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19/05/2009 | FRANCE | N°08/07619

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 2, 19 mai 2009, 08/07619


COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 2



ARRÊT DU 19/05/2009



***



N° de MINUTE : /09

N° RG : 08/07619



Ordonnance (N° 08/848)

rendue le 30 Septembre 2008

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE



REF : GG/CB





APPELANTE



S.A.S. OPTICAL CENTER

ayant son siège social

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par ses représentants légaux



représentée par la SELARL ERIC LAFORCE, avoués associés à la Cour



assistée de la SCP GAILLOT & BRAULT, avocats au barreau de PARIS





INTIMÉE



S.A ATOL

ayant son siège social

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par son représentants légal



représentée par Maître QUIGNON,...

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 19/05/2009

***

N° de MINUTE : /09

N° RG : 08/07619

Ordonnance (N° 08/848)

rendue le 30 Septembre 2008

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : GG/CB

APPELANTE

S.A.S. OPTICAL CENTER

ayant son siège social

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par ses représentants légaux

représentée par la SELARL ERIC LAFORCE, avoués associés à la Cour

assistée de la SCP GAILLOT & BRAULT, avocats au barreau de PARIS

INTIMÉE

S.A ATOL

ayant son siège social

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par son représentants légal

représentée par Maître QUIGNON, avoué associé à la Cour

assistée de Maître Stéphanie BERLAND-BASNIER, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS à l'audience publique du 10 Février 2009, tenue par Madame GOSSELIN magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame POPEK

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Madame GOSSELIN, Président de chambre

Madame DUPERRIER, Conseiller

Madame MULLER, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 19 Mai 2009 après prorogation du délibéré en date du 14 Avril 2009 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Madame GOSSELIN, Président et Madame POPEK, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 10 Février 2009

*****

Par ordonnance sur requête du 12 octobre 2007, le Président du tribunal de grande instance de Lille a désigné Maître [D], huissier de justice compétent sur le ressort du tribunal de grande instance de Lille avec mission de :

- se rendre chez un opticien à l'une des enseignes suivantes : Alain AFFLELOU, KRYS ... ou ATOL,

- se faire accompagner d'une personne qui effectuera lui-même l'achat suivant:

présenter une ordonnance ou faire état de lunettes cassées et se faire établir un devis pour des lunettes correctrices et un devis pour une paire de solaires de marque,

- faire état, le cas échéant, du remboursement important sur les verres correcteurs par sa mutuelle,

- dire que l'huissier commis fera toutes constatations utiles et se fera remettre la facture définitive, l'achat effectué, après avoir conservé les premiers devis,

- dire que l'huissier commis ne fera état de l'ordonnance et de la mission que celle-ci accomplie.

Par ordonnance du 30 septembre 2009, le Président du tribunal de grande instance de Lille, statuant en la forme de référé, a :

- rétracté l'ordonnance reprise ci-dessus,

- débouté la société ATOL de sa demande d'annulation du procès-verbal de constat du 30 octobre 2007,

- débouté la société OPTICAL CENTER de sa demande tendant à voir constater un aveu judiciaire,

- condamné la société OPTICAL CENTER au paiement de la somme de 3 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 8 octobre 2008, la SAS OPTICAL CENTER a fait appel de cette décision.

Par des dernières conclusions déposées le 5 février 2009, la SAS OPTICAL CENTER sollicite, vu les articles 145 et 812 alinéa 1 du code de procédure civile :

- l'infirmation de l'ordonnance déférée,

- statuant à nouveau,

- demande que la société ATOL soit déboutée de sa demande de rétractation,

- qu'il lui soit donné acte de l'aveu judiciaire fait par la société ATOL en ce que le comportement constaté constitue une infraction pénale,

- réclame la condamnation de la société ATOL au paiement de la somme de 15.000€ en titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 10 Février 2009, la SA ATOL demande, vu les articles 10, 145, 454, 496 alinéa 2, 497 et 812 du code de procédure civile, vu les articles 1354 et suivant du code civil, vu l'ordonnance n°45-2592 du 2 novembre 1945 relative au Huissier de Justice, vu l'article 6.1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme, vu l'ordonnance du Président du tribunal de grande instance de Lille du 12 octobre 2007, vu l'ordonnance du Président du tribunal de grande instance de Lille du 30 septembre 2008 :

- à titre principal :

- de constater que les mesures ordonnées sur requête par le Président du tribunal de grande instance de Lille le 12 octobre 2007 n'étaient pas légalement admissibles et ont pu fonder une atteinte au principe de loyauté dans la recherche de la preuve, contrevenant aux principes d'impartialité fixé par l'article 6 §1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme,

