LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte aux consorts X... de leur reprise d'instance ;
Donne acte aux consorts X... du désistement de leur pourvoi sauf en ce qu'il est dirigé contre l'ONIAM ;
Sur le moyen unique pris en ses deux premières branches :
Attendu que les consorts X... venant aux droits de Christian X..., décédé, font grief à l'arrêt attaqué (Paris, 11 septembre 2009) de les avoir déboutés de leur demande d'indemnisation auprès de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) pour les graves séquelles qu'ont entraînées les interventions chirurgicales du rachis subies par leur auteur les 25 et 26 mars 2003, alors, selon le moyen :
1°/ qu'est anormal le dommage directement imputable à un acte de soins qui n'est pas en relation causale certaine et directe avec l'état de santé initial du patient ; que les experts n'ayant pas conclu à l'existence d'une causalité certaine entre les antécédents vasculaires connus du patient et la complication hémorragique postopératoire, M. Y..., médecin, ayant évoqué seulement une « hypothèse vraisemblable » et la difficulté de déterminer « la cause exacte de la paraplégie », et les experts judiciaires ayant conclu que l'accident médical « ne peut être totalement dissocié de l'état antérieur » du patient, la cour d'appel qui a admis également que le phénomène vasculaire avait contribué seulement à la réalisation du dommage, sans en être la cause unique ni même déterminante, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique,
2°/ qu'est anormal le dommage directement imputable à un acte de soins qui n'est pas en relation causale certaine et directe avec l'état de santé initial du patient ; que les experts ont retenu que toute intervention chirurgicale sur le rachis emportait en soi, hors tout antécédent médical particulier, un risque de complication hémorragique qui, par son abondance, pouvait devenir compressive et causer des paralysies définitives ; qu'en ne s'expliquant pas sur ces données essentielles des rapports d'expertise dont il résultait que le dommage n'était pas en relation causale certaine avec les antécédents vasculaires connus du patient, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 1353 du code civil ;
Mais attendu que l'article L. 1142-1,II du code de la santé publique ne met à la charge de la solidarité nationale, en l'absence de responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, d'un service ou organisme de santé ou d'un fournisseur de produits, que l'indemnisation des dommages directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins qui ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci ; qu'ayant constaté que, selon les experts, compte tenu de ses antécédents vasculaires, Christian X... était particulièrement exposé à la complication hémorragique survenue dont les conséquences, si préjudiciables fussent-elles, n'étaient pas anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, en a exactement déduit que l'indemnisation du dommage subi par le patient ne relevait pas de la solidarité nationale ; d'où il suit que ces griefs ne sont pas fondés ;
Et attendu que les autres griefs, tels qu'ils figurent au mémoire en demande et sont reproduits en annexe, ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils pour les consorts X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les consorts X... de leur demande de condamnation de l'ONIAM à réparer les conséquences dommageables nées pour monsieur Christian X... d'une intervention chirurgicale du rachis ;
AUX MOTIFS QUE l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique dispose que lorsque la responsabilité d'un professionnel de santé n'est pas engagée, un accident médical ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale, lorsqu'il est directement imputable à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'il a eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présente un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte des capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail ; qu'en application de cette disposition, la réalisation d'un risque grave inhérent à l'acte médical envisagé, en l'absence de faute du professionnel de santé, n'ouvre droit que sous certaines conditions à une indemnisation au titre de la solidarité nationale ; qu'outre un seuil de gravité minimal, le risque survenu doit avoir eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci ; qu'une telle appréciation implique de prendre en compte la nature et la fréquence du risque réalisé et les données propres du patient afin de déterminer s'il y était particulièrement exposé ; que le seul fait que le risque survenu constitue un risque fréquent ou grave normalement prévisible devant être signalé à l'intéressé, ne permet pas d'écarter tout droit à réparation sans examen au cas par cas des conséquences qui en sont résultées ; que le docteur Y... a relevé quant aux causes du dommage : - que "l'hypothèse la plus vraisemblable était celle d'une ischémie médullaire survenant sur un mauvais terrain vasculaire lié à des antécédents d'infarctus du myocarde à quatre reprises et d'épisodes déficitaires partiels neurologiques sur le membre inférieur droit" - que "le dommage n'a pas été causé par la réalisation d'un risque anormal eu égard à l'état de santé de la victime et à son évolution prévisible", que "cet accident doit être considéré comme une complication vasculaire de la chirurgie rachidienne" et que "cette complication doit être envisagée chez tout malade dont les antécédents vasculaires sont aussi importants" ; qu'il a ajouté à la demande