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29/06/2011 | FRANCE | N°10-87498

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 29 juin 2011, 10-87498


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme Joëlle X..., épouse Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 30 septembre 2010, qui, pour atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité dans les marchés publics et prise illégale d'intérêts, l'a condamnée à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, 10 000 euros d'amende et cinq ans de privation des droits civiques, civils et de famille ;
Vu le mémoire et les observations compléme

ntaires produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme Joëlle X..., épouse Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 30 septembre 2010, qui, pour atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité dans les marchés publics et prise illégale d'intérêts, l'a condamnée à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, 10 000 euros d'amende et cinq ans de privation des droits civiques, civils et de famille ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 20 et 28 du code des marchés publics, 432-14 du code pénal, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme X...coupable de favoritisme ;
" aux motifs que la violation d'une disposition législative ou réglementaire garantissant la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans l'attribution des marchés publics et délégations de service public est établie ; qu'en effet, le dragage de l'avant-port, constitué de sable non pollué, bénéficiait d'une autorisation décennale délivrée par les autorités maritimes alors que le dragage du quai des pêcheurs, constitué de vases pouvant être polluées par des bactéries, des hydrocarbures ou des métaux lourds relevait d'une réglementation spécifique impliquant la constitution d'un dossier lourd et complexe et un coût plus onéreux ; que la procédure dite « procédure adaptée » était licite au regard du montant du marché initial (187 680 euros) et du seuil des procédures formalisées (230 000 euros) ; que l'appel public à la concurrence et le dossier technique prévoyaient un marché à prix unitaire pour le dragage de l'avant-port, pour un volume à draguer de 8 000 à 15 000 m3 ; qu'outre que l'entreprise Z... n'était pas la moins disante, il résulte des déclarations de M. Z... que postérieurement à la commission d'appel d'offres et lors du conseil municipal du 14 mars 2005, il lui a été demandé de revoir ses prix à la baisse ; que pareille manoeuvre avait été tentée le jour de la commission d'appel d'offres, mais stoppée par l'intervention du percepteur qui y participait de droit et avait rappelé aux membres présents et notamment au maire, Mme Y..., l'illégalité d'un tel procédé ; que l'acte d'engagement du 18 mars 2005 fixait le montant total des travaux à la somme de 187 680 euros HT pour un volume de 12 000 m3, soit une base forfaitaire ; qu'au final, 16 022 m3, ont été dragués par l'entreprise Z..., soit un volume supérieur à l'appel public à la concurrence ; que ce dépassement s'explique en partie par le fait que les sédiments enlevés dans le port devaient être déposés dans l'avant-port préalablement « surdragué » à cet effet, ce qui résulte clairement des dépositions de M. A..., chef de chantier, et M. B..., conducteur de travaux ; que les travaux supplémentaires, intervenus après avis de la commission d'appel d'offre, ont généré une augmentation du prix du marché porté à la somme de 210 524, 96 euros HT (arrêté du 24 mai 2005), soit une augmentation de plus de 5 % par rapport au marché initial, qui nécessitait au regard de la loi du 8 février 1995 un avenant, lequel devait corriger l'erreur de rédaction de l'acte d'engagement (prix unitaire, prix forfaitaire) et entériner le dépassement du volume prévu (de 12 000 à 16 022 m3) ; que tel n'a pas été le cas en l'espèce, les travaux supplémentaires ayant été réalisés, pour une partie sans avenant et pour l'autre partie sur la base d'un simple document dit « constat n° 18 » exigé par M. Z... et signé par Mme Y...; qu'en conséquence, le non-respect du code des marchés publics est établi, à la fois par la tentative de renégociation des prix lors du conseil municipal du 14 mars 2005, que par la réalisation de travaux supplémentaires dans l'avant-port et le port sans avenant ; que l'octroi d'un avantage injustifié lequel s'entend comme