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18/05/2010 | FRANCE | N°08-21681

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 18 mai 2010, 08-21681


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Planète Prod qui conçoit et produit de manière indépendante des magazines, des documentaires et des fictions destinés à la télévision, a travaillé pour la société France 2 de 1998 à 2005 ; qu'elle a eu, dans ce cadre, recours à la société Presse planète, en qualité de sous-traitant ; que soutenant qu'à compter de l'été 2005, la programmation des chaînes publiques aurait été décidée par la société France télévisions, holding du groupe, et

que toutes leurs propositions de magazines, de fictions et de documentaires seraient re...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Planète Prod qui conçoit et produit de manière indépendante des magazines, des documentaires et des fictions destinés à la télévision, a travaillé pour la société France 2 de 1998 à 2005 ; qu'elle a eu, dans ce cadre, recours à la société Presse planète, en qualité de sous-traitant ; que soutenant qu'à compter de l'été 2005, la programmation des chaînes publiques aurait été décidée par la société France télévisions, holding du groupe, et que toutes leurs propositions de magazines, de fictions et de documentaires seraient restées sans réponse, ce qui aurait conduit à une chute brutale de leur chiffre d'affaires, les sociétés Planète Prod et Presse planète ont assigné les sociétés France télévisions et France 2 en paiement de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 442-6, I 5° du code de commerce ;

Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société France télévisions à titre personnel et venant aux droits de la société France 2 fait grief à l'arrêt d'avoir dit la société Presse planète recevable en son action, alors, selon le moyen :
1°) que seule la société qui a entretenu une relation commerciale directe et effective avec un partenaire économique est recevable à rechercher la responsabilité délictuelle de celui-ci pour rupture abusive d'une relation commerciale établie ; qu'en décidant que la société Presse planète était recevable à se plaindre de la rupture des relations commerciales ayant existé entre la société Planète Prod et les sociétés France 2 et France Télévisions, après avoir constaté que la société Presse planète n'avait agi qu'en qualité de sous-traitante de la société Planète Prod et n'avait jamais conclu directement le moindre contrat avec une chaîne quelconque du groupe France télévisions, la cour d'appel a violé les articles 31 du code de procédure civile et L. 442-6-I 5° du code de commerce ;
2°) qu'en affirmant que la société Presse planète justifiait avoir réalisé un chiffre d'affaires propre relevant de son activité directement déployée auprès des sociétés France 2 et France 5, quand la société Presse planète avait expressément admis que cette activité n'avait été déployée auprès des sociétés France 2 et France 5 qu'au travers des contrats de sous-traitance signés avec la société Planète Prod, seule contractante des sociétés France 2 et France 5, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt relève que les contrats produits aux débats, signés entre la société France 2 et la société Planète Prod, reconnaissent expressément à la société Presse planète la qualité de sous-traitant de la société Planète Prod, et précisent que les prestations de cette société seront directement rémunérées par la chaîne au moyen du versement d'une somme forfaitaire, puis que la société Presse planète justifie avoir réalisé un chiffre d'affaires propre relevant de son activité directement déployée auprès de la société France 2 ; que la cour d'appel, sans méconnaître l'objet du litige, a ainsi souverainement apprécié l'intérêt à agir de la société Presse planète ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :
Vu l'article 44 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ;
Attendu que pour dire recevable l'action engagée à l'encontre de la société France télévisions, l'arrêt relève qu'il résulte de son objet que celle-ci définit les orientations stratégiques, coordonne et promeut les politiques de programmes et l'offre de service, de sorte qu'elle intervient directement dans le choix de la programmation des chaînes du service public, comme le démontre la création à l'été 2005, du poste de directeur général des antennes, l'objectif poursuivi étant de présenter une offre globale de programmes aux téléspectateurs ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, par un motif impropre à démontrer que la société France télévisions intervenait effectivement dans la mission de programmation de sa filiale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article L. 442-6-I 5° du code de commerce ;
Attendu que pour dire que les sociétés France télévisions et France 2 avaient brutalement rompu les relations commerciales établies entre les sociétés Planète Prod et Presse planète, d'un côté, et la société France 2, de l'autre, l'arrêt après avoir rappelé que ces relations avaient débuté en 1998 et s'étaient achevées en 2006, retient que cette durée est significative et que les sociétés Planète Prod et Presse planète justifient d'un courant régulier et en nombre important de contrats de production télévisuelle pour chacune des années écoulées entre 1998 et 2005 ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si eu égard à la nature de leur prestation de conception et réalisation de programmes télévisuels les sociétés Planète Prod et Presse planète pouvaient légitimement s'attendre à la stabilité de leur relation avec la société France 2 , la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, sauf en ses dispositions relatives à la recevabilité de l'action de la société Presse planète, l'arrêt rendu le 8 octobre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant aux autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée
Condamne les sociétés Planète Prod et Presse Planète aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à la société France Télévisions la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat des sociétés France 2 et France télévisions

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit recevable l'action engagée à l'encontre de la société France Télévisions,
AUX MOTIFS QUE, sur la recevabilité de l'action engagée à l'encontre de la société France Télévisions, au soutien de son moyen tiré de l'irrecevabilité de l'action engagée à son encontre, la société France Télévisions fait valoir qu'elle aurait la simple qualité de holding des sociétés France 2 et France 5, de sorte qu'elle n'aurait conclu aucun contrat avec les sociétés appelantes, et que leur action engagée sur le fondement de l'article L. 442-6-I 5° du code commerce ne saur ait être, en l'absence de relations commerciales, recevable à son égard ; qu'il résulte cependant de l'objet social de la société France Télévisions que celle-ci définit les orientations stratégiques, coordonne et promeut les politiques de programme et l'offre de services, de sorte qu'elle intervient directement dans le choix de la programmation des chaînes du service public, comme le démontre la création, à l'été 2005, du poste de directeur général des antennes, confié à Patrice X..., l'objectif poursuivi étant, ainsi que relevé avec pertinence par les sociétés appelantes, de présenter une offre globale de programmes aux téléspectateurs ; qu'en effet, il résulte des éléments du dossier, en premier lieu, que, à compter du mois de septembre 2005, la société Planète Prod s'est adressée à Patrice X..., pour lui présenter de nouveaux projets d'émissions, et, en second lieu, que, le 12 octobre 2006, la société France Télévisions a chargé son conseil d'opposer, ainsi qu'il a été indiqué précédemment, une fin de non-recevoir aux sociétés appelantes ; qu'il s'évince de ces éléments que les sociétés appelantes sont recevables à rechercher, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, la responsabilité de la société France Télévisions, de sorte que, sur ce point, le jugement déféré mérite confirmation ;
ET AUX MOTIFS, ENFIN, QUE (…) sur le caractère de la rupture, il ne peut être sérieusement contesté que, dès le mois de septembre 2005, les commandes passées par la société France 2 ont fortement diminué pour cesser, ainsi que précédemment retenu, au mois d'octobre 2006, alors même que, au cours de cette période, de nombreux projets, ainsi qu'il en est justifié, ont été, conformément à la pratique usuelle, adressés à la société France 2 auxquels aucune suite n'a été donnée, sans que, au demeurant, soit mise en cause leur qualité (pièce n° 58) ; qu'il convient de relever que la société Planète Prod, étant préoccupée par cette situation a, au mois de juillet 2006, adressé une lettre manifestant ses inquiétudes sur la situation à Patrice X..., directeur général chargé des antennes de la société France Télévisions ; que cette correspondance étant restée sans réponse, le conseil des sociétés appelantes a, le 6 septembre 2006, adressé au même destinataire une lettre rappelant le courrier du juillet 2006, resté sans réponse, en rappelant que la relation commerciale régulière qui les liait au groupe France Télévisions (...) s'est trouvée de fait suspendue sans motifs ni préavis depuis le début de la saison 2005-2006 ; que ce courrier, étant également resté sans réponse, le conseil des sociétés appelantes a adressé, le 28 septembre 2006, une lettre de rappel à Patrice X..., lui faisant part de la volonté manifestée par ses clientes, en raison du silence persistant de la société France Télévisions, de se prévaloir des dispositions de l'article L. 442-6-I 5° du code de commerce ; que, le 12 octobre 2006, il a été répondu par le conseil de la société France Télévisions, par une fin de non-recevoir ; qu'en l'état de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de retenir qu'en premier lieu, la société France Télévisions ne conteste pas son rôle dans la centralisation de la programmation des chaînes du groupe, au nombre desquelles France 2, conformément à son objet social qui comprend la définition des orientations stratégiques, coordonne et promeut les politiques des programmes et l'offre de services, de sorte que, contrairement à ses allégations, elle ne saurait prétendre n'être qu'une simple holding ; qu'en second lieu, en n'ayant jamais dénoncé clairement ses intentions par une rupture écrite, la société France Télévisions et la société France 2 ont commis une faute qui caractérise une rupture brutale, au sens de l'article L. 442-6-I 5° précité (…) ;
1°/ ALORS QUE , si la société France Télévisions était chargée de définir les orientations stratégiques, de coordonner et de promouvoir les politiques de programmes et l'offre de services, de conduire des actions de développement en veillant à intégrer les nouvelles techniques de diffusion et de production et de gérer les affaires communes des sociétés France 2, France 3 et France 5 dont elle détenait la totalité du capital, chacune de ces trois sociétés nationales de programme, demeurait chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision répondant à un cahier des charges spécifique ; qu'en affirmant que, selon les missions légalement dévolues à la société France Télévisions, celle-ci intervenait directement dans le choix de la programmation des chaînes du service public, la cour d'appel a violé l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée, ensemble l'article 1er du décret n° 2000-846 du 31 août 2000 portant approbation des statuts de la société France Télévisions ;
