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23/06/2011 | FRANCE | N°10-20110

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 23 juin 2011, 10-20110


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que Mme X... a recherché la responsabilité de M. Y..., chirurgien-dentiste, prétendant qu'à l'occasion de soins prodigués en 1991, il l'avait privée, par sa faute, d'un diagnostic précoce du cancer intramandibulaire dont elle était atteinte ; qu'un jugement désormais irrévocable l'a déboutée de sa demande ; que Mme X... a à nouveau recherché la responsabilité de M. Y..., invoquant des fautes commises en 1984 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrÃ

ªt attaqué (Besançon, 22 avril 2010), de l'avoir déboutée de ses demandes alors, sel...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que Mme X... a recherché la responsabilité de M. Y..., chirurgien-dentiste, prétendant qu'à l'occasion de soins prodigués en 1991, il l'avait privée, par sa faute, d'un diagnostic précoce du cancer intramandibulaire dont elle était atteinte ; qu'un jugement désormais irrévocable l'a déboutée de sa demande ; que Mme X... a à nouveau recherché la responsabilité de M. Y..., invoquant des fautes commises en 1984 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt attaqué (Besançon, 22 avril 2010), de l'avoir déboutée de ses demandes alors, selon le moyen, que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; que cette exigence, qui doit s'apprécier objectivement, n'est pas respectée lorsque figure dans le collège des magistrats appelés à statuer sur une demande tendant à la reconnaissance de la responsabilité d'un médecin, un juge qui, dans une instance précédente, a présidé la formation ayant statué, entre les mêmes parties, sur une demande ayant le même objet mais fondée sur une cause différente ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué de la cour d'appel de Besançon du 22 avril 2010 a été rendu par un collège de magistrats parmi lesquels figurait M. B... ; que ce dernier participait déjà à la composition du tribunal ayant rejeté, dans un litige opposant les mêmes parties, la demande de l'une d'elles portant sur le même objet mais étant fondée sur une cause distincte ; qu'en statuant dans une composition où siégeait le même magistrat, la cour d'appel a violé l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'il résulte de la procédure que les débats devant la cour d'appel ont eu lieu devant une formation collégiale dont la composition était nécessairement connue de Mme X..., représentée par son avoué ; qu'elle n'est pas recevable à invoquer devant la Cour de cassation la violation de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme dès lors que, n'ayant pas fait usage de la faculté de récusation prévue à l'article 341, 5° du code de procédure civile avant la clôture des débats, elle a renoncé sans équivoque à s'en prévaloir ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré sa demande en responsabilité irrecevable alors, selon le moyen :

1°/ qu'il n'y a pas autorité de la chose jugée lorsqu'un fait ou un acte, postérieur à la décision dont l'autorité est invoquée, modifie la situation antérieurement reconnue en justice et la cause de la demande ; que constitue un fait nouveau de nature à faire échec à la mise en jeu de l'autorité de la chose jugée, le dépôt d'un rapport d'expertise qui révèle une faute initiale du médecin, antérieure à celle ayant justifié une première action et dont l'existence était inconnue de la partie demanderesse avant sa révélation par le rapport ; qu'en rejetant la demande de Mme X... en réparation du préjudice résultant de la faute de M. Y... qui n'avait pas fait procéder à l'ablation d'un kyste ayant évolué en carcinome particulièrement grave, au motif que celle-ci se heurtait à l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 27 novembre 1997, quand cette seconde action était fondée sur une faute du médecin dont l'existence avait été révélée par un rapport d'expertise postérieur, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil ;

2°/ qu'en tout état de cause, l'autorité de la chose jugée suppose une triple identité d'objet, de cause et de parties ; qu'en l'espèce, l'instance ayant donné lieu au jugement du 27 novembre 1997, devenu définitif, avait pour cause les négligences de M. Y... postérieures à 1991, une fois la tumeur cancéreuse déjà apparue ; que l'action intentée ultérieurement avait pour cause le fait pour M. Y... de ne pas avoir procédé ou fait procéder à l'ablation d'un kyste en 1985, lequel kyste avait évolué en carcinome particulièrement grave, donc antérieurement à l'apparition du cancer ; qu'en opposant à Mme X... l'autorité de la chose jugée du jugement du 27 novembre 1997 quand il n'y avait pas d'identité de cause entre l'action ayant abouti à cette décision passée en force de chose jugée et sa seconde action, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté que Mme X... demandait à M. Y... réparation du même dommage que celui dont la réparation constituait l'objet du litige irrévocablement tranché par le jugement précité, la cour d'appel en a exactement déduit qu'en se prévalant d'un rapport d'expertise amiable qu'elle avait sollicité postérieurement à ce jugement pour imputer ce dommage à une faute que M. Y... aurait commise antérieurement à l'introduction de la précédente instance, Mme X... alléguait un moyen nouveau qui se heurtait à l'autorité de chose jugée attachée audit jugement ; qu'aucun des griefs n'est donc fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR été rendu par une Cour composée de :

« lors des débats :

PRESIDENT : Monsieur B. Z..., Conseiller, faisant fonction de Président de chambre.

ASSESSEURS : Madame M. A... et Monsieur B. B..., Conseillers.

GREFFIER : Madame M. C..., Greffier.