- en conséquence, de confirmer l'ordonnance de référé rendue par le Président du tribunal de grande instance de Lille le 30 septembre 2008 en ce qu'elle a rétracté l'ordonnance du 12 octobre 2007,

- à titre subsidiaire :

- de constater que la mesure d'investigation sollicitée par OPTICAL CENTER et autorisée par l'ordonnance du 12 octobre 2007 est trop générale,

- de constater que la société OPTICAL CENTER n'a pas justifié d'un motif légitime pour obtenir les mesures ordonnées,

- de constater que la société OPTICAL CENTER n'a pas justifié de la condition d'urgence exigée dans le cadre d'une procédure sur requête,

- en conséquence, de rétracter l'ordonnance sur requête du 12 octobre 2007 rendue par le Président du tribunal de grande instance de Lille.

En tout état de cause :

- rejeter les demandes formulées par la société OPTICAL CENTER,

- condamner la société OPTICAL CENTER à verser à la société ATOL la somme de 20 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

Sur la procédure sur requête

La société OPTICAL CENTER a sollicité du Président du tribunal de grande instance de Lille l'organisation d'une mesure d'instruction ;

Il est constant que cette mesure a été requise en application de l'article 145 du code de procédure civile ;

Cette disposition prévoit que les mesures d'instruction peuvent être ordonnées sur requête, et renvoie donc à l'article 812 alinéa 1 du code de procédure civile ;

Dans ce cas l'urgence n'est pas un critère nécessaire sauf si elle est invoquée pour justifier la nécessité de l'absence du contradictoire ;

Or en l'espèce, l'urgence n'était pas invoquée à l'appui de la demande ;

En conséquence il n'y avait pas lieu pour la société OPTICAL CENTER d'établir l'existence d'une quelconque urgence ;

Et la nécessité de déroger au principe du contradictoire est justifiée par la nature des faits allégués de concurrence déloyale dont la société OPTICAL CENTER entend démontrer l'existence ;

En effet dans ce cas l'effet de surprise doit être préservé pour que les preuves soient établies ;

Sur la mesure d'instruction

1/ Sur l'existence d'un motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile.

Le demandeur doit établir que les faits reprochés sont vraisemblables et non hypothétiques sans être tenu de rapporter la preuve de la concurrence déloyale ;

La société OPTICAL CENTER a versé à l'appui de sa requête un certain nombre d'attestations aux termes desquelles des opticiens établissent des fausses factures notamment en minorant le prix des montures et en gonflant le prix des verres pour atteindre le maximum du remboursement opéré par les mutuelles ;

Elle soutient que cette pratique à laquelle elle se refuse la soumet à une concurrence déloyale ;

Si les auteurs de ces témoignages ont été recrutés au travers des réseaux sociaux d'internet, le fonctionnement de ceux-ci n'assure pas nécessairement l'existence de liens d'amitié entre tous les témoins et la directrice juridique de la société OPTICAL CENTER;

En outre si de tels liens sont avérés à l'égard de certains témoins, leur existence ne saurait à elle seule entacher de déloyauté et de partialité, comme le soutient la société ATOL, leurs témoignage auxquels sont joints les devis et factures obtenus lors de chaque achat ;

La vraisemblance des faits allégués par la société OPTICAL CENTER est encore avérée par la généralité de cette pratique telle qu'elle résulte de la dispersion des témoignages obtenus dans différentes villes et régions de France, de déclarations de la directrice de la mutuelle SANTECLAIR, du directeur de l'union des opticiens reprises dans les articles de la presse spécialisée versés à l'appui de la requête faisant état d'une pratique répandue et à la hausse ;

Trois témoignages concernent des opticiens ATOL ;

Comme la société OPTICAL CENTER, la société ATOL a pour activité la distribution en détail d'équipements optiques et de produits dérivés ; elle rassemble sous son enseigne environ 700 opticiens commerçants indépendants ; elle se vante d'être le premier réseau national à avoir obtenu la certification ISO 9001, imposant un système de qualité et une amélioration continue des services ;

En conséquence, si la société ATOL est en mesure de contraindre ses associés à développer des mesures en ce sens, rien ne permet en l'état d'affirmer que la société ATOL est étrangère à la pratique dénoncée par la société OPTICAL CENTER ;

Il s'ensuit que cette dernière justifie d'un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès au fond la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige existant en puissance entre les parties ;

2/ Sur le caractère légalement admissible des mesures ordonnées.