2°/ ALORS QU ' en relevant, pour dire que le directeur général des antennes intervenait directement dans la création des programmes de chaque chaîne du groupe, que la société Planète Prod s'était adressée, dès septembre 2005, à M. Patrice X... pour lui soumettre de nouveaux projets d'émissions, tout en constatant que ces lettres étaient demeurées sans réponse et que de nombreux projets avaient été adressés à la société France 2, «conformément à la pratique usuelle», par la société Planète Prod, ce dont il résultait que M. X... n'était pas intervenu dans la programmation de chaque entité juridiquement autonome du groupe seule responsable du choix de ses programmes, la cour d'appel a violé de plus fort l'article 44 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée ;
3°/ ALORS QUE le courrier du 12 octobre 2006 adressé par le conseil de la société France Télévisions au nom de sa cliente, en réponse à une lettre officielle qu'elle avait elle-même reçue, précisait expressément que «chaque société nationale de programmes du service public est maître de sa programmation et de sa politique d'achat de production de programmes (et) qu'il n'existe pas de politique de groupe en la matière» ; qu'en se fondant néanmoins expressément sur ce courrier pour considérer que la programmation de chaque chaîne était définie au niveau du groupe, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit la société Presse Planète recevable en son action,
AUX MOTIFS QUE, sur la recevabilité à agir de la société Presse Planète, les sociétés intimées soutiennent que les dispositions de la loi du 1er juillet 1996 qui ont créé le délit civil de rupture abusive de relations commerciales établies, visé à l'article L. 442-6-I 5° du code de commerce, attribueraient le droit d'agir aux seules personnes qui auraient des relations commerciales établies avec la société commerciale dont la responsabilité serait recherchée, de sorte qu'à défaut pour la société Presse Planète d'établir l'existence de relations commerciales avec les sociétés France 2 et France 5, elle serait irrecevable à agir à leur encontre (…) ; qu'il résulte des contrats produits aux débats que ceux signés par les sociétés France 2 et France 5 avec la société Planète Prod reconnaissent à la société Presse Planète la qualité de sous-traitant de la société Planète Prod : «il est précisé que le contractant la société Planète Prod utilisera les éléments d'informations nécessaires à la réalisation du programme et les services de la société Presse Planète (...) employeur des journalistes intervenant dans lesdits programmes. A la demande expresse du cocontractant, France 2/France 5 versera à Presse Planète directement par émission une somme forfaitaire de ...» ; qu'en outre, la société Presse Planète justifie avoir réalisé un chiffre d'affaires propre relevant de son activité directement déployée auprès des sociétés France 2 et France 5, de sorte que se trouve établie l'existence d'une relation commerciale entre ces sociétés lui ouvrant droit à revendiquer l'application des dispositions de l'article L. 442-6-I 5° du code de commerce ; qu il convient donc de déclarer la société Presse Planète recevable en son action et, par voie de conséquence, d'infirmer sur ce point, le jugement déféré ;
1°/ ALORS QUE seule la société qui a entretenu une relation commerciale directe et effective avec un partenaire économique est recevable à rechercher la responsabilité délictuelle de celui-ci pour rupture abusive d'une relation commerciale établie ; qu'en décidant que la société Presse Planète était recevable à se plaindre de la rupture des relations commerciales ayant existé entre la société Planète Prod et les sociétés France 2 et France Télévisions, après avoir constaté que la société Presse Planète n'avait agi qu'en qualité de sous-traitante de la société Planète Prod et n'avait jamais conclu directement le moindre contrat avec une chaîne quelconque du groupe France Télévisions, la cour d'appel a violé les articles 31 du code de procédure civile et L. 442-6-I 5° du code de commerce ;
2°/ ALORS QU' en affirmant que la société Presse Planète justifiait avoir réalisé un chiffre d'affaires propre relevant de son activité directement déployée auprès des sociétés France 2 et France 5, quand la société Presse Planète avait expressément admis que cette activité n'avait été déployée auprès des sociétés France 2 et France qu'au travers des contrats de sous-traitance signés avec la société Planète Prod, seule contractante des sociétés France 2 et France 5, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la rupture abusive des relations commerciales établies avec les sociétés Planète Prod et Presse Planète devait être imputée aux sociétés France Télévisions et France 2,
AUX MOTIFS QUE, sur le fond, selon les dispositions de l'article L. 442-6 I du code de commerce, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au registre des métiers 5°) de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce, par des accords professionnels ; que, sur l'application de l'article L. 442-6-I 5° du code de commerce, pour s'opposer à l'action engagée à leur encontre, les sociétés intimées soutiennent que les relations commerciales en matière de production audiovisuelle sont par la nature même de l'activité, instables et insusceptibles d'être "établies" au sens de ce texte ; qu'elles font valoir, d'abord, que, par ces dispositions, le législateur aurait principalement eu pour objet de lutter contre les pratiques abusives de déréférencement commises par les centrales d'achats, ensuite, le caractère propre, selon elles, de l'oeuvre audiovisuelle qui, par sa nature, ne saurait être un produit de consommation courante mais une oeuvre de l'esprit, encore, la nature de la relation des producteurs avec les chaînes qui ne serait pas continue mais fonction des projets proposés par ceux-ci, de sorte que toute personne s'engageant dans une relation commerciale dans ce domaine aurait connaissance de l'aléa lié à l'appréciation