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09/06/2010 | FRANCE | N°09-10641

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 09 juin 2010, 09-10641


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que, par ordonnance du 12 janvier 2006, un juge des enfants a confié Nicolas X..., né le 2 janvier 1999, au service de l'Aide sociale à l'enfance de l'Eure (ASE), accordé à chacun des parents un droit de visite en lieu neutre en présence d'un tiers et ordonné une délégation partielle de l'autorité parentale à l'ASE pour organiser un droit de visite en lieu neutre au profit de M. et Mme Y..., grands oncle et tante paternels de l'enfant ; que ces mesures ont été renouvelées par jugement du 3

juillet 2006, puis par jugement du 12 octobre 2006 pour une durée de ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que, par ordonnance du 12 janvier 2006, un juge des enfants a confié Nicolas X..., né le 2 janvier 1999, au service de l'Aide sociale à l'enfance de l'Eure (ASE), accordé à chacun des parents un droit de visite en lieu neutre en présence d'un tiers et ordonné une délégation partielle de l'autorité parentale à l'ASE pour organiser un droit de visite en lieu neutre au profit de M. et Mme Y..., grands oncle et tante paternels de l'enfant ; que ces mesures ont été renouvelées par jugement du 3 juillet 2006, puis par jugement du 12 octobre 2006 pour une durée de un an à compter du 14 septembre 2006 ; que, par ordonnance du 1er juin 2007, le juge des enfants a désigné l'association d'aide aux victimes AVEDE en qualité d'administrateur ad hoc aux fins de représenter le mineur et lui permettre de faire valoir ses droits dans la procédure d'assistance éducative le concernant et de mandater le cas échéant un avocat à cette fin ; que, par requête du 20 août 2007, M. et Mme Y... ont saisi le juge des enfants d'une "requête en modification de mesure prise en matière d'assistance éducative (article 375-6 du code civil)", afin de voir décharger l'AVEDE de sa mission ; qu'ils n'ont pas fait appel de l'ordonnance du 13 septembre 2007 par laquelle le juge des enfants a déclaré irrecevable leur "tierce opposition" ; que, par acte du 8 août 2008, M. et Mme Y... ont formé un appel-nullité à l'encontre de l'ordonnance rendue le 1er juin 2007 ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche ci-après annexé :
Attendu que le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches :
Attendu que M. et Mme Y... font grief à l'arrêt attaqué (Rouen, 16 décembre 2008) de les avoir déclarés irrecevables en leur appel-nullité, alors, selon le moyen :
1°/ que les délais de recours contre une décision courent à compter de la notification de cette décision aux parties à l'instance ou, en matière gracieuse, aux tiers dont les intérêts risquent d'être affectés par cette décision ; que la cour d'appel qui, pour juger que l'appel nullité formé par les exposants contre l'ordonnance du 1er juin 2007, qui ne leur avait jamais été notifiée, était irrecevable, a retenu que le délai d'appel contre cette ordonnance avait commencé à courir à la notification de l'ordonnance du 13 septembre 2007, soit d'une décision rendue à la suite d'une requête en modification de mesure prise en assistance éducative, a méconnu les dispositions des articles 528 et 679 du code de procédure civile ;
2°/ que le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt ; que la cour d'appel qui, pour juger que l'appel nullité formé par les exposants contre l'ordonnance du 1er juin 2007 était irrecevable, a retenu que les exposants, en tant que membres de la famille, qui ne doivent intervenir aux débats que dans l'intérêt du mineur, étaient dépourvus de qualité à agir, sans rechercher, comme elle y était expressément invitée, si M. et Mme Y... n'étaient pas, du fait de leur intervention volontaire par acte du 22 juin 2005, devenus des parties à l'instance en assistance éducative, dont était saisi le juge qui a rendu la décision litigieuse, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 546 du code de procédure civile ;
3°/ que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi; que lorsqu'une décision, prise en méconnaissance du double degré de juridiction, est affectée d'un vice grave et qu'aucun autre recours ne peut être formé, la procédure d'appel-nullité permet de faire respecter le droit à un procès équitable ; qu'en déclarant irrecevable l'appel-nullité formé par les exposants à l'encontre d'une décision rendue dans une instance à laquelle ils étaient parties mais contre laquelle ils ne pouvaient pas exercer de recours, cette décision ne leur ayant pas été notifiée, la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et du citoyen ;
Mais attendu que l'appel-nullité ne peut être formé que par une partie au procès ; qu'ayant exactement énoncé que M. et Mme Y... avaient la qualité de tiers dans l'instance en désignation d'un administrateur ad hoc chargé de représenter le mineur dans le cadre de la procédure d'assistance éducative, la cour d'appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen :
Attendu que M. et Mme Y... font grief à l'arrêt de les avoir condamnés solidairement à payer à l'AVEDE ACJE et à M. X... la somme de 500 euros chacun à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, alors, selon le moyen, que la défense en justice ne peut constituer en soi un abus ; que la cour d'appel qui, pour condamner les exposants à verser des dommages-intérêts pour procédure abusive, s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser l'existence d'une faute faisant dégénérer en abus le droit d'ester en justice, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté que M. et Mme Y... n'avaient pas formé appel contre la décision du juge des enfants les ayant déclaré irrecevables en leur tierce opposition, la cour d'appel, qui a retenu qu'en procédant plus d'un an après, à un nouveau recours à l'encontre de la décision du 1er juin 2007 et alors qu'ils avaient déjà été déclarés irrecevables en leur contestation, ceux-ci avaient procédé à l'encontre du père du mineur et de l'administrateur ad hoc avec une intention malicieuse et vexatoire dans le but de leur nuire, a ainsi caractérisé la faute ayant fait dégénérer en abus leur droit d'agir en justice ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux conseils pour M. et Mme Y... ;
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré Monsieur et Madame Y... irrecevables en leur appel-nullité déposé le 8 août 2008 à l'encontre de l'ordonnance du 1er juin 2007 rendue par le Juge des enfants d'ÉVREUX ;
AUX MOTIFS QUE l'article 388-2 dispose que « lorsque dans une procédure les intérêts du mineur apparaissent en opposition avec ceux de ses représentants légaux, le (…) juge saisi de l'instance lui désigne un administrateur ad hoc chargé de le représenter » ; que le Juge des enfants a fait une application de ce texte en procédant, le 1er juin 2007, à la désignation de l'AVEDE ACJE, ayant constaté à l'époque une contrariété d'intérêts entre les parents de Nicolas X..., titulaires de l'autorité parentale, et ce mineur ; que depuis cette décision, les titulaires de l'autorité parentale n'ont jamais remis en cause cette désignation ;
qu'ainsi, après avoir saisi d'un recours le juge des enfants, le 23 août 2007, pour voir modifier la désignation de l'administrateur ad hoc et s'être entendus déclarer irrecevables en leur demande par décision du 13 septembre 2007, les époux Y... n'ont pas interjeté appel de cette décision ; que si cette ordonnance comporte une erreur matérielle en ce que le décision querellée n'était pas du 25 juin 2007 comme indiqué par le premier juge mais bien du 1er juin 2007, il apparaît que la désignation de l'AVEDE ACJE en qualité d'administrateur ad hoc du mineur Nicolas X... est devenue définitive ; qu'elle a donc autorité de la chose jugée entre le mineur et ses parents ; que Monsieur et Madame Y... sont tiers dans cette désignation d'administrateur ad hoc ; que d'ailleurs, s'ils ont justement été déclarés irrecevables en leur tierce opposition à l'encontre de cette ordonnance, c'est que cette décision ne les concernait pas, n'étant pas titulaires de l'autorité parentale sur leur petit-neveu, Nicolas X... ; que, dès lors, l'appel qualifié d'appel-nullité en date du 8 août 2008 est tout aussi irrecevable tant pour avoir été déposé au-delà du délai d'appel ayant commencé à courir à la notification de l'ordonnance du 13 septembre 2007 que pour défaut de qualité à agir de ces membres de la famille, qui ne doivent intervenir aux débats que dans l'intérêt du mineur ; que tel n'est pas le cas en l'espèce ;
ALORS, D'UNE PART, Qu'aux termes de l'article 66 du Code de procédure civile, lorsqu'une personne est intervenue volontairement à l'instance, elle a acquis la qualité de partie à l'instance ; qu'en jugeant, pour déclarer irrecevable l'appel nullité formé par les exposants, que la requête en modification de mesure prise en assistance éducative sur le fondement de l'article 375-6 du Code civil, déposée le 20 août 2007, devait s'analyser en une action en tierce opposition contre l'ordonnance prise le 1er juin 2007 par le Juge des enfants, en sa qualité de juge saisi de l'instance en assistance éducative ouverte à l'égard de Nicolas X..., instance à laquelle les exposants étaient intervenus volontairement par acte du 22 juin 2005, ce dont il résultait nécessairement qu'ils n'étaient pas des tiers à l'instance, la cour d'appel a procédé à une qualification inexacte de la requête litigieuse, qualification dont elle a tiré des conséquences tout aussi inexactes, et a, dès lors, violé ensemble l'article 12, alinéa 2, et l'article 66 du Code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE les délais de recours contre une décision courent à compter de la notification de cette décision aux parties à l'instance ou, en matière gracieuse, aux tiers dont les intérêts risquent d'être affectés par cette décision ; que la Cour d'appel qui, pour juger que l'appel nullité formé par les exposants contre l'ordonnance du 1er juin 2007, qui ne leur avait jamais été notifiée, était irrecevable, a retenu que le délai d'appel contre cette ordonnance avait commencé à courir à la notification de l'ordonnance du 13 septembre 2007, soit d'une décision rendue à la suite d'une requête en modification de mesure prise en assistance éducative, a méconnu les dispositions des articles 528 et 679 du Code de procédure civile ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt ; que la Cour d'appel qui, pour juger que l'appel nullité formé par les exposants contre l'ordonnance du 1er juin 2007 était irrecevable, a retenu que les exposants, en tant que membres de la famille, qui ne doivent intervenir aux débats que dans l'intérêt du mineur, étaient dépourvus de qualité à agir, sans rechercher, comme elle y était expressément invitée, si Monsieur et Madame Y... n'étaient pas, du fait de leur intervention volontaire par acte du 22 juin 2005, devenus des parties à l'instance en assistance éducative, dont était saisi le juge qui a rendu la décision litigieuse, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 546 du Code de procédure civile ;
ALORS, ENFIN, QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi ; que, lorsqu'une décision, prise en méconnaissance du double degré de juridiction, est affectée d'un vice grave et qu'aucun autre recours ne peut être formé, la procédure d'appel-nullité permet de faire respecter le droit à un procès équitable ; qu'en déclarant irrecevable l'appelnullité formé par les exposants à l'encontre d'une décision rendue dans une instance à laquelle ils étaient parties mais contre laquelle ils ne pouvaient pas exercer de recours, cette décision ne leur ayant pas été notifiée, la Cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et du citoyen.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné solidairement Monsieur et Madame Y... à payer à l'AVEDE ACJE et à Monsieur X... la somme de 500 € chacun à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
AUX MOTIFS Qu'en procédant plus d'un an après à un nouveau recours à l'encontre de la décision du 1er juin 2007 qui ne les concernait pas et alors qu'ils ont déjà été déclarés irrecevables en leur contestation, il convient de dire qu'ils procèdent à l'encontre du père du mineur et de l'administrateur ad hoc avec une intention malicieuse ou vexatoire ou dans le but de leur nuire ; qu'il convient de sanctionner ce comportement en les condamnant à verser à chacun d'eux la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts ;
ALORS QUE la défense en justice ne peut constituer en soi un abus ; que la Cour d'appel qui, pour condamner les exposants à verser des dommages et intérêts pour procédure abusive, s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser l'existence d'une faute faisant dégénérer en abus le droit d'ester en justice, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 09-10641
Date de la décision : 09/06/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

ACTION EN JUSTICE - Abus - Caractérisation - Applications diverses - Appel-nullité formé par les grands oncle et tante d'un mineur plus d'un an après la décision du juge des enfants les ayant déclarés irrecevables en leur tierce opposition

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Faute - Abus de droit - Action en justice - Caractère abusif - Applications diverses

Justifie légalement sa décision la cour d'appel qui, pour caractériser la faute ayant fait dégénérer en abus leur droit d'agir en justice, retient qu'en procédant à un appel-nullité plus d'un an après la décision du juge des enfants les ayant déclarés irrecevables en leur tierce opposition, les demandeurs avaient agi avec une intention malicieuse et vexatoire à l'encontre du père du mineur et de l'administrateur ad hoc


Références :

Sur le numéro 1 : articles 528, 546 et 679 du code de procédure civile
Sur le numéro 2 : article 1382 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 16 décembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 09 jui. 2010, pourvoi n°09-10641, Bull. civ. 2010, I, n° 131
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, I, n° 131

Composition du Tribunal
Président : M. Pluyette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat général : M. Mellottée (premier avocat général)
Rapporteur ?: Mme Auroy
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.10641
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