de la présidente de la CRCI l'ayant interrogé sur l'éventualité d'une maladresse du geste chirurgical ayant entraîné une ischémie médullaire : - que si tout était possible, "la cause la plus vraisemblable dans le canal lombaire étroit était un phénomène vasculaire, de type ischémique ou hémorragique, l'ischémie entraînant une myélomalacie, c'est à dire une nécrose de la moelle épinière entraînant un non fonctionnement par défaut d'apport nutritif, l'hémorragie entraînant une compression (hématome extra-dural médullaire), les lésions définitives survenant en quelques minutes, que la complication de type paraplégie était bien un aléa de cet acte chirurgical et que les antécédents vasculaires étaient au premier plan chez ce patient", - que "les deux phénomènes pouvaient d'ailleurs être intriqués compliquant la détermination de la cause exacte de la paraplégie", - mais que "chez M. Christian X..., on devra considérer que la complication de type paraplégie est bien un aléa de cet acte chirurgical, les antécédents vasculaires étant au premier plan chez ce patient" ; que les experts judiciaires ont retenu que M. Christian X... présentait deux pathologies invalidantes : - "une artériopathie diffuse depuis au moins 1990 avec quatre infarctus du myocarde ayant justifié la pose de Stens, un ictus en 1995 par artérite corotidienne, une artérite des deux membres inférieurs et une hypertension artérielle justifiant une trithérapie", - "une souffrance radiculaire s'aggravant progressivement" ; qu'ils ont conclu : "cet accident médical ne peut être totalement dissocié de l'état antérieur : une artérite généralisée : carotidienne, cardiaque des deux membres inférieurs. Ainsi une ischémie au moins partielle du cône terminale ne peut pas être totalement exclue et relève pleinement de l'aléa thérapeutique" ; qu'il résulte de ces constatations qui ne sont remises en cause par aucune pièce médicale que, compte tenu de ses antécédents vasculaires connus, et même si ces derniers ont seulement contribué à la réalisation du dommage, M. Christian X... était particulièrement exposé à la complication hémorragique survenue dont les conséquences, si préjudiciables soient-elles, ne sont pas anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci ;
1°) ALORS QU' est anormal le dommage directement imputable à un acte de soins qui n'est pas en relation causale certaine et directe avec l'état de santé initial du patient ; que les experts n'ayant pas conclu à l'existence d'une causalité certaine entre les antécédents vasculaires connus du patient et la complication hémorragique postopératoire, le docteur Y... ayant évoqué seulement une « hypothèse vraisemblable » et la difficulté de déterminer « la cause exacte de la paraplégie », et les experts judiciaires ayant conclu que l'accident médical « ne peut être totalement dissocié de l'état antérieur » du patient, la cour d'appel qui a admis également que le phénomène vasculaire avait contribué seulement à la réalisation du dommage, sans en être la cause unique ni même déterminante, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique ;
2°) ALORS QU' est anormal le dommage directement imputable à un acte de soins qui n'est pas en relation causale certaine et directe avec l'état de santé initial du patient ; que les experts ont retenu que toute intervention chirurgicale sur le rachis emportait en soi, hors tout antécédent médical particulier, un risque de complication hémorragique qui, par son abondance, pouvait devenir compressive et causer des paralysies définitives ; qu'en ne s'expliquant pas sur ces données essentielles des rapports d'expertise dont il résultait que le dommage n'était pas en relation causale certaine avec les antécédents vasculaires connus du patient, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 1353 du code civil ;
3°) ALORS QU' est anormal le dommage directement imputable à un acte de soins qui est sans rapport avec l'évolution prévisible de l'état de santé initial du patient ; que les experts ont constaté que les pathologies vasculaires du patient étaient traitées médicalement depuis 1990 par voies médicamenteuse et mécanique (dilatation et mise en place de « stent ») sans récidive d'incident vasculaire depuis 2000 ; qu'en ne s'expliquant pas sur ces données essentielles des rapports d'expertise dont il résultait que les troubles postopératoires du patient étaient sans rapport avec l'évolution prévisible de sa pathologie initiale après le traitement réussi de son hypertension artérielle et de ses insuffisances vasculaires, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 1353 du code civil ;
4°) ALORS, à titre subsidiaire, QU' est anormal le dommage directement imputable à un acte de soins qui est sans rapport avec l'état initial du patient au moment de son hospitalisation ; que dans sa décision du 10 janvier 2005, la CRCI a conclu, sur le fondement de l'expertise du docteur Y..., que l'accident médical non fautif ne pouvait être dissocié de l'état antérieur du patient, « constitué d'une fragilité particulière de la moelle osseuse, dont l'illustration anatomique n'a été révélée que par l'IRM médullaire, faite en postopératoire » ; qu'en ne s'expliquant pas sur ces éléments essentiels dont il résultait que le dommage subi par le patient, s'il s'expliquait par une fragilité particulière de la moelle osseuse dont la connaissance n'avait été acquise que postérieurement à la survenance des complications postopératoires, était sans rapport avec son état au moment de son hospitalisation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 1353 du code civil.