nécessairement subjective de la qualité artistique d'un projet, lié également au goût du public, ce qui exclurait tout droit acquis, enfin, les programmes audiovisuels qui constitueraient un domaine dérogatoire, tant au regard des règles générales d'achat applicables au sein du groupe France Télévisions, qu'au regard des règles de passation des marchés publics, sans omettre la référence aux usages en matière de droit du travail ; qu'il ne peut (cependant) être sérieusement soutenu que le marché de la production audiovisuelle ne présenterait pas un caractère économique, alors qu'il constitue un marché en pleine extension aux enjeux économiques particulièrement importants, même si, sur certains aspects, il est soumis à une réglementation qui lui est spécifique, à l'instar de nombre d'activités économiques en ce qui concerne leurs domaines propres d'intervention ; que la production audiovisuelle ne peut donc être, par principe, exclue du champ d'application de l'article L. 442-6-I 5°, d'autant qu'il n'appartient pas au juge de distinguer là où la loi ne distingue pas ; qu'il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu, pour rejeter les prétentions de la société Planète Prod, que la production audiovisuelle relève du droit de la propriété intellectuelle et non du droit commun des relations commerciales ;
ET AUX MOTIFS, ENFIN, QUE, sur l'existence d'une relation commerciale établie entre les parties, il convient de rechercher s'il existe en l'espèce, une relation commerciale établie entre les parties, circonstance contestée par les sociétés intimées, caractérisée par un courant d'affaires régulier ; qu'il convient, toutefois d'examiner de manière autonome les relations commerciales entretenues par les sociétés appelantes avec les sociétés France 2 et France 5, qui sont des personnes morales distinctes ; qu'il est établi par les pièces de la procédure qui corroborent les écritures des parties que les relations commerciales entre les sociétés appelantes se sont nouées de manière significative à compter de 1998 avec la société France 2, et, en 2004/2005 pour la société France 5, alors que la rupture alléguée des relations commerciales est fixée, selon les sociétés Planète Prod et Presse Planète, au mois d'octobre 2006 ; qu'il résulte de ces constatations que, à l'égard de la société France 5, les sociétés appelantes ne sauraient se prévaloir, compte tenu de la brève période de leurs relations commerciales, de l'existence d'un courant d'affaires régulier, au sens du texte précité, étant au surplus relevé que les productions télévisuelles ayant fait l'objet d'une cession, au cours de la période considérée, à l'exception notable de l'émission C.U.L.T, et nonobstant leur qualité qui ne saurait constituer un critère pertinent, sont manifestement insuffisantes à caractériser une relation commerciale établie, de sorte qu'il convient de débouter les sociétés Planète Prod et Presse Planète de leurs prétentions à l'égard de la société France 5 ; qu'en revanche, les sociétés appelantes justifient d'une durée significative de leurs relations commerciales avec la société France 2, ainsi que d'un courant régulier et d'un nombre conséquent de contrats de productions télévisuelles pour chacune des années 1998/2005 (cf. les émissions suivantes : Union libre, Douce France, C pour de vrai, Tout peut arriver, Encore plus libre, etc…) ; qu'il s'ensuit que les sociétés Planète Prod et Presse Planète sont fondées à se prévaloir de la première condition posée par l'article L. 442-6-I 5° du code de commerce ;
1°/ ALORS QUE l'article L. 442-6-I 5° du code de commerce ne peut réglementer la rupture d'une relation d'affaires dans une branche d'activité que si ce texte n'entre pas en conflit avec les dispositions impératives spécifiques régissant ladite activité ; qu'en vertu de l'article L. 131-1 du code de la propriété intellectuelle, la cession globale des oeuvres futures est nulle ; qu'il s'ensuit que la production de programmes audiovisuels, qui implique la cession des droits de leurs auteurs, ne peut être finalisée qu'au cas par cas ; qu'en décidant qu'il y avait lieu d'appliquer dans toute leur rigueur les dispositions de l'article L. 442-6-I 5° du code de commerce, bien qu'elles fussent incompatibles avec la protection du droit d'auteur, la cour d'appel, qui a assimilé l'oeuvre audiovisuelle à une prestation de service ordinaire, a violé par fausse application l'article L. 442-6-I 5° du code de commerce et par refus d'ap plication les articles L. 112-1, L. 112-2 et L. 131-1 du code de la propriété intellectuelle ;
2°/ ALORS QUE l'article L. 442-6-I 5° du code de commerce ne peu t réglementer la rupture d'une relation d'affaires dans une branche d'activité que si ce texte n'entre pas en conflit avec les dispositions impératives spécifiques régissant ladite activité ; qu'en se bornant à affirmer qu'il n'y avait pas lieu d'exclure, par principe, la production audiovisuelle du champ d'application de l'article L. 442-6-I 5° du code de commerce, sans vérifier, comme elle y avait été invitée, si les obligations légales imposées aux éditeurs de services de télévision en matière de contribution au développement de la production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles, ne faisaient pas obstacle à l'application de l'article L. 442-6-I 5° du code de commerce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 442-6-I 5° du code de commerce, 27, 28, 30-1 44 et 71 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication et 11 du décret n° 2001-609 du 9 juillet 2001 ;
3°/ ALORS QUE la responsabilité pour rupture abusive d'une relation commerciale établie ne peut être recherchée qu'à la condition de démontrer qu'un courant d'affaires en croissance constante portant sur des produits spécifiques a préalablement existé entre l'auteur et la victime de la rupture dans des conditions laissant augurer une poursuite de ladite relation ; que l'existence d'une relation commerciale établie ne saurait se déduire, en l'absence d'accord-cadre et de garantie de chiffre d'affaires ou d'exclusivité, de la seule succession de contrats indépendants par nature les uns des autres ; qu'en décidant qu'une relation commerciale établie avait existé entre les parties, après avoir constaté que les sociétés audiovisuelles avaient successivement conclu des contrats de production portant sur des projets d'émissions distincts et indépendants les uns des autres, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6-I 5° du code de commerce ;
4°/ ALORS QUE la responsabilité pour rupture abusive d'une relation commerciale établie ne peut être recherchée qu'à la condition de démontrer qu'un courant d'affaires a préalablement existé entre l'auteur et la victime de la rupture dans des conditions laissant augurer une poursuite de ladite relation ; qu'en se bornant à affirmer qu'une relation commerciale établie avait existé entre les parties, sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si l'objet limité de chaque convention et plus encore les clauses d'audience minimales autorisant l'arrêt immédiat d'un programme ne rendaient pas chaque contrat précaire par nature, ne laissant augurer par avance aucune poursuite de la relation commerciale ni après le terme du contrat, ni même jusqu'au terme de celui-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6-I 5° du code de commerce.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la rupture des relations commerciales établies avec les sociétés Planète Prod et Presse Planète devait être imputée aux sociétés France Télévisions et France 2,
AUX MOTIFS QUE, sur le caractère de la rupture, il ne peut être sérieusement contesté que, dès le mois de septembre 2005, les commandes passées par la société France 2 ont fortement diminué pour cesser, ainsi que précédemment retenu, au mois d'octobre 2006, alors même que, au cours de cette période, de nombreux projets, ainsi qu'il en est justifié, ont été, conformément à la pratique usuelle, adressés à la société France 2, auxquels aucune suite n'a été donnée, sans que, au demeurant, soit mise en cause leur qualité (pièce n° 58) ; qu'il convient de relever que la société Planète Prod, étant préoccupée par cette situation a, au mois de juillet 2006, adressé une lettre manifestant ses inquiétudes sur la situation à Patrice X..., directeur général chargé des antennes de la société France Télévisions ; que cette correspondance étant restée sans réponse, le conseil des sociétés appelantes a, le 6 septembre 2006, adressé au même destinataire une lettre rappelant le courrier du 13 juillet 2006, resté sans réponse, en rappelant que la relation commerciale régulière qui les liait au groupe France Télévisions (...) s'est trouvée de fait suspendue sans motifs ni préavis depuis le début de la saison 2005-2006 ; que ce courrier, étant également resté sans réponse, le conseil des sociétés appelantes a adressé, le 28 septembre 2006, une lettre de rappel à Patrice X..., lui faisant part de la volonté manifestée par ses clientes, en raison du silence persistant de la société France Télévisions, de se prévaloir des dispositions de l'article L. 442-6-I 5° du code de commerce ; que, le 12 octobre 2006, il a été répondu par le conseil de la société France Télévisions par une fin de non-recevoir ; qu'en l'état de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de retenir qu'en premier lieu, la société France Télévisions ne conteste pas son rôle dans la centralisation de la programmation des chaînes du groupe, au nombre desquelles France 2, conformément à son objet social qui comprend la définition des orientations stratégiques, coordonne et promeut les politiques des programmes et l'offre de service, de sorte que, contrairement à ses allégations, elle ne saurait prétendre n'être qu'une simple holding ; qu'en second lieu, en n'ayant jamais dénoncé clairement ses intentions par une rupture écrite, la société France Télévisions et la société France 2 ont commis une faute qui caractérise une rupture brutale, au sens de l'article L. 442-6-I-5° précité ;
1°/ ALORS QUE l'article L. 442-6-I 5° du code de commerce interd it de rompre brutalement une relation commerciale établie portant sur un produit spécifique ; qu'en décidant que la rupture des relations commerciales, était abusive, après avoir constaté que la société France 2 n'avait pas abusivement rompu des contrats de production en cours d'exécution mais seulement refusé d'agréer les nouveaux projets d'émissions qui lui étaient présentés, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6-I 5° du code de commerce ;
2°/ ALORS QUE la société France Télévisions avait expressément fait valoir qu'en sa qualité de société holding du groupe France Télévisions, elle coordonnait les activités de ses filiales mais que seules ces dernières avaient la charge du choix et de la diffusion des programmes sur leurs antennes respectives et qu'il résultait tant de la loi que de ses statuts qu'elle n'exerçait aucune activité de production, de programmation ou de diffusion ; qu'en affirmant, pour caractériser la brutalité de la rupture des relations commerciales, que la société France Télévisions ne contestait pas son rôle dans la centralisation de la programmation des chaînes du groupe et spécialement concernant celle de la société France 2, la cour d'appel a dénaturé les conclusions dont elle avait été saisie, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

