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12/10/2011 | FRANCE | N°10-23288

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 12 octobre 2011, 10-23288


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. X..., domicilié en Suisse, a fait l'objet de poursuites pénales pour fraude fiscale ; qu'un juge d'instruction a délivré un mandat d'arrêt qui n'a pu être exécuté en France ; que par jugement, rendu par défaut le 29 mars 2000, un tribunal l'a condamné à une peine d'emprisonnement et a confirmé le mandat d'arrêt qui a fait l'objet d'une diffusion internationale ; que M. X... a été interpellé le 17 octobre 2001 à Amsterdam et a été incarcéré pendant 17 jours ; que son extradition a

été refusée au motif que la convention d'extradition ne s'appliquait pas ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. X..., domicilié en Suisse, a fait l'objet de poursuites pénales pour fraude fiscale ; qu'un juge d'instruction a délivré un mandat d'arrêt qui n'a pu être exécuté en France ; que par jugement, rendu par défaut le 29 mars 2000, un tribunal l'a condamné à une peine d'emprisonnement et a confirmé le mandat d'arrêt qui a fait l'objet d'une diffusion internationale ; que M. X... a été interpellé le 17 octobre 2001 à Amsterdam et a été incarcéré pendant 17 jours ; que son extradition a été refusée au motif que la convention d'extradition ne s'appliquait pas en matière d'infractions fiscales ; que, sur opposition, le tribunal correctionnel de Grasse a réduit la peine prononcée et maintenu les effets du mandat d'arrêt ; qu'en cause d'appel, M. X... a contesté la régularité du mandat d'arrêt en soutenant que le juge d'instruction n'avait pas obtenu les réquisitions préalables du parquet et que celles-ci avaient été rajoutées ultérieurement sur l'ordonnance de soit-communiqué (pièce D 18) pour régulariser la procédure ; que par arrêt du 22 mars 2006, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a cancellé la pièce coté D 18 dans sa seconde version, prononcé la nullité de l'ordonnance de renvoi et de tous les actes subséquents et constaté l'extinction de l'action publique du fait de la prescription ; que M. X... et la société Constante Suisse avec laquelle celui-ci était en relations commerciales ont recherché la responsabilité de l'Etat pour faute lourde du service public de la justice ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 juin 2010) d'avoir déclaré irrecevable, pour défaut de qualité à agir, l'action de la société Constante Suisse à l'encontre de l'Etat français, alors, selon le moyen, qu'il résulte de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire que l'Etat est tenu de réparer le dommage personnel causé aux victimes par ricochet par le fonctionnement défectueux du service public de la justice lorsque cette responsabilité est engagée par une faute lourde ou un déni de justice ; que pour déclarer irrecevable la demande présentée par la société Constante Suisse, la cour d'appel a retenu que celle-ci n'était pas partie à la procédure diligentée contre M. X... ; qu'en statuant ainsi, alors que la société Constante Suisse invoquait un dommage par ricochet causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la société Constante Suisse était un tiers vis-à-vis de la procédure prétendument défectueuse dans laquelle elle n'était pas partie, la cour d'appel a exactement décidé, dès lors que le préjudice invoqué n'était pas la conséquence directe de la faute alléguée, que la société Constante Suisse n'était pas recevable à agir au titre de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Et sur le second moyen, pris en ses trois branches, ci-après annexé :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir débouté M. X... et la société Constante Suisse de leurs demandes tendant à voir constater la faute lourde commise par le service public de la justice et à voir condamner l'Etat français, pris en la personne de l'agent judiciaire du Trésor, au paiement de la somme de 4 572 146, 49 euros tous chefs de préjudices confondus ;
Attendu que l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi ne pouvant être appréciée que dans la mesure où l'exercice des voies de recours n'a pas permis de réparer le mauvais fonctionnement allégué, c'est à bon droit qu'ayant relevé que l'exercice des voies de recours, l'opposition, puis l'appel, avaient permis à M. X... de défendre ses droits et de rechercher tous éléments de nature à faire apparaître une faille de la procédure, laquelle avait été sanctionnée, ce qui avait permis à M. X... d'échapper à tout jugement définitif sur le fond au sujet de la fraude fiscale qui lui était reprochée, la cour d'appel a jugé que la demande de M. X..., au titre de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, n'était pas fondée ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... et la société Constante Suisse aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. X... et la société Constante Suisse.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable pour défaut de qualité à agir l'action de la société CONSTANTE SUISSE à l'encontre de l'Etat français ;
Aux motifs propres que la société anonyme CONSTANTE SUISSE, ayant son siège à CAROUGE, canton de GENEVE, en SUISSE, est un tiers vis-à-vis de la procédure prétendument défectueuse, menée devant le Tribunal de grande instance de GRASSE à l'égard de M. Francisco X..., et dans laquelle elle n'était pas partie ; qu'elle n'est pas recevable à agir au titre de l'article L 141-1 du Code de l'organisation judiciaire ;
Et aux motifs adoptés qu'il résulte de la jurisprudence la plus constante rendue pour l'application de l'article L 781-1 du Code de l'organisation judiciaire que le droit à agir sur le fondement de ce texte n'est ouvert qu'à l'usager du service public de la justice, c'est-à-dire à celui qui est personnellement concerné par la procédure à propos de laquelle il dénonce l'existence d'un prétendu dysfonctionnement (Civ. 21/ 12/ 1987, Bull. I, n° 347) ; qu'il est constant que la société CONSTANTE SUISSE SA n'était pas partie à la procédure pénale aujourd'hui querellée ; que par ailleurs la jurisprudence a jugé que la notion d'usager ne s'étend pas aux victimes d'un préjudice indirect ou par ricochet ; que si l'on peut concevoir que la société CONSTANTE SUISSE SA a pu subir les répercussions de la procédure pénale critiquée, cette situation n'est que la conséquence indirecte de l'action pénale et des sanctions prononcées à l'encontre de Monsieur X..., seule partie poursuivie ; que les conditions d'application de l'article L 141-1 du COJ ne sont donc pas réunies ; que par voie de conséquence la société CONSTANTE SUISSE SA est parfaitement irrecevable à se prévaloir de ce texte ; que son action à l'encontre de l'Etat français doit être déclarée irrecevable en application de l'article 122 du Code de procédure civile pour défaut de qualité à agir ;
