LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 143-3 du code rural ensemble l'article R. 143-6 de ce code ;
Attendu qu'à peine de nullité, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural doit justifier sa décision par référence explicite et motivée à l'un ou plusieurs des objectifs définis par l'article L. 143-2 et la porter à la connaissance des intéressés ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 30 avril 2009), que la SAFER Garonne-Périgord (la SOGAP) a notifié le 14 décembre 2006 au greffier en chef du tribunal de grande instance de Bergerac sa décision de préemption de parcelles acquises par voie d'adjudication par MM. Bernard et Frédéric X... ; que soutenant n'avoir pas été régulièrement informés de cette décision, les consorts X... ont sollicité son annulation ;
Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt retient que l'article R. 143-6 du code rural s'applique au cas où la SAFER exerce son droit de préemption à la suite d'une vente et prévoit qu'elle doit notifier sa décision à l'acquéreur évincé par lettre recommandée avec accusé de réception, qu'en l'espèce, il ne s'agit pas d'un acquéreur mais d'adjudicataires ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la SAFER devait à peine de nullité notifier aux adjudicataires évincés sa décision motivée de préemption par lettre recommandée avec avis de réception dans les quinze jours de la notification faite à la personne chargée de dresser l'acte d'aliénation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 avril 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;
Condamne la SAFER Garonne-Périgord aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991, condamne la SAFER Garonne-Périgord à payer à Me Copper-Royer la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la SAFER Garonne-Périgord ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Copper-Royer, avocat aux Conseils pour les consorts X...
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté les consorts X... de leur demande en nullité de la décision de préemption prise par la SAFER SOGAP le 14 décembre 2006.
AUX MOTIFS QUE « En ce qui concerne les dispositions de l'article R 143-6 du code rural, ce texte prévoit le cas où la Safer exerce son droit de préemption à la suite d'une vente. Dans ce cas elle doit notifier sa décision à l'acquéreur évincé par lettre recommandée avec accusé de réception.
« En l'espèce, il n'est pas question d'un acquéreur mais d'adjudicataires.
« C'est donc de façon tout à fait superfétatoire que la Safer a notifié en plus de la notification faite au Greffier en chef de la juridiction et au créancier poursuivant, sa décision au domicile du conseil choisi par les consorts X... pour porter les enchères en leur nom, la notification faite ensuite au domicile réel de l'un des deux frères étant toute aussi superfétatoire.
« Ainsi les deux premiers moyens des consorts X... doivent être écartés.
« En ce qui concerne le défaut de motivation de cette décision avancée. La notification porte que la « préemption intervient pour permettre d'agrandir et d'améliorer le parcellaire des exploitations du secteur et en l'espèce, sans préjudice de l'examen d'autres candidatures que pourrait révéler la publicité, améliorer la structure parcellaire de l'exploitation voisine des trois parcelles en vente par la maîtrise de ces 31 a 37 ca située en zone AOC article L. 143-2.2° du code rural.
« Il apparaît qu'au regard du plan produit, cette préemption avait bien pour but d'améliorer le parcellaire d'une exploitation Z..., qu'ainsi la notification était parfaitement motivée au regard du but poursuivi. Ce moyen doit être écarté.
« En ce qui concerne l'impossibilité de préempter au regard de la surface du terrain, si il est impossible de préempter en de ça d'une surface de 50 a, il résulte d'un décret du 23 octobre 2001 du Ministère de l'agriculture et de la pêche que dans les départements de la Dordogne, du Lot et Garonne et du Tarn et Garonne, la Safer peut exercer son droit de préemption à partir de 10 a dans les zones viticoles AOC.
« Ce texte vise les zones classées en AOC et non les zones plantées en AOC. Dans ces conditions, il est peu important de savoir les plantations existantes sur ce terrain lors de l'exercice de la préemption, ces parcelles de moins de 50 a figurant ainsi que cela n'est pas contesté en zone AOC.
« Ce moyen doit aussi être écarté.
« En ce qui concerne la surface exploitée par Z..., les consorts X... soutiennent que ce dernier exploitant 25 ha de vignes sur une propriété de 31 ha, la Safer ne pouvait lui apporter le terrain préempté puisqu'il dépassait la limite de 19,5 ha soit 3 fois la limite de 6,5 ha de surface minimum d'installation en AOC.
« Or rien ne démontre dans les pièces produites par les consorts X... que Z... exploitait 31 ha de terres dont 25 ha en AOC étant relevé que dans les cotes de leur dossier, les consorts X... indiquent qu'ils ignorent tout de l'importance des biens dont disposerait M. Z....