La mission fixée par l'ordonnance sur requête est décrite avec précision. Elle suit le même processus que celui énoncé dans les différentes attestations produites par la société OPTICAL CENTER ;

Certes aucun de ces témoignages ne porte sur des faits constatés à [Localité 3] ; mais la mesure sollicitée est destinée à prouver la généralité de la pratique dénoncée par la société OPTICAL CENTER tant géographiquement qu'au niveau des concurrents du demandeur et dont la plausibilité était avérée par l'ensemble des éléments joints à la requête ;

D'autre part les personnes visées par la mesure étaient identifiées par leur qualité d'opticien exploitant sous l'enseigne ATOL et sur le territoire de la résidence de l'huissier commis ;

Enfin aucun texte ne précise quand l'huissier doit dévoiler son identité ;

L'ordonnance sur requête autorise l'huissier à agir dans l'anonymat lors du constat de l'achat de la monture et lui impose de révéler son identité 'une fois sa mission accomplie' ;

Aussi l'ordonnance ne saurait-elle être critiquable de ce chef, et la formulation adoptée ne saurait interférer sur le contenu des mesures ;

En conséquence, la critique tenant au caractère trop général de la mesure d'investigation doit être écartée.

Par ailleurs la société ATOL soulève le caractère déloyal de la mesure sollicitée et la violation de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme ;

Il ne s'agit pas à ce stade d'examiner l'exécution de la mission et la valeur du procès verbal établi par l'huissier ;

Mais il convient de rechercher si l'ordonnance telle qu'elle a été libellée a pu conduire à ordonner une mesure illégale en ce qu'elle devait provoquer la commission de l'infraction qu'elle avait pour but de constater et en ce qu'elle n'encadrait pas le choix de la personne assistant l'huissier ;

Sur ce dernier point l'huissier devait procéder à des constatations matérielles relativement à l'opération d'achat réalisée par un tiers ;

Ce dernier n'avait pas de mission technique ni à rendre de rapport ;

Il avait juste à jouer un rôle dont le scénario était décrit en termes précis par l'ordonnance ;

En conséquence, l'exigence d'indépendance n'avait pas à être imposé au niveau du choix de cette personne ;

Et par suite la critique portant sur l'acheteur concerne l'exécution de la mission;

D'autre part, l'acheteur est autorisé par l'ordonnance du 12 octobre 2007 à faire état du remboursement important de verres correcteurs par sa mutuelle; il demande au vendeur de trouver une solution pour accentuer la prise en charge par la mutuelle de la facture globale.

L'acheteur est ainsi amené à solliciter clairement une fausse facture ;

Le vendeur est donc informé sans ambiguïté de la requête de son client ;

Aussi conserve t-il la maîtrise de sa réponse; il peut refuser la demande de l'acheteur, l'ignorer ou l'accepter en ayant conscience de la fraude ainsi commise ;

Il s'ensuit qu'il n'y a pas dans l'opération prescrite par l'ordonnance sur requête un stratagème destiné à provoquer la commission de faits répréhensibles ;

En conséquence, le procédé pour établir la preuve des faits allégués ne saurait être en soi déloyal.

L'ordonnance déférée sera donc infirmée en ce qu'elle a rétracté l'ordonnance sur requête du 12 octobre 2007.

Sur l'aveu judiciaire par la société ATOL en ce que le comportement constaté constitue une infraction pénale

Il convient de considérer que c'est à juste titre que le premier juge dont la Cour adopte les motifs, a rejeté la demande de la société OPTICAL CENTER tendant à voir constater l'aveu judiciaire ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il convient de condamner la société ATOL, partie perdante, à payer à la société OPTICAL CENTER la somme de 6 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance déférée sauf en ce qu'elle a débouté la SAS OPTICAL CENTER de sa demande tendant à voir constater un aveu judiciaire.

Statuant à nouveau.

Dit n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance sur requête rendue par le Président du tribunal de grande instance de Lille le 12 octobre 2007.

Condamne la SA ATOL à payer à la SAS OPTICAL CENTER la somme de 6.000€ au titre de l'article 700 du code procédure civile.

Condamne la SA ATOL aux dépens d'instance et d'appel avec distraction au profit de la SELARL Laforce.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

C.POPEKG. GOSSELIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 2
Numéro d'arrêt : 08/07619
Date de la décision : 19/05/2009

Références :

Cour d'appel de Douai 1B, arrêt n°08/07619 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-05-19;08.07619 ?
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