Alors qu'il résulte de l'article L 141-1 du Code de l'organisation judiciaire que l'Etat est tenu de réparer le dommage personnel causé aux victimes par ricochet par le fonctionnement défectueux du service public de la justice lorsque cette responsabilité est engagée par une faute lourde ou un déni de justice ; que pour déclarer irrecevable la demande présentée par la société CONSTANTE SUISSE, la Cour d'appel a retenu que celle-ci n'était pas partie à la procédure diligentée contre Monsieur X... ; qu'en statuant ainsi, alors que la société CONSTANTE SUISSE invoquait un dommage par ricochet causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice, la Cour d'appel a violé le texte susvisé.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... et la société CONSTANTE SUISSE de leurs demandes tendant à voir constater la faute lourde commise par le service public de la justice et de voir condamner l'Etat français, pris en la personne de Monsieur l'Agent judiciaire du Trésor, au paiement de la somme de 4 572 146, 49 euros, tous chefs de préjudices confondus ;
Aux motifs propres que l'article L 141-1 du Code de l'organisation judiciaire dispose que l'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice ; que sauf dispositions particulières, cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou un déni de justice ; que le 20 juin 1997, le directeur des services-fiscaux des Alpes-Maritimes a adressé au Procureur de la République du Tribunal de grande instance de Grasse une plainte pour fraude fiscale contre M. Francisco X..., dit M. Francisco X... ; qu'une information était ouverte sur réquisition du parquet du 20 juin 1997, contre M. Francisco X... et deux autres personnes ; que l'infraction pour laquelle était ainsi poursuivi pénalement M. X... était un délit de fraude fiscale, consistant en une soustraction à l'impôt sur les sociétés et de soustraction à l'impôt sur le revenu, sanctionné par l'article 1741 du CGI par cinq années d'emprisonnement, outre amende et sanctions fiscales ; que le 26 janvier 1998, le juge d'instruction saisi du dossier n'ayant pu trouver M. X... à son dernier domicile connu à Vallauris (Alpes-Maritimes) délivrait à son égard un mandat d'arrêt ; que ce mandat était diffusé internationalement, M. X... n'était pas retrouvé ; que l'instruction était close et l'affaire renvoyée devant le Tribunal correctionnel, devant lequel M. X... ne comparaîtra pas ; que par jugement de défaut du 29 mars 2000, le Tribunal correctionnel déclarera M. X... coupable des faits de soustraction à l'impôt reprochés et le condamnera à cinq ans d'emprisonnement avec mandat d'arrêt ; que le 17 octobre 2001, M. X... sera interpellé à l'aéroport d'Amsterdam, aux Pays-Bas ; qu'il sera incarcéré pendant 17 jours aux Pays-Bas ; que son extradition sera refusée par l'autorité judiciaire néerlandaise s'agissant d'une infraction fiscale, pour laquelle les actes diplomatiques entre les Pays-Bas et la France à ce sujet n'étaient pas finalisés et ne permettaient pas alors l'extradition ; que sur opposition de M. X... au jugement de défaut du 29 mars 2000, le Tribunal correctionnel de GRASSE, par jugement du 21 janvier 2004, en l'absence de M. X..., représenté par un avocat, recevra son opposition, déclarera M. X... coupable des infractions reprochées, le condamnera compte tenu de la gravité des faits, à cinq ans d'emprisonnement, dont deux ans avec sursis, et maintiendra les effets du mandat d'arrêt délivré par le juge d'instruction ; que M. X... fera appel de ce jugement ; qu'il sera représenté par son avocat devant la Cour d'appel à l'audience du 25 janvier 2006 ; que celuici mettra en cause la régularité du mandat d'arrêt alors que l'exemplaire d'ordonnance de soit communiqué préalable qui lui avait été transmis par le greffe ne portait pas de mention de réquisitions du parquet ; qu'il sera ainsi prétendu que ces réquisitions auraient été apposées une fois le mandat délivré mais non avant ; que l'avocat de M. X... s'est emparé de ce point pour soulever la nullité de la procédure ; que par arrêt en date du 22 mars 2006, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre correctionnelle, a reçu l'appel et sur le fond, annulé la pièce cotée D. 18, dans la version qui porte en marge les réquisitions manuscrites du Procureur de la République, et l'a retirée du dossier de la procédure, prononcé la nullité de l'ordonnance de renvoi du 10 septembre 1999 et de tous les actes subséquents, constaté l'extinction de l'action publique du fait de la prescription ; qu'en définitive la Cour a estimé que le mandat d'arrêt qui valait mise en examen n'était pas régulier pour avoir été rendu sans la certitude que des réquisitions particulières écrites du parquet avaient réellement été faites en ce sens avant la délivrance du mandat d'arrêt ; que dès lors faute d'acte de mise en examen, la procédure s'écroulait ; que le temps ayant passé, elle se trouvait prescrite ; que M. X... ne sera en conséquence jamais définitivement jugé sur les faits qui lui étaient reprochés, pour lesquels il avait été condamné à cinq ans ferme par défaut, et à trois ans ferme et deux ans avec sursis par jugement contradictoire ; que ce rappel de la chronologie procédurale ne révèle aucun fonctionnement défectueux du service de la justice de nature à constituer une faute lourde ou un déni de justice ; qu'au contraire, l'exercice des voies de recours, l'opposition, puis l'appel, ont permis à M. X..., de défendre ses droits et de rechercher tous éléments de nature à faire apparaître une faille de la procédure, laquelle a été sanctionnée, ce qui a permis à M. X... d'échapper à tout jugement définitif sur le fond au sujet de la fraude fiscale qui lui était reprochée ; que cette faille de la procédure réside dans l'absence de certitude sur la date des réquisitions spéciales du parquet sur le mandat d'arrêt ; qu'en tout état de cause, aucune faute lourde n'a été commise à cette occasion ; qu'au demeurant le préjudice allégué par M. X... n'est pas