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09/12/2009 | FRANCE | N°04-19923

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 09 décembre 2009, 04-19923


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur la recevabilité du moyen, contestée par la défense :
Attendu que la société HDC et M. X..., pris en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société La Belle Epoque, soutiennent que la société civile immobilière Pompei n'aurait plus d'intérêt personnel à agir dès lors que, postérieurement à sa déclaration de pourvoi, elle a vendu à un tiers l'immeuble dans lequel est exploité le fonds de commerce cédé à la société HDC ;
Mais attendu que la société civile immob

ilière Pompei ayant succombé devant la cour d'appel et ayant été condamnée à payer div...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur la recevabilité du moyen, contestée par la défense :
Attendu que la société HDC et M. X..., pris en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société La Belle Epoque, soutiennent que la société civile immobilière Pompei n'aurait plus d'intérêt personnel à agir dès lors que, postérieurement à sa déclaration de pourvoi, elle a vendu à un tiers l'immeuble dans lequel est exploité le fonds de commerce cédé à la société HDC ;
Mais attendu que la société civile immobilière Pompei ayant succombé devant la cour d'appel et ayant été condamnée à payer diverses sommes à la société HDC, conserve un intérêt à se pourvoir en cassation même si, postérieurement à sa déclaration de pourvoi, elle a vendu l'immeuble litigieux ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1134, alinéas 1 et 3, du code civil, ensemble l'article L. 145- I du code du commerce ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 8 septembre 2004), que, par acte du 4 août 1999, la société civile immobilière Pompei (la SCI) a donné à bail pour une durée de neuf ans à la société La Belle Epoque des locaux à usage commercial de restaurant, bar et brasserie ; que le 15 décembre 1999, la société La Belle Epoque a été mise en liquidation judiciaire ; que nonobstant l'opposition de la SCI, M. X..., désigné en qualité de mandataire liquidateur, a été autorisé par le juge commissaire à céder le fonds de commerce de la société La Belle Epoque à la société HDC ; que la SCI a fait assigner M. X..., ès qualités, et la société HDC aux fins de voir déclarer inopposable à son endroit la cession intervenue, que soit prononcée la résiliation du bail et que soit ordonnée l'expulsion de la société La Belle Epoque ainsi que celle de tous occupants de son chef ;
Attendu que pour rejeter les demandes de la SCI, l'arrêt retient que l'article 8 du contrat n'autorisait la cession du bail qu'à l'acquéreur du fonds de commerce, que cette clause ne vaut et ne peut être respectée que s'il existe ou s'il a pu exister un véritable fonds de commerce de restaurant, bar ou brasserie, seules activités admises dans les locaux loués, qu'à la date du bail un tel fonds n'existait pas, le local étant alors la boutique d'un antiquaire, que par la suite la société La Belle Epoque n'a pas été à même de créer le fonds de restaurant, son gérant de fait et son gérant de droit ayant été incarcérés le 14 octobre 1999, soit deux mois après la signature du bail, et que les locaux étant restés fermés jusqu'au prononcé de la liquidation judiciaire l'objet social de cette société s'est avéré impossible à réaliser, mais que cette situation était connue de la SCI dont le gérant était également le gérant de fait de la société La Belle Epoque, lequel n'avait acquis les locaux objet du bail que pour y installer des cuisines destinées à desservir un local commercial voisin dans lequel la locataire exploitait un restaurant qui en était dépourvu, que la SCI, dont la mauvaise foi est ainsi caractérisée, est irrecevable à opposer à la société La Belle Epoque l'absence de fonds de commerce dans les locaux loués et le fait que les locaux ont été aménagés en cuisine et que dès lors que ni la régularité de la cession contrôlée par le juge commissaire, ni la moralité, la solvabilité et la compétence de la société HDC n'étaient en cause, le refus d'agrément de la SCI à la cession est injustifié ;
Qu'en statuant ainsi, alors que si la règle selon laquelle les conventions doivent être exécutées de bonne foi permet au juge de sanctionner l'usage déloyal d'une prérogative contractuelle, elle ne l'autorise pas à porter atteinte à la substance même des droits et obligations légalement convenus entre les parties ni à s'affranchir des dispositions impératives du statut des baux commerciaux, la cour d'appel qui a constaté qu'aucun fonds de commerce n'avait été créé ou exploité dans les locaux, pris à bail par la société La Belle Epoque et qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 septembre 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne la société HDC et M. X..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de la société HDC et de M. X..., ès qualités ; les condamne, ensemble, à payer à la SCI Pompei la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils pour la SCI Pompei.
