LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 13 septembre 2006), que par acte du 26 mai 2003, M. X..., locataire de locaux à usage commercial appartenant à M. et Mme Y..., a demandé le renouvellement du bail ; qu'alors que, le 3 août 2003, les bailleurs avaient vendu les locaux à leur fils, M. Jacky Y..., ils ont, par acte extrajudiciaire du 19 août 2003, refusé au preneur le renouvellement du bail ; que M. X... a saisi le tribunal de grande instance pour voir dire, d'une part, que le refus de renouvellement était nul et de nul effet, ses auteurs n'étant plus propriétaires, d'autre part, que le bail avait, en conséquence, été renouvelé ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Jacky Y... fait grief à l'arrêt de faire droit à ces demandes, alors, selon le moyen, que la nullité des actes d'huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure ; que le refus de renouvellement délivré au preneur à bail commercial par acte d'huissier entaché d'irrégularité à raison du défaut de propriété de son auteur peut être régularisé dans l'instance en contestation introduite par le preneur par l'intervention du véritable propriétaire des locaux loués tant que le délai de la prescription biennale n'est pas accompli ; qu'en déclarant inopposable à M. X... le refus de renouvellement notifié le 19 août 2003 pour cette raison qu'à cette date les époux Y..., auteurs du refus, avaient perdu la propriété du bien loué, vendu à M. Jacky Y..., qui ne s'était pas manifesté dans le délai de trois mois imparti par l'article L. 145-10, alinéa 4, du code de commerce, cependant que celui-ci était intervenu dans l'instance introduite par le preneur en constatation de la nullité du refus de renouvellement pour confirmer cette décision de refus, la cour d'appel a violé les articles 121 et 126 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 145-10, alinéas 4 et 5, et L. 145-60 du code de commerce ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'à la date du 3 août 2003, M. et Mme Y..., qui n'étaient plus propriétaires des locaux, n'avaient pas qualité pour refuser la demande de renouvellement du bail, la cour d'appel, qui a retenu à bon droit que, le délai préfixe de trois mois imparti au bailleur pour se prononcer sur une telle demande étant écoulé, M. Jacky Y... n'était pas en mesure de couvrir la nullité affectant l'acte de l'huissier de justice, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article L. 145-57 du code de commerce ;
Attendu que dans le délai d'un mois qui suit la signification de la décision définitive fixant le loyer du bail renouvelé, les parties dressent un nouveau bail à moins que le locataire renonce au renouvellement ou que le bailleur le refuse ;
Attendu que pour refuser au bailleur l'exercice du droit d'option, l'arrêt retient que ce droit n'est ouvert qu'après une décision relative à la fixation du loyer du bail renouvelé ou, éventuellement, au cours d'une telle instance, et que ni l'une ni l'autre des parties n'a saisi le juge aux fins de voir fixer le prix du loyer ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'une des parties peut exercer son droit d'option avant la saisine du juge en fixation du montant du loyer, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. Jacky Y... de sa demande relative à l'exercice du droit d'option, l'arrêt rendu le 13 septembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... à payer à M. et Mme Y... et à M. Jacky Y..., ensemble, la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Blondel, avocat aux Conseils pour les consorts Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les consorts Y... de l'ensemble de leurs demandes ;
AUX MOTIFS QU'il résulte de l'acte de vente des immeubles du 3 août 2003 que Monsieur Jacky Y... était parfaitement informé de l'existence d'un bail au profit de Monsieur X... ; que de plus, il est expressément mentionné dans l'acte que "l'acquéreur déclare dispenser le notaire de relater aux présentes les autres charges et conditions de ce bail, voulant en faire son affaire personnelle" et qu'il "sera subrogé dans tous les droits du vendeur relativement au bien" ; qu'ainsi, par la vente du 3 août 2003, les vendeurs transmettaient à Monsieur jacky Y... l'intégralité des droits du bailleur qu'ils détenaient, dont l'obligation de répondre à la demande de renouvellement du bail ; qu'à compter de la date de la vente, les époux Y... n'étant plus ni propriétaires, ni bailleurs, n'avaient plus qualité pour délivrer un refus de renouvellement régulier ; que par ailleurs, il est constant que Monsieur Jacky Y... n'a pas délivré de refus de renouvellement alors qu'il en avait encore le temps ; que son intervention ultérieure dans la présente procédure ne saurait le relever de cette forclusion qui, en l'espèce, lui est parfaitement opposable ; qu'enfin l'inopposabilité d'un refus de renouvellement sans indemnité ne saurait transformer cet acte en refus de renouvellement avec payement d'une indemnité d'éviction ; qu'en effet si le bailleur dispose d'un droit absolu à refuser le renouvellement, encore faut-il que ce refus ait été réalisé selon les formes spécifiques aux baux commerciaux, ce qui n'est pas le cas de l'espèce ;