établi et n'a pas de lien de causalité avec la faute prétendue ; que M. X... n'a pas été privé de voyager pendant des années comme il le prétend ; qu'il n'était pas obligé de rester en Suisse jusqu'à l'issue du procès ; que sa venue spontanée en France aurait contribué à accélérer le cours de la justice ; qu'il pouvait venir spontanément s'expliquer sans attendre devant la juridiction française saisie pour dissiper les accusations de fraude fiscale ; qu'il convient de noter que M. X... a été indemnisé par ailleurs, sur un autre fondement, au titre de son préjudice résultant de la détention provisoire ; que par décision du 4 mai 2007, la Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE a rejeté la demande de réparation de préjudice matériel et fixé à 1 500 euros le montant de la réparation du préjudice moral directement causé par la privation d'une de liberté d'une durée de 17 jours ; que la demande de M. X... au titre de l'article L 141-1 du Code de l'organisation judiciaire n'est pas fondée ;
Et aux motifs adoptés qu'il incombe à Monsieur X... d'établir la faute lourde de l'Etat ; que la difficulté réside dans le fait que Monsieur X... ne précise pas exactement ce qu'il reproche au service de la justice et fait un curieux amalgame entre deux situations ; qu'en effet Monsieur X... ne précise pas s'il reproche au service public de la justice et s'il estime qu'il y a faute lourde dans le fait que le mandat d'arrêt a pu être délivré le 26 janvier 1998 sans réquisitions du parquet et ce en méconnaissance des dispositions de l'article 131 du Code de procédure pénale ou s'il reproche au service de la justice le fait que des réquisitions du Procureur aient pu être prises après coup pour mettre en état et régulariser la procédure pénale ; qu'en ce qui concerne le fait que des réquisitions du Procureur aient pu être prises après coup pour mettre en état et régulariser la procédure pénale, le conseil de Monsieur X... laisse entendre que l'original de l'acte ne pouvait avoir été fabriqué qu'après coup à la seule fin d'éviter que la juridiction de jugement soit amenée à constater l'inobservation des règles de procédures, de sorte que la juridiction de jugement, dans sa décision du 21 janvier 2004, puisse dire que le mandat avait été délivré en conformité avec l'article 131 du Code de procédure pénale ; que Monsieur X... ne justifie pas de ses affirmations ; de plus que même s'il ressort des factures d'honoraires de Maître A... produites aux débats, que Monsieur X... a pendant un temps envisagé de déposer une plainte pour faux en écriture publique, il est établi et non constaté qu'aucune plainte pour faux en écritures publiques n'a été déposée ; que si Monsieur X... était convaincu que la cote D 18 a été revêtue des réquisitions du parquet après coup soit postérieurement au 26/ 1/ 1998, date du mandat d'arrêt, il lui appartenait d'agir en inscription de faux et déposer plainte, ce qu'il n'a pas fait ; au surplus que Monsieur X... ne donne aucune indication ni sur la date à laquelle auraient pu être ajoutées après coup sur l'ordonnance de soit-communiqué les réquisitions du parquet ni sur le nom du représentant du parquet qui aurait pu apposer ses réquisitions ; que ces indications auraient pourtant été intéressantes pour déterminer si le procureur qui a apposé ses réquisitions était encore en poste dans la juridiction grassoise à la date à laquelle le conseil de Monsieur X... a sollicité communication du dossier (novembre 2001) ce qui aurait rendu improbable sinon impossible l'existence d'un faux ; qu'en ce qui concerne le fait que le mandat d'arrêt a pu être délivré le 26 janvier 1998 sans réquisitions du parquet, il ressort de la pratique des cabinets d'instruction, même si cette pratique ne peut être démontrée, que seul l'original de l'ordonnance de soit communiqué litigieuse comporte/ et a comporté en l'espèce les réquisitions manuscrites du parquet, une copie sans cette mention manuscrite étant laissée au « dossier-copie » dont sont/ et ont été tirés les exemplaires remis aux avocats ; que par ailleurs le fait qu'il existe des différences entre la cote D18 avec réquisitions et sans réquisitions à savoir selon Monsieur X... – la différence existant entre les deux signatures du juge d'instruction-l'emplacement des tampons est différent par rapport aux signatures-la croix apposée devant le nom Y... ne se justifie pas – même si l'on peut légitimement considérer qu'il s'agit de la même calligraphie, le numérotage manuscrit apparaît différemment sur la cote D18 initiale et litigieuse d'autre part ; ne permet pas davantage encore ces différences seraient-elles établies et exactes, de conclure que les réquisitions du Procureur ont été apposées après coup ni que le mandat a été délivré sans réquisitions du parquet ; que l'annulation d'une procédure n'est pas, en elle-même, la preuve d'une faute lourde imputable au service de la justice, si n'est pas établie l'existence d'un caractère dolosif et intentionnel ou d'une volonté coupable de nuire ; que Monsieur X... qui n'établit ni le fait que le mandat d'arrêt a pu être délivré le 26 janvier 1998 sans réquisitions du parquet ni le fait que des réquisitions du Procureur aient pu être prises après coup, ne justifie qu'il y ait eu erreur grossière qu'un magistrat soucieux de ses devoirs n'aurait pas commise ni mauvaise foi ni intention de nuire ni animosité personnelle d'un magistrat ; que Monsieur X... n'établit donc pas la faute lourde au service de la justice ;
Alors, d'une part, que constitue une faute lourde toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi ; que commet une faute lourde le juge d'instruction qui délivre un mandat d'arrêt sans recueillir préalablement l'avis du Procureur de la République ; qu'en jugeant que « le rappel de la chronologie procédurale ne révèle aucun fonctionnement défectueux du service de la justice de nature à constituer une faute lourde ou un déni de justice » après avoir pourtant expressément relevé que « le mandat d'arrêt qui valait mise en examen n'était pas régulier après avoir été rendu sans la certitude que des réquisitions particulières écrites du parquet avaient été réellement faites », et qu'en conséquence Monsieur X... avait fait l'objet d'une détention provisoire sur le fondement d'un mandat d'arrêt nul et en l'absence de mise en examen régulière, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L 141-1 du Code de l'organisation judiciaire ;

Alors, d'autre part, que constitue une faute lourde toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi ; qu'en jugeant que « l'annulation d'une procédure n'est pas, en elle-même, la preuve d'une faute lourde imputable au service de la justice, si n'est pas établie l'existence d'un caractère dolosif et intentionnel ou d'une volonté coupable de nuire », la Cour d'appel a soumis la responsabilité du service public de la justice à la constatation d'une faute intentionnelle et violé l'article L 141-1 du Code de l'organisation judiciaire ;

Alors, enfin, qu'en refusant de tenir compte du préjudice particulier résultant pour Monsieur X... des conséquences matérielles des fautes du service public de la justice, consistant notamment dans l'impossibilité de gérer sa société et d'exploiter et de développer sa clientèle pendant toute la durée de la procédure, au motif que « M. X... avait été indemnisé par décision du 4 mai 2007 de la Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE qui a rejeté la demande de réparation de préjudice matériel et fixé à 1 500 euros le montant de la réparation du préjudice moral directement causé par la privation d'une de liberté d'une durée de 17 jours », tandis que cette décision avait été prise sur le fondement des articles 149 et 150 du Code de procédure pénale en vue de réparer exclusivement le préjudice spécifique causé par la privation de liberté, l'arrêt attaqué a violé l'article L 141-1 du Code de l'organisation judiciaire.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 10-23288
Date de la décision : 12/10/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

ETAT - Responsabilité - Fonctionnement défectueux du service de la justice - Activité juridictionnelle - Conditions - Faute lourde ou déni de justice - Appréciation - Conditions - Exercice des voies de recours

L'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi, susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat en application de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, ne peut être appréciée que dans la mesure où les voies de recours n'ont pas permis de réparer le mauvais fonctionnement allégué. Dès lors c'est à bon droit, qu'ayant relevé que l'exercice des voies de recours avait permis à l'usager de défendre ses droits et de rechercher tous éléments de nature à faire apparaître une faille de la procédure, laquelle avait été sanctionnée, la cour d'appel a jugé qu'aucune faute lourde ne pouvait être imputée au service public de la justice


Références :

Sur le numéro 1 : article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17 juin 2010

Sur le n° 1 : Sur les bénéficiaires de l'action en responsabilité de l'Etat pour fonctionnement défectueux du service de la justice, à rapprocher :1re Civ., 30 janvier 1996, pourvoi n° 91-20266, Bull. 1996, I, n° 51 (cassation)

arrêt cité ;1re Civ., 16 avril 2008, pourvoi n° 07-16286, Bull. 2008, I, n° 113 (cassation partielle) ;1re Civ., 12 octobre 2011, pourvoi n° 10-19720, Bull. 2011, I, n° 166 (rejet). Sur le n° 2 : Sur la définition de la faute lourde comme l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi, à rapprocher :1re Civ., 4 novembre 2010, pourvoi n° 09-15869, Bull. 2010, I, n° 223 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 12 oct. 2011, pourvoi n°10-23288, Bull. civ. 2011, I, n° 165
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, I, n° 165

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Avocat général : M. Gauthier
Rapporteur ?: M. Falcone
Avocat(s) : SCP Ancel, Couturier-Heller et Meier-Bourdeau, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.23288
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