LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu que la banque La Hénin (la Banque), aux droits de laquelle se sont trouvées successivement la société White SAS et la société Chauray contrôle (la société), a consenti, en 1982, à la SCI La Grande Ourse, dont M. X... était associé majoritaire et gérant, une ouverture de crédit en vue d'une opération de promotion immobilière ; que M. X... s'est porté caution solidaire de la société ; que, par acte du 23 mai 1987, les époux X... ont donné à leurs filles la nue-propriété d'une maison leur appartenant ; que, n'étant pas payée, la banque a, d'une part, demandé la condamnation de M. X... en exécution de son engagement de caution, d'autre part, assignant M. X... à titre personnel et en qualité d'administrateur légal de sa fille mineure, demandé que la donation lui soit déclarée inopposable ; que, par arrêt du 13 octobre 1997, la cour d'appel de Toulouse a accueilli ces demandes, la première dans son principe, une consultation étant ordonnée sur le montant des sommes dues ; que cet arrêt a été cassé (Civ. 1, 5 décembre 2000, pourvoi n° 98-15. 151) partiellement en ce qui concerne la condamnation de M. X... en qualité de caution ; que, par arrêt du 2 février 2005, la cour d'appel d'Agen a dit que M. X... ne devait plus rien à la banque en sa qualité de caution ; que, par jugement du 16 octobre 1997, confirmé par un arrêt, devenu irrévocable, le tribunal de grande instance a condamné M. X..., en sa qualité d'associé de la SCI, à payer une certaine somme à la banque ; que la société a fait délivrer aux époux X... un commandement de payer valant saisie immobilière portant sur l'immeuble donné par eux à leurs filles ; que M. X... a soutenu que la société ne pouvait invoquer l'inopposabilité paulienne à son égard, en tant qu'associé de la SCI, alors que l'arrêt du 13 octobre 1997 avait été rendu contre lui, en sa qualité de caution ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt attaqué (Toulouse, 5 mai 2008) d'avoir annulé le commandement délivré le 21 juin 2007 alors, selon le moyen :
1° / que la partie demanderesse à l'action devant présenter l'ensemble des moyens propres à fonder sa prétention, l'identité de cause ne constitue pas une condition de la chose jugée ; qu'en décidant le contraire pour considérer que l'arrêt du 13 octobre 1997, qui a autorité de la chose jugée à l'endroit de M. X... en tant que caution, n'a pas autorité de la chose jugée à l'endroit de M. X... en tant qu'associé de la société La Grande Ourse, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil ;
2° / que le débiteur défendeur à l'action paulienne conserve toujours, relativement à la chose jugée sur cette action, la même qualité de débiteur, qu'il soit débiteur comme caution ou qu'il soit débiteur comme associé d'une société civile ; qu'en décidant le contraire pour considérer que l'arrêt du 13 octobre 1997, qui a autorité de la chose jugée à l'endroit de M. X... en tant que caution, n'a pas autorité de la chose jugée à l'endroit de M. X... en tant qu'associé de la société La Grande Ourse, la cour d'appel a violé les articles 1167 et 1351 du code civil ;
3° / que l'acte qui est reconnu frauduleux, est révoqué dans le seul intérêt du créancier qui a intenté l'action paulienne et dans l'exacte mesure de cet intérêt, c'est-à-dire : dans l'exacte mesure des droits qu'il détient contre son débiteur ; qu'en énonçant que la société Chauray contrôle, qui a obtenu par la voie paulienne la révocation de la donation dont M. X... a gratifié ses trois filles, ne peut pas se prévaloir de cette révocation parce qu'elle invoque le droit qu'elle détient contre M. X... en tant qu'associé de la société La Grande Ourse, et non le droit qu'elle a déduit quand elle a agi par la voie paulienne, la cour d'appel a violé l'article 1167 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt énonce justement que la reconnaissance de la fraude paulienne ne rend l'acte frauduleux inopposable au créancier demandeur que dans la mesure des droits de créance dont celui-ci se prévaut à l'égard de son débiteur au soutien de son action ; qu'il constate que l'arrêt du 13 octobre 1997 a été rendu sur l'action engagée contre M. X... en sa qualité de caution alors que la saisie immobilière est fondée sur un jugement confirmé du 16 octobre 1997, condamnant M. X... en sa qualité d'associé de la SCI La Grande Ourse ; que la cour d'appel a pu en déduire que la société, créancière de l'associé de la SCI, ne pouvait pas se prévaloir de l'autorité de la chose jugée d'une décision obtenue à l'encontre du même débiteur actionné dans une autre qualité, celle de caution, du chef d'une dette dont l'extinction avait été judiciairement constatée, de sorte que les conditions de l'article 1351 du code civil n'étaient pas réunies ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Chauray contrôle aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils pour la société Chauray contrôle
