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14/04/2010 | FRANCE | N°08-70229

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 14 avril 2010, 08-70229


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu que la société France Systèmes SA a acheté des ordinateurs portables à la société Apple computer international (ci-après Apple) ; que la société Kühne et Nagel chargée d'organiser le transport a sous-traité celui-ci à la société Tnt express ; que le 18 novembre 2002, la société France systèmes SA a déclaré n'avoir pas reçu les ordinateurs qui n'ont jamais été retrouvés ; que la société allemande Gustav F.Hübener GmbH,

invoquant sa qualité de compagnie d'assurance subrogée dans les droits de la société Kühn...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu que la société France Systèmes SA a acheté des ordinateurs portables à la société Apple computer international (ci-après Apple) ; que la société Kühne et Nagel chargée d'organiser le transport a sous-traité celui-ci à la société Tnt express ; que le 18 novembre 2002, la société France systèmes SA a déclaré n'avoir pas reçu les ordinateurs qui n'ont jamais été retrouvés ; que la société allemande Gustav F.Hübener GmbH, invoquant sa qualité de compagnie d'assurance subrogée dans les droits de la société Kühne et Nagel, a assigné la société Tnt express devant le tribunal de commerce de Nanterre en paiement des sommes qu'elle prétendait avoir versées ;

Attendu que la société Gustav F.Hübener GmbH fait grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 2 novembre 2006) d'avoir déclaré irrecevables ses demandes, alors, selon le moyen, que :

1°/ que la règle « nul ne plaide par procureur » trouve à s'appliquer dans le cas où une partie soumet au juge une demande qui n'a pas vocation à satisfaire un droit qui lui est propre, le droit invoqué étant celui d'un tiers qui recevra le bénéfice exclusif de la réussite de l'action ; qu'en l'espèce, la société Gustav Hübener a saisi le juge d'une action tendant au remboursement, par le responsable d'un sinistre la société Tnt express, de l'indemnité qu'elle avait elle-même versée à la victime, son assurée ; qu'en se déterminant, pour dire l'action en paiement exercée par la société Gustav Hübener irrecevable, par le fait que celle-ci agissait en son nom mais pour le compte de ses co-assureurs, la cour d'appel qui s'est abstenue d'apprécier l'objet du litige et les limites de sa saisine telles que déterminées par l'assignation délivrée par le demandeur ainsi que l'identité des parties en présence devant elle a, en statuant ainsi, violé par fausse application le principe susvisé et méconnu les articles 1er et 4 du code de procédure civile ;

2°/ que conformément à l'article 30 du code de procédure civile, le droit d'agir défini comme le droit pour l'auteur d'une prétention d'être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée est régi, s'agissant de la qualité et de l'intérêt pour agir, par la loi applicable au fond du litige ; qu'en l'espèce, la société Gustav Hübener qui, pour le droit allemand auquel elle est soumise, est « assekuradeur », a qualité et intérêt pour agir, devant un tribunal français, aux fins d'être remboursée, par l'auteur du sinistre, de l'indemnité versée à la victime, conformément à sa qualité d'assureur stipulée dans la police d'assurance ; qu'en décidant que l'action en paiement exercée par la société Gustav Hübener contre la société Tnt express n'était pas recevable, faute pour la société Gustav Hübener d'agir pour son compte et d'y avoir intérêt, la cour d'appel a violé la disposition susvisée, ensemble l'article 31 du même code et les règles applicables au conflit de lois ;

3°/ que conformément au principe selon lequel la loi de l'institution pour le fonctionnement de laquelle le droit d'agir est accordé s'applique à la subrogation, l'intérêt pour agir de la partie qui se prévaut de la subrogation s'apprécie au regard de la loi de l'institution ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que la société Gustav Hübener a payé, en qualité d'assureur, à la victime l'indemnité d'assurance prévue par la police et a, en conséquence, intérêt à agir aux fins d' obtenir du responsable du sinistre le remboursement de l'indemnité versée ; qu'en s'abstenant de rechercher si la subrogation invoquée par la société Gustav Hübener ne lui conférait pas intérêt pour agir en paiement auprès de la société Tnt express, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la règle susvisée, ensemble l'article 31 du code de procédure civile ;

Mais attendu que faisant application du droit allemand régissant le contrat d'assurance en cause pour déterminer la qualité à agir de la société Gustav F.Hübener GmbH, l'arrêt relève d'abord, que cette société est une "agence" intervenant "au nom des co-assureurs", qu'en la qualité d'"assekuradeur" dont elle se prévaut, elle n'est pas l'assureur couvrant le risque, mais titulaire d'un mandat général pour agir en justice devant les juridictions allemandes pour le compte de ses mandantes ; qu'il constate, ensuite, que la société Gustav F.Hübener GmbH indique agir en France en son nom et pour le compte de l'ensemble des co-assureurs en produisant aux débats des pouvoirs rédigés en termes généraux ; que la cour d'appel en a justement déduit que ces mandats généraux ne satisfont pas aux principes régissant l'action en justice devant les juridictions françaises, lesquels s'appliquent à toutes instances introduites en France, quelle que soit la loi gouvernant le fond du litige ou la loi en vertu de laquelle le demandeur indique agir pour le compte d'autrui, de sorte que la cour d'appel a décidé, à bon droit, que, faute de justifier d'un mandat spécial de chacun de ses mandants, la société Gustav F.Hübener GmbH était irrecevable à agir en France contre la société Tnt express en application de l'article 31 du code de procédure civile ; que la cour d'appel qui n'avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Gustav F.Hübener GmbH aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Gustav F.Hübener GmbH et la condamne à payer à la société Tnt express la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze avril deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la société Gustav F.Hübener GmbH.

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables les demandes formées par la Sté GUSTAV F. HÜBENER contre la Sté TNT EXPRESS ;

