LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 243-7 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale, 44 sexies 0A du code général des impôts, 131 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 et 3 et 4 du décret n° 2004-581 du 21 juin 2004 dans leur rédaction applicable à l'espèce ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que l'inéligibilité au statut de jeune entreprise innovante rend immédiatement exigibles les cotisations sociales dont l'entreprise a anticipé l'exonération ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'ayant été avisée par les services fiscaux que la société Intranode, aux droits de laquelle vient la société Netasq (la société), n'était pas éligible au statut de jeune entreprise innovante, l'URSSAF d'Ille-et-Vilaine (l'URSSAF) lui a délivré une mise en demeure pour obtenir paiement des cotisations sociales et majorations de retard de l'année 2004 et des mois de janvier à avril 2005 ; qu'après rejet de son recours amiable, la société a saisi une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que pour accueillir la demande de la société et annuler la mise en demeure ainsi que la procédure de recouvrement subséquente l'arrêt, après avoir énoncé que la prise en considération de renseignements communiqués par une autre administration en vue d'un redressement constitue un contrôle au sens des articles L. 243-7 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale, retient que, dans la mesure où c'est à la suite de la communication des services fiscaux sur le refus du bénéfice du statut de jeune entreprise innovante que l'URSSAF a fait connaître à la société le montant des cotisations qu'elle devait acquitter puisque ce refus ne l'autorisait pas à pratiquer l'exonération de cotisations à laquelle elle avait procédé, l'avis de mise en recouvrement constituait un redressement suite à contrôle et non un simple redressement consécutif à un examen des seuls documents adressés par l'employeur ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'URSSAF était fondée à poursuivre le recouvrement des cotisations sociales dues par la société sans avoir à procéder à un contrôle pour en déterminer le montant, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne la société Netasq aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Ille-et-Vilaine.
Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir annulé la mise en demeure du 16 décembre 2005 et la procédure subséquente ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la prise en considération de renseignements communiqués par une autre administration en vue d'un redressement constitue un contrôle au sens des articles L 243-7 et R 243-59 du Code de la sécurité sociale ; qu'en application des dispositions de l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable à l'espèce, les fonctionnaires et agents de l'URSSAF doivent communiquer, le cas échéant, leurs observations à l'employeur en l'invitant à y répondre dans un délai de trente jours, à l'expiration duquel ils transmettent leur rapport accompagné de la réponse éventuelle de l'employeur, cette communication étant destinée à assurer le caractère contradictoire du contrôle ainsi que la sauvegarde des droits de la défense et constitue une formalité substantielle dont dépend la validité de la procédure subséquente ; qu'en l'espèce il n'est pas contesté que l'URSSAF d'Ille et Vilaine a adressé à la société INTRANODE, aux droits de laquelle vient la société NETASQ, suite à la communication à elle faite par les services fiscaux de ce que cette société ne pouvait prétendre au statut de jeune entreprise innovante au sens de l'article 44 sexies 0A du code Général des impôts, un courrier en date du 9 juin 2005 lui notifiant un solde débiteur de cotisations d'un montant de 160.909 euros ; que cet avis constituait un redressement suite à contrôle et non un simple redressement consécutif à un examen des seuls documents adressés par l'employeur dans la mesure où c'est à la suite de la communication des services fiscaux sur le refus du bénéfice du statut de jeune entreprise innovante que l'URSSAF d'Ille et Vilaine a fait connaître à la société INTRANODE le montant des cotisations qu'elle devait acquitter puisque le refus de ce statut ne l'autorisait pas à pratiquer l'exonération de cotisation auquel elle avait procédé ; que le courrier du 9 juin 2005 qui ne mentionne pas expressément le détail de la demande en paiement de la somme de 160.909 €, n'explicite pas clairement le contenu de la notification des services fiscaux et le motif du redressement et ne mentionne pas que l'entreprise a un délai de trente jours pour y répondre et faire part de ses observations ne répond pas aux exigences de l'article R 243-59 du Code de la sécurité sociale ; qu'il en résulte que la procédure subséquente et notamment la mise en demeure du 16 décembre 2005 est nulle ; que l'URSSAF d'Ille et Vilaine ne saurait invoquer utilement les dispositions de l'article R 243-43-3 du Code de la sécurité sociale puisque celles-ci résultent du décret du 11 avril 2007 inapplicable à l'espèce ; que le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en matière d'exonération totale des cotisations patronales de certains emplois, pour les entreprises ayant le statut de jeune entreprise innovante, il appartient à l'administration fiscale de se prononcer sur le bénéfice, à l'entreprise qui en fait la demande, du statut de jeune entreprise innovante ; que l'article 4 du décret du 21 juin 2004 prévoit que l'administration fiscale dont relève l'entreprise ayant demandé le bénéfice du statut de jeune entreprise innovante, informe l'organisme de recouvrement des suites données à cette demande ; qu'en cas d'avis défavorable, lorsque l'entreprise a appliqué l'exonération, celle-ci est tenue de verser à l'URSSAF les cotisations indûment exonérées, auxquelles s'ajoutent, le cas échéant, des majorations de retard ; que le règlement des cotisations indûment exonérées constitue un redressement de la part de l'URSSAF ; que la prise en considération de renseignements communiqués par une autre administration en vue d'un redressement, et cela quelle que soit l'origine ou la nature du redressement, constitue un contrôle impliquant le respect des dispositions de l'article R 243-59 du Code de la sécurité sociale ; qu'en l'espèce, l'administration fiscale a transmis à l'URSSAF un courrier adressé à la société l'informant de ce qu'elle ne pouvait pas bénéficier du statut de jeune entreprise innovante ; que l'URSSAF, postérieurement à la réception de l'avis de l'administration fiscale, a établi une mise en demeure portant sur la régularisation des cotisations indûment exonérées ; que la société INTRANODE n'a reçu aucune information contradictoire, conformément aux exigences de l'article R 243-59 du Code de la sécurité sociale ; que la mise en demeure du 16 décembre 2005 et la procédure subséquente seront annulées ;
ALORS QUE l'URSSAF qui se fonde sur les décisions prises par l'administration fiscale pour adresser une mise en demeure à un assuré concernant des cotisations indûment exonérées n'a pas à mettre en oeuvre la procédure applicable en matière de contrôle ; qu'en considérant le contraire, après avoir constaté que l'URSSAF avait adressé une mise en demeure à la société INTRANODE, aux droits de laquelle est venue la société NETASQ, portant sur la régularisation de cotisations indûment exonérées, suite à la communication par l'administration fiscale de son refus de faire bénéficier cette dernière du statut de "Jeune Entreprise Innovante", la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé les articles 3 et 4 du décret du 21 juin 2004, ainsi que les articles 243-7 et R 243-59 du Code de la sécurité sociale.