La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/02/2011 | FRANCE | N°10-13894

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 10 février 2011, 10-13894


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles 495, alinéa 3, et 503 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'invoquant des pratiques constitutives, selon elle, de concurrence déloyale qu'elle imputait à plusieurs sociétés exerçant la même activité qu'elle dans le secteur de la distribution au détail d'équipements optiques, la société Optical Center a obtenu du président d'un tribunal de grande instance, statuant sur requête, une ordonnance dés

ignant un huissier de justice aux fins d'investigations et de constatations aupr...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles 495, alinéa 3, et 503 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'invoquant des pratiques constitutives, selon elle, de concurrence déloyale qu'elle imputait à plusieurs sociétés exerçant la même activité qu'elle dans le secteur de la distribution au détail d'équipements optiques, la société Optical Center a obtenu du président d'un tribunal de grande instance, statuant sur requête, une ordonnance désignant un huissier de justice aux fins d'investigations et de constatations auprès d'opticiens exploitant des points de vente sous des enseignes concurrentes, notamment celle de la société Atol, et autorisant cet huissier de justice à ne faire état de l'ordonnance le commettant et fixant sa mission qu'une fois cette dernière accomplie ;
Attendu que pour dire n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance, l'arrêt retient que l'ordonnance sur requête autorise l'huissier de justice à agir dans l'anonymat et qu'aucun texte ne précise quand l'huissier de justice commis doit dévoiler son identité ;
Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, que le respect du principe de la contradiction qui fonde l'exigence posée à l'alinéa 3 de l'article 495 du code de procédure civile, requiert que copie de la requête et de l'ordonnance soit remise à la personne à laquelle elle est opposée antérieurement à l'exécution des mesures d'instruction qu'elle ordonne et que, d'autre part, l'ordonnance ne peut être exécutée contre cette personne qu'après lui avoir été notifiée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 mai 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne la société Optical Center aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des parties ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Bénabent, avocat aux Conseils pour la société Atol
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance sur requête rendue par le Président du tribunal de grande instance de LILLE le 12 octobre 2007 ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la mesure d'instruction, 1/ Sur l'existence d'un motif légitime au sens de l'article 145 du Code de procédure civile ; que le demandeur doit établir que les faits reprochés sont vraisemblables et non hypothétiques, sans être tenu de rapporter la preuve de la concurrence déloyale ; que la société OPTICAL CENTER a versé à l'appui de sa requête un certain nombre d'attestations aux termes desquelles des opticiens établissent des fausses factures notamment en minorant le prix des montures et en gonflant le prix des verres pour atteindre le maximum du remboursement opéré par les mutuelles ; qu'elle soutient que cette pratique à laquelle elle se refuse la soumet à une concurrence déloyale ; que si les auteurs de ces témoignages ont été recrutés au travers des réseaux sociaux d'internet, le fonctionnement de ceux-ci n'assure pas nécessairement l'existence de liens d'amitié entre tous les témoins et la directrice juridique de la société OPTICAL CENTER ; qu'en outre, si de tels liens sont avérés à l'égard de certains témoins, leur existence ne saurait à elle seule entacher de déloyauté et de partialité, comme le soutient la société ATOL, leurs témoignages auxquels sont joints les devis et factures obtenus lors de chaque achat ; que la vraisemblance des faits allégués par la société OPTICAL CENTER est encore avérée par la généralité de cette pratique telle qu'elle résulte de la dispersion des témoignages obtenus dans différentes villes et régions de France, de déclarations de la directrice de la mutuelle SANTECLAIR, du directeur de l'Union des opticiens reprises dans les articles de la presse spécialisée versés à l'appui de la requête faisant état d'une pratique répandue à la hausse ; que trois témoignages concernent des opticiens ATOL ; que comme la société OPTICAL CENTER, la société ATOL a pour activité la distribution en détail d'équipements optiques et de produits dérivés ; qu'elle rassemble sous son enseigne environ 700 opticiens commerçants indépendants ; qu'elle se vante d'être le premier réseau national à avoir obtenu la certification ISO 9001, imposant un système de qualité et une amélioration continue des services ; qu'en conséquence, si la société ATOL est en mesure de contraindre ses associés à développer des mesures en ce sens, rien ne permet en l'état d'affirmer que la société ATOL est étrangère à la pratique dénoncée par la société OPTICAL CENTER ; qu'il s'ensuite que cette dernière justifie d'un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès au fond la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige existant en puissance entre les parties ; Sur le caractère légalement admissible de la mesure ordonnée ;que la mission fixée par l'ordonnance sur requête est décrite avec précision ; qu'elle suit le même processus que celui énoncé dans les différentes attestations produites par la société OPTICAL CENTER ; que certes aucun de ces témoignages ne porte sur des faits constatés à LILLE, mais la mesure sollicitée est destinée à prouver la généralité de la pratique dénoncée par la société OPTICAL CENTER tant géographiquement qu'au niveau des concurrents du demandeur et dont la plausibilité était avérée par l'ensemble des éléments joints à la requête ; que d'autre part, les personnes visées par la mesure étaient identifiées par leur qualité d'opticiens exploitant sous l'enseigne ATOL et sur le territoire de la résidence de l'huissier commis ; qu'enfin, aucun texte ne précise que l'huissier doit dévoiler son identité ; que l'ordonnance sur requête autorise l'huissier à agir dans l'anonymat lors du constat de l'achat de la monture et lui impose de révéler son identité « une fois sa mission accomplie » ; qu'aussi l'ordonnance ne saurait-elle être critiquable de ce chef, et la formulation adoptée ne saurait interférer sur le contenu des mesures ; qu'en conséquence, la critique tenant au caractère trop général de la mesure d'investigation doit être écartée ; que par ailleurs, la société ATOL soulève le caractère déloyal de la mesure sollicitée et la violation de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme ; qu'il ne s'agit pas à ce stade d'examiner l'exécution de la mission et la valeur du procès-verbal