LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt et un juin deux mille onze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller STRAEHLI, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ, de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BERKANI ;
Statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité formulée par mémoire spécial reçu le 15 avril 2011 et présenté par :
- M. Antoine Jorge X...,
à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7e chambre, en date du 30 septembre 2010, qui, pour diffamation publique envers un particulier, l'a condamné à 1 000 euros d'amende avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit en défense ;
Attendu que la question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
"Le demandeur au pourvoi invoque l'inconstitutionnalité de l'article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 modifiée sur la communication audiovisuelle en ce que :- d'une part, cet article est contraire aux articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en créant une présomption de culpabilité et en permettant d'imputer à une personne qui, ne saurait-elle rien du contenu des messages diffusés sur son forum ou blog, une infraction à la loi du 29 juillet 1881 sur la presse, en réalité commise par d'autres,- d'autre part, il méconnaît le principe d'égalité garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en traitant différemment le directeur de publication et le producteur sur internet, sans justification,- enfin, en ce que cet article 93-3 est contraire à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme, faute pour le législateur d'avoir au moins précisé ce que recouvre la notion de producteur." ;
Attendu que la disposition contestée est applicable à la procédure ;
Qu'elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;
Et attendu que la question posée présente un caractère sérieux ; qu'en effet, en matière de communication en ligne, l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 fait peser sur le producteur, et ce à défaut du directeur de la publication et de l'auteur du message, une responsabilité comme auteur principal, sans que soient définis les moyens pour lui de la voir écarter par le juge ; qu'en outre, le même article réserve un sort différent au directeur de la publication et au producteur ; qu'il peut être ainsi porté atteinte aux principes du respect de la présomption d'innocence et d'égalité, garantis par les articles 9 et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
D'où il suit qu'il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;
Par ces motifs :
RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Louvel président, M. Straehli conseiller rapporteur, M. Blondet, Mmes Koering-Joulin, Palisse, Guirimand, MM. Beauvais, Guérin, Finidori, Monfort conseillers de la chambre, Mme Divialle, M. Maziau conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Berkani ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;