ALORS QUE la nullité des actes d'huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure ; que le refus de renouvellement délivré au preneur à bail commercial par acte d'huissier entaché d'irrégularité à raison du défaut de propriété de son auteur peut être régularisé dans l'instance en contestation introduite par le preneur par l'intervention du véritable propriétaire des locaux loués tant que le délai de la prescription biennale n'est pas accompli ; qu'en déclarant inopposable à Monsieur X... le refus de renouvellement notifié le 19 août 2003 pour cette raison qu'à cette date les époux Y..., auteurs du refus, avaient perdu la propriété du bien loué, vendu à M. Jacky Y..., qui ne s'était pas manifesté dans le délai de trois mois imparti par l'article L. 145-10, alinéa 4, du Code de commerce, cependant que celui-ci était intervenu dans l'instance introduite par le preneur en constatation de la nullité du refus de renouvellement pour confirmer cette décision de refus, la Cour d'appel viole les articles 121 et 126 du nouveau Code de procédure civile, ensemble les articles L. 145-10, alinéas 4 et 5, et L.145-60 du Code de commerce.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur Jacky Y... de sa demande tendant à ce qu'il lui soit décerné acte de ce qu'il exerçait son droit d'option pour refuser le renouvellement du bail conformément à la possibilité qui lui en était donnée par l'article L. 145-57 du Code de commerce si par extraordinaire il était jugé que le refus de renouvellement notifié précédemment était nul ;
AUX MOTIFS QU'en cause d'appel, les consorts Y... font subsidiairement valoir qu'il souhaite exercer leur droit d'option en application de l'article L.145-57 du Code de commerce dans l'hypothèse où la Cour confirmerait la décision quant à l'irrégularité du refus de renouvellement ; qu'ils expliquent que ces dispositions leur permettent de refuser ainsi le renouvellement du bail sans qu'il puisse leur être opposé aucune condition de forme ou de délai ; que, cependant, ainsi que le soutien Monsieur Bernard X..., ce droit d'option n'est ouvert au bailleur qu'à la suite d'une décision relative à la fixation du prix du loyer, ou éventuellement au cours d'une telle instance ; que si le droit d'option peut être exercé sans forme particulière, encore faut-il qu'il ait été précédé d'une demande de révision du loyer ; qu'en effet, il ne saurait être considéré que les dispositions de l'article L. 145-47 du Code de commerce ouvrant le droit d'option des parties suites à la fixation judiciaire du loyer permettraient au bailleur de s'affranchir des règles des articles L. 145-33 et suivants du même Code quant aux règles même de fixation de ce loyer ; qu'or, une procédure visant à la révision du loyer obéit à des règles de forme, notamment celle de délivrer un mémoire préalable en application de l'article 29 du décret du 30 septembre 1953, forcément distinct de conclusions visant à exercer le droit d'option ; qu'en l'espèce, ni les époux Y..., ni Monsieur Jacky Y... ne justifient avoir présenté un tel mémoire, avant et pendant le présent litige consacré au principe du renouvellement du bail ; que n'ayant jamais introduit une demande quelconque de révision du prix du loyer, y compris dans leurs dernières écritures, ils ne sauraient prétendre avoir qualité à user de leur droit d'option ; qu'au surplus, le jugement du 12 mai 2005 ne saurait être considéré comme une décision ayant fixé le prix du loyer, même implicitement, dans la mesure où il n'était ni saisi de ce point par les parties, ni compétent pour y procéder ; qu'en conséquence, la Cour déboutera les appelants de leur demande d'exercice du droit d'option et des demandes incidentes sur la remise en état des locaux ;
ALORS QUE l'acceptation du principe du renouvellement du bail n'interdit pas au bailleur de rétracter son acceptation en offrant de payer une indemnité d'éviction ; que cette option n'est soumise à aucune condition de forme ou de délai et peut s'exercer indépendamment de toute procédure en fixation du loyer ; qu'en décidant le contraire à l'aide de considération manifestement inopérantes, après avoir constaté que le refus de renouvellement sans indemnité d'éviction était inopposable au preneur, ce qui permettait à Monsieur Jacky Y... de refuser le renouvellement avec payement d'une indemnité d'éviction, la Cour d'appel viole l'article L. 145-57 du Code de commerce.