AUX MOTIFS QUE, sur la qualité à agir de la Sté GUSTAV F. HÜBENER, pour déterminer si cette société est ou non recevable à agir, il convient de rechercher en quelle qualité elle a introduit la présente action en justice ; qu'il résulte des principes du droit international privé que c'est par rapport à la loi du fond que la qualité de plaideur doit s'apprécier ; que dans la mesure où le contrat d'assurance qui fonde l'action de la Sté GUSTAV F.HÜBENER contre la Sté TNT EXPRESS est régi par le droit allemand, la qualité en laquelle la demanderesse a diligenté la présente instance doit être déterminée par application du droit allemand ; qu'il est acquis aux débats que le sinistre qui est à l'origine du litige, survenu en novembre 2002, était couvert par la police d'assurances TR 4001001, souscrite auprès de la Sté GUSTAV F. HÜBENER, désignée en tant que « compagnie d'assurance », la Sté KÜHNE et NAGEL étant le souscripteur et la Sté APPLE étant l'assuré ; qu'il résulte également de l'acte de subrogation en date du 10 octobre 2003 que l'indemnité de 67 989 USD due en réparation de ce sinistre a été versée à la Sté KÜHNE et NAGEL par la Sté NACORA HAMBOURG pour le compte de la Sté GUSTAV F.HÜBENER ; qu'il s'infère des contrats intitulés « Agenturvertrag » conclu avec chacun des co-assureurs de la police susvisée que la Sté GUSTAV F. HÜBENER est une « agence » au sens du droit allemand, qui intervient en tant qu'entreprise indépendante, conforme au code de commerce allemand, et qui est autorisée, « au nom de ces co assureurs », à souscrire des contrats d'assurance, à encaisser à ce titre des primes d'assurance, à traiter des sinistres et à procéder aux recours ; que la Sté GUSTAV F. HÜBENER se prévaut de ces divers éléments pour conclure qu'elle a la qualité de « Assekuradeur », lequel, en droit allemand, a mandat pour exercer en son nom propre et pour le compte des assureurs couvrant financièrement le risque, les risques judiciaires à l'encontre du tiers responsable ; qu'à cet égard, en droit allemand, l'Assekuradeur » qui n'est pas l'assureur couvrant le risque (lequel est financièrement supporté par la compagnie d'assurances ) exerce néanmoins toutes les autres activités liées au contrat d'assurance, en ce compris l'exercice et l'encaissement des recours ; qu'au demeurant, la Sté GUSTAV F.HÜBENER justifie être titulaire de la part de chacun des co assureurs d'un mandat général l'autorisant à agir en justice devant les juridictions allemandes pour le compte de ses mandataires ; mais considérant que la représentation en justice, même si elle est régie par une loi étrangère, n'est régulière que si elle respecte les exigences de la loi du for au regard des conditions de mise en oeuvre de l'instance ; que dans la mesure où la présente instance a été diligentée devant une juridiction française, c'est en fonction des règles de la procédure civile française qu'il convient d'apprécier si le demandeur à l'instance a ou non qualité à agir ; qu'il est admis que la règle française « nul ne plaide par procureur » s'applique à titre de « lex fori » à toutes les instances introduites en France, quelle que soit la loi gouvernant le fond du litige ou la loi en vertu de laquelle le demandeur indique agir pour le compte d'autrui ; qu'en vertu de cette règle de procédure française, nul n'est admis à agir dans l'intérêt d'autrui à moins qu'il n'ait été légalement qualifié à cette fin, et cette qualité s'apprécie en la personne du demandeur ; qu'en l'occurrence, la Sté GUSTAV F. HÜBENER indique agir en son nom et pour le compte de l'ensemble des « co-assureurs » et produit aux débats des pouvoirs rédigés en termes généraux par ces derniers l'autorisant à engager pour eux des procédures judiciaires et à les représenter dans tous les domaines ; que toutefois, ces mandats généraux ne satisfont pas aux principes régissant l'action en justice devant les juridictions françaises, laquelle implique l'existence, en la personne de celui qui élève ou combat une prétention, d'un intérêt personnel, juridique et légitime ; qu'à cet égard, seules ont un intérêt personnel et légitime à recouvrer les sommes versées à la Sté KÜHNE et NAGEL en réparation du dommage subi les compagnies d'assurances figurant en tant que co-assureurs de la police d'assurance litigieuse ; or, ces dernières ne sont pas personnellement parties à la présente procédure et ne sont pas non plus désignées tant dans l'acte introductif d'instance que dans les actes subséquents comme mandantes en vertu d'un pouvoir qu'elles auraient spécialement consenti à la société appelante et dont au demeurant la preuve n'est pas rapportée ; que la Sté GUSTAV F. HÜBENER ne justifie pas de sa qualité à agir au sens des articles 31 et 32 du code de procédure civile et doit être déclarée irrecevable en ses prétentions contre la Sté TNT EXPRESS ;

1 ) ALORS QUE la règle « nul ne plaide par procureur » trouve à s'appliquer dans le cas où une partie soumet au juge une demande qui n'a pas vocation à satisfaire un droit qui lui est propre, le droit invoqué étant celui d'un tiers qui recevra le bénéfice exclusif de la réussite de l'action ; qu'en l'espèce, la Sté GUSTAV HÜBENER a saisi le juge d'une action tendant au remboursement, par le responsable d'un sinistre la Sté TNT EXPRESS, de l'indemnité qu'elle avait elle-même versée à la victime, son assurée ; qu'en se déterminant, pour dire l'action en paiement exercée par la Sté GUSTAV HÜBENER irrecevable, par le fait que celle-ci agissait en son nom mais pour le compte de ses co-assureurs, la cour d'appel qui s'est abstenue d'apprécier l'objet du litige et les limites de sa saisine telles que déterminées par l'assignation délivrée par le demandeur ainsi que l'identité des parties en présence devant elle a, en statuant ainsi, violé par fausse application le principe susvisé et méconnu les articles 1er et 4 du code de procédure civile ;