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit injustifié le refus opposé par la SCI POMPEI (bailleresse) à la cession du bail portant sur les locaux à usage commercial de restaurant, bar et brasserie, situés à PERPIGNAN 3..., faite par la SARL BELLE EPOQUE, prise en la personne de son mandataire liquidateur Maître X..., au profit de la SARL HDC, et d'avoir, en conséquence, autorisé cette cession avec prise d'effet au 14 novembre 2000, débouté la SCI POMPEI de ses demandes de résiliation du bail et de prononcé des conséquences de cette résiliation, et condamné la SCI POMPEI à payer à la société HDC la somme de 3. 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
AUX MOTIFS QU'au soutien de son appel, la SCI POMPEI maintient son argumentation de première instance, ci-avant exposée, à savoir, pour l'essentiel, que l'article 8 du bail du 4 août 1999, intervenu entre elle et la SARL LA BELLE EPOQUE, n'autorise la cession du droit au bail qu'à l'acquéreur du fonds de commerce ; qu'elle s'est justement opposée à cette cession, du fait de l'absence de fonds de commerce et en l'état des violations du bail commises par la SARL LA BELLE EPOQUE et par la société HDC, lesquelles, au lieu d'exploiter dans les locaux du n° 3..., un restaurant, un bar ou une brasserie, seules activités autorisées, se sont bornées à y installer des cuisines destinées à un autre fonds de commerce contigu, appartenant aussi à la SARL LA BELLE EPOQUE ; que cette société et la société HDC ont, à cet effet, et sans autorisation, fait percer un mur mitoyen pour faire communiquer les deux fonds de commerce ; qu'en tout cas, ces changements justifient la résiliation du bail, ces travaux, pas plus que le changement de destination, n'ayant été autorisés par la SCI POMPEI, à laquelle la cession du bail n'a pas été régulièrement notifiée en son temps ; que, toutefois, par des motifs pertinents, que la Cour adopte, le premier juge a retenu à bon droit, en substance, que la clause de style contenue dans l'article 8 du bail du 4 août 1999, n'est pas nulle puisqu'elle ne prohibe que la cession du seul droit au bail, l'autorise lorsqu'elle est consentie à l'acheteur du fonds ; qu'en tout état de cause, la société HDC, qui s'est substituée à Monsieur Z..., bénéficiaire de l'ordonnance du juge commissaire du 11 novembre 2000, a acquis le droit au bail ainsi que le fonds de commerce ; que certes, il est indiqué dans cette ordonnance que le fonds de commerce de restaurant « en construction... et... n'a jamais été exploité ", et qu'en l'absence de clientèle, il ne peut y avoir de fonds de commerce ; que toutefois, les conventions doivent être conclues et exécutées de bonne foi ; qu'en effet, la clause résultant de l'article 8 du contrat du 4 août 1999 ne vaut et ne peut être respectée que s'il existe ou s'il a pu exister un véritable fonds de commerce de restaurant, bar ou brasserie, seules activités admises dans les locaux du n° 3 de la... ; qu'il est constant qu'à la date du 4 août 1999, un tel fonds n'existait pas, le local sis au n° 3 de la..., étant alors la boutique d'un antiquaire, à l'enseigne ALQUIER ANTIQUITES ; que la SARL LA BELLE EPOQUE n'a pas été mise à même d'y créer le fonds de restaurant, son gérant de fait, principal associé et financier, Monsieur Lucio B..., qui est aussi gérant de la SCI POMPEI ayant été incarcéré dès le 14 octobre 1999, ainsi d'ailleurs que son gérant statutaire Louis C..., soit 2 mois seulement après l'achat du bail, la liquidation judiciaire de cette société ayant été prononcée dès le 15 décembre 1999 par le Tribunal de Commerce de PERPIGNAN, ce Tribunal ayant relevé que l'incarcération de Louis C... et de Lucio B..., porteur des faits, avait privé cette société de ses organes de direction, les locaux étant fermés, l'objet social étant impossible à réaliser ; que cet état de fait est confirmé par la lecture du jugement du Tribunal Correctionnel de PERPIGNAN en date du 6 décembre 2001, qui établit que le véritable gérant de la SARL LA BELLE EPOQUE était Lucio B..., puisque le Tribunal a relevé, tout d'abord que Monsieur B... était l'artisan principal de ce projet et l'unique apporteur de fonds, ensuite, qu'il avait réglé la majeure partie des travaux, enfin, qu'il s'était fait attribuer une procuration générale par Louis C..., gérant apparent ; qu'ainsi, aucun fonds n'existant et n'ayant pu exister, et ce, à la connaissance de la SCI POMPEI, dont le gérant est le même Lucio B..., qui n'a acheté les locaux du n° 3 ... que pour y installer des cuisines destinées à desservir l'autre local commercial de la SARL LA BELLE EPOQUE, sis 8..., dépourvu de cuisine, la SCI POMPEI, dont la mauvaise foi est ainsi caractérisée, est irrecevable à opposer à la SARL LA BELLE EPOQUE l'absence de fonds de commerce de restaurant dans les locaux du..., ni le fait que ces locaux n'ont été aménagés qu'en cuisine ; qu'en outre, ni la régularité de la cession, contrôlée par le juge commissaire, ni la moralité, la solvabilité et la compétence de la société HDC ne sont en cause ; que le refus de la S. C. I. POMPEI n'est donc pas, de ce point de vue, justifié ;
ALORS QU'en autorisant la cession du bail litigieux, tout en constatant qu'une telle cession n'était contractuellement autorisée qu'à l'acquéreur du fonds de commerce et qu'un tel fonds n'existait pas en l'espèce, au motif inopérant que la SCI POMPEI savait qu'aucun fonds n'existait et n'avait pu exister, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et a violé l'article 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 04-19923
Date de la décision : 09/12/2009
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Exécution - Bonne foi - Défaut - Sanction - Office du juge - Limites

