LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 28 avril 2009), que la société Albingia, condamnée, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, par une ordonnance de référé du 16 juillet 1996, à payer une certaine somme, qu'elle a payée au syndicat d'agglomération nouvelle de l'Isle d'Abeau, aux droits duquel vient l'établissement public de coopération intercommunale Communauté d'agglomération de l'Isère (CAPI), a formé un recours contre les constructeurs devant la juridiction administrative ; qu'une décision irrévocable de cette juridiction ayant, le 17 juin 2005, rejeté ses recours au motif que l'ouvrage assuré ne présentait aucun désordre portant atteinte à sa solidité ou de nature à le rendre impropre à sa destination, la société Albingia a, par acte du 26 juillet 2005, assigné la CAPI en restitution de la provision versée en 1996 ;
Sur les deux moyens, réunis :
Attendu que la CAPI fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Albingia la somme de 99 133,51 euros, en remboursement de la provision allouée par le juge des référés, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut relever d'office un moyen sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce point ; qu'en relevant d'office le moyen selon lequel la somme payée par la société Albingia était due en vertu d'une obligation légale de pré-financement indépendante du contrat d'assurance, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce point, qu'aucune d'entre elles n'avait soulevé dans ses écritures, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°/ que si la CAPI, en qualité de maître de l'ouvrage, avait certes l'obligation légale de souscrire une assurance dommages-ouvrage, l'obligation de la société Algingia de payer une indemnité provisionnelle ne pouvait procéder, comme l'avait relevé le juge des référés par ordonnance du 16 juillet 1996, que de l'exécution du contrat d'assurance, indépendamment de toute déclaration de responsabilité ; qu'en décidant néanmoins que le paiement de l'indemnité provisionnelle à laquelle a été condamnée la société Albingia reposait sur une obligation légale, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
3°/ que la provision allouée par le juge des référés découle nécessairement du contrat d'assurance dommages ouvrage et ne peut constituer un indu ; qu'en retenant que l'obligation de la société Albingia dérivait "non de l'exécution du contrat d'assurance mais d'une décision de justice" cependant que cette dernière avait été condamnée par ordonnance de référé du 16 juillet 1996 à payer à la CAPI une provision de 600 000 francs en exécution du contrat d'assurance, indépendamment de toute recherche de responsabilité, la cour d'appel a violé l'article L. 114-1 du code des assurances ;
4°/ que la prescription de l'action au fond contre l'assureur, prévue par l'article L. 114-1 du code des assurances s'applique à toute action de celui-ci tendant à remettre en cause les provisions allouées par des décisions du juge des référés non frappées de recours, de sorte que lesdites provisions ne peuvent constituer un paiement indu ; qu'en écartant cette prescription aux motifs impropres que le paiement provisionnel intervenu en exécution de l'ordonnance du 16 juillet 1996 était devenu sans cause et indu parce que la CAPI ne bénéficiait que d'une décision provisoire et qu'elle n'avait diligenté aucune action au fond contre la société Albingia dans le délai de deux ans ni même contre les constructeurs dont la responsabilité n'a pas été retenue dans le cadre des recours diligentés par la société Albingia, la cour d'appel a violé l'article L. 114-1 du code des assurances ;
5°/ que l'affectation à la reprise des désordres des sommes que l'assureur dommages-ouvrage a versées spontanément ou sur décision du juge des référés fait obstacle à leur remboursement ; que la CAPI faisait valoir que, n'eût-elle pas été prescrite, l'action en répétition ne pouvait être accueillie car "l'indemnité d'assurance dommages-ouvrage a été affectée à son objet" et que "cette indemnité qui a été affectée à la réparation des désordres ne peut être restituée" ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen pertinent des conclusions d'appel, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'assureur dommages-ouvrage n'étant, en l'absence de dispositions contractuelles particulières, tenu que du préfinancement du coût des seuls travaux nécessaires à la réparation des désordres portant atteinte à la solidité de l'ouvrage ou le rendant impropre à sa destination, la cour d'appel qui a, par motifs propres et adoptés, relevé que la société Albingia avait été condamnée à payer une provision en vertu des obligations légales mises à la charge de l'assureur dommages-ouvrage et qu'une décision irrévocable avait constaté l'inexistence de désordres entrant dans le cadre de cette garantie et qui n'était pas tenue de répondre à un moyen inopérant tiré de l'affectation de la somme reçue à l'exécution des travaux de reprise, a exactement retenu, sans violer le principe de la contradiction ni dénaturer le contrat d'assurance, que ne dérive pas du contrat d'assurance, mais de la loi, l'action de l'assureur tendant à la répétition de ce qui avait été payé en vertu de l' ordonnance de référé et que seule la prescription de droit commun était applicable à cette action ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'établissement CAPI- communauté d'agglomération porte de l'Isère aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'établissement CAPI - communauté d'agglomération porte de l'Isère à payer à la société Albingia la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Thomas-Raquin et Bénabent, avocat aux Conseils pour l'établissement public de coopération intercommunale Communauté d'agglomération porte de l'Isère (CAPI), venant aux droits du syndicat d'agglomération nouvelle de l'Isle d'Abeau.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il a condamné la CAPI à payer à la société ALBINGIA la somme de 99.133,51 euros, en remboursement de la provision allouée par le juge des référés,
AUX MOTIFS QUE « la somme que la société Albingia, assureur dommages-ouvrage, a été condamnée à payer à la communauté d'agglomération porte de l'Isère en exécution d'une ordonnance de référé du 16 juillet 1996, pour faire face aux désordres affectant le gymnase construit, n'était pas due en application du principe indemnitaire mais en vertu de son obligation légale de pré-financement des travaux de réparation », que l'action de l'assureur, dont l'obligation dérive, non de l'exécution du contrat d'assurance mais d'une décision de justice, n'est pas soumise à la prescription de l'article L.114-1 du Code des assurances ; qu'en revanche le maître de l'ouvrage, qui ne bénéficiait que d'une décision provisoire, devait faire consacrer sa créance en faisant assigner l'assureur devant le juge du fond dans le délai de la prescription biennale ; que la CAPI, qui n'a diligenté aucune action au fond contre la société Albingia dans ce délai, a laissé dépérir son droit d'agir contre elle au titre des désordres ayant affecté le gymnase de Saint-Quentin Fallavier ; qu'elle n'a pas davantage agi contre les constructeurs, dont la responsabilité n'a pas été retenue dans le cadre des recours diligentés par la société Albingia ; que c'est donc à juste titre que le premier juge a retenu que le paiement provisionnel intervenu en exécution de l'ordonnance de référé qui ne résulte pas d'une stipulation du contrat d'assurance, est sans cause et donc indu »,
ALORS QUE D'UNE PART le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut relever d'office un moyen sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce point ; qu'en relevant d'office le moyen selon lequel la somme payée par la société ALBINGIA était due en vertu d'une obligation légale de pré-financement indépendante du contrat d'assurance, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce point, qu'aucune d'entre elles n'avait soulevé dans ses écritures, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile,
ALORS QUE D'AUTRE PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE si la CAPI, en qualité de maître de l'ouvrage, avait certes l'obligation légale de souscrire une assurance dommages-ouvrage, l'obligation de la société ALBINGIA de payer une indemnité provisionnelle ne pouvait procéder, comme l'avait relevé le juge des référés par ordonnance du 16 juillet 1996, que de l'exécution du contrat d'assurance, indépendamment de toute déclaration de responsabilité ; qu'en décidant néanmoins que le paiement de l'indemnité provisionnelle à laquelle a été condamnée la société ALBINGIA reposait sur une obligation légale, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il a condamné la CAPI à payer à la société ALBINGIA la somme de 99.133,51 euros, en remboursement de la provision allouée par le juge des référés,
AUX MOTIFS QUE « la somme que la société Albingia, assureur dommages-ouvrage, a été condamnée à payer à la communauté d'agglomération porte de l'Isère en exécution d'une ordonnance de référé du 16 juillet 1996, pour faire face aux désordres affectant le gymnase construit, n'était pas due en application du principe indemnitaire mais en vertu de son obligation légale de pré-financement des travaux de réparation ; que l'action de l'assureur, dont l'obligation dérive, non de l'exécution du contrat d'assurance mais d'une décision de justice, n'est pas soumise à la prescription de l'article L.114-1 du Code des assurances ; qu'en revanche le maître de l'ouvrage, qui ne bénéficiait que d'une décision provisoire, devait faire consacrer sa créance en faisant assigner l'assureur devant le juge du fond dans le délai de la prescription biennale ; que la CAPI, qui n'a diligenté aucune action au fond contre la société Albingia dans ce délai, a laissé dépérir son droit d'agir contre elle au titre des désordres ayant affecté le gymnase de Saint-Quentin Fallavier ; qu'elle n'a pas davantage agi contre les constructeurs, dont la responsabilité n'a pas été retenue dans le cadre des recours diligentés par la société Albingia ; que c'est donc à juste titre que le premier juge a retenu que le paiement provisionnel intervenu en exécution de l'ordonnance de référé qui ne résulte pas d'une stipulation du contrat d'assurance, est sans cause et donc indu »,
ALORS QUE D'UNE PART la provision allouée par le juge des référés découle nécessairement du contrat d'assurance dommages ouvrage et ne peut constituer un indu ; qu'en retenant que l'obligation de la société ALBINGIA dérivait « non de l'exécution du contrat d'assurance mais d'une décision de justice » cependant que cette dernière avait été condamnée par ordonnance de référé du 16 juillet 1996 à payer à la CAPI une provision de 600.000 francs en exécution du contrat d'assurance, indépendamment de toute recherche de responsabilité, la Cour d'appel a violé l'article L. 114-1 du Code des assurances,
ALORS QUE D'AUTRE PART la prescription de l'action au fond contre l'assureur, prévue par l'article L. 114-1 du Code des assurances s'applique à toute action de celui-ci tendant à remettre en cause les provisions allouées par des décisions du juge des référés non frappées de recours, de sorte que lesdites provisions ne peuvent constituer un paiement indu ; qu'en écartant cette prescription aux motifs impropres que le paiement provisionnel intervenu en exécution de l'ordonnance du 16 juillet 1996 était devenu sans cause et indu parce que la CAPI ne bénéficiait que d'une décision provisoire et qu'elle n'avait diligenté aucune action au fond contre la société ALBINGIA dans le délai de deux ans ni même contre les constructeurs dont la responsabilité n'a pas été retenue dans le cadre des recours diligentés par la société ALBINGIA, la Cour d'appel a violé l'article L. 114-1 du Code des assurances ;
ALORS QU'ENFIN l'affectation à la reprise des désordres des sommes que l'assureur dommages-ouvrage a versées spontanément ou sur décision du juge des référés fait obstacle à leur remboursement ; que la CAPI faisait valoir que, n'eût-elle pas été prescrite, l'action en répétition ne pouvait être accueillie car «l'indemnité d'assurance dommages-ouvrage a été affectée à son objet » et que « cette indemnité qui a été affectée à la réparation des désordres ne peut être restituée » (conclusions p. 11) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen pertinent des conclusions d'appel, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.