établi par l'huissier ; mais qu'il convient de rechercher si l'ordonnance, telle qu'elle a été libellée a pu conduire à ordonner une mesure illégale en ce qu'elle devait provoquer la commission de l'infraction qu'elle avait pour but de constater et en ce qu'elle n'encadrait pas le choix de la personne assistant l'huissier ; que ce sur ce dernier point, l'huissier devait procéder à des constatations matérielles relativement à l'opération d'achat réalisée par un tiers ; que ce dernier n'avait pas de mission technique ni à rendre de rapport ; qu'il avait juste à jouer un rôle dont le scénario était décrit en termes précis par l'ordonnance ; qu'en conséquence, l'exigence d'indépendance n'avait pas à être imposée au niveau du choix de cette personne ; et que par suite, la critique portant sur l'acheteur concerne l'exécution de la mission ; que d'autre part, l'acheteur est autorisé par l'ordonnance du 12 octobre 2007 à faire état du remboursement important de verres correcteurs par sa mutuelle ; qu'il demande au vendeur de trouver une solution pour accentuer la prise en charge par la mutuelle de la facture globale ; que l'acheteur est ainsi amené à solliciter clairement une fausse facture ; que le vendeur est donc informé sans ambiguïté de la requête de son client ; aussi conserve-t-il la maîtrise de sa réponse, il peut refuser la demande de l'acheteur, l'ignorer ou l'accepter en ayant conscience de la fraude ainsi commise ; qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas dans l'opération prescrite par l'ordonnance sur requête un stratagème destiné à provoquer la commission de faits répréhensibles ; qu'en conséquence, le procédé pour établir la preuve des faits allégués ne saurait être en soi déloyal » ;
ALORS QUE D'UNE PART le motif légitime permettant d'obtenir sur requête une mesure d'instruction in futurum ne peut reposer que sur des éléments loyalement obtenus ; que ne justifie pas d'un motif légitime à solliciter sur requête une mesure d'instruction in futurum tendant à établir la preuve de faits de concurrence déloyale commis par une société concurrente, la société qui introduit une telle requête sur le fondement d'attestations émanant de personnes ayant des liens de parenté ou d'amitié avec sa directrice juridique – ce qui prive nécessairement ces attestations de l'impartialité nécessaire à leur production en justice en tant qu'éléments de preuve – ; qu'en énonçant en l'espèce, pour dire que la société OPTICAL CENTER disposait d'un motif légitime à obtenir les mesures d'instructions sollicitées, que « si de tels liens sont avérés à l'égard de certains témoins, leur existence ne saurait à elle seule entacher de déloyauté et de partialité, comme le soutient la société ATOL, leurs témoignages auxquels sont joints les devis et factures obtenus lors de chaque achat », cependant que les liens existants entre les auteurs des attestations et la société requérante étaient de nature à ôter à ces attestations l'objectivité et l'impartialité nécessaire à leur production en justice – ce qui excluait par là même l'existence d'un motif légitime – la Cour d'appel a violé les articles 9 du Code civil, 145 du Code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ;
ALORS QUE D'AUTRE PART si l'ordonnance sur requête est exécutoire au seul vu de sa minute, encore faut-il que la minute soit présentée à la personne à laquelle on veut l'opposer ; que n'est en conséquence pas légalement admissible et contrevient au principe du contradictoire la mesure d'instruction in futurum confiée sur requête à l'huissier, l'autorisant à agir anonymement et à ne faire état de sa mission qu'une fois celle-ci accomplie – et donc à rechercher et recueillir des preuves de façon clandestine et déloyale – qu'en énonçant en l'espèce qu'aucun texte ne précise quand l'huissier doit dévoiler son identité cependant que l'huissier doit nécessairement décliner son identité et laisser une copie de la requête et de l'ordonnance sur le fondement de laquelle il a été désigné pour accomplir sa mission antérieurement à l'exécution celle-ci, et non pas une fois qu'elle a été accomplie, la Cour d'appel a violé les articles 495 et 503 du Code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne de Sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le principe de loyauté dans la recherche de la preuve ;
ALORS QUE DE TROISIEME PART n'est pas légalement admissible la mesure d'instruction in futurum confiée à l'huissier dans le cadre d'une requête présentée sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile qui, dans le dessein d'établir la preuve de faits de concurrence déloyale commis par un concurrent de la société requérante, consiste en un stratagème destiné à provoquer l'infraction qu'elle a pour but de constater – procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue – ; qu'en énonçant en l'espèce que l'acheteur accompagnant l'huissier était autorisé par l'ordonnance sur requête à faire état du remboursement important de verre correcteurs par sa mutuelle et à demander au vendeur de trouver une solution pour accentuer la prise en charge par la mutuelle de la facture globale et qu'il était ainsi « amené à solliciter clairement une fausse facture » mais que le vendeur « conservait la maîtrise de sa réponse », pouvant « refuser la demande de l'acheteur, l'ignorer ou l'accepter » cependant que cette intervention, de nature à suggérer un arrangement frauduleux qui n'aurait pas été proposé par le vendeur de sa propre initiative, ne pouvait s'analyser qu'en une provocation à la commission de l'infraction que la mesure ordonnée avait précisément pour but de constater, rendant irrecevable en justice la preuve obtenue sur son fondement, la Cour d'appel a violé les articles 145 du Code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne de Sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le principe de loyauté dans la recherche de la preuve ;
ALORS QU'ENFIN s'il est possible à l'huissier chargé d'effectuer des mesures d'instruction in futurum de se faire assister d'un homme de l'art ou d'une tierce personne, il ne peut s'agir – conformément au droit au procès équitable – que d'une personne indépendante des parties ; qu'en refusant de rétracter l'ordonnance du 12 décembre 2007 qui autorisait l'huissier commis à se faire assister d'une personne non désignée, sans que soient fixé les modalités de cette désignation ni prohibée par cette ordonnance la possibilité de recruter cette personne parmi celles ayant des liens avec la partie demanderesse, la Cour d'appel a violé l'article 145 du Code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de Sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 10-13894
Date de la décision : 10/02/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROCEDURE CIVILE - Droits de la défense - Principe de la contradiction - Violation - Cas - Défaut de délivrance de la copie de la requête et de l'ordonnance présidentielle à la personne à laquelle elle est opposée