BAIL COMMERCIAL - Domaine d'application - Bail d'un local dans lequel un fonds de commerce est exploité - Obligation d'exploiter - Inexécution - Portée

La règle selon laquelle les conventions doivent être exécutées de bonne foi permet au juge de sanctionner l'usage déloyal d'une prérogative contractuelle mais ne l'autorise pas à porter atteinte à la substance même des droits et obligations légalement convenus entre les parties ni à s'affranchir des dispositions impératives du statut des baux commerciaux. Viole ainsi les articles 1134 du code civil et L. 145-1 du code de commerce une cour d'appel qui déclare opposable à un bailleur la cession du droit au bail intervenue sans son concours, au motif que la clause du bail n'autorisant la cession qu'à l'acquéreur du fonds de commerce avait été stipulée et invoquée de mauvaise foi, alors qu'elle avait constaté qu'aucun fonds de commerce n'avait jamais été créé ou exploité dans les locaux loués


Références :

article 1134, alinéas 1 et 3, du code civil

article L. 145-1 du code de commerce

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 08 septembre 2004

A rapprocher :Com., 10 juillet 2009, pourvoi n° 06-14768, Bull. 2007, IV, n° 188 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 09 déc. 2009, pourvoi n°04-19923, Bull. civ. 2009, III, n° 275
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, III, n° 275

Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : M. Gariazzo (premier avocat général)
Rapporteur ?: M. Assié
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:04.19923
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