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28/09/2011 | FRANCE | N°10-10162

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 28 septembre 2011, 10-10162


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 9 octobre 2009) que Mme X... est propriétaire de terres agricoles données à bail à ferme aux époux Y..., le bail ayant été renouvelé pour certaines parcelles par acte sous seing privé du 25 août 1993 pour 9 ans à compter du 29 septembre 1992 et pour d'autres par acte du 29 septembre 2001 pour 4 années ; que le bail stipulait que le fermage et la quote-part des taxes incombant aux preneurs seraient versés à M. Z..., expert foncier ; que les loyers ont d'a

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immobilier p...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 9 octobre 2009) que Mme X... est propriétaire de terres agricoles données à bail à ferme aux époux Y..., le bail ayant été renouvelé pour certaines parcelles par acte sous seing privé du 25 août 1993 pour 9 ans à compter du 29 septembre 1992 et pour d'autres par acte du 29 septembre 2001 pour 4 années ; que le bail stipulait que le fermage et la quote-part des taxes incombant aux preneurs seraient versés à M. Z..., expert foncier ; que les loyers ont d'abord été versés à M. Z..., puis à la société Cabinet
Z...
immobilier puis à la société
Z...
expertises ; que les preneurs ont cessé leur exploitation le 29 septembre 2005 ; que Mme X..., reprochant à M. Z...et aux sociétés précitées d'avoir manqué à leurs obligations de mandataire, les a assignés en condamnation solidaire au payement de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen :

Vu les articles 1991 et 1992 du code civil ;

Attendu que pour débouter Mme X... de sa demande relative aux fermages, l'arrêt retient que la valeur locative a été fixée dans la continuité de l'occupation des preneurs depuis 1983 et de manière globale, comme c'était l'usage à l'époque, en fonction du cours de deux denrées, que Mme X... n'a jamais donné d'instruction à son mandataire pour réviser le prix du bail ni émis la moindre réserve sur le montant des loyers perçus, que le rapport d'expert sur lequel elle se fonde n'est pas contradictoire, ni explicite sur la méthode de calcul retenue et que le mandataire n'est pas garant ni personnellement débiteur des sommes dues par le locataire ;

Qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que Mme X... avait conféré à son mandataire, professionnel, un mandat général de gestion, faisant obligation au mandataire de renseigner le mandant sur les règles d'ordre public de fixation du fermage et de l'informer quant aux conditions de mise en conformité du bail, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu entre les parties le 9 octobre 2009 par la cour d'appel de Poitiers, remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers autrement composée ;

Condamne M. Z...et la société
Z...
expertise aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Z...et la société
Z...
expertise à payer à Mme X... la somme globale de 2 500 euros, rejette la demande de M. Z...et de la société
Z...
expertise ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR débouté Madame X... de ses demandes concernant la fixation des fermages ;