« Ce moyen ne peut être retenu.
« Il apparaît ainsi qu'aucun des moyens avancés par les consorts X... pour interdire à la Safer d'user de son droit de préemption ne peut être retenu, qu'ainsi la décision déférée doit être réformée et les consorts X... doivent être déboutés de leurs demandes » (arrêt attaqué p. 4, 13 premiers §).
ALORS, D'UNE PART, QUE la SAFER doit, à peine de nullité, notifier à l'acquéreur ou à l'adjudicataire évincés sa décision de préemption ; que les consorts X..., adjudicataires indivisaires, sollicitaient l'annulation de la décision de préemption du 14 décembre 2006 en faisant valoir qu'elle ne leur avait pas été dûment notifiée, la notification à leur avocat leur étant inopposable faute d'élection de domicile à son cabinet et la notification au domicile réel n'ayant été faite qu'à l'un d'eux seulement ; que dès lors en rejetant cette demande, motifs pris de ce que l'article R. 143-6 prévoirait le cas où la SAFER exerce son droit de préemption à la suite d'une vente, et qu'en présence d'adjudicataires et non d'acquéreurs, la notification au domicile du conseil des consorts X... et celle faite au domicile réel de l'un d'eux seraient superfétatoires, la Cour d'appel a violé les articles L. 143-3 et R. 143-6 du Code rural.
ALORS, DE DEUXIEME PART, QUE la SAFER doit justifier sa décision de préemption par référence explicite et motivée à l'un des objectifs légaux, en fournissant des données concrètes permettant de vérifier la réalité de l'objectif allégué ; qu'en l'espèce, la décision de la SAFER SOGAP était motivée par simple reproduction de l'objectif légal ; que dès lors, en se bornant à énoncer « qu'au regard du plan « produit, cette préemption avait bien pour but d'améliorer le « parcellaire de l'exploitation voisine », motif avancé par la SAFER SOGAP dans sa décision, et « qu'ainsi la notification était « parfaitement motivée au regard du but poursuivi », la Cour d'appel, qui n'a pas exercé son contrôle sur la motivation et la légalité de la décision prise par la SAFER, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 143-2, L. 143-3 et R. 143-6 du Code rural.
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE la motivation doit figurer au sein même de l'acte notifiant la préemption ; qu'en s'appuyant dès lors sur un document produit ultérieurement à la notification de la décision de préemption pour retenir, « au regard du « plan produit », que « la notification était parfaitement motivée au « regard du but poursuivi », la Cour d'appel s'est au surplus déterminée par un motif inopérant et a encore privé sa décision de base légale au regard des articles L. 143-3 et R. 143-6 du Code rural.
ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE les consorts X... soutenaient dans leurs conclusions que la décision de préemption attaquée encourait la nullité, quant au fond, car la SAFER SOGAP était dans l'impossibilité de préempter au regard de la surface trop faible du terrain ; qu'ils faisaient valoir qu'en effet, le décret du 23 octobre 2001 n'autorisait la SAFER à exercer son droit de préemption dès la surface de 10 ares dans les zones viticoles AOC que pour une période de cinq ans et que cette période était expirée à la date de l'adjudication des parcelles objet de la préemption ; qu'en se bornant dès lors à retenir « qu'il résulte d'un décret du 23 octobre 2001 (...) « que dans les départements de la Dordogne, du Lot et Garonne et du « Tarn et Garonne, la SAFER peut exercer son droit de préemption à « partir de 10 ares dans les zones viticoles AOC », la Cour d'appel a omis de répondre aux conclusions invoquées, violant ainsi l'article 455 du Code de procédure civile.
ALORS, DE CINQUIEME PART, QUE les consorts X... faisaient encore valoir que les parcelles objet de la préemption ne pouvaient être attribuées au demandeur de la préemption, celui-ci exploitant une superficie de terres supérieure de plus de trois fois à la surface minimum d'installation, ce qui résultait expressément des conclusions de la SAFER SOGAP et de la pièce n° 8 versée aux débats par celle-ci ; qu'en rejetant ce moyen, motifs pris de ce que rien ne démontrerait dans les pièces produites par les consorts X... que le demandeur de la préemption exploitait 31 hectares de terre dont 25 hectares en AOC, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige tels qu'ils étaient fixés par ces conclusions et les pièces auxquelles elles se référaient, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile.