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09/12/2009 | FRANCE | N°09-10087

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 09 décembre 2009, 09-10087


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 5 novembre 2008), que par acte du 1er décembre 1990, M. X... a donné à bail à long terme à la société Champagne Herbert X... et fils (la société), pour une durée de 18 ans commençant à compter du 1er décembre 1990 et se terminant à l'issue de la récolte 2008, diverses parcelles de vignes pour une contenance totale de 3 hectares 97 ares 38 centiares ; qu'à la suite du décès de M. X... survenu le 23 mars 2003, son épouse, Mme Brigitte X... née A..., est dev

enue usufruitière des parcelles ; que par acte d'huissier de justice en da...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 5 novembre 2008), que par acte du 1er décembre 1990, M. X... a donné à bail à long terme à la société Champagne Herbert X... et fils (la société), pour une durée de 18 ans commençant à compter du 1er décembre 1990 et se terminant à l'issue de la récolte 2008, diverses parcelles de vignes pour une contenance totale de 3 hectares 97 ares 38 centiares ; qu'à la suite du décès de M. X... survenu le 23 mars 2003, son épouse, Mme Brigitte X... née A..., est devenue usufruitière des parcelles ; que par acte d'huissier de justice en date du 8 décembre 2006, Mme X... a donné congé à la société pour reprise personnelle à effet du 1er novembre 2008 ; que le 21 mars 2007, la société a saisi la juridiction des baux ruraux en annulation de ce congé ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :
1° / que le caractère oral d'une procédure ne fait pas obstacle à la formulation écrite d'une demande de report à une audience ultérieure ; qu'en conséquence, le juge doit tenir compte de cette demande quand bien même le demandeur n'a été ni comparant ni représenté et que la demande n'a pas été reprise oralement ; qu'en l'espèce, par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 avril 2007, le conseil de la société Champagne Herbert X... et fils avait sollicité du tribunal un report de l'audience de conciliation fixée au 10 mai 2007, cette demande étant justifiée par son indisponibilité à cette date ; qu'en refusant de considérer cette demande par cela seul qu'elle n'avait pas été reprise oralement et que la société Champagne Herbert X... et fils ne s'était pas fait représenter à l'audience de conciliation, la cour d'appel a violé les articles 883 et suivants du code de procédure civile ;
2° / que, dans le cadre d'une procédure orale, l'empêchement de l'avocat du demandeur a pour conséquence de priver ce dernier de toute possibilité de faire valoir son droit en justice ; que la cour d'appel, au prétexte que les parties doivent comparaître en personne à l'audience de conciliation, a reproché à la société Champagne Herbert X... et fils de n'avoir pas comparu par l'intermédiaire de son représentant légal ; qu'en statuant ainsi, sans vérifier si elle avait été mise en mesure de se présenter en l'état du propre empêchement de son conseil annoncé dans la lettre du 3 avril 2007, la cour d'appel a violé l'article 6. 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3° / que la procédure de conciliation en matière de baux ruraux est obligatoire ; qu'en considérant que la société Champagne X... et fils n'avait pas été privée de cette étape préalable par cela seul que la perspective d'une conciliation était totalement illusoire, la cour d'appel a violé par refus d'application les articles 883 et suivants du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que les parties avaient été convoquées régulièrement à l'audience de conciliation du tribunal paritaire des baux ruraux, que le conseil de la société avait envoyé un courrier au tribunal pour solliciter le renvoi, que le représentant légal n'avait pas comparu à cette audience alors que sa comparution était indispensable en application de l'article 883 du code de procédure civile, et relevé que l'affaire avait été renvoyée en audience de jugement, la cour d'appel a exactement déduit de ces seuls motifs, sans violer l'article 6. 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que la société n'avait pas été privée de l'exercice de son droit à conciliation ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande et de déclarer valable le congé, alors, selon le moyen, que la situation administrative du reprenant devant s'apprécier à la date de la reprise projetée, il appartient à celui-ci de demander pour cette date l'autorisation préalable dans le cadre du contrôle des structures ; qu'en conséquence, dans l'hypothèse d'une reprise pour exploiter, la nécessité d'une autorisation préalable pour dépassement d'un plafond de revenus doit s'apprécier en fonction des revenus de l'année de délivrance du congé et non de ceux de l'année précédant la date d'effet de celui-ci ; qu'en l'espèce, le congé a été délivré le 8 décembre 2006 avec effet au 1er novembre 2008 ; qu'en considérant qu'il convenait de prendre en considération les revenus au titre de l'année 2007 précédant la demande d'autorisation d'exploiter, celle-ci étant faite seulement au moment de l'installation, la cour d'appel a violé les articles L. 331-2, I, 3°, b, L. 411-58, alinéa 5 et R. 331-2 du code rural ;
Mais attendu qu'ayant retenu à bon droit, par motifs propres et adoptés, que les revenus extra-agricoles du foyer fiscal à prendre en considération étaient ceux de l'année précédant la date d'échéance du congé, autrement dit l'année précédant la date d'installation, la cour d'appel en a déduit exactement qu'il convenait de retenir les revenus de l'année 2007 de Mme X... ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen, pris en ses dix autres branches :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces griefs ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCEV Champagne Herbert X... et fils aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCEV Champagne Herbert X... et fils, la condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Champagne Herbert X... et fils.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société CHAMPAGNE HERBERT X... ET FILS de sa demande de contestation du congé délivré le 8 décembre 2006 par madame X... née A... et d'AVOIR validé ledit congé à effet au 1er novembre 2008 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, « sur le respect du droit à conciliation ; les parties ont été convoquées régulièrement à l'audience de conciliation du 10 mai 2007 ; l'envoi de conclusions et pièces le 22 mars 2007 ne pouvait que faciliter le débat contradictoire dans le cadre d'un rapprochement éventuel ; le conseil de la SCEV CHAMPAGNE HERBERT X... ET FILS n'a pris le soin ni de se présenter ni de se faire substituer à l'audience de conciliation ni de soutenir sa demande de renvoi dans le cadre de l'oralité de la procédure ; dans ces conditions, ce dernier ne saurait valablement soutenir que sa demande de renvoi était un acte de procédure qui aurait été méconnu par les premiers juges ; le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux a relevé avec pertinence que le conseil de la SCEV CHAMPAGNE HERBERT X... ET FILS faisait preuve d'une audace certaine en prétendant que son droit à conciliation était bafoué alors même qu'il n'avait pas cru devoir comparaître à l'audience ne se faire substituer ni soutenir oralement la demande de renvoi dont le caractère dilatoire avait été relevé par l'autre partie » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « l'article 883 du Code de procédure civile impose aux parties de comparaître en personne à l'audience de conciliation ; en tant que de besoin, il est rappelé également que la procédure devant le Tribunal paritaire est orale ; en l'espèce, il est constant que la SCEV CHAMPAGNE HERBERT X... ET FILS a été régulièrement convoquée à l'audience du 10 mai 2007 mais que son représentant légal, Henry X... n'a pas cru devoir comparaître à cette audience alors que sa comparution était indispensable en application du texte susvisé et qu'il était de surcroît demandeur à l'action ; le conseil de la demanderesse a envoyé un courrier au tribunal pour solliciter le renvoi ; cette demande écrite, en l'absence de soutien oral à l'audience et de présence du représentant légal de la SCEV CHAMPAGNE HERBERT X... ET FILS ne pouvait prospérer ; c'est donc avec une certaine audace que celle-ci vient maintenant prétendre que son droit à conciliation a été bafoué alors qu'elle est directement à l'origine de cette situation ; il est observé au surplus que le caractère extrêmement conflictuel de ce dossier, révélé par les échanges de correspondances entre les conseils des parties et les multiples incidents procéduraux ayant émaillé les audiences à laquelle cette affaire a été évoquée, rendait totalement illusoire la perspective d'une conciliation ; le Tribunal considère par conséquent que la demanderesse n'a pas été privée de l'exercice de ce droit » ;
1°) ALORS QUE le caractère oral d'une procédure ne fait pas obstacle à la formulation écrite d'une demande de report à une audience ultérieure ; qu'en conséquence, le juge doit tenir compte de cette demande quand bien même le demandeur n'a été ni comparant ni représenté et que la demande n'a pas été reprise oralement ; qu'en l'espèce, par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 avril 2007, le conseil de la société CHAMPAGNE HERBERT X... ET FILS avait sollicité du Tribunal un report de l'audience de conciliation fixée au 10 mai 2007, cette demande étant justifiée par son indisponibilité à cette date ; qu'en refusant de considérer cette demande par cela seul qu'elle n'avait pas été reprise oralement et que la société CHAMPAGNE HERBERT X... ET FILS ne s'était pas fait représenter à l'audience de conciliation, la Cour d'appel a violé les articles 883 et suivants du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE, dans le cadre d'une procédure orale, l'empêchement de l'avocat du demandeur a pour conséquence de priver ce dernier de toute possibilité de faire valoir son droit en justice ; que la Cour d'appel, au prétexte que les parties doivent comparaître en personne à l'audience de conciliation, a reproché à la société CHAMPAGNE HERBERT X... ET FILS de n'avoir pas comparu par l'intermédiaire de son représentant légal ; qu'en statuant ainsi, sans vérifier si elle avait été mise en mesure de se présenter en l'état du propre empêchement de son conseil annoncé dans la lettre du 3 avril 2007, la Cour d'appel a violé l'article 6. 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°) ALORS en tout état de cause QUE la procédure de conciliation en matière de baux ruraux est obligatoire ; qu'en considérant que la société CHAMPAGNE HERBERT X... ET FILS n'avait pas été privée de cette étape préalable par cela seul que la perspective d'une conciliation était totalement illusoire, la Cour d'appel a violé par refus d'application les articles 883 et suivants du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société CHAMPAGNE HERBERT X... ET FILS de sa demande de contestation du congé délivré le 8 décembre 2006 par madame X... née A... et d'AVOIR validé ledit congé à effet au 1er novembre 2008 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'article L. 331-2 11 II du Code rural soumet à déclaration préalable la mise en valeur d'un bien agricole reçu par donation, location, vente ou succession d'un parent ou allié jusqu'au 3ème degré inclus lorsque les conditions suivantes sont remplies :
- le déclarant satisfait aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle,- les biens sont libres de location au jour de la déclaration,- les biens sont détenus par ce parent ou allié depuis 9 ans au moins ;

en l'espèce, le bien avait été donné à bail pour une durée de 18 ans, si bien que le propriétaire n'en était pas détenteur ; le texte susvisé ne prévoit pas le régime de la déclaration préalable, en cas de reprise par l'usufruitier d'un bien effectivement donné à bail ; en conséquence, la situation relève, non pas du régime de la déclaration, mais de celui de l'autorisation des structures ; le Tribunal a relevé à juste titre que l'installation envisagée portait sur une superficie n'excédant pas le seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures et qu'une autorisation n'était pas nécessaire à ce titre ;
en ce qui concerne la pluriactivité, madame X... justifie en qualité de personne physique :
- exercer une activité d'informaticienne seulement à temps partiel et avoir réduit cette activité pour se consacrer à l'exploitation (cf. pièces 28, 29 et 31) ;
- avoir, dès l'année 2004, décidé de réaliser une formation AVIZE pour l'obtention du Brevet professionnel agricole, option Vigne et Vin, dans le but de créer une exploitation viticole pour gérer les vignes familiales à partir du 1er novembre 2008 ;
sont soumises à autorisation préalable les opérations concernant les exploitants pluriactifs, dont les revenus extra-agricoles du foyer fiscal excèdent 3120 fois le montant horaire du salaire minimum de croissance ; les revenus extra-agricoles sont constitués du revenu net imposable du foyer fiscal au titre de l'année précédant celle de la demande ; le Tribunal peut par ailleurs surseoir à statuer dans l'attente de l'obtention de l'autorisation définitive ; en l'espèce, les premiers juges ont relevé avec pertinence que, pour apprécier la nécessité (ou non) de solliciter une autorisation, il convenait de prendre en considération les revenus au titre de l'année 2007 précédant la demande d'autorisation d'exploiter qui est faite au moment de l'installation ; il appartient à la Cour d'examiner les pièces financières produites aux débats, sans être forcément tenue par l'analyse du Cabinet Mazars ; madame X... a communiqué tous les éléments concernant sa déclaration de revenus ; au vu des documents produits, les revenus extra-agricoles précédant la demande sont inférieurs au plafond réglementaire, les dépenses effectuées étant des dépenses nécessaires d'entretien ; l'appelante argue donc vainement du fait que madame X... aurait dû justifier de la qualité d'exploitante, ou encore qu'elle tenterait de « manipuler la Cour » par le biais de dépenses exceptionnelles ; au vu de ces éléments, la nécessité d'une autorisation n'est pas requise, étant précisé que la condition relative à la production des revenus de l'année 2007 est devenue sans objet ; en ce qui concerne l'engagement d'exploitation, le Tribunal a indiqué à juste titre :
- que madame X... justifiait de la capacité requise par la production d'un brevet professionnel agricole, option Vigne et Vin, sans qu'il soit besoin de justifier en outre d'une expérience,- qu'elle justifiait également de sa disponibilité pour exploiter personnellement les vignes reprises, l'emploi d'informaticienne étant un emploi à temps partiel,- qu'elle justifiait de surcroît de son aptitude physique par la production de pièces médicales (cf. pièces 21 et 22) sans qu'il soit besoin d'ordonner de mesure d'expertise à ce titre ;