AUX MOTIFS QUE « dans son principe, l'existence d'un mandat de gestion donné par Madame X... ne peut être sérieusement contestée … ; que le mandat donné à Monsieur Z...présentait donc bien un caractère général, Madame X... gardant, en sa qualité de mandant, la faculté de surveiller la gestion de ses affaires … ; que la perception d'un fermage ne se réduit pas simplement à un acte à caractère purement comptable ; qu'elle implique chaque année le calcul du montant fermage en fonction des différents paramètres à prendre en compte, nécessite un contact personnel avec le preneur afin d'évoquer avec lui les conditions d'exécution du bail, tant matérielles que juridiques, et implique, le cas échéant, et selon les instructions du mandant, une activité de relance, voire de recouvrement … » (p. 3 à 5) ; ET, sur le montant des fermages, QUE « Madame X... reproche au Cabinet
Z...
d'avoir sous-évalué le montant des fermages par rapport à la valeur locative des immeubles ; qu'elle produit en ce sens un rapport établi à sa demande le 12 juin 2006 par Monsieur B..., expert judiciaire, concluant à une valeur locative de l'ensemble (bâtiments d'habitation, bâtiments d'exploitation et terres donnant lieu à une évaluation séparée-) à un montant total de 3. 566, 65 € en 2005 alors que le fermage de cette même'année ne s'est élevé qu'à la somme de 2. 073, 48 € ; qu'elle en conclut que depuis 1993, elle aurait subi un manque à gagner de 16. 174, 87 €, sans toutefois expliquer comment elle parvient à cette somme ; que tout d'abord, le cabinet
Z...
n'était ni garant, ni personnellement débiteur des sommes que Madame X... estime due par ses locataires ; qu'ensuite, le rapport de Monsieur B...a été établi en 2005, compte tenu de l'état du bien loué à cette date, et sans tenir compte des améliorations apportées par le locataire à la maison d'habitation et financées par celui-ci, ni de la présence d'habitants dans les lieux depuis 1983 ; qu'il n'a pas été établi contradictoirement et repose sur une méthode d'évaluation qui n'est pas expliquée ; que les conclusions de Monsieur B...ne peuvent donc être transposées purement et simplement à des loyers payés depuis 1993, étant précisé qu'à cette date la valeur locative a été fixée en concertation avec le Conseiller de la Chambre d'Agriculture des Deux Sèvres, agissant pour le compte des preneurs et en présence de Madame X... et de Monsieur Z..., et ceci dans la continuité d'occupation des preneurs de puis 1983 ; que le bail de 1993 a été calculé, comme c'était l'usage à l'époque, de manière globale, incluant terres, bâtiments d'exploitation et maison d'habitation, le prix du bail étant calculé en fonction du cours annuel de deux denrées (blé et viande bovine) ; que de plus Madame X..., pendant l'exécution du contrat, n'a donné aucune instruction à son mandataire pour réviser le prix du bail, que ce soit lors des renouvellements de celui-ci ou à l'expiration de la première période triennale suivant le renouvellement, soit amiablement, soit en saisissant le tribunal paritaire des baux ruraux ; qu'enfin, Madame X... n'a jamais émis la moindre réserve sur le montant des loyers perçus, si bien qu'elle est mal venue, à l'expiration du bail, à contester le mode de calcul des fermages qu'elle a perçus, étant observé au surplus que Madame X... ne dit rien sur la prescription quinquennale du recouvrement des sommes qu'elle estime lui être dues depuis 1993 … » (arrêt attaqué p. 6) ;

ALORS D'UNE PART QUE le professionnel chargé de la gestion de propriétés agricoles, doit non seulement percevoir les fermages mais également veiller à ce que ceux-ci soient fixés conformément aux critères légaux et réglementaires et répondre le cas échéant envers le bailleur de la perte d'une chance de percevoir le fermage qu'il eut été en droit d'exiger ; qu'en l'espèce, Madame X... dénonçait dans ses écritures d'appel la non-conformité du fermage stipulé et en demandait réparation à ses mandataires, en soulignant qu'il appartenait à Monsieur Z..., « professionnel de l'immobilier mais aussi expert agricole et foncier ainsi que titulaire d'une maîtrise en droit », « de vérifier que le fermage était correctement fixé selon les critères légaux et réglementaires » et aussi de l'« alerter des irrégularités constatées et de la nécessité de réviser le fermage initialement fixé soit en accord avec le fermier soir en ayant recours à l'arbitrage du tribunal paritaire des baux ruraux » ; qu'en la déboutant de ces prétentions au motif inopérant que « le cabinet
Z...
n'était ni garant, ni personnellement débiteur des sommes que Madame X... estime due par ses locataires », quand elle constatait par ailleurs l'existence d'un mandat de gestion à caractère général impliquant notamment « chaque année le calcul du montant du fermage en fonction des différents paramètres à prendre en compte », la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1992 du Code civil, ensemble celles de l'article L. 411-11 du Code rural ;

