LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Catherine, agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale de son fils mineur, Jérémy Y..., parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBÉRY, chambre correctionnelle, en date du 18 mars 2009, qui, dans la procédure suivie contre Fernand Z... du chef d'homicide involontaire aggravé, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, 2, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a réduit le préjudice économique de Catherine X... de 52 297,54 euros à 2 386,15 euros et, après avoir dit que le préjudice de Jérémy Y... devait être indemnisé à hauteur de 34 892,31 euros, a constaté que le prévenu et son assureur offraient d'indemniser ce dernier à hauteur de 3 495,77 euros et dit cette offre satisfactoire ;
"aux motifs qu'à la différence du préjudice d'affection, le préjudice économique ne se cristallise pas au jour du décès ; qu'il s'apprécie in concreto au jour de la liquidation, son processus d'évaluation consistant à rechercher la part des revenus annuels du défunt dont ses proches sont privés, à la répartir entre eux en tenant compte de la composition du groupe familial après le décès et à la capitaliser en fonction de la durée pendant laquelle ils pouvaient normalement y prétendre ; qu'en l'espèce, le fait que Catherine X... ait donné naissance le 21 août 2002 à un enfant, avec le père de laquelle elle vit depuis au moins cette date, doit être considéré pour limiter la durée de l'indemnisation du préjudice économique subi du fait du décès de Christophe Y... ; qu'il est en effet certain qu'à compter de cette date, ce dernier n'aurait plus affecté le moindre de ses revenus à la satisfaction des besoins personnels de son ancienne compagne ; que les parties s'entendent sur les éléments chiffrés suivants, révélés par les pièces produites aux débats :- revenus annuels du couple Y.../X... : 20 876,30 euros ;-part de revenus affectés par M. Y... à ses dépenses personnelles :20 % soit 4 175,26 euros ;- revenus annuels de Catherine X... : 12 610,50 euros ;- perte annuelle de revenus : 4 090,54 euros ;eu égard à la nouvelle composition familiale dans les mois qui ont suivi le décès de Christophe Y..., les premiers juges ont légitimement réparti cette somme par moitié entre Catherine X... et l'enfant Jérémy Y... ; que la perte annuelle de 2 045,27 euros sera pour l'enfant âgé de moins de deux ans lors du décès de son père, capitalisée jusqu'à son 25e anniversaire, en application du barème publié à la Gazette du Palais des 7 et 9 novembre 2004 ; que son préjudice doit ainsi être indemnisé à hauteur de 34 892,31 euros ; que la rente d'ayant droit servie par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie est destinée à réparer le même préjudice, étant observé qu'elle n'a été calculée qu'à hauteur de 15 % du salaire du défunt et n'est donc affectée qu'au mineur Jérémy Y... ; qu'en vertu des dispositions de l'article L. 371-6 du code de la sécurité sociale, les arrérages échus de la rente et leur capital constitutif s'imputent donc sur ce poste de préjudice ; que, dans la mesure où ils sont supérieurs à la somme de 34 892,31 euros, aucun dommage intérêt ne serait dû par Fernand Z... et sa compagnie d'assurances ; qu'il convient toutefois de leur donner acte de leur offre de paiement de la somme de 3 495,77 euros ; que, pour Catherine X..., le préjudice économique sera justement réparé par la somme de 2 386,15 euros soit 2 045,27 euros : 12 x 14 mois de juillet 2001 à août 2002..." ;
"1°) alors que, tout jugement doit comporter les motifs propres à justifier le dispositif ; que les motifs insuffisants, contradictoires ou hypothétiques équivalent à leur absence totale ; qu'en application des articles 1382 du code civil, 2 du code de procédure pénale, 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; que la circonstance que la compagne survivante de la victime d'un accident ait, depuis le décès, refait sa vie n'est pas de nature à justifier la réduction de son préjudice économique causé par l'accident mortel, de 52 297,54 euros à 2 386,15 euros ; que cette circonstance qui est postérieure, et non antérieure au fait dommageable, ne doit pas être prise en compte ; qu'en en tenant compte, la cour d'appel a violé les textes susvisés et privé sa décision des motifs propres à la justifier ;
"2°) alors que, suivant le principe de la réparation intégrale du préjudice, l'indemnité mise à la charge du tiers responsable d'un accident servant de limite au remboursement des prestations servies par les caisses en raison de l'accident doit être appréciée, vis-à-vis du tiers responsable, en tous ses éléments, même s'il est en totalité ou en partie réparé par le service de ces prestations ; que, selon l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985, dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel ; que la cour d'appel ne pouvait réduire le montant du préjudice de la partie civile tout en relevant que la caisse avait déclaré ne pas souhaiter exercer son recours subrogatoire, et en tout état de cause, sans justifier du bien-fondé de l'imputation, poste par poste, dans les conditions de la loi du 21 décembre 2006, ni préciser quels postes de préjudice avaient été pris en charge par les prestations formant l'objet des créances subrogatoires éventuelles de la caisse" ;
