LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu le principe de la séparation des pouvoirs ensemble les articles 551-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Attendu que pour dire n'y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de M. Mohamadou X..., ressortissant mauritanien en situation irrégulière sur le territoire français, l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, retient que si le juge des libertés et de la détention ne peut apprécier la légalité de la décision administrative d'éloignement prise par le préfet le 8 février 2008, il peut prendre en compte les changements intervenus depuis cette date dans la situation personnelle de l'intéressé pour examiner si son placement en rétention est de nature à porter une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale reconnu par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; que M.
X...
étant marié depuis le 26 avril 2008, avec une ressortissante française, justifiant en outre être enceinte, son placement en rétention administrative aurait constitué une telle atteinte ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les changements invoqués n'étaient pas de nature à rendre légalement impossible l'exécution de la mesure d'éloignement, le premier président a excédé ses pouvoirs et violé le principe et les textes susvisés ;
Vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Et attendu que les délais légaux étant expirés, il ne reste plus rien à juger ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 11 juillet 2008, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Rouen ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Odent, avocat aux conseils pour le préfet du Calvados
Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir refusé, en se fondant sur l'illégalité de l'arrêté de placement en rétention administrative d'un étranger (Monsieur
X...
), de faire droit à la requête d'un préfet (Monsieur le Préfet du Calvados), en prolongation de la mesure de rétention dont l'étranger avait fait l'objet,
AUX MOTIFS QUE le juge des libertés et de la détention et le juge d'appel de cette décision, n'ont pas le pouvoir d'apprécier la validité ou la légalité de la décision juridictionnelle prise par l'autorité administrative, telle que la décision de reconduite à la frontière, rendue le 8 février 2008 ; que Monsieur
X...
n'avait pas exercé de recours contre cette décision ; que, depuis cette décision, il avait invoqué des éléments qu'il prétendait être de nature à présenter sa situation personnelle sous un jour nouveau : mariage avec une ressortissante française et grossesse déclarée de celle-ci ; que, dès lors, le juge des libertés et de la détention pouvait examiner si le placement en rétention administrative de l'étranger était de nature à porter une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée et familiale reconnu par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'en l'espèce, si Monsieur
X...
ne démontrait pas qu'il contribuait à l'entretien de son foyer, puisqu'il reconnaissait qu'il ne travaillait plus depuis plusieurs mois, il apparaissait qu'il avait épousé, le 26 avril 2008, Mademoiselle Penda B..., de nationalité française, préparatrice en pharmacie, qui était venue résider avec lui à Honfleur ; qu'il résultait du certificat du laboratoire d'analyses médicales, en date du 3 juin 2008, que « Mademoiselle Penda B...» était enceinte ; qu'ainsi, le placement en rétention administrative de Monsieur
X...
était de nature à porter une atteinte importante à la vie privée et familiale de l'étranger ; qu'il convenait ainsi de confirmer la décision entreprise,
ALORS QUE, d'une part, le juge judiciaire ne peut se prononcer sur la légalité ni d'un arrêté emportant obligation de quitter le territoire français, ni de l'arrêté de placement en rétention subséquent dont un étranger a fait l'objet ; qu'en l'espèce, le conseiller délégué, qui a refusé de prolonger la rétention administrative de Monsieur
X...
, en invoquant l'atteinte excessive qu'elle causerait à sa vie privée et familiale, a apprécié la légalité de l'arrêté de placement en rétention administrative pris par le préfet du Calvados, empiétant ainsi sur la compétence du juge administratif, en méconnaissance du principe de la séparation des pouvoirs, de la loi des 16 et 24 août 1790 et du décret du 16 fructidor An III,
ALORS QUE, d'autre part, le placement en rétention administrative d'un étranger n'entraîne pas, par lui-même, une atteinte excessive à sa vie privée et familiale ; qu'en l'espèce, le conseiller délégué, qui a décidé le contraire, a violé les articles L 552-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.