congé litigieux, de ne pas se prévaloir de son droit de mettre fin au contrat, conférait au preneur un droit au renouvellement que la loi ne lui reconnaît pas, la cour d'appel a violé l'article L.145-13 du Code de Commerce ;
2°) que la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes qui caractérisent de manière certaine et non équivoque la volonté de renoncer ; que le droit au renouvellement de bail commercial constitue une prérogative exorbitante qui ne naît pas de la seule poursuite du bail, le preneur devant en faire la demande ; que ce droit au renouvellement ne bénéficie pas, selon l'article L.145-13 précité, au preneur de nationalité étrangère ; que, par suite, la circonstance qu'un bailleur accepte de poursuivre avec son locataire un bail commercial, ce qu'il est toujours libre de faire en application du principe de la liberté contractuelle, ne saurait caractériser de sa part une renonciation claire et non équivoque à se prévaloir des dispositions légales qui privent légalement le preneur étranger de tout droit à renouvellement ; que la cour d'appel, qui déduit l'existence d'un droit au renouvellement de M. Y... de la seule constatation que la convention avait été plusieurs fois reconduite sur proposition du bailleur, constatation impropre à elle seule à caractériser une renonciation du bailleur à se prévaloir des dispositions de l'article L.145-13 du Code de Commerce, a privé sa décision de base légale au regard de ce texte, ensemble les articles 1134 et 2220 (ancien) et 1234 du Code Civil, les principes gouvernant la renonciation ;
Mais attendu que l'article L 145-13 du code de commerce, en ce qu'il subordonne, sans justification d'un motif d'intérêt général, le droit au renouvellement du bail commercial, protégé par l'article 1er du 1er protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à une condition de nationalité, constitue une discrimination prohibée par l'article 14 de cette même Convention ;
Que par ces motifs de pur droit substitués à ceux critiqués, l'arrêt attaqué est légalement justifié ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991, condamne Mme X... à payer la somme de 2 500 euros à la SCP Vincent-Ohl ; rejette la demande de Mme X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour Mme X...
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir débouté Madame Monique A... épouse X... de sa demande d'annulation de la demande de renouvellement signifiée le 23 août 2004 par Monsieur Hamittin Y..., dit que cet acte a mis fin au bail précédent qui avait été renouvelé à compter du 1er janvier 1993 et que le bail s'est donc renouvelé à compter du terme d'usage suivant, soit le 1er octobre 2004, dit qu'aucun motif ne justifie que la règle du plafonnement soit écartée, fixé à 4.283,50 € en principal par an, à compter du 1er octobre 2004, le loyer du bail renouvelé entre Mme Monique A... épouse X... et M. Hamittin Y... pour le local commercial situé à Paris 7ème, 32 avenue Rapp, toutes autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées ;
AUX MOTIFS QUE « l'article L. 145-13 du Code de commerce prive le locataire étranger, qui ne peut par ailleurs se prévaloir d'une convention internationale, du droit au renouvellement du bail. En l'espèce, en acceptant la cession de bail au profit de Monsieur Hamittin Y... dont la nationalité turque était mentionnée dans l'acte de cession, en renouvelant le bail par deux fois soit en 1984 et en 1993 et en offrant de le renouveler le 23 juillet 2004, Madame Monique A..., épouse X..., a manifestement renoncé à priver son locataire étranger du droit au renouvellement du bail et à se prévaloir des dispositions de l'article L. 145-13 du Code de commerce» ;
ALORS, D'UNE PART, QUE nul ne peut, quel que soit son comportement, renoncer à un droit qu'il n'a pas ; que l'article L.145-13 privant légalement le preneur étranger de toute faculté de demander le renouvellement, le seul droit, susceptible de renonciation dont bénéficie le bailleur ayant conclu avec un preneur relevant de ce statut, est de mettre fin au contrat lors du terme ou de l'échéance prévue ; que le refus de mettre fin à ce contrat ne peut faire naître au profit du preneur un droit au renouvellement dont il est en toute hypothèse légalement dépourvu ; qu'en estimant que la circonstance que Mme X..., bailleresse, ait accepté, antérieurement au congé litigieux, de ne pas se prévaloir de son droit de mettre fin au contrat, conférait au preneur un droit au renouvellement que la loi ne lui reconnaît pas, la cour d'appel a violé l'article L.145-3 du Code de Commerce ;
ALORS, DE SURCROIT, QUE la renonciation à un droit ne se présume pas, et ne peut résulter que d'actes qui caractérisent de manière certaine et non équivoque la volonté de renoncer ; que le droit au renouvellement de bail commercial constitue une prérogative exorbitante qui ne naît pas de la seule poursuite du bail, le preneur devant en faire la demande ; que ce droit au renouvellement ne bénéficie pas, selon l'article L.145-13 précité, au preneur de nationalité étrangère ; que, par suite, la circonstance qu'un bailleur accepte de poursuivre avec son locataire un bail commercial, ce qu'il est toujours libre de faire en application du principe de la liberté contractuelle, ne saurait caractériser de sa part une renonciation claire et non équivoque à se prévaloir des dispositions légales qui privent légalement le preneur étranger de tout droit à renouvellement ; que la cour d'appel, qui déduit l'existence d'un droit au renouvellement de M. Y... de la seule constatation que la convention avait été plusieurs fois reconduite sur proposition du bailleur, constatation impropre à elle seule à caractériser une renonciation du bailleur à se prévaloir des dispositions de l'article L.145-13 du Code de Commerce, a privé sa décision de base légale au regard de ce texte, ensemble les articles 1134 et 2220 (ancien) et 1234 du Code Civil, les principes gouvernant la renonciation.