à cet égard, l'attestation du professeur Y... n'apparaît pas déterminante au regard du présent litige et ne saurait lier la Cour ; c'est donc vainement que l'appelante argue d'une indisponibilité de madame X... liée à l'exercice d'une autre activité, à la prise en charge de deux enfants ou à son état de santé ;
madame X... justifie par ailleurs de moyens nécessaires à l'exploitation même s'il est tenu compte du versement d'une indemnité de reprise : revenus réguliers, avoirs d'un montant de 100. 000 euros (cf. attestation de la CRCA en date du 5 avril 2007), indéniables perspectives de crédits liés à l'usufruit des vignes (les enfants mineurs en ayant la nue-propriété) ; c'est donc tout aussi vainement que l'appelante prétend au terme de longs développements que madame X... ne justifierait ni de l'acquisition du matériel ni des moyens financiers propices à cette acquisition ni de capacités d'emprunt ni de son aptitude à faire face aux charges salariales, de fonctionnement et de financement de l'indemnité de sortie ; » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « la capacité professionnelle ; madame X... produit le brevet professionnel agricole option « chef d'exploitation ou ouvrier hautement qualifié en viticulture » qu'elle a obtenu le 7 novembre 2005 ; il est observé à la simple lecture de l'article L. 411-59 du Code rural que, dès lors que le candidat à la reprise détient le diplôme nécessaire, il n'a pas à justifier d'une expérience professionnelle, les conditions fixées par ce texte étant alternatives et non cumulatives ; le moyen soulevé par la société CHAMPAGNE HERBERT X... ET FILS sur le manque d'expérience professionnelle de madame X... est donc sans objet ; l'engagement d'exploitation ; l'aptitude physique ; madame X... verse aux débats un certificat médical du docteur Z... daté du 24 mars 2007 constatant qu'elle ne présente aucun signe d'affection cliniquement décelable, qu'elle n'a aucune inaptitude physique et qu'elle semble au jour de l'examen en bonne santé ; ce certificat est corroboré par des attestations de personnes ayant suivi la formation préalable à l'obtention du certificat d'aptitude à la taille de la vigne démontrant que madame X... n'avait aucune difficulté à suivre les cours et qu'elle était elle-même la meilleure de sa promotion pour l'une d'entre elles ; la société CHAMPAGNE HERBERT X... ET FILS argue d'une expertise réalisée par le professeur Y... le 11 septembre 2007 pour émettre des réserves sur les capacités physiques de madame X... ; or, cette expertise est purement théorique puisqu'elle a été réalisée sans examen de l'intéressée et ne vient d'ailleurs par contredire les constatations médicales du docteur Z... ; en tout état de cause, il est rappelé que les dispositions de l'article L. 411-59 du Code rural n'imposent pas au candidat de se soumettre à des examens médicaux particuliers ; madame X... doit donc être considérée comme ayant l'aptitude physique pour reprendre l'exploitation ; les moyens nécessaires à l'exploitation ; il est rappelé à titre liminaire que madame X... conserverait en cas de reprise une activité salariée à mi-temps dans la société qui l'emploie actuellement qui, au vu du bulletin de salaire de février 2007, lui permettra d'assumer pour grande partie ses charges de la vie courante ; il est acquis en l'espèce que madame X... ne possède pas le matériel nécessaire à l'exploitation des parcelles qu'elle entend reprendre ; le Tribunal doit donc déterminer si elle dispose des moyens financiers indispensables à la viabilité de l'opération ; il ressort d'une attestation de la banque de l'agence de Bouzy du Crédit Agricole datée du 5 avril 2007 que madame X... dispose d'avoirs au moins égaux à 100. 000 euros qui sont constitués d'un compte de dépôt, de produits d'épargne et d'un compte-titres ; les liquidités sont importantes et immédiatement disponibles ; l'investissement en matériel ; madame X... a le choix d'acheter le matériel nécessaire (tracteur-enjambeur, rogneuse, broyeuse) qui peut être d'occasion ou de recourir à un prestataire de services ou encore de louer le matériel, ce qui peut suffire en l'espèce, compte-tenu de la superficie des parcelles reprises, inférieure à 4 hectares ; ce choix incombe au bénéficiaire de la reprise et la société CHAMPAGNE HERBERT X... ET FILS n'a aucune légitimité à le contester ; les charges salariales ; le calcul opéré par la société CHAMPAGNE HERBERT X... ET FILS est purement hypothétique et ne prend pas en compte le travail que madame X... pourra effectuer elle-même dans les vignes ; il est rappelé également qu'elle dispose d'avoir financiers et qu'elle a la possibilité d'obtenir un crédit auprès de sa banque ; l'exploitation effective du bien reprise pendant 9 ans ; si le bénéficiaire de la reprise doit participer de manière effective aux travaux nécessaires à l'exploitation de la vigne, il n'est pas tenu de les effectuer seul et il peut se faire aider par un ou plusieurs salariés ; en l'espèce, la superficie reprise est inférieure à 4 hectares ; madame X..., qui travaille actuellement à temps partiel (80 %) en qualité de responsable des applications informatiques au sein de la société SMURFIT KAPPA, a pris par ailleurs l'engagement de réduire son activité professionnelle à mi-temps à compter du 1er mai 2008 ; cet engagement est corroboré par une attestation de son employeur en date du 9 octobre 2007 ; dans ces conditions, le Tribunal considère que la réduction très substantielle de l'activité professionnelle actuelle de madame X..., qui va lui laisser la possibilité de travailler tous les jours dans l'exploitation dont la superficie reste mesurée, rend possible sa participation effective aux travaux de la vigne ; l'autorisation d'exploiter ; (…) il est constant que l'article L. 331-2 1er b) du Code rural dont se prévaut la société CHAMPAGNE HERBERT X... ET FILS qui concerne l'hypothèse où la reprise est exercée par une personne morale, ne s'applique pas à madame X... qui est une personne physique » ;
1°) ALORS QUE l'article L. 331-2, I, 3°, b du Code rural soumet à contrôle total et donc à autorisation préalable les opérations au bénéfice d'une exploitation agricole ne comportant pas de membre ayant la qualité d'exploitant ; que cela vaut tant pour les personnes physiques que les personnes morales ; qu'en l'espèce, madame X... n'avait pas la qualité d'exploitant agricole faute d'avoir exercé à titre habituel et professionnel une telle activité et devait donc, dans la perspective de la reprise, obtenir une autorisation préalable ; qu'en considérant cependant que l'exigence d'une telle autorisation ne vaut que dans l'hypothèse d'une reprise exercée par une personne morale, la Cour d'appel a violé les articles L. 331-2, I, 3°, b et L. 411-59 dernier alinéa du Code rural par refus d'application ;
2°) ALORS QUE la situation administrative du reprenant devant s'apprécier à la date de la reprise projetée, il appartient à celui-ci de demander pour cette date l'autorisation préalable dans le cadre du contrôle des structures ; qu'en conséquence, dans l'hypothèse d'une reprise pour exploiter, la nécessité d'une autorisation préalable pour dépassement d'un plafond de revenus doit s'apprécier en fonction des revenus de l'année de délivrance du congé et non de ceux de l'année précédant la date d'effet de celui-ci ; qu'en l'espèce, le congé a été délivré le 8 décembre 2006 avec effet au 1er novembre 2008 ; qu'en considérant qu'il convenait de prendre en considération les revenus au titre de l'année 2007 précédant la demande d'autorisation d'exploiter, celle-ci étant faite seulement au moment de l'installation, la Cour d'appel a violé les articles L. 331-2, I, 3°, b, L. 411-58 alinéa 5 et R. 331-2 du Code rural ;
3°) ALORS subsidiairement QUE, tenu de motiver sa décision, le juge du fond ne peut procéder par voie de simple affirmation sans préciser l'origine de ses constatations ; qu'en l'espèce, la société CHAMPAGNE HERBERT X... ET FILS faisait justement remarquer qu'ayant perçu la somme de 33. 652 euros de revenus extra-agricoles pour l'année 2007, à comparer au plafond légal de 26. 332, 80 euros, madame X..., curieusement, avait cru bon, en toute fin d'année 2007, d'engager des dépenses de réparation d'un montant exceptionnel de 11. 918 euros représentant 195 % de son revenu foncier annuel et sans proportion aucune avec les travaux engagés les années passées ; qu'en affirmant que ces dépenses étaient nécessaires à l'entretien sans viser ni analyser les pièces d'où elle a cru pouvoir tirer une telle « constatation », la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
4°) ALORS subsidiairement QUE, tenu de motiver sa décision, le juge ne peut viser les éléments du dossier sans les identifier ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a affirmé qu'« au vu des documents produits, les revenus extra-agricoles précédant la demande sont inférieurs au plafond réglementaire, les dépenses effectuées étant des dépenses nécessaires d'entretien » ; qu'en s'abstenant d'identifier les éléments du dossier ainsi visés, la Cour a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