PROCEDURE CIVILE - Ordonnance sur requête - Requête - Copie - Délivrance à la personne à laquelle est opposée l'ordonnance - Finalité - Détermination - Portée PROCEDURE CIVILE - Ordonnance sur requête - Exécution - Condition

En matière d'ordonnance sur requête, le respect du principe de la contradiction qui fonde l'exigence posée à l'alinéa 3 de l'article 495 du code de procédure civile, requiert que copie de la requête et de l'ordonnance soit remise à la personne à laquelle elle est opposée antérieurement à l'exécution des mesures d'instruction qu'elle ordonne et impose que l'ordonnance ne puisse être exécutée contre cette personne qu'après lui avoir été notifiée. Dès lors, viole les articles 495, alinéa 3, et 503 du code de procédure civile, la cour d'appel qui, pour dire n'y avoir lieu à rétractation d'une ordonnance désignant un huissier de justice aux fins d'investigations et de constatations et autorisant cet huissier de justice à ne faire état de l'ordonnance le commettant et fixant sa mission qu'une fois cette dernière accomplie, retient que l'ordonnance sur requête autorise l'huissier de justice à agir dans l'anonymat et qu'aucun texte ne précise quand l'huissier de justice commis doit dévoiler son identité


Références :

articles 495 et 503 du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 19 mai 2009

A rapprocher :2e Civ., 18 novembre 2004, pourvoi n° 02-20713, Bull. 2004, II, n° 499 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 10 fév. 2011, pourvoi n°10-13894, Bull. civ. 2011, II, n° 36
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, II, n° 36

Composition du Tribunal
Président : M. Loriferne
Avocat général : M. Marotte
Rapporteur ?: M. André
Avocat(s) : Me Spinosi, SCP Hémery et Thomas-Raquin

Origine de la décision
Date de l'import : 07/01/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.13894
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award