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02/12/2009 | FRANCE | N°09-80568

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 02 décembre 2009, 09-80568


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Alain,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 9 décembre 2008, qui, pour fraude fiscale et omission d'écritures en comptabilité, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis, 25 000 euros d'amende, a ordonné la publication et l'affichage de la décision, et a prononcé sur les demandes de l'administration des impôts, partie civile ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier

moyen de cassation, pris de la violation des articles 485, 512 et 592 du code de proc...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Alain,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 9 décembre 2008, qui, pour fraude fiscale et omission d'écritures en comptabilité, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis, 25 000 euros d'amende, a ordonné la publication et l'affichage de la décision, et a prononcé sur les demandes de l'administration des impôts, partie civile ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 485, 512 et 592 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt se borne à mentionner qu'il a été procédé à la lecture de l'arrêt par l'un des magistrats ayant participé à l'audience et au délibéré sans préciser l'identité du magistrat en question ni la composition de la cour lors du prononcé de l'arrêt ;
"alors que les mentions de l'arrêt doivent mettre la Cour de cassation en mesure de s'assurer du bien-fondé de la mention aux termes de laquelle il aurait été prononcé par un magistrat présent aux débats et au délibéré ; qu'en se bornant à mentionner que l'arrêt a été lu par un magistrat présent aux débats et au délibéré sans préciser l'identité de ce magistrat ni la composition de la cour lors du prononcé de l'arrêt, l'arrêt ne permet pas à la Cour de cassation d'exercer ce contrôle et est nul au regard des dispositions précitées" ;
Attendu que les mentions de l'arrêt mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que les mêmes magistrats ont participé aux débats et au délibéré et que l'arrêt a été lu par l'un d'eux, en application de l'article 485 du code de procédure pénale ;
Que, dès lors, le moyen manque en fait ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, 66 de la Constitution, 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 13, L. 16 B, L. 26, L. 27, L. 32, L. 47 et L. 52 du livre des procédures fiscales, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la procédure de vérification fiscale et a condamné Alain X... du chef de fraude fiscale ;
"aux motifs que les opérations de contrôle dans les locaux commerciaux ne peuvent être assimilées à une visite domiciliaire ; qu'il s'agit de manière évidente de locaux professionnels ; qu'aucune disposition légale n'interdit les vérifications faites de nuit dans une activité nocturne ;
"et aux motifs adoptés qu'il résulte de l'application des articles L. 13, L. 47 et L. 52 du livre des procédures fiscales que la vérification doit se dérouler dans les locaux de l'entreprise vérifiée ou à son siège et ce, quels que soient les horaires d'ouverture de l'entreprise ; que la jurisprudence sanctionne l'administration lorsqu'elle n'établit pas, alors que les opérations de contrôle se déroulent dans ses bureaux, en accord avec l'entreprise, que le vérificateur s'est trouvé dans l'impossibilité de respecter l'obligation d'effectuer le contrôle dans les locaux de l'entreprise, même dans l'hypothèse où l'entreprise exploite un établissement ouvert la nuit ; que les agents peuvent donc réaliser une opération la nuit si l'heure de leur intervention conditionne la pertinence de leurs opérations de contrôle et est cohérente avec l'activité de l'entreprise ; qu'en l'espèce, il apparaît que le contrôle inopiné effectué durant les heures d'ouverture au public répond parfaitement aux exigences de la situation d'une discothèque ;
"1) alors qu'il résulte du principe de l'inviolabilité du domicile et du droit au respect de la vie privée que les agents de l'administration fiscale ne peuvent effectuer de nuit un contrôle au domicile d'une personne physique ou morale sans que la loi ou le règlement ne le prévoie expressément ; qu'en retenant qu'aