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01/06/2011 | FRANCE | N°09-72002

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 01 juin 2011, 09-72002


Donne acte à la société Covea Risks de ce qu'elle se désiste de son pourvoi en tant que dirigé contre la caisse primaire d'assurance maladie de Vienne ;
Attendu, selon les arrêts attaqués (Lyon, 21 octobre 2008 et 6 octobre 2009), que M. X...a été victime d'un accident du travail ; qu'il a confié la défense de ses intérêts à M. Y..., avocat, assuré pour sa responsabilité professionnelle auprès de la société Covea Risks (l'assureur) ; que M. X..., reprochant à M. Y...de n'avoir pas saisi dans les délais la commission d'indemnisation des victimes d'infraction (CIVI) aux

fins d'obtenir une indemnisation complémentaire, a assigné ce dernier e...

Donne acte à la société Covea Risks de ce qu'elle se désiste de son pourvoi en tant que dirigé contre la caisse primaire d'assurance maladie de Vienne ;
Attendu, selon les arrêts attaqués (Lyon, 21 octobre 2008 et 6 octobre 2009), que M. X...a été victime d'un accident du travail ; qu'il a confié la défense de ses intérêts à M. Y..., avocat, assuré pour sa responsabilité professionnelle auprès de la société Covea Risks (l'assureur) ; que M. X..., reprochant à M. Y...de n'avoir pas saisi dans les délais la commission d'indemnisation des victimes d'infraction (CIVI) aux fins d'obtenir une indemnisation complémentaire, a assigné ce dernier en responsabilité ;
Sur le premier moyen, dirigé contre l'arrêt du 21 octobre 2008 :
Attendu que ce moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le second moyen, dirigé contre l'arrêt du 6 octobre 2009, tel que reproduit en annexe :
Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer une certaine somme à M. X...;
Mais attendu que pour apprécier le préjudice de M. X..., victime d'un accident du travail, du fait de la perte de chance d'obtenir une indemnisation complémentaire, résultant de la faute commise par M. Y..., l'arrêt retient qu'il a été définitivement jugé par la décision du 21 octobre 2008 que ce dernier avait commis une faute en ne saisissant pas la CIVI en juillet 2000, date à laquelle une telle action aurait été recevable au regard de la jurisprudence applicable à l'époque, et prend en compte pour apprécier ce préjudice, le fait que M. X...était, lors de l'accident, indemne de tout antécédent médico-légal antérieur ainsi que les éléments d'appréciation liés au licenciement pour inaptitude médicale, le 31 octobre 2005, de M. X..., alors âgé de quarante-six ans, et au salaire actualisé dont il aurait pu bénéficier en l'absence d'une telle mesure ;
Qu'en l'état de ces énonciations et constatations, la cour d'appel, qui a uniquement statué sur le préjudice subi par M. X...résultant de la faute commise par l'avocat, a exactement apprécié ce préjudice à la date de la décision qu'elle rendait en tenant compte de tous les éléments connus à cette date et en a souverainement fixé le montant ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Covea Risks aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des parties ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour la société Covea Risks.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt du 21 octobre 2008 d'avoir dit que Maître Y...avait commis une faute en s'abstenant de former au nom de Monsieur X...un recours devant la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions et que du fait de cette faute Monsieur X...avait perdu une chance d'obtenir une indemnisation complémentaire à celle versée par la sécurité sociale et, par voie de conséquence, à l'arrêt du 6 octobre 2009 d'avoir condamné la société COVEA RISKS à payer à Monsieur X...la somme de 250. 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QU'« il est constant que Monsieur X...a été victime d'un accident du travail le 21 août 1997 au sein de l'Entreprise CIAPEM à LYON 7ème ; l'arrêt de travail initial a été de cinq jours puis prolongé pour syndrome dépressif ; qu'il ne résulte pas des pièces versées au débat qu'une plainte ait été déposée au Commissariat de Police du septième arrondissement comme l'expose la Société COVEA RISKS qu'il apparaît par contre que Maître Y..., dont on ignore à quelle date elle a été chargée des intérêts de Monsieur X..., a déposé plainte auprès de Monsieur le Procureur de la République le 31 juillet 2000 trois semaines avant la prescription de l'action publique qui aurait d'ailleurs été interrompue si le Parquet avait ouvert une enquête avant le 21 août 2000 ; que toutefois s'agissant d'un accident du travail Monsieur X...ne pouvait obtenir aucune indemnisation devant le Tribunal Correctionnel ou le Tribunal de Grande Instance en application de l'article L 451-1 du Code de la Sécurité Sociale ; que la Société COVEA RISKS admet que l'accident est dû « au fait que le cariste qui travaillait sur un chariot d'approvisionnement est descendu de son engin sans mettre le frein à main et en laissant la marche arrière enclenchée » ; que les auditions de témoins recueillies au cours de l'enquête de police confirment d'ailleurs cette analyse ; qu'il est ainsi établi que Monsieur X...a subi un préjudice résultant de faits présentant le caractère matériel d'une infraction pénale, en l'espèce un délit de blessures involontaires commis par Monsieur Z...; qu'en vertu d'une jurisprudence issue d'un arrêt de la Deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 18 juin 1997 le recours prévu à l'article 706-3 du Code de procédure pénale était ouvert aux victimes d'un accident du travail, et ce jusqu'à un revirement opéré par un arrêt de la même juridiction du 7 mai 2003 ; que Maître Y...avait en juillet 2000 la possibilité de saisir la Commission d'indemnisation des Victimes d'Infractions (CIVI) en vertu de l'article 706-3 du Code de procédure pénale et d'obtenir pour Monsieur X...une indemnisation du préjudice complémentaire non réparé par la sécurité sociale ; qu'en ne saisissant pas la CIVI avant l'expiration du délai de trois ans Maître Y...a fait perdre à Monsieur X...une chance d'obtenir une telle réparation ; que Maître Y...pouvait par ailleurs saisir le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale (TASS) dans le délai de deux ans suivant la cessation du paiement des indemnités journalières, soit du 25 juillet 2000 au 25 juillet 2002, période pendant laquelle elle était chargée des intérêts de Monsieur X...; qu'une telle action aurait permis à Monsieur X...d'obtenir une majoration de rente ainsi que la réparation des préjudices énumérés à l'article L 452-3 du Code de la Sécurité pour le cas où l'accident aurait été imputé à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'était substitués ; qu'il résulte des pièces versées au débat et notamment et de l'enquête de police que l'accident paraissant bénin il n'y a pas eu d'intervention de l'inspection du travail, que le chariot à l'origine de l'accident était en parfait état, que Monsieur D... président du CHS-CT n'a pu donner aucune précision sur les circonstances de l'accident en dehors de ce que lui avait rapporté Monsieur Z...lequel lui a indiqué que le chariot avait bougé après qu'il en fût descendu ; que le CHS-CT, après une réunion extraordinaire du 22 août 1997 n'a pas été en mesure de déterminer la cause exacte de l'accident et n'a fait qu'émettre des hypothèses et décider des actions, comme celle de rappeler des consignes aux caristes ; qu'il s'ensuit qu'une action devant le TASS pour faute inexcusable de l'employeur n'aurait eu aucune chance d'aboutir, faute de preuve d'une telle faute ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que Maître Y...a commis une seule faute à l'origine d'une perte de chance de Monsieur X...celle de ne pas avoir saisi en temps utile la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions, ce qui aurait permis à Monsieur X...d'obtenir une indemnisation du préjudice complémentaire non réparé par la sécurité sociale ; que l'organisation d'une expertise médicale n'apparaît pas nécessaire mais qu'il convient d'inviter Monsieur X...à chiffrer le montant de sa perte de chance » ;
ALORS QUE selon l'article 706-3 du Code de procédure pénale, une personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction ne peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne que lorsque ces atteintes n'entrent pas dans le champ d'application du chapitre 1er de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accident de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que l'accident du travail dont Monsieur X...a été victime impliquait un chariot élévateur qui n'avait pas été correctement mis à l'arrêt ; qu'en affirmant qu'en ne saisissant pas la CIVI, en juillet 2000, d'un recours en vertu de l'article 706-3 du Code de procédure pénale, Maître Y...avait fait perdre à Monsieur X...une chance d'obtenir une indemnisation du préjudice complémentaire non réparé par la sécurité sociale alors que l'accident du travail impliquant un véhicule terrestre à moteur en mouvement constituait également un accident de la circulation entrant dans les prévisions de la loi du 5 juillet 1985 et de ce fait exclut du champ d'application de l'article 706-3 du Code de procédure pénale quand bien même les dommages résultant de cet accident auraient été pris en charge au titre d'un accident du travail, la Cour d'appel a violé les articles 706-3 du Code de procédure pénale, L 451-1 du Code de la sécurité sociale et 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(Subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt du 6 octobre 2009 d'avoir condamné la société COVEA RISKS à payer à Monsieur X...la somme de 250. 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QU'« il a été définitivement jugé par arrêt du 21 octobre 2008 que Maître Y...avait commis une faute en ne saisissant pas la CIVI et que cette faute avait fait perdre à Monsieur X...une chance d'obtenir une indemnisation complémentaire à celle versée par la sécurité sociale ; que les développements de la société COVEA RISKS sur l'absence d'infraction et l'application de la loi du 5 juillet 1985 sont donc inopérants ; que l'expertise du docteur A...et le rapport du docteur
B...
n'ont pas la valeur d'une expertise judiciaire mais constituent un moyen de preuve permettant d'apprécier le préjudice de Monsieur X...; que pour apprécier la perte de chance subi par Monsieur X...il convient d'évaluer le préjudice résultant de l'accident étant rappelé que selon le docteur B...
C...
X...était indemne de tout antécédents médico-légal antérieur à l'accident ; que les frais divers exposés pour la constitution de preuves seront pris en charge au titre des frais irrépétibles ; qu'il est constant que Monsieur X...a été licencié pour inaptitude médicale à la date du 31 octobre 2005 à l'âge de 46 ans ; que ses salaires pour l'année 1997 se sont élevés à 13. 094, 76 euros ; que compte tenu de son ancienneté dans l'entreprise on peut estimer que son salaire actuel serait aujourd'hui de 15. 000 euros par an, ce qui représente une perte de gains futurs de 15. 000 euros x 19, 718 euros (de rente viagère à 46 ans) de 295. 770 euros dont il y a lieu de déduire le capital représentatif de la rente viagère versée par la Caisse primaire d'assurance maladie soit 137. 638, 96 euros, qu'il subsiste à la charge de Monsieur X...un solde de 158. 131, 04 euros ; que la date de consolidation a été fixée au 23 juillet 2000 alors que l'accident remonte au 21 août 1997 soit une période d'incapacité temporaire totale de 35 mois ; le déficit temporaire peut être évalué à 21. 000 euros ; que le déficit permanent fixé à 37 % pour une personne âgée de 41 ans à la date de consolidation peut être évalué à 80. 000 euros ; que les souffrances endurées ont été qualifiées d'assez importantes par le docteur A...; que compte tenu des certificats médicaux versés aux débats il paraît équitable de considérer ce préjudice comme moyen et de l'évaluer à 7. 000 euros ; que le préjudice sexuel n'est pas démontré ; que le préjudice d'agrément compte tenu de l'âge de la victime et des justificatifs produits peut être estimé à 10. 000 euros ; qu'il ressort de ces éléments que le préjudice de Monsieur X...aurait pu être évalué par la CIVI de la manière suivante :
- perte de gains futurs 158. 131, 04- déficit temporaire 21. 000, 00- déficit permanent 80. 000, 00- souffrances endurées 7. 000, 00- préjudice d'agrément 10. 000, 00 Total 276. 131, 04 euros ;