ALORS D'AUTRE PART QU'il résulte des dispositions d'ordre public de l'article L. 411-11 du Code rural, dans leur rédaction issue de la loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988 applicable aux baux en cours, que le prix du fermage « est constitué, d'une part, du loyer des bâtiments d'habitation et, d'autre part, du loyer des bâtiments d'exploitation et des terres nues », le premier « fixé en monnaie entre des maxima et des minima qui sont arrêtés par l'autorité administrative », le second « en une quantité de denrées comprise entre des maxima et des minima arrêtés par l'autorité administrative … » ; que ces mêmes dispositions, dans leur rédaction issues de la loi n° 95-2 du 2 janvier 1995 également applicable aux baux en cours, en disposent pareillement concernant le loyer des bâtiments d'habitation et prévoient, concernant le loyer des bâtiments d'exploitation et des terres que celui-ci est « fixé en monnaie entre des maxima et des minima qui sont arrêtés par l'autorité administrative », étant précisé que « par dérogation …, le loyer des terres nues portant des cultures permanentes viticoles, arboricoles, oléicoles et agrumicoles, et des bâtiments d'exploitation y afférents, (soit) évalué en une quantité de denrées comprise entre des maxima et des minima arrêtés par l'autorité administrative … » ; qu'en l'espèce, il est constant que lors du renouvellement du bail du 25 août 1993, le prix du fermage a été fixé globalement, pour l'habitation et pour l'exploitation, soit un « fermage annuel de la valeur de 5, 20 quintaux l'hectare de blé et 334 kg de viande bovine », stipulations restées inchangées lors du renouvellement du 29 septembre 2001 ; qu'en affirmant comme elle l'a fait, pour décharger les mandataires de toute responsabilité, que lors du renouvellement du bail, le 25 août 1993, le fermage avait été fixé, « comme c'était l'usage à l'époque, de manière globale, incluant terres, bâtiments d'exploitation et maison d'habitation, le prix du bail étant calculé en fonction du cours annuel de deux denrées (blé et viande bovine) », quand dans sa rédaction issue de la loi susvisée du 30 décembre 1988, antérieure à ce renouvellement, la loi imposait déjà une fixation séparée du loyer des bâtiments d'habitation et du loyer des bâtiments d'exploitation et des terres nues, la Cour d'appel, qui a ainsi fait prévaloir des stipulations contractuelles non conformes aux critères légaux et réglementaires, a violé les dispositions susvisées de l'article L. 411-11 du Code rural ;

ALORS DE TROISIEME PART QUE nul ne peut être censé avoir renoncé au bénéfice de dispositions d'ordre public ; qu'en relevant en l'espèce, pour faire application de stipulations contractuelles fixant un fermage non conforme aux dispositions d'ordre public de l'article L. 411-11 du Code rural et décharger ainsi les mandataires de toute responsabilité, que Madame X... « pendant l'exécution du contrat, n'a donné aucune instruction à son mandataire pour réviser le prix du bail, que ce soit lors des renouvellements de celui-ci, ou à l'expiration de la première période triennale suivant le renouvellement, soit aimablement, soit en saisissant le tribunal paritaire des baux ruraux ; qu'enfin, Madame X... n'a jamais émis la moindre réserve sur le montant des loyers perçus », la Cour d'appel a violé l'article L. 411-14 du Code rural, ensemble l'article L. 411-11 du même Code et l'article 1992 du Code civil ;

ALORS ENFIN QUE le juge est tenu de respecter et faire respecter le principe du contradictoire ; qu'il ne peut fonder sa décision sur des éléments qui ne sont pas dans le débat en relevant d'office un moyen sans le soumettre au préalable à la discussion des parties ; qu'en relevant cependant d'office qu'en 1993 la valeur locative de l'immeuble aurait été fixée « en concertation avec le Conseiller de la Chambre d'Agriculture des Deux Sèvres, agissant pour le compte des preneurs et en présence de Madame X... et de Monsieur Z...», puis que Madame X... « ne dit rien de la prescription quinquennale du recouvrement des sommes qu'elle estime lui être dues depuis 1993 », tous éléments dont Monsieur Z...et le cabinet
Z...
ne faisaient pas état dans leurs écritures d'intimés, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 16 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR débouté Madame X... de ses demandes concernant l'établissement d'un état des lieux de sortie ;