2 ) ALORS QUE conformément à l'article 30 du code de procédure civile, le droit d'agir défini comme le droit pour l'auteur d'une prétention d'être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée est régi, s'agissant de la qualité et de l'intérêt pour agir, par la loi applicable au fond du litige ; qu'en l'espèce, la Sté GUSTAV HÜBENER qui, pour le droit allemand auquel elle est soumise, est « assekuradeur », a qualité et intérêt pour agir, devant un tribunal français, aux fins d'être remboursée, par l'auteur du sinistre, de l'indemnité versée à la victime, conformément à sa qualité d'assureur stipulée dans la police d'assurance ; qu'en décidant que l'action en paiement exercée par la Sté GUSTAV HÜBENER contre la Sté TNT EXPRESS n'était pas recevable, faute pour la Sté GUSTAV HÜBENER d'agir pour son compte et d'y avoir intérêt, la cour d'appel a violé la disposition susvisée, ensemble l'article 31 du même code et les règles applicables au conflit de lois ;

3 ) ALORS QUE conformément au principe selon lequel la loi de l'institution pour le fonctionnement de laquelle le droit d'agir est accordé s'applique à la subrogation, l'intérêt pour agir de la partie qui se prévaut de la subrogation s'apprécie au regard de la loi de l'institution ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que la Sté GUSTAV HÜBENER a payé, en qualité d'assureur, à la victime l'indemnité d'assurance prévue par la police et a, en conséquence, intérêt à agir aux fins d' obtenir du responsable du sinistre le remboursement de l'indemnité versée ; qu'en s'abstenant de rechercher si la subrogation invoquée par la Sté GUSTAV HÜBENER ne lui conférait pas intérêt pour agir en paiement auprès de la Sté TNT EXPRESS, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la règle susvisée, ensemble l'article 31 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 08-70229
Date de la décision : 14/04/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONFLIT DE LOIS - Principes régissant l'action en justice - Loi applicable - Loi du for - Portée

ACTION EN JUSTICE - Principes régissant l'action en justice - Conflit de lois - Loi applicable - Loi du for - Portée

Les principes régissant l'action en justice devant les juridictions françaises s'appliquent à toutes instances introduites en France quelle que soit la loi gouvernant le fond du litige ou la loi en vertu de laquelle le demandeur indique agir pour le compte d'autrui. Dès lors, une cour d'appel qui, faisant application du droit allemand régissant un contrat d'assurance pour déterminer la qualité à agir d'une société allemande, relève que cette société est une "agence" intervenant "au nom des co-assureurs" en se prévalant de la qualité d'"assekuradeur", qu'elle n'est pas l'assureur couvrant le risque mais titulaire d'un mandat général pour agir en justice devant les juridictions allemandes pour le compte de ses mandantes et qu'elle indique agir en France en son nom et pour le compte de l'ensemble des co-assureurs en produisant aux débats des pouvoirs rédigés en termes généraux, en déduit justement que ces mandats généraux ne satisfont pas aux principes régissant l'action en justice devant les juridictions françaises et décide à bon droit que faute de justifier d'un mandat spécial de chacun de ses mandants, la société allemande est, en application de l'article 31 du code de procédure civile, irrecevable à agir en France contre la société responsable d'un sinistre en remboursement de l'indemnité d'assurance versée à la victime


Références :

article 31 du code de procédure civile

règle "Nul ne plaide par procureur"


Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 02 novembre 2006

Sur la loi applicable pour déterminer l'intérêt à agir, dans le même sens que :1re Civ., 4 décembre 1990, pourvoi n° 89-14285, Bull. 1990, I, n° 272 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 14 avr. 2010, pourvoi n°08-70229, Bull. civ. 2010, I, n° 92
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, I, n° 92

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Avocat général : M. Chevalier
Rapporteur ?: Mme Monéger
Avocat(s) : SCP Monod et Colin, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.70229
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