Que la perte de chance sera en conséquence réparée par une indemnité de 250. 000 euros » ;
1°/ ALORS QU'en tout état de cause, la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue ; que la société COVEA RISKS faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que l'article 706-3 du Code de procédure pénale excluait expressément l'indemnisation des victimes d'accident de la circulation entrant dans le champ d'application de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ; qu'en écartant ce moyen péremptoire des conclusions d'appel de l'exposante au motif que les développements de la société COVEA RISKS sur l'application de la loi du 5 juillet 1985 étaient inopérants sans rechercher, comme cela lui était demandé, si la circonstance que la victime ne puisse obtenir réparation devant la CIVI du dommage résultant d'un accident entrant dans le champ d'application de la loi du 5 juillet 1985, n'était pas de nature à réduire l'importance de la chance perdue par Monsieur X...d'obtenir une indemnisation complémentaire, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
2°/ ALORS QU'en tout état de cause, les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en fixant le préjudice de Monsieur X...compte tenu de son licenciement pour inaptitude médicale à la date du 31 octobre 2005 et au vu de son salaire actualisé à la date de l'arrêt alors que le préjudice résultant du défaut d'exercice d'un recours recevable antérieurement à 2003 ne pouvait être apprécié à une date où ce recours aurait été déclaré irrecevable, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil et le principe de la réparation intégrale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 09-72002
Date de la décision : 01/06/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

AVOCAT - Responsabilité - Dommage - Réparation - Evaluation du préjudice - Eléments connus à la date de la décision

Une cour d'appel, statuant sur le préjudice subi par la victime résultant de la faute commise par son avocat, apprécie exactement ce préjudice à la date de la décision qu'elle rend en tenant compte de tous les éléments connus à cette date


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 06 octobre 2009

A rapprocher :2e Civ., 24 juin 1998, pourvoi n° 96-18534, Bull. 1998, II, n° 226 (cassation partielle) et l'arrêt antérieur cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 01 jui. 2011, pourvoi n°09-72002, Bull. civ. 2011, II, n° 125
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, II, n° 125

Composition du Tribunal
Président : M. Loriferne
Rapporteur ?: Mme Bouvier
Avocat(s) : SCP Blanc et Rousseau, SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.72002
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