AUX MOTIFS QUE « Monsieur Z...explique, sans être contredit par Madame X... que compte tenu du conflit larvé qui existait entre la bailleresse et les preneurs, il lui a conseillé d'avoir recours à un huissier de justice pour effectuer un état des lieux contradictoire de l'état des bâtiments, ce qui a été fait par constat du 29 septembre 2005 ; qu'il a d'ailleurs fait lui-même un état des lieux des terrains le 16 février 2005, état des lieux que Madame X... n'a pas contesté à l'époque ; qu'en tout état de cause, il ne peut être demandé au mandataire de verser au mandant la somme de 4. 638, 50 € correspondant aux travaux de remise en état des immeubles non bâtis, en l'absence de preuve d'une faute commise par le mandataire dans l'exercice de ses fonctions et de toute instruction en ce sens de Madame X..., seul le preneur étant débiteur de ce montant ; qu'il en est de même de la somme de 6. 174 € qui serait due au titre de la remise en état compte tenu d'un état des lieux établi le 28 octobre 1974, lors de l'entrée des preneurs dans les lieux … » (arrêt attaqué p. 7) ;

ALORS QUE le mandataire professionnel chargé de la gestion d'un bien se doit d'accomplir en fin de bail toutes les formalités requises et de veiller notamment à l'établissement en temps utile d'un état de sortie des lieux propre à sauvegarder les droits du mandant ; qu'en l'espèce, Madame X... dénonçait dans ses écritures d'appel les manquements avérés de ses mandataires à leurs obligations, soulignant que bien que les preneurs aient donné congé pour le 29 septembre 2005, Monsieur Z...et le cabinet
Z...
n'avaient dressé que le 15 février 2006 un état de sortie des lieux, dont l'insuffisance et l'imprécision ont de surcroît fondé le rejet par le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de Niort de ses demandes d'indemnisation à l'encontre des époux Y...; qu'en se bornant à affirmer, pour rejeter la demande de Madame X... à l'encontre de ses mandataires, l'existence d'un « conflit larvé » entre les preneurs et la bailleresse et le fait que celle-ci « n'a pas contesté à l'époque » l'état de sortie des lieux dressé le 15 février 2006, pour en retenir « l'absence de preuve d'une faute commise par le mandataire dans l'exercice de ses fonctions et de toute instruction en ce sens », quand il appartenait en tout état de cause aux mandataires de dresser pour la date de sortie des preneurs un état des lieux précis et utile, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1992 et 1147 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 10-10162
Date de la décision : 28/09/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

MANDAT - Mandataire - Responsabilité - Faute - Manquement au devoir d'information et à l'obligation de conseil - Cas - Absence d'information sur les règles d'ordre public de fixation du fermage et sur les conditions de mise en conformité du bail

MANDAT - Mandataire - Obligations - Etendue - Mandat général de gestion - Mandataire professionnel

Le mandat général de gestion confié à un professionnel par un bailleur fait obligation au mandataire de renseigner le mandant sur les règles d'ordre public de fixation du fermage et de l'informer sur les conditions de mise en conformité de ce bail. Viole dès lors les dispositions des articles 1991 et 1992 du code civil une cour d'appel qui déboute le bailleur d'une demande d'indemnisation formée à l'égard de son mandataire alors qu'elle a relevé que ce dernier était un professionnel auquel avait été confié un mandat général de gestion


Références :

articles 1991 et 1992 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 09 octobre 2009

Sur l'obligation d'information du mandataire, à rapprocher :1re Civ., 12 juillet 2007, pourvoi n° 06-17979, Bull. 2007, I, n° 266 (cassation)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 28 sep. 2011, pourvoi n°10-10162, Bull. civ. 2011, III, n° 158
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, III, n° 158

Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : M. Petit
Rapporteur ?: Mme Fossaert
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Defrenois et Levis

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.10162
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