LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. X..., notaire, qui faisait l'objet de poursuites disciplinaires, a soulevé une exception de nullité de l'assignation tirée de l'absence de communication de certaines pièces servant de fondement aux poursuites ; que le tribunal de grande instance de Brive-la-Gaillarde a, par jugement du 28 janvier 2000, rejeté l'exception de nullité et prononcé la peine de "défense de récidiver" ; qu'après avoir ordonné, en cause d'appel, la communication des pièces litigieuses, la cour d'appel de Limoges a, par arrêt du 14 septembre 2000, rejeté la demande de nullité du jugement et prononcé, à l'encontre de M. X..., la peine d'interdiction temporaire d'exercice de la profession de notaire pendant six mois, peine qui a été exécutée ; que cette décision a été cassée par un arrêt de la Cour de cassation du 13 novembre 2002 pour violation du principe du double degré de juridiction en matière disciplinaire ; que la cour d'appel de Poitiers, désignée comme cour de renvoi, a, par arrêt du 11 octobre 2005, prononcé la nullité de la procédure postérieure à l'assignation introductive d'instance et renvoyé le ministère public à mieux se pourvoir ; que M. X... a saisi le tribunal de grande instance de Paris d'une demande d'indemnisation à l'encontre de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, en réparation d'une faute lourde constituée par le fonctionnement défectueux du service public de la justice ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, ci-après annexé :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 5 mai 2009) de l'avoir débouté de sa demande ;
Attendu que l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi ne pouvant être appréciée que dans la mesure où l'exercice des voies de recours n'a pas permis de réparer le mauvais fonctionnement allégué, c'est à bon droit, qu'ayant relevé, par motifs propres, que le résultat de l'exercice des voies de recours, favorable à M. X..., venait démontrer le bon fonctionnement du service de la justice et, par motifs adoptés, que la cassation prononcée démontrait le bon fonctionnement du service de la justice par l'effectivité des voies de recours, la cour d'appel a jugé qu'aucune faute lourde ne pouvait être imputée à ce service ; que le grief ne peut être accueilli ;
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche, ci-après annexé :
Attendu que ce grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils pour M. X....
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur Michel X... de son action en responsabilité contre l'Etat pour faute lourde dans le service de l'administration de la Justice,
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'appelant fait valoir qu'il a en vain sollicité devant la première instance, afin d'exercer utilement ses droits de défense, la communication des pièces fondant les poursuites et notamment :- la lettre du procureur général de Limoges au procureur de la république de Brive La Gaillarde rendant compte des instructions nominatives reçues du Garde des Sceaux,- les plaintes de ses clients, visées dans la lettre précitée et dans l'assignation ;Qu'il soutient que si, par un arrêt avant dire droit du 6 avril 2000, la Cour d'appel de LIMOGES a fait droit à sa demande, en énumérant, une à une, les pièces du dossier non communiquées, cette dernière, dans son arrêt du 14 septembre 2000, n'a pas tiré les conséquences de ses constatations au regard des principes fondamentaux posés par les textes susvisés et notamment du principe, de valeur constitutionnelle, du double degré de juridiction et a statué sur la faute disciplinaire nonobstant les vises, pourtant identifiés, qui affectaient la procédure suivie ; qu'il considère que cette violation est constitutive d'une faute lourde ; qu'il conteste l'analyse contraire des premiers juges, lesquels ont retenu un exercice normal des voies de recours, tant ordinaire qu'extraordinaire devant la Cour de cassation, lui ayant permis d'obtenir la communication des pièces demandées et la nullité de la procédure postérieure à l'assignation et considéré que l'appréciation souveraine des juridictions leur permet, dès lors qu'elle est motivée, une appréciation différente sur une contestation ne présentant pas de caractère d'évidence; qu'il soutient en effet que l'exercice des voies de recours, en raison des règles particulières à la matière disciplinaire, n'a pas annulé les conséquences néfastes de l'arrêt du 14 septembre 2000 de la Cour d'appel de LIMOGES et n'a donc pu lui garantir, à chaque étape de la procédure, l'efficacité des droits reconnus à tout justiciable, dont le bénéfice de la présomption d'innocence, dès lors que la sanction est immédiatement applicable ; que la cour observe que dès l'origine, M. X... a invoqué la nullité de l'assignation pour ne pas comporter de bordereau énumérant les pièces sur lesquelles les poursuites étaient fondées et l'absence au dossier de courriers le concernant ainsi que des plaintes de clients de l'étude ; que si la juridiction saisie en première instance n'a pas retenu l'exception de nullité, la Cour d'appel de LIMOGES, par arrêt avant dire droit du 6 avril 2000, a ordonné la communication par le ministère public des lettres des clients de l'étude, laquelle est intervenue le 18 avril 2000 ; que M. X... ayant soulevé à nouveau la nullité du jugement en raison de la nullité de l'assignation, la Cour d'appel dans son arrêt du 14 septembre 2000 a rejeté l'exception de nullité; que cette décision a été cassée, l'arrêt du 13 novembre 2002 énonçant, au vise de l'article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme « qu'en se contentant de la communication en cause d'appel des plaintes de ses clients ayant déclenché l'inspection des offices de notaires, lors même qu'en première instance, M. X... n'avait pu se défendre utilement, la Cour d'appel l'a privé du double degré de juridiction en matière disciplinaire en violation