profit quelconque pouvant notamment être l'attribution d'un marché au mépris des règles du code des marchés publics ; qu'en autorisant ou laissant réaliser, en dehors de l'acte d'engagement des travaux supplémentaires, lesquels étaient pour la partie du quai des pêcheurs, soumis à une réglementation spéciale, à des contraintes techniques spécifiques et plus onéreuses, Mme Y...a rompu la concurrence et l'égalité de traitement des candidats lesquels n'ont pu concourir sur cette partie des travaux qui ne figurait pas dans l'appel d'offre et de ce fait avantagé l'entreprise Z..., laquelle n'était pas la moins disante ; que le dragage du quai des pêcheurs ayant été réalisé le dernier jour du chantier, il en résulte que cette opération qui nécessitait un surdragage de l'avant-port avait nécessairement été planifiée ; que Mme Y...en sa qualité de maire ne pouvait l'ignorer puisque que le dragage du port lui avait été demandé par M. C...en début de chantier ; que la connaissance du caractère illégal des travaux réalisés quai des pêcheurs se déduit des manoeuvres ayant présidé, tant à la signature du constat n° 18, que des conditions dans lesquels ils ont été effectués ; qu'en effet, il résulte des déclarations concordantes de MM. D..., directeur du port, et M. C..., élu municipal, non contestées par Mme Y..., qu'ils ont refusé de signer le document dit constat n° 18 ; que Mme Y..., en leur présence et bien qu'informée du caractère illégal de la procédure par M. D..., a apposé sa signature sous la mention « visa du maire » et rayé la mention « travaux hors marché » qui y avait été préalablement apposée par M. B..., conducteur de travaux de l'entreprise Z... ; qu'elle a donc agi en connaissance de cause ; que le dragage du quai des pêcheurs, réalisé le 9 mai 2005, de nuit, a été constaté par les gendarmes ; qu'aux termes des déclarations de M. A..., c'est à la demande expresse de M. D...et dans un souci de discrétion qu'il a opéré nuitamment, le dernier jour du chantier ; qu'en conséquence de quoi, l'argument de Mme Y...tenant à présenter les travaux diurnes comme habituels, ne saurait convaincre la cour, d'autant que seul le dragage du quai des pêcheurs a été réalisé dans ces circonstances ; qu'enfin, le fait que M. Z... ait exigé de son chef de chantier la signature du document constat n° 18 portant la mention « travaux hors marché » suffit à établir qu'il avait lui aussi parfaitement conscience du caractère non réglementaire desdits travaux ; qu'en conséquence de quoi, le délit du favoritisme étant constitué, le jugement déféré sera infirmé et Mme Y...en sera déclarée coupable ;
" 1) alors que le juge ne peut statuer que sur les faits relevés par l'ordonnance ou la citation qui le saisit ; qu'au cas d'espèce, il résulte des mentions de l'arrêt que Mme Y...avait été citée pour avoir « frauduleusement autorisé, par la signature le 9 mai 2005 d'un « constat de travaux », un dépassement du marché de dragage des installations portuaires de la commune attribué à l'entreprise Z..., dépassement consistant en un accroissement du volume autorisé de dragage et en l'extension des opérations vers une zone portuaire non prévue au marché public » ; que le constat de travaux litigieux valait ordre de service pour le « dragage d'un petit chenal et d'une zone du quai des pêcheurs » ; qu'il résultait donc de la citation que le favoritisme reproché à Mme Y...consistait uniquement dans le fait d'avoir autorisé, le 9 mai 2005, le dragage de la zone du quai des pêcheurs, située dans le port ; qu'en affirmant que Mme Y...s'était rendue coupable de favoritisme en autorisant la réalisation de travaux supplémentaires dans l'avant-port, fait non visé par la prévention, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
" 2) alors que la commune de Barcares a signé, le 24 mai 2005, un « avenant n° 1 » modifiant le détail estimatif de l'acte d'engagement pour le porter à 210 524, 96 euros HT, montant réclamé par la société Z... au titre du dragage de l'avant-port ; qu'en affirmant que le délit de favoritisme était constitué par la réalisation de travaux supplémentaires dans l'avant-port sans avenant, la cour d'appel a dénaturé l'avenant du 24 mai 2005 ;
