LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 29 juin 2010), que la société Ifn finance, nouvellement dénommée Abn amro commercial finance, (la société Ifn finance), société d'affacturage, d'escompte et de financement de créances commerciales et la société Gestion moderne d'édition et de publicité (la société GMEP), société de gestion de support de publicité, ont, le 1er octobre 1998, conclu une convention de services et de financement par voie de cession de créances professionnelles, stipulant la constitution d'une retenue de garantie affectée à la couverture des créances et recours que la société Ifn finance pourrait avoir sur la société GMEP, et prévoyant la compensation de plein droit avec le solde débiteur du compte courant, tel qu'il se présentera après clôture et liquidation ; que la société GMEP ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, les 23 mai et 18 juillet 2000, M. X... étant nommé liquidateur, la société Ifn finance a déclaré sa créance à concurrence d'un certain montant, laquelle a été rejetée par le juge-commissaire, le 11 mars 2009 ; que M. X... ès qualités, a assigné la société Ifn finance en restitution de la retenue de garantie ;
Attendu que M. X..., ès qualités, fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsqu'une juridiction décide de relever d'office un moyen, elle est tenue en toute circonstance de respecter le principe de la contradiction en invitant les parties à s'expliquer sur celui-ci ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que la société Ifn finance pouvait se prévaloir d'une compensation à l'encontre de la société GMEP entre le solde débiteur du compte courant de cette dernière et la retenue de garantie, qui avait ainsi disparu avant la procédure de vérification des créances ; qu'en statuant ainsi, tandis que, pour s'opposer à sa condamnation au paiement de cette dette de restitution de la retenue de garantie dont elle ne contestait pas le principe, la société Ifn finance avait invoqué une fraude ou, subsidiairement, un abus de droit et un défaut de détermination du quantum de cette dette, la cour d'appel a relevé d'office le moyen sur lequel elle a statué, sans inviter les parties à s'expliquer sur celui-ci ; qu'elle a ainsi violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2 / que le paiement des créances antérieures au jugement d'ouverture d'une procédure collective par compensation de dettes connexes ne peut opérer conventionnellement de plein droit après ce jugement et impose au créancier qui l'invoque de déclarer la créance dont il se prévaut ; qu'en jugeant que la créance de restitution de la retenue de garantie de la société GMEP avait été compensée avec le solde débiteur du compte courant de cette société ouvert dans les livres de la société Ifn finance, au cours des opérations de clôture et de liquidation de ce compte, avant la demande d'admission de la créance de la société Ifn finance, tandis que l'ouverture de la procédure collective de la société GMEP interdisait une telle compensation conventionnelle effectuée à la seule initiative de la société Ifn finance, la cour d'appel a violé l'article L. 621-24 du code de commerce en sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 ;
3 / qu'en tout état de cause, l'autorité de chose jugée attachée au rejet irrévocable d'une créance au passif d'une procédure collective rend impossible la compensation entre cette créance éteinte par l'effet de son rejet et une créance connexe du débiteur en procédure collective ; qu'en statuant comme elle l'a fait, tandis qu'en raison du rejet irrévocable de toute créance de la société Ifn finance au passif de la société GMEP, par ordonnance du juge-commissaire du 11 mars 2003 confirmée par arrêt de la cour d'appel de Douai du 9 septembre 2004, aucune compensation entre cette créance jugée inexistante et la créance de restitution de la retenue de garantie de la société GMEP n'était possible, la cour d'appel a méconnu l'autorité de chose jugée attachée à cette décision de rejet ; qu'elle a ainsi violé l'article 1351 du code civil, ensemble l'article L. 621- 104 du code de commerce, en sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 ;
Mais attendu, en premier lieu, que dans ses conclusions, la société IBN finance ne se bornait pas à invoquer la fraude, mais soutenait aussi que M. Y..., ès qualités, voulait faire obstacle à la demande de restitution de la retenue de garantie en déduisant l'inexistence du solde de retenue, après compensation avec le solde débiteur du compte courant ; qu'ainsi la cour d'appel qui n'a pas relevé d'office le moyen tiré de la compensation n'a pas violé le principe de la contradiction ;
