LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 2333-2 , L. 2333-4 et L. 2333-5 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 15 septembre 2004, a été conclu au sein du groupe Total un accord relatif au renouvellement et au fonctionnement du comité de groupe sans que, malgré sa demande, le Syndicat des ingénieurs, cadres techniciens, agents de maîtrise et employés (SICTAME) ait été invité à sa négociation ;
Attendu que pour débouter le SICTAME de sa demande d'annulation de l'accord du 15 septembre 2004, l'arrêt retient que, par application des dispositions de l'article L. 132-19-1 du code du travail relatif aux accords de groupe et résultant de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004, l'accord litigieux ne pouvait être conclu que par des organisations syndicales de salariés représentatives dans le groupe ou dans l'ensemble des entreprises concernées et que le SICTAME ne démontrant pas être représentatif dans ces périmètres, il n'avait pas à être invité à la négociation de l'accord ;
Attendu cependant que les dispositions de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relatives aux accords conclus au sein d'un groupe qui ont pour objet de définir les garanties sociales des salariés de ce groupe, n'ont pas modifié celles concernant les accords relatifs au comité de groupe lesquelles n'exigent pas une représentativité dans l'ensemble du groupe ou dans l'ensemble des entreprises concernées ; qu'au contraire, le droit de désigner des représentants à ce comité étant reconnu, en son principe, à toute organisation syndicale ayant obtenu des élus dans l'un au moins des comités d'entreprise ou d'établissement dépendant du groupe, il en résulte que ces organisations doivent être invitées à participer à la négociation de tout accord concernant le fonctionnement du comité de groupe ;
Qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 octobre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la société Total aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Total à payer au SICTAME la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils pour le SICTAME
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté le Sictame de sa demande en nullité de l'accord de l'accord du 15 septembre 2004 et de tout accord subséquent ;
AUX MOTIFS QUE dès lors que le code du travail ne se réfère pas à un accord qui, à l'instar de l'accord de configuration, pourrait être considéré comme un accord particulier, seul un accord collectif de travail conclu conformément aux dispositions de l'article L. 132-19-1 du code du travail a la possibilité d'aménager le fonctionnement du comité de groupe ; que l'accord contesté, qui concerne non pas la constitution du comité de groupe Total, lequel a été créé par accord du 4 juillet 2000, mais son renouvellement et ses modalités de fonctionnement, ne pouvait être négocié et signé qu'entre la société Total et les organisations syndicales représentatives au plan national ou représentatives dans l'ensemble du groupe ; qu'à la suite de la loi du mai 2004, l'accord du 4 juillet 2002 relatif aux coordinations syndicales dans le groupe Total a été modifié et qu'il a été convenu que « en dehors des cinq organisations syndicales reconnues représentatives au plan national, seront parties aux négociations visées ci-dessus, les organisations syndicales ayant fait la preuve de leur représentativité dans chacune des entreprises du groupe ou du moins dans plusieurs entreprises entrant dans le champ d'application de l'accord où sont employés au moins 2/3 des effectifs concernés par la négociation en cours » ; que le Sictame qui, du fait de sa désaffiliation à la CFE-CGC le 28 novembre 2002, n'était plus représentatif de droit au plan national lors de la signature de cet accord, doit démontrer qu'il était représentatif au sens de ces dispositions ; qu'à l'époque de la conclusion de l'accord contesté, le groupe Total, composé d'une centaine de sociétés, avait un effectif de 55.000 salariés répartis en trois branches : - la branche Amont holding composée de sept sociétés et de 10.500 salariés, - la branche Aval composée de 44 sociétés et de 13.300 salariés, - la branche Chimie composée de 57 sociétés et de 31.300 salariés ; que le Sictame est représentatif dans les quatre principales sociétés de la branche Amont et notamment au sein de l'UES composée des sociétés Total Sa et Total Elf ; qu'il ne rapporte pas la preuve qu'il disposait d'élus dans la branche Aval à la suite des élections de l'année 2003 ; que la société Total affirme, sans être contestée, que le Sictame est totalement absent de la branche Chimie ; qu'une représentativité au niveau d'une seule branche d'activité ne lui permettait pas de participer à la négociation de l'accord contesté ; que s'agissant de l'indépendance, de l'activité, de l'audience et de l'influence, le Sictame, s'il produit quelques tracts, procède pour l'essentiel par voie d'affirmation ;
ALORS, en premier lieu, QUE l'accord de configuration du groupe doit être conclu par l'ensemble des parties intéressées, au nombre desquelles figurent les syndicats représentatifs au sein d'une au moins des entreprises du groupe, ou, à défaut, par décision de justice ; qu'il en va de même, pour une raison de parallélisme des formes, de l'accord qui, destiné à se substituer à l'accord de configuration initial, a pour objet de modifier les règles de désignation des représentants du personnel et les modalités de fonctionnement du comité de groupe ; qu'en considérant que l'accord du 15 septembre 2004, dont elle constatait qu'il portait sur le renouvellement et le fonctionnement du comité de groupe Total et qu'il avait vocation à se substituer à l'accord du 4 juillet 2000 par lequel ce comité de groupe avait été créé, avait pu être valablement négocié avec les seules organisations syndicales représentatives au plan national ou dans l'ensemble du groupe, et sans le Sictame, dont elle relevait qu'il était représentatif au niveau d'une d'une des trois branches du groupe, la cour d'appel a violé l'article L. 132-19-1, devenu L. 2232-1 du code du travail, par fausse interprétation, et les articles L. 439-3 et L. 439-5, devenus L. 2333-2, L. 2333-4 et L. 2333-5 du même code, par refus d'application ;
ALORS, en second lieu et subsidiairement, QUE doivent être appelées à la négociation des accords de groupe les organisations de salariés représentatives soit au plan national soit dans le groupe ; que la représentativité dans le groupe n'est pas subordonnée à la représentativité dans chacune des entités composant le groupe ; qu'est représentative dans le groupe et, partant, doit être invitée à participer à la négociation des accords de groupe, l'organisation syndicale représentative dans l'une des trois branches du groupe et regroupant 20 % des salariés ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 132-19-1, devenu L. 2232-1 du code du travail, par fausse application.