" 3) alors que des prestations effectuées gratuitement pour le compte d'une personne publique ne peuvent revêtir la qualification de contrat de marché public et ne sauraient par conséquent relever de la réglementation qui leur est applicable ; qu'en affirmant que la réalisation des travaux de dragage du port auraient dû donner lieu à la conclusion d'un avenant au marché initialement conclu, alors même que ces travaux, dans la mesure où ils avaient été effectués gratuitement, ne pouvaient être regardés comme susceptibles de se rattacher à l'exécution d'un marché public, ce qui excluait ainsi la conclusion d'un avenant en vue de les intégrer au contrat initial, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 4) alors que le simple fait pour l'autorité adjudicatrice d'envisager la possibilité de solliciter de l'attributaire du marché qu'il modifie son prix ne constitue pas, lorsqu'aucune modification n'est effectivement intervenue, une violation des règles relatives à la dévolution de la commande publique ; qu'en affirmant que la tentative de renégociation des prix lors du conseil municipal du 14 mars 2005 caractérisait le non-respect du code des marchés publics, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
" 5) alors que les règles de la commande publique établissent une distinction claire entre les marchés à prix forfaitaire, dans lesquels le titulaire doit exécuter les prestations contractuelles au prix convenu, et les marchés à prix unitaires, dans lesquels le prix est fonction des quantités ou des prestations réellement livrées ou exécutées ; qu'en affirmant qu'un avenant aurait nécessairement dû être conclu en se fondant sur la circonstance que le marché aurait été conclu à prix forfaitaire, alors même qu'il ressortait des documents de la consultation que le marché n'avait pu être conclu qu'à prix unitaires et que la mention d'un prix ferme dans l'acte d'engagement résultait nécessairement d'une erreur matérielle, de sorte que les prestations supplémentaires auraient dû être payées par simple application du bordereau de prix unitaires et non par la voie d'un avenant, la cour n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 6) alors que le délit de favoritisme suppose qu'il ait été porté atteinte au principe de libre et égal accès à la commande publique ; qu'au cas d'espèce, la cour a elle-même constaté que les travaux supplémentaires effectués par la société Z... avaient eu pour effet de porter le coût du marché à la somme de 210 524, 96 euros HT, somme inférieure au seuil imposant, dans la rédaction en vigueur de l'article 28 du code des marchés publics, le recours à la procédure formalisée ; qu'en affirmant que l'absence de mise en concurrence pour les travaux supplémentaires était constitutive du délit de favoritisme, quand il ressortait de ses propres constatations que le montant total des travaux autorisait le recours ab initio à la procédure adaptée dans le cadre de laquelle l'ensemble des prestations finalement réalisées auraient pu être attribuées à la société Z..., la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
" 7) alors qu'il en est d'autant plus ainsi que la conclusion d'un avenant, qui est régulière lorsqu'elle ne conduit pas à un bouleversement de l'économie du contrat, n'est pas soumise aux règles de publicité et de mise en concurrence qui s'appliquent à la passation des marchés publics ; qu'au cas d'espèce, les travaux supplémentaires effectués par la société Z... n'ont conduit qu'à une augmentation du coût du marché que de 10, 8 % ; que ces travaux pouvaient faire l'objet d'un simple avenant, fût-ce une fois le service fait, conclu sans nouvelle mise en concurrence ; que la cour ne pouvait donc déduire le favoritisme de l'absence de mise en concurrence pour les travaux supplémentaires ;
" 8) alors que le délit de favoritisme suppose l'octroi ou la tentative d'octroi à autrui d'un avantage injustifié ; qu'en affirmant que constituait un tel avantage la tâche supplémentaire confiée à la société Z... de draguer la zone du quai des pêcheurs sans répondre au moyen par lequel Mme Y...faisait valoir, en s'appuyant notamment sur les déclarations des dirigeants de la société Z..., que ces travaux supplémentaires avaient été effectués gratuitement, à titre de geste commercial, de sorte que la société Z... n'en avait tiré aucun profit, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 9) alors que l'infraction de favoritisme, délit intentionnel, est caractérisée par l'accomplissement, en connaissance de cause, d'un acte contraire aux lois et règlements garantissant le libre et égal accès à la commande publique ; qu'au cas d'espèce, la seule constatation par la cour d'appel du fait que Mme Y...avait signé la commande relative au dragage de la zone du quai des pêcheurs que le directeur du port n'avait pas souhaité signer lui-même ne suffisait pas à caractériser une volonté frauduleuse de Mme Y..., qui a seulement souhaité faire procéder, dans l'intérêt de tous les usagers du port, à un travail supplémentaire que la société Z... acceptait de réaliser gratuitement ; qu'en statuant comme elle l'a fait, par des motifs impropres à caractériser l'intention frauduleuse de Mme Y..