5°) ALORS subsidiairement encore QUE la société CHAMPAGNE HERBERT X... ET FILS faisait également valoir qu'il était très surprenant que les revenus nets de capitaux mobiliers de madame X... ne s'élèvent qu'à la somme de 70 euros pour l'année 2007 quand le Crédit Agricole attestait que les avoirs de madame X... inscrits dans ses livres se montaient à la somme de 100. 000 euros ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur la défaillance évidente d'une des conditions financières à la reprise, la Cour a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
6°) ALORS QUE le bénéficiaire de la reprise doit, à partir de celle-ci, se consacrer à l'exploitation du bien repris pendant au moins neuf ans, ne peut se limiter à la direction ou à la surveillance de l'exploitation et doit participer sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a pris acte de la pluriactivité de madame X... mais n'y a pas vu un obstacle à la reprise par cela seul qu'il s'agissait d'une activité d'informaticien à temps partiel ; qu'en ne recherchant pas, ainsi que cela lui était demandé, si la nature de l'activité professionnelle impliquant de fréquents déplacements dans tout le pays (siège social de l'employeur à Saint-Mandé et 52 sites de production répartis sur tout le territoire) voire à l'étranger (société multinationale avec siège social à Dublin), était compatible avec une présence personnelle, effective et permanente et si la taille et la nature de l'exploitation viticole était compatible avec une telle activité extra-agricole, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-59 du Code rural ;
7°) ALORS QUE la valeur d'un congé s'apprécie à la date prévue pour la reprise ; qu'en l'espèce, tandis que le congé du 8 décembre 2006 devait prendre effet au 1er novembre 2008, la Cour d'appel a cru devoir déduire l'aptitude physique de madame X... d'un certificat médical du 24 mars 2007 et d'attestations d'anciennes camarades de promotion de madame X... lorsque celle-ci suivait la formation préalable à l'obtention du certificat d'aptitude à la taille de la vigne, ces attestations datant du 16 mars 2007 ; qu'ainsi, la Cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-59 du Code rural ;
8°) ALORS en tout état de cause QUE le bénéficiaire de la reprise doit être en mesure de satisfaire physiquement à l'exploitation des parcelles ; que le certificat du docteur Z... du 24 mars 2007 précisait seulement que madame X... « ne présente aucun signe d'affection cliniquement décelable, elle n'a aucune inaptitude physique ; elle semble à ce jour en bonne santé » ; que les personnes ayant suivi la formation préalable à l'obtention du certificat d'aptitude à la taille de la vigne avaient quant à elles attesté que madame X... n'avait aucune difficulté à suivre les cours et qu'elle était la meilleure de sa promotion ; qu'en déduisant de ces pièces une aptitude physique pour exploiter de manière effective une exploitation viticole de l'importance de celle reprise à la société CHAMPAGNE HERBERT X... ET FILS, la Cour d'appel a violé l'article L. 411-59 du Code rural ;
9°) ALORS QUE la valeur d'un congé s'apprécie à la date prévue pour la reprise ; qu'en l'espèce, tandis que le congé du 8 décembre 2006 devait prendre effet au 1er novembre 2008, la Cour d'appel a cru devoir déduire la réalité des moyens nécessaires de madame X... d'une attestation du Crédit Agricole du 5 avril 2007 ; qu'ainsi, la Cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-59 du Code rural ;
10°) ALORS en tout état de cause QUE le juge du fond doit caractériser l'aptitude financière du reprenant et établir avec certitude qu'il est en mesure d'acquérir le matériel nécessaire à l'exploitation ; qu'en l'espèce, la Cour a seulement relevé que madame X... avait des revenus réguliers, des avoirs d'un montant de 100. 000 euros et d'indéniables perspectives de crédit liées à l'usufruit des vignes ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si ces circonstances donnaient effectivement et de manière certaine à madame X... les moyens d'acquérir le matériel nécessaire pour exploiter le domaine repris d'une superficie de 4 hectares avec nécessité de se faire assister par du personnel, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-59 du Code rural ;
11°) ALORS enfin QUE l'usufruitier ne peut grever le bien d'une hypothèque ; qu'en affirmant que madame X... avait d'indéniables perspectives de crédit liées à l'usufruit des vignes dont ses enfants mineurs avaient la nue-propriété, la Cour d'appel a déduit un motif erroné en droit et a de nouveau privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-59 du Code rural.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 09-10087
Date de la décision : 09/12/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

