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16/11/2010 | FRANCE | N°10-81740

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 novembre 2010, 10-81740


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Bernard X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de NANCY, chambre correctionnelle, en date du 20 janvier 2010, qui, pour émission de bruit portant atteinte à la tranquillité du voisinage, l'a condamné à 250 euros d'amende avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article R. 1137-6 du code de la santé publique, du principe de l'autorité de la

chose jugée par la juridiction administrative et des articles 591 et 593 du code de procéd...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Bernard X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de NANCY, chambre correctionnelle, en date du 20 janvier 2010, qui, pour émission de bruit portant atteinte à la tranquillité du voisinage, l'a condamné à 250 euros d'amende avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article R. 1137-6 du code de la santé publique, du principe de l'autorité de la chose jugée par la juridiction administrative et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de la contravention de cinquième classe prévue et réprimée par l'article R. 1137-6 2° en omettant, lors d'une activité professionnelle, de respecter les conditions d'exercice relatives au bruit fixées par les autorités compétentes, en l'espèce en autorisant l'usage de la piste automobile les dimanches après-midi en contradiction avec l'arrêté municipal du 27 août 2007, et l'a condamné en conséquence à une peine d'amende avec sursis ;

"aux motifs que par un arrêté du 25 août 2006, le préfet des Vosges a accordé l'homologation de l'anneau glacé et de la piste asphalte sur le site Géoparc de Saint-Dié-des-Vosges, et a autorisé l'ouverture du circuit de 8 h à 12 h et de 13 h 30 à 19 h et a interdit l'activité haute vitesse sur la piste asphalte au-delà de 18 heures en semaine, cette activité étant autorisée jusqu'à 19 heures, le week-end ; que par un arrêté du 22 août 2007, la mairie de Saint-Die-des-Vosges a autorisé l'utilisation de l'anneau de glace et de la piste asphalte du site Géoparc selon des plages horaires précises, à savoir du lundi au samedi de 9 heures à 12 heures et de 13 h 30 à 18 heures, et le dimanche et jours fériés de 10 heures à 12 heures hors manifestations autorisées par arrêté préfectoral ; qu'entre le 23 septembre 2007 et le 27 janvier 2008, la police municipale a relevé à 13 reprises l'existence d'une activité automobile dominicale l'après-midi sur le site du Géoparc ; qu'entendu par les services de la police nationale, M. X..., gérant de la Sarl BH Promo, a déclaré qu'il entendait respecter l'arrêté préfectoral 3030-2006, et s'est étonné du fait que le maire de Saint-Dié-des-Vosges ait pris l'arrêté du 22 août 2007, alors qu'il avait donné un avis favorable pour l'arrêté préfectoral antérieur ;
qu'il a précisé qu'un recours avait été formé devant le tribunal administratif de Nancy à l'encontre de l'arrêté municipal, lequel le conduirait à un échec commercial, s'il devait s'appliquer ; qu'il a précisé qu'antérieurement à l'arrêté préfectoral, une enquête publique avait été effectuée, et qu'un merlon anti-bruit avait été construit ; qu'à l'audience de la cour d'appel, il a indiqué que l'arrêté dont il s'agit a été annulé par la juridiction administrative, et, dans ses conclusions déposées à l'audience, a conclu à sa relaxe en faisant valoir :
- qu'aucun arrêté municipal ne vise M. X... à titre personnel, alors que c'est la société BH Promo, personne morale, qui voit son activité soumise à une réglementation spécifique ;
- que l'article R.1337-6 du code de la santé publique, mentionné par la prévention, vise les activités dont les conditions d'exercice relatives au bruit n'ont pas été réglementées par l'autorité compétente, et implique qu'il ait été procédé à des mesures de bruit, alors que seule a été réalisée une mesure de bruit, le mardi 29 juillet 2008, date non visée par la citation, qui ne concerne que les dimanches ; que la cour retient que l'article R. 1137-6 du code de la santé publique est libellé comme suit : « est puni de la peine d'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe :
1°) le fait, lors d'une activité professionnelle ou d'une activité culturelle, sportive ou de loisir organisée de façon habituelle ou soumise à autorisation, et dont les conditions d'exercice relatives au bruit n'ont pas été fixées par les autorités compétentes, d'être à l'origine d'un bruit de voisinage dépassant les valeurs limites de l'émergence totale ou de l'émergence spectrale conformément à l'article R. 1334-32 ;
2°) le fait, lors d'une activité professionnelle ou d'une activité culturelle, sportive ou de loisir organisée de façon habituelle ou soumise à autorisation, dont les conditions d'exercice relatives au bruit ont été fixées par les autorités compétentes, de ne pas respecter ces conditions ;
3°) le fait, à l'occasion de travaux prévus à l'article R. 1134-36, de ne pas respecter les conditions de leurs réalisation ou d'utilisation des matériels et équipements fixés par les autorités compétentes, de ne pas prendre les précautions appropriées pour limiter le bruit ou d'adopter un comportement anormalement bruyant. » ; qu'il résulte des procès-verbaux versés aux débats que M. X..., dirigeant de la société BH Promo, à contrevenu au cours de la période visée par la prévention aux conditions d'exercice prévue à l'arrêté du 22 août 2007, en méconnaissance des dispositions du 2° de l'article R. 1137-6 du code de la santé publique, en ne respectant pas les horaires d'utilisation de la piste fixés par cet arrêté ; qu'il en résulte que M. X... a pertinemment été retenu dans les liens de la prévention, telle que rectifiée par le jugement déféré qui sera confirmé en ses dispositions relatives à la culpabilité ; que M. X... tenait de l'autorité préfectorale la possibilité d'exploiter le circuit automobile dont il s'agit dans des conditions moins restrictives que celles de l'arrêté municipal intervenu ultérieurement, et avait été conduit à suspecter la validité de cet arrêté et à s'affranchir de ses dispositions ; que le tribunal administratif de Nancy lui a donné raison, dans sa décision du 16 décembre 2008, ayant annulé ledit arrêté municipal ; qu'il a expliqué que les restrictions apportées par l'autorité municipale en ce qui concerne l'utilisation de son circuit automobile ne lui permettaient pas de rentabiliser ses investissements et d'exploiter ce circuit dans des conditions de rentabilité normales ; qu'il convient au vu de ces éléments de lui faire une application modérée de la loi pénale, et de le condamner à une amende de 250 euros avec sursis ;