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, par délibération en date du 20 janvier 2005, le conseil municipal de la commune de Barcarès, dont Mme Y...était le maire, a autorisé cette dernière à attribuer, selon la procédure adaptée formalisée, le marché public des travaux de dragage de l'avant-port ; que l'avis d'appel public à la concurrence mentionnait un volume de sable à draguer dans la zone de l'avant-port de 10 000 à 15 000 m3 ; que, le 18 mars 2005, le maire a signé l'acte d'engagement dudit marché, avec l'entreprise Z..., déclarée attributaire par la commission d'appel d'offres, pour un montant total de 187 680 euros HT, représentant un volume de 12 000 m3 ; que, le 9 mai 2005, en exécution d'un constat signé par le maire à la demande d'un élu municipal, M. C..., dont le frère venait d'acquérir un nouveau bateau, à fort tirant d'eau, l'entreprise attributaire a réalisé, de nuit, des travaux non compris dans le marché initial, sans les autorisations nécessaires, dont l'objet était de supprimer un dépôt de sédiment dans le port, afin de permettre à ce navire d'y accéder ; que, le 24 mai 2005, le maire a pris un arrêté portant approbation d'un avenant du même jour au marché de dragage pour un montant de 210 524, 96 euros HT ; que, sur intervention du préfet l'informant de l'obligation de solliciter l'avis de la commission d'appel d'offres préalablement à la signature dudit avenant, le maire a annulé ce dernier, par décision du 24 mai 2005 ; que, pour ces faits, Mme Y...a été renvoyée devant le tribunal correctionnel des chefs de favoritisme et prise illégale d'intérêts ;
Attendu que, pour déclarer la prévenue coupable de favoritisme, l'arrêt relève que les travaux supplémentaires, estimés à 16 022 m3, qui s'expliquent en partie par la nécessité de " sur-draguer " l'avant-port afin de pouvoir y déposer les sédiments prélevés dans le port, ont généré une augmentation du prix du marché de plus de 5 %, qui nécessitait la conclusion d'un avenant ; que les juges ajoutent qu'en autorisant de tels travaux, non compris dans l'acte d'engagement, lesquels étaient pour partie soumis à une réglementation spéciale, ainsi qu'à des contraintes techniques plus onéreuses, le maire a rompu la concurrence et l'égalité de traitement des candidats, lesquels n'ont pu concourir sur ces derniers qui ne figuraient pas dans l'appel d'offres ; qu'ils énoncent enfin que la connaissance par la prévenue du caractère illégal des travaux se déduit tant des manoeuvres ayant présidé à la signature du constat que des conditions dans lesquels ils ont été effectués ;
Attendu, qu'en l'état de ces énonciations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation des faits, et dès lors que les travaux supplémentaires devaient faire l'objet d'un avenant approuvé par la collectivité délibérante, pris après avis de la commission d'appel d'offres, en vertu de l'article 8 de la loi du 8 février 1995 relative aux marchés publics et aux délégations de service public alors applicable, disposition de nature à garantir la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés publics, au sens de l'article 432-14 du code pénal, en ce qu'elle permet à la commission d'appel d'offres d'apprécier la légalité d'un avenant au regard de l'économie du marché et de son objet, la cour d'appel, qui a statué dans les limites de sa saisine et s'est justement référée à l'acte d'engagement pour en déduire le prix forfaitaire du marché, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 432-12 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme Y...coupable de prise illégale d'intérêt ;
" aux motifs qu'il résulte des auditions de MM. D..., A..., B...que le dragage du quai des pêcheurs avait pour but de permettre à un bateau à fort tirant d'eau, acheté récemment par un élu municipal, d'entrer dans le port ; que M. F..., directeur de cabinet de Mme
Y...