Attendu, en second lieu, que la compensation s'opère de plein droit, même en l'absence de lien de connexité, entre les dettes réciproques des parties, dès lors qu'elles sont certaines liquides et exigibles avant le prononcé du jugement d'ouverture de la procédure collective de l'une ou l'autre des parties, peu important le moment où elle est invoquée ; que l'arrêt retient que, conformément aux dispositions conventionnelles, la société Ifn finance a procédé aux opérations de clôture et liquidation du compte courant de la société GMEP, qui avaient révélé un solde débiteur et qu'elle a ensuite opéré une compensation entre ce solde et la retenue de garantie, avant de demander l'admission au passif de la procédure collective ; qu'ayant ainsi fait ressortir que la compensation entre les dettes réciproques des parties s'était opérée, avant l'ouverture de la procédure collective de la société GMEP, la cour d'appel, sans méconnaître l'autorité de chose jugée attachée à la décision de rejet, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils pour M. X....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté maître X..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Gestion Moderne d'Edition et de Publicité (GMEP), de sa demande de condamnation de la société IFN Finance au paiement de la somme de 137.243 € constitutive d'une retenue de garantie, outre intérêts au taux légal ;
AUX MOTIFS QU' il résulte des écritures de la société IFN Finance (concl. p. 5), de la pièce n° 11 qu'elle verse aux débats, ainsi que des énonciations de l'arrêt du 9 septembre 2004, que la créance initialement déclarée à hauteur de 1.315.919 € par la société IFN Finance a été réduite à 385.715 €, après imputation de nouveaux encaissements et de la retenue de garantie de 137.243 € ; que maître X... ne conteste pas cette réalité ; qu'il s'évince de cette seule constatation que la société IFN Finance a, conformément aux dispositions contenues dans l'article 9 du contrat liant les parties, procédé aux opérations de clôture et liquidation du compte de la société GMEP, qui ont révélé un solde débiteur, puis a opéré une compensation entre ce solde débiteur et la retenue de garantie, avant de demander l'admission de sa créance au passif de la procédure collective, pour le surplus ; que la compensation a ainsi entraîné, avant l'engagement de la procédure de vérification des créances, la disparition de la retenue de garantie, de sorte que le liquidateur ne justifie pas de l'existence d'une créance à l'encontre de la société IFN Finance ;
1°) ALORS QUE lorsqu'une juridiction décide de relever d'office un moyen, elle est tenue en toute circonstance de respecter le principe de la contradiction en invitant les parties à s'expliquer sur celui-ci ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que la société IFN Finance pouvait se prévaloir d'une compensation à l'encontre de la société GMEP entre le solde débiteur du compte courant de cette dernière et la retenue de garantie, qui avait ainsi disparu avant la procédure de vérification des créances ; qu'en statuant ainsi, tandis que, pour s'opposer à sa condamnation au paiement de cette dette de restitution de la retenue de garantie dont elle ne contestait pas le principe, la société IFN Finance avait invoqué une fraude ou, subsidiairement, un abus de droit et un défaut de détermination du quantum de cette dette, la cour d'appel a relevé d'office le moyen sur lequel elle a statué, sans inviter les parties à s'expliquer sur celui-ci ; qu'elle a ainsi violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS, subsidiairement, QUE le paiement des créances antérieures au jugement d'ouverture d'une procédure collective par compensation de dettes connexes ne peut opérer conventionnellement de plein droit après ce jugement et impose au créancier qui l'invoque de déclarer la créance dont il se prévaut ; qu'en jugeant que la créance de restitution de la retenue de garantie de la société GMEP avait été compensée avec le solde débiteur du compte courant de cette société ouvert dans les livres de la société IFN Finance, au cours des opérations de clôture et de liquidation de ce compte, avant la demande d'admission de la créance de la société IFN Finance, tandis que l'ouverture de la procédure collective de la société GMEP interdisait une telle compensation conventionnelle effectuée à la seule initiative de la société IFN Finance, la cour d'appel a violé l'article L 621-24 du Code de commerce en sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 ;
3°) ALORS, en tout état de cause, QUE l'autorité de chose jugée attachée au rejet irrévocable d'une créance au passif d'une procédure collective rend impossible la compensation entre cette créance éteinte par l'effet de son rejet et une créance connexe du débiteur en procédure collective ; qu'en statuant comme elle l'a fait, tandis qu'en raison du rejet irrévocable de toute créance de la société IFN Finance au passif de la société GMEP, par ordonnance du juge-commissaire du 11 mars 2003 confirmée par arrêt de la cour d'appel de Douai du 9 septembre 2004, aucune compensation entre cette créance jugée inexistante et la créance de restitution de la retenue de garantie de la société GMEP n'était possible, la cour d'appel a méconnu l'autorité de chose jugée attachée à cette décision de rejet ; qu'elle a ainsi violé l'article 1351 du Code civil, ensemble l'article L 621-104 du Code de commerce, en sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005.