"alors que l'annulation par la juridiction administrative d'un acte administratif implique que cet acte est réputé n'avoir jamais existé et prive de base légale la poursuite engagée pour violation de cet acte ; qu'en condamnant M. X... pour avoir contrevenu aux conditions d'exercice de son activité, prévue par l'arrêté du 22 août 2007 en ne respectant pas les horaires d'utilisation de la piste fixés par celui-ci tout en constatant que cet arrêté avait été annulé par un jugement du tribunal administratif de Nancy du 16 décembre 2008, ce qui enlevait toute base légale à la poursuite, la cour d'appel a violé le principe et les articles susvisés" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. X... à payer à l'Association de sauvegarde des Vallées et à M. Y..., parties civiles, respectivement une somme de 500 euros et une somme de 1 950 euros à titre de dommages-intérêts ;

"aux motifs que l'association de sauvegarde des vallées et de prévention des pollutions (ASVPP) s'est constituée partie civile en première instance et a sollicité la condamnation de M. X... au paiement d'une somme de 3 500 euros à titre de dommages-intérêts, et d'une somme de 1 200 euros en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale, en faisant valoir qu'elle a pour objet de lutter contre les pollutions de toute nature, et que les nuisances sonores ont été constatées et exaspèrent les riverains ; que le tribunal a accueilli partiellement sa demande, en condamnant M. X... à lui verser la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts et celle de 500 euros en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale ; que, appelante, l'ASVPP conclut à la confirmation de cette décision du chef de l'application de l'article 475-1 du code de procédure pénale en première instance, mais à son infirmation du chef des dommages et intérêts alloués, et sollicite une somme de 3 500 euros au titre du préjudice subi, ainsi qu'une somme de 1 200 euros en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale en cause d'appel ; qu'elle fait valoir que M. X... ne s'est pas borné à méconnaître les dispositions de l'arrêté municipal, mais qu'en outre, l'ensemble du circuit ne saurait être concerné par l'arrêté préfectoral ; que l'extension de la piste asphalte qu'il a réalisée ne bénéficiant pas de l'homologation nécessaire pour que puisse s'y dérouler des compétitions, des essais ou des entraînements ainsi que des démonstrations, conformément au décret n° 2006-594 du 16 mai 2006 ; qu'elle ajoute que M. X... n'a pas davantage respecté l'article 5 de l'arrêté préfectoral du 25 août 2006, qui prévoyait que le pétitionnaire s'engage à respecter les exigences du code de la santé publique et à procéder régulièrement à des mesures sonores qui seront effectuées par un organisme agréé dans ce domaine d'activité ; que la cour constate toutefois que ces manquements ne sont pas retenus par la prévention, et que le préjudice en résultant ne saurait en conséquence donner lieu à indemnisation, dans le cadre de la présente instance ; que tel que fixé à la somme de 500 euros par le premier juge, le préjudice subi par l'ASVPP du fait des agissements reprochés dans la prévention à M. X..., a exactement été apprécié, de sorte que le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions civiles relatives à l'ASVPP ; qu'il convient, en y ajoutant, d'allouer à l'ASVPP une somme de 450 euros, en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale en cause d'appel (…) ; que M. Y... s'est constitué partie civile en première instance et a sollicité une somme de 10 500 euros à titre de dommages-intérêts, en faisant valoir qu'étant riverain, il subit, depuis 3 années, le bruit généré par l'exploitation du Géoparc, même le dimanche ; que le tribunal a accueilli sa demande à hauteur de 3 000 euros, en chiffrant à ce montant le préjudice subi pour les nuisances sonores générées par l'utilisation de la piste asphalte et de l'anneau de glace, le dimanche après-midi pendant la période visée par la prévention, à savoir pendant 13 dimanches après-midi ; que les troubles subis par M. Y... du fait de l'activité du Géoparc, dont la réalité n'est pas contestée, ne peuvent être réparés dans le cadre de la présente instance que dans la mesure où ils se rattachent directement aux poursuites exercées contre M. X..., ainsi que l'a justement retenu le premier juge ; que l'indemnité allouée à M. Y... en première instance excède toutefois le préjudice subi du fait de l'infraction prévue à la prévention, et sera ramenée à la somme de 1 950 euros ; qu'il n'y a pas lieu à condamnation aux dépens de l'action civile, en application de la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 et du décret n° 93-867 du 28 juin 1993 ;