, indiquait qu'au début des travaux de dragage, M. C...avait fait l'acquisition d'un nouveau bateau de pêche et avait expressément demandé à Mme Y...de draguer la partie du port de pêche pour lui permettre d'accoster, à défaut de quoi, il lui faudrait amarrer dans un autre port ; qu'il précisait que M. C...avait été le seul à formuler cette demande et qu'il possédait l'unité la plus importante du port ; que M. C..., lui-même, précisait avoir refusé de signer le constat n° 18 relatif au dragage du quai des pêcheurs, comme le lui demandait Mme Y...ce qui prouve sans conteste le lien existant entre cet élu et l'opération en question ; qu'il est donc établi que le dragage du quai des pêcheurs, qui a nécessité un surdragage de l'avant-port, l'a été à la demande de M. C...; que la disparition du TOC ait, comme l'affirme Mme Y..., pu bénéficier à d'autres pêcheurs ou à des plaisanciers n'est pas de nature à l'exonérer de sa responsabilité ; qu'en ordonnant en connaissance de cause, en dehors du marché et de toute procédure légale, ces travaux supplémentaires Mme Y...a favorisé sciemment un élu municipal et ainsi pris un intérêt indirect dans les opérations visées ; que le délit est donc constitué, le jugement sera donc infirmé de ce chef et Mme Y...sera déclarée coupable de l'infraction de prise illégale d'intérêts ;
" 1) alors que le délit de prise illégale d'intérêts suppose que le prévenu ait pris dans l'opération incriminée un intérêt personnel, fût-il indirect ; qu'au cas d'espèce, la cour ne pouvait se borner, pour considérer que Mme Y...avait pris dans l'opération de dragage du port un intérêt personnel, à constater que cette opération avait bénéficié à M. C..., la seule qualité d'« élu municipal » de M. C...ne permettant pas de caractériser l'intérêt personnel de Mme Y...à l'opération ;
" 2) alors que le délit de prise illégale d'intérêts suppose que le prévenu ait pris dans l'opération incriminée un intérêt personnel spécial, particulier et personnel, distinct de l'intérêt général ; qu'en déclarant Mme Y...coupable de ce délit au seul motif que M. C...bénéficiait, dans le cadre de son activité professionnelle, des travaux de dragage du port, peu important que ces travaux aient également pu bénéficier à d'autres pêcheurs ou à des plaisanciers, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
" 3) alors que des travaux effectués sur le domaine public – lequel est par définition, sauf autorisation d'utilisation privative, d'accès libre – profitent par nature à l'ensemble des usagers de ce domaine ; que l'intérêt que trouvent inévitablement, comme chacun, à de tels travaux les personnes dépositaires de l'autorité publique, chargées d'une mission de service public ou investies d'un mandat électif public ne peut justifier leur condamnation pour prise illégale d'intérêts ; qu'en déclarant Mme Y...coupable de ce délit au seul motif que M. C...bénéficiait, dans le cadre de son activité professionnelle, des travaux de dragage du port, peu important que ces travaux aient également pu bénéficier à d'autres pêcheurs ou à des plaisanciers, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen " ;
Attendu que, pour déclarer la prévenue coupable de prise illégale d'intérêts, l'arrêt énonce qu'en ordonnant, à la demande de M. C..., en toute connaissance de cause, en dehors du marché et de toute procédure légale, des travaux supplémentaires, le maire a favorisé sciemment ce dernier, élu municipal, et a ainsi pris un intérêt indirect dans les opérations visées ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui a souverainement constaté la prise d'un intérêt moral par la prévenue, nécessairement distinct de l'intérêt général, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Labrousse conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 10-87498
Date de la décision : 29/06/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ATTEINTE A L'AUTORITE DE L'ETAT - Atteinte à l'administration publique commise par des personnes exerçant une fonction publique - Manquement au devoir de probité - Prise illégale d'intérêts - Eléments constitutifs - Elément moral - Prise d'un intérêt moral - Volonté de favoriser un élu municipal

MAIRE - Prise illégale d'intérêts - Eléments constitutifs - Prise d'un intérêt matériel ou moral, direct ou indirect

Caractérise le délit de prise illégale d'intérêts, par prise d'un intérêt moral, le fait, pour un maire, d'ordonner à l'entreprise attributaire d'un marché de travaux de réaliser des travaux non compris dans le marché initial, à la demande d'un élu municipal, afin de favoriser ce dernier


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 30 septembre 2010

Sur la caractérisation du délit de prise illégale d'intérêts, à rapprocher :Crim., 5 novembre 1998, pourvoi n° 97-80419, Bull. crim. 1998, n° 289 (rejet) ;Crim., 29 septembre 1999, pourvoi n° 98-81796, Bull. crim. 1999, n° 202 (cassation) ;Crim., 22 octobre 2008, pourvoi n° 08-82068, Bull. crim. 2008, n° 212 (rejet)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 29 jui. 2011, pourvoi n°10-87498, Bull. crim. criminel 2011 n° 153
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2011 n° 153

Composition du Tribunal
Président : M. Louvel
Avocat général : M. Mathon
Rapporteur ?: Mme Labrousse
Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.87498
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