BAIL RURAL - Bail à ferme - Reprise - Conditions - Contrôle des structures - Autorisation préalable d'exploiter - Exploitants pluriactifs - Revenus extra-agricoles du foyer fiscal - Date d'appréciation

Les revenus extra-agricoles du foyer fiscal à prendre en considération pour apprécier, en application de l'article L. 331-2 I 3° du code rural, si un bailleur, exploitant pluriactif, qui veut reprendre le bien loué pour lui-même, doit ou non solliciter une autorisation d'exploiter, sont ceux de l'année précédant la date d'échéance du congé


Références :

Sur le numéro 1 : article 883 du code de procédure civile

article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

article L. 331-2 I 3° du code rural
Sur le numéro 2 : article 883 du code de procédure civile

article L. 331-2 I 3° du code rural

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 05 novembre 2008

Sur le n° 1 : Sur les conséquences de la non-comparution personnelle de l'une des parties à l'audience de conciliation du tribunal paritaire de baux ruraux, à rapprocher :3e Civ., 19 septembre 2007, pourvoi n° 06-17267, Bull. 2007, III, n° 145 (cassation) (2)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 09 déc. 2009, pourvoi n°09-10087, Bull. civ. 2009, III, n° 273
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, III, n° 273

Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : M. Gariazzo (premier avocat général)
Rapporteur ?: M. Philippot
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Peignot et Garreau

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:09.10087
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