3°/ ALORS QUE , dans son courrier du 12 octobre 2006, le conseil de la société France Télévisions avait précisé que « chaque société nationale de programmes du service public est maître de sa programmation et de sa politique d'achat de production de programmes (et) qu'il n'existe pas de politique de groupe en la matière » ; qu'en déduisant de cette lettre que la société France Télévisions ne contestait pas son rôle dans la centralisation de la programmation des chaînes du groupe, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil.

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la rupture abusive des relations commerciales établies avec les sociétés Planète Prod et Presse Planète devait être imputée aux sociétés France Télévisions et France 2,

AUX MOTIFS QUE, sur la durée du préavis, les sociétés appelantes font une juste analyse du marché de la production télévisuelle, en ce que chaque grand diffuseur (TF1, Canal +, M6) a constitué son propre réseau de sociétés de production, souvent pour des raisons historiques et le rôle joué par leurs "présentateurs" vedettes, de sorte que, du fait de cette structure de marché, toute reconversion d'activité nécessite de disposer d'un laps de temps significatif d'autant que, au surplus, il convient de prendre en considération que l'essentiel de la programmation est faite pour une saison de septembre à juillet à laquelle succède une programmation estivale, sans omettre la prise en compte de la durée des relations commerciales entre les parties ; qu'au cas particulier, il convient donc de fixer la durée du préavis à 18 mois ;