Lors du délibéré :

PRESIDENT : Monsieur B. Z..., Conseiller, faisant fonction de Président de chambre.

ASSESSEURS : Madame M. A... et Monsieur B. B..., Conseillers ».

ALORS QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; que cette exigence, qui doit s'apprécier objectivement, n'est pas respectée lorsque figure dans le collège des magistrats appelés à statuer sur une demande tendant à la reconnaissance de la responsabilité d'un médecin, un juge qui, dans une instance précédente, a présidé la formation ayant statué, entre les mêmes parties, sur une demande ayant le même objet mais fondée sur une cause différente ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué de la Cour d'appel de BESANCON du 22 avril 2010 a été rendu par un collège de magistrats parmi lesquels figurait Monsieur B... ; que ce dernier participait déjà à la composition du tribunal ayant rejeté, dans un litige opposant les mêmes parties, la demande de l'une d'elles portant sur le même objet mais étant fondée sur une cause distincte ; qu'en statuant dans une composition où siégeait le même magistrat, la cour d'appel a violé l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté Madame X... de sa demande.

AUX MOTIFS PROPRES QUE « la chose demandée, dans le cadre de la première instance, est la même que celle demandée aux juges de 1997 ; que la demande est fondée sur la même cause, entre les mêmes parties, agissant en la même qualité ;

Attendu que le jugement rendu le 27 novembre 1997 est ainsi revêtu de l'autorité de la chose jugée à l'égard de la nouvelle demande en déclaration de responsabilité de Alain Y..., présentée par Huguette X..., qui est dès lors irrecevable en ses demandes d'expertise, destinée à chiffrer les éléments de son préjudice, et de provision. »

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'« il constant que le jugement du 27/ 11/ 1997, devenu définitif, le Tribunal a conclu à l'absence de responsabilité du Docteur Y..., faute de lien de causalité entre les manquements qui lui étaient imputables et le préjudice de Mme X... ;

Qu'il s'ensuit que Mme X... ne peut valablement être admise à contester l'identité de cause des deux demandes en invoquant un moyen qu'elle n'avait pas soulevé en temps utile, de sorte que sa nouvelle demande se heurte à la chose précédemment jugée relativement à la même contestation et sera déclarée irrecevable. »

1°) ALORS QU'il n'y a pas autorité de la chose jugée lorsqu'un fait ou un acte, postérieur à la décision dont l'autorité est invoquée, modifie la situation antérieurement reconnue en justice et la cause de la demande ; que constitue un fait nouveau de nature à faire échec à la mise en jeu de l'autorité de la chose jugée, le dépôt d'un rapport d'expertise qui révèle une faute initiale du médecin, antérieure à celle ayant justifié une première action et dont l'existence était inconnue de la partie demanderesse avant sa révélation par le rapport ; qu'en rejetant la demande de Madame X... en réparation du préjudice résultant de la faute du Docteur Y... qui n'avait pas fait procéder à l'ablation d'un kyste ayant évolué en carcinome particulièrement grave, au motif que celle-ci se heurtait à l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 27 novembre 1997, quand cette seconde action était fondée sur une faute du médecin dont l'existence avait été révélée par un rapport d'expertise postérieur, la Cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil ;

2°) ALORS en tout état de cause QUE l'autorité de la chose jugée suppose une triple identité d'objet, de cause et de parties ; qu'en l'espèce, l'instance ayant donné lieu au jugement du 27 novembre 1997, devenu définitif, avait pour cause les négligences du Docteur Y... postérieures à 1991, une fois la tumeur cancéreuse déjà apparue ; que l'action intentée ultérieurement avait pour cause le fait pour le Docteur Y... de ne pas avoir procédé ou fait procéder à l'ablation d'un kyste en 1985, lequel kyste avait évolué en carcinome particulièrement grave, donc antérieurement à l'apparition du cancer ; qu'en opposant à Madame X... l'autorité de la chose jugée du jugement du 27 novembre 1997 quand il n'y avait pas d'identité de cause entre l'action ayant abouti à cette décision passée en force de chose jugée et sa seconde action, la Cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 10-20110
Date de la décision : 23/06/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

CHOSE JUGEE - Identité de cause - Obligation de concentration des moyens - Domaine d'application - Demandes successives tendant au même objet par un moyen nouveau - Applications diverses

Ayant constaté qu'une personne demandait à une autre réparation du même dommage que celui dont la réparation constituait l'objet du litige irrévocablement tranché par un précédent jugement, une cour d'appel en déduit exactement qu'en se prévalant d'un rapport d'expertise amiable qu'elle avait sollicité postérieurement à ce jugement pour imputer ce dommage à une faute que l'autre partie aurait commise antérieurement à l'introduction de la précédente instance, cette personne alléguait un moyen nouveau qui se heurtait à l'autorité de la chose jugée attachée audit jugement


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, 22 avril 2010

Sur l'obligation de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens de nature à fonder celle-ci, à rapprocher :1re Civ., 24 septembre 2009, pourvoi n° 08-10517, Bull. 2009, I, n° 177 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 23 jui. 2011, pourvoi n°10-20110, Bull. civ. 2011, I, n° 119
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, I, n° 119

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Avocat général : M. Pagès
Rapporteur ?: Mme Dreifuss-Netter
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.20110
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