Le pourvoi fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR annulé le commandement que la société Chauray contrôle a fait délivrer, le 21 juin 2007, pour saisir une maison sise au ..., à Castanet-Tolosan, département du Gers ;
AUX MOTIFS QU'« aux termes de l'article 1351 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet du jugement » (cf. arrêt attaqué, p. 6, 3e alinéa) ; qu'« il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elle et contre elles en la même qualité » (cf. arrêt attaqué, p. 6, 4e alinéa) ; qu'« en l'espèce, par acte du 23 mai 1997, les époux X...- Y... ont fait donation à leurs trois filles de la nue-propriété de l'immeuble saisi » (cf. arrêt attaqué, p. 6, 5e alinéa) ; que, « par arrêt du 13 octobre 1997, il a été jugé que cette donation avait été faite en fraude des droits de la banque La Hénin et que cet acte a été déclaré inopposable au créancier » (cf. arrêt attaqué, p. 6, 6e alinéa) ; que « le pourvoi a été rejeté en ce qu'il portait sur les dispositions de cet arrêt ayant admis l'action paulienne engagée par l'organisme prêteur » (cf. arrêt attaqué, p. 6, 8e alinéa) ; que « la reconnaissance de la fraude paulienne ne rend l'acte frauduleux inopposable au créancier demandeur, que dans la mesure des droits de créance dont il se prévaut à l'égard de son débiteur au soutien de son action » (cf. arrêt attaqué, p. 6, 9e alinéa, lequel s'achève p. 7) ; que « l'arrêt du 13 octobre 1997 a été rendu dans le cadre de l'action engagée à l'encontre de M. Alain X... en sa qualité de caution solidaire des engagements pris par la sci la Grande Ourse » (cf. arrêt attaqué, p. 7, 1er alinéa) ; que « la présente procédure de saisie immobilière est fondée sur un jugement du 16 octobre 1997 et un arrêt confirmatif du 20 octobre 1999 condamnant M. X... en sa qualité d'associé de la sci la Grande Ourse » (cf. arrêt attaqué, p. 7, 2e alinéa) ; que « le seul fait que cette qualité d'associé ait été prise en compte par la cour dans son arrêt du 13 octobre 1997 pour caractériser l'existence d'une fraude aux droits de la banque, ne permet pas à celle-ci de se prévaloir de l'autorité de la chose jugée d'une décision qu'elle a obtenue à l'encontre de ce débiteur actionné dans une autre qualité, celle de caution, sur un fondement juridique différent ; que les conditions d'application de l'article 1351 du code civil ne sont pas réunies » (cf. arrêt attaqué, p. 7, 3e alinéa) ; qu'« il s'ensuit que la sas Chauray contrôle, venant aux droits de la société White sas, ne peut arguer, dans le cadre de la présente procédure de l'inopposabilité à son égard de la donation de la nue-propriété de l'immeuble saisi aux trois filles des époux X... » (cf. arrêt attaqué, p. 7, 4e alinéa) ; que, « par ces seuls motifs, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens de nullité invoqués, il convient de considérer que le bien objet de la saisie n'est pas saisissable, et de confirmer, en conséquence, le jugement déféré en ce qu'il prononce la nullité de la procédure de saisie immobilière et déclaré nul et de nul effet le commandement aux fins de saisie » (cf. arrêt attaqué, p. 7, 5e alinéa) ;
1. ALORS QUE la partie demanderesse à l'action devant présenter l'ensemble des moyens propres à fonder sa prétention, l'identité de cause ne constitue pas une condition de la chose jugée ; qu'en décidant le contraire pour considérer que l'arrêt du 13 octobre 1997, qui a autorité de la chose jugée à l'endroit de M. Alain X... en tant que caution, n'a pas autorité de la chose jugée à l'endroit de M. Alain X... en tant qu'associé de la société la Grande Ourse, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil ;
2. ALORS QUE le débiteur défendeur à l'action paulienne conserve toujours, relativement à la chose jugée sur cette action, la même qualité de débiteur, qu'il soit débiteur comme caution ou qu'il soit débiteur comme associé d'une société civile ; qu'en décidant le contraire pour considérer que l'arrêt du 13 octobre 1997, qui a autorité de la chose jugée à l'endroit de M. Alain X... en tant que caution, n'a pas autorité de la chose jugée à l'endroit de M. Alain X... en tant qu'associé de la société la Grande Ourse, la cour d'appel a violé les articles 1167 et 1351 du code civil ;
3. ALORS QUE l'acte qui est reconnu frauduleux, est révoqué dans le seul intérêt du créancier qui a intenté l'action paulienne et dans l'exacte mesure de cet intérêt, c'est-à-dire : dans l'exacte mesure des droits qu'il détient contre son débiteur ; qu'en énonçant que la société Chauray contrôle, qui a obtenu par la voie paulienne la révocation de la donation dont M. Alain X... a gratifié ses trois filles, ne peut pas se prévaloir de cette révocation parce qu'elle invoque le droit qu'elle détient contre M. Alain X... en tant qu'associé de la société Grande Ourse, et non le droit qu'elle a déduit quand elle a agi par la voie paulienne, la cour d'appel a violé l'article 1167 du code civil.