ALORS QU' engage la responsabilité de son auteur le fait de rompre brutalement une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale du préavis, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ; qu'en l'absence d'accords interprofessionnels, la durée de préavis ne peut donc désormais être fixée qu'en fonction du seul critère tiré de l'ancienneté des relations commerciales ; qu'en décidant que la durée du préavis de rupture pouvait être fixée en tenant compte pour l'essentiel de la structure du marché en cause et des spécificités de l'activité considérée, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6-I 5° du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 08-21681
Date de la décision : 18/05/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CONCURRENCE - Transparence et pratiques restrictives - Rupture brutale des relations commerciales - Conditions - Relation établie - Cas - Fourniture d'émissions télévisées - Stabilité de la relation - Recherche nécessaire

Ne donne pas de base légale à sa décision la cour d'appel qui qualifie de relation commerciale établie au sens de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce, la relation entretenue entre une chaîne de télévision et une société de production indépendante qui, pendant huit ans, a fourni des émissions télévisées à la chaîne, sans rechercher si, eu égard à la nature de la prestation de conception et de réalisation de programmes télévisuels, la société de production pouvait légitimement s'attendre à la stabilité de la relation


Références :

article L. 442-6 I 5° du code de commerce

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 08 octobre 2008

A rapprocher :Com., 16 décembre 2008, pourvoi n° 07-15589, Bull. 2008, IV, n° 207 (rejet) ;Com., 15 septembre 2009, pourvoi n° 08-19200, Bull. 2009, IV, n° 110 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 18 mai. 2010, pourvoi n°08-21681, Bull. civ. 2010, IV, n° 89
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, IV, n° 89

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : M. Mollard
Rapporteur ?: Mme Michel-Amsellem
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.21681
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