"alors que les agissements reprochés dans la prévention, qui ne constituaient plus une infraction à la suite de l'annulation de l'arrêté du 22 août 2007, ne pouvaient, par voie de conséquence, entraîner la condamnation du prévenu à réparer le préjudice subi par les parties civiles ; qu'il en résulte qu'en condamnant M. X... à indemniser les préjudices résultant des agissements qui lui étaient reprochés dans la prévention, la cour d'appel a violés les textes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Vu l'article R. 1137-6 du code de la santé publique, ensemble le principe de l'autorité de la chose jugée par la juridiction administrative ;

Attendu que l'annulation par la juridiction administrative d'un acte administratif implique que cet acte est réputé n'avoir jamais existé et prive de base légale la poursuite engagée pour violation de cet acte ;

Attendu que M. X..., gérant d'une société commerciale exploitant un circuit automobile, a été poursuivi pour avoir contrevenu aux conditions d'exercice de cette activité relatives au bruit définies par un arrêté du maire de Saint-Dié-des-Vosges en date du 22 août 2007 ; que le 16 décembre 2008, le tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté ;

Attendu que, pour écarter le moyen tiré par le prévenu de cette annulation et confirmer le jugement l'ayant déclaré coupable, la cour d'appel énonce que l'acte administratif tenant lieu de fondement aux poursuites était exécutoire au moment des faits ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ; que, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nancy, en date du 20 janvier 2010 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nancy et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Roth conseiller rapporteur, M. Palisse conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Villar ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 10-81740
Date de la décision : 16/11/2010
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

LOIS ET REGLEMENTS - Acte administratif - Annulation par le juge administratif - Effet

L'annulation par la juridiction administrative d'un acte administratif implique que cet acte est réputé n'avoir jamais existé et prive de base légale la poursuite engagée pour violation de cet acte. Encourent dès lors la censure les juges qui, pour déclarer le prévenu coupable, ont retenu que l'acte administratif tenant lieu de fondement aux poursuites était exécutoire au moment des faits


Références :

article R. 1137-6 du code de la santé publique : principe de l'autorité de la chose jugée par la juridiction administrative

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 20 janvier 2010

Sur les effets de l'annulation par la juridiction administrative d'un acte administratif sur les poursuites engagées pour violation de ce texte, à rapprocher :Crim., 12 mars 2008, pourvoi n° 07-84104, Bull. crim. 2008, n° 63 (cassation partielle sans renvoi) ;Crim., 16 novembre 2010, pourvoi n° 10-83622, Bull. crim. 2010, n° 183 (cassation sans renvoi)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 nov. 2010, pourvoi n°10-81740, Bull. crim. criminel 2010, n° 182
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2010, n° 182

Composition du Tribunal
Président : M. Louvel
Avocat général : Mme Zientara-Logeay
Rapporteur ?: M. Roth
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:10.81740
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