du texte susvisé » ; que la Cour de renvoi, déboutant M. X... de son exception de nullité de l'assignation et de sa demande d'annulation d'actes antérieurs à l'introduction de l'instance, en l'espèce les instructions du Garde des Sceaux tendant à l'exercice de poursuites disciplinaires, a prononcé la nullité de la procédure au motif que M. X... devait bénéficier du double degré de juridiction, arrêt devenu définitif ; que ce rappel suffit à établir que M. X... n'établit pas l'existence d'une « déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi », seul susceptible de caractériser la faute lourde ; que les juridictions, saisies du rapport d'inspection occasionnelle et des rapports d'inspection annuelle des années 1997 et 1998, documents régulièrement communiqués à M. X..., ont apprécié souverainement le moyen de nullité de l'assignation et l'appréciation différente de la Cour de cassation sur le moment auquel aurait du intervenir la communication des plaintes des clients, soit dès la première instance, ne caractérise pas une situation traduisant un fonctionnement défectueux du service de la justice ; que l'Etat ne saurait engager sa responsabilité en présence de décisions divergentes, que le résultat de l'exercice des voies de recours, au surplus en l'espèce favorable à M. X..., vient au contraire démontrer le bon fonctionnement du service de la justice ; que l'Etat ne saurait davantage voir sa responsabilité recherchée en raison d'une législation relative aux procédures disciplinaires qui prévoit le caractère exécutoire des décisions en cette matière ; en conséquence, que l'action engagée par M. X... est mal fondée, que c'est pertinemment que les premiers juges l'en ont débouté et que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ; (arrêt p 3 et 4)
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE si, par l'exercice des voies de recours, tant ordinaire devant les Cours d'appel de Limoges et de Poitiers, qu'extraordinaire, devant la Cour de cassation, M. X... a obtenu d'abord la communication des pièces demandées et enfin la nullité de la procédure postérieure à l'assignation, les circonstances de l'engagement des poursuites disciplinaires et le déroulement des instances devant le Tribunal et la Cour de LIMOGES ne caractérisent pas une faute lourde. En effet, les réponses différentes apportées par les juridictions ayant eu à connaître de l'incident de la communication de pièces qui ne présentait pas un caractère d'évidence relève de l'appréciation souveraine des juges qui ont motivé leurs décisions. Le Tribunal et la Cour d'appel de LIMOGES ont retenu que les poursuites étaient fondées sur le rapport d'inspection occasionnelle et sur les rapports d'inspection annuelle concernant les années 1997 et 1998, documents régulièrement communiqués et sur lesquels il a été débattu contradictoirement entre les parties tandis que la Cour de cassation a estimé que la communication de ces pièces aurait dû intervenir dès la première instance. La cassation prononcée démontre le bon fonctionnement du service de la justice par l'effectivité des voies de recours. L'erreur d'appréciation, à la supposer établie, des données servant de fondement aux poursuites, à savoir les rapports d'inspection, mais également certaines plaintes, ne peut, eu égard à la complexité et à la multiplicité des agissements poursuivis être considérés comme une faute lourde au sens de l'article L 141-1 du code de l'organisation judiciaire, étant précisé en outre, que l'exécution de la peine, par application de la loi, ne présente aucun caractère fautif. Il suit de l'ensemble de ces éléments que l'action introduite par M. X... en responsabilité de l'Etat pour fonctionnement défectueux du service public de la justice et violation du double degré de juridiction, alors qu'aucune faute lourde n'a été commise aux divers stades de la procédure, n'est pas fondée et sera rejetée (jugement p 4,5).
1°) ALORS QUE constitue une faute lourde toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi, que Monsieur Michel X... faisait valoir qu'eu égard à la réglementation applicable aux officiers publics ministériels une faute lourde avait été commise par l'administration dans le service de la justice, consistant à prononcer une sanction disciplinaire au mépris du principe général des droits de la défense et de la règle du procès équitable, et également au mépris de la présomption d'innocence, que l'arrêt attaqué, qui s'est borné à retracer l'historique de la procédure ayant débuté par des poursuites disciplinaires engagées le 7 octobre 1999 pour se terminer par un arrêt définitif de la Cour d'appel de renvoi du 11 octobre 2005 lequel a prononcé la nullité de la procédure disciplinaire, pour en conclure que Monsieur Michel X... n'établit pas l'existence d'une faute lourde, sans rechercher si ces circonstances ne caractérisaient pas une atteinte à la présomption d'innocence constitutive d'une faute lourde, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 141-1 du code de l'organisation judiciaire,
2°) ALORS QUE l'appréciation de la faute lourde consistant en la déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi, suppose que soient pris en compte, non seulement une analyse objective des actes imputés à faute, en eux-mêmes, mais aussi les effets immédiats que ceux-ci ont réalisés, au regard de ce qui aurait dû être, pour la victime, un comportement normal du service de la justice, qu'en refusant de tenir compte du préjudice particulier résultant pour Monsieur Michel X... de l'interdiction d'exercice temporaire injustifiée qui l'a mis dans l'impossibilité d'exploiter et de développer sa clientèle pendant le temps de sa suspension le privant de ses sources de revenus, l'arrêt attaqué a violé l'article L 141-1 du code de l'organisation judiciaire, ensemble les articles 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales et 1er du Premier Protocole additionnel de ladite Convention.