Vu les articles 1382 du code civil, 2 et 591 du code de procédure pénale ;
Attendu que, d'une part, le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ;
Attendu que, d'autre part, la circonstance que le conjoint ou le concubin survivant de la victime d'un accident ait reconstitué un foyer avec une tierce personne n'est pas de nature à dispenser le tiers responsable de réparer entièrement le préjudice qu'il a causé dès lors que cette circonstance n'est pas la conséquence nécessaire du fait dommageable ;
Attendu qu'appelée à statuer sur les conséquences dommageables de l'accident mortel de la circulation dont Christophe Y... a été victime, le 30 juin 2001, et dont Fernand Z..., reconnu coupable d'homicide involontaire, a été déclaré entièrement responsable, la cour d'appel, relevant que la concubine de la victime a donné le jour, le 21 août 2002, à un enfant dont le père vit avec elle, énonce, par les motifs repris au moyen, que la réparation de son préjudice économique doit être limitée à la période de quatorze mois allant du décès de la victime à cette naissance et réduit le montant de ce préjudice de 52 297, 54 euros à 2 386, 15 euros ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'avait à tenir compte, pour évaluer le préjudice, que des éléments en relation avec le décès, a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et des principes ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 211-9, L. 211-13 du code des assurances, 591, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a refusé de faire application de la pénalité du doublement des intérêts prescrit par l'article L. 211-13 du code des assurances ;
"aux motifs que la pénalité du doublement des intérêts prescrit par l'article L. 211-13 du code des assurances n'a pas lieu de s'appliquer en l'espèce, dans la mesure où la tardiveté de l'offre d'indemnisation des préjudices économiques de Catherine X... et du mineur Jérémy Y..., faxée à leur conseil le 8 octobre 2006, n'est manifestement pas imputable à la carence de la compagnie Generali, mais aux circonstances dans lesquelles la demande d'indemnisation a été présentée, d'une manière au moins aussi imparfaite que celle qui a conduit le tribunal correctionnel de Bonneville, dans son jugement du 27 avril 2007, à réouvrir les débats pour obtenir des victimes divers éléments indispensables à la détermination de leurs préjudices... ;
"alors que selon l'article L. 211-13 "lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis à l'article L. 211-9, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l'assureur" ; qu'en supprimant la pénalité prévue par ce texte, tout en constatant l'absence d'offre, ne serait-ce que provisionnelle, de la part de l'assureur, dans le délai légal, la cour d'appel a violé le texte susvisé" ;
Vu les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur doit, en cas de décès de la victime directe, présenter à ses héritiers, dans un délai maximum de huit mois à compter de l'accident, sauf cause de suspension de ce délai prévue par les articles R211-29 et suivants de ce code, une offre d'indemnité, comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice ; qu'à défaut, le montant de l'indemnité, offerte par l'assureur ou allouée par le juge, produit de plein droit intérêt au double du taux légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif ;
Attendu que, pour débouter la partie civile de sa demande de majoration d'intérêts à compter du 1er mars 2002, soit à l'expiration du délai de huit mois à compter de l'accident survenu le 30 juin 2001, l'arrêt énonce que la tardiveté de l'offre d'indemnisation, intervenue le 8 octobre 2006, est due au caractère imparfait de la demande d'indemnisation et non à la carence de la Compagnie d'assurances Generali ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans qu'il résulte des énonciations de l'arrêt, que l'assureur ait sollicité les informations prévues aux articles L. 211-10, R. 211-33 et R. 211-38 du code des assurances, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encore encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Chambéry, en date du 18 mars 2009 ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Grenoble, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Chambéry, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
DIT n'y avoir lieu à application, au profit de X... Catherine, agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale de son fils mineur, Jérémy Y..., de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Louvel président, Mme Radenne conseiller rapporteur, MM. Blondet, Palisse, Le Corroller, Nunez, Mme Ferrari conseillers de la chambre, M. Chaumont, Mme Harel-Dutirou, M. Roth conseillers référendaires ;
Avocat général : Mme Magliano ;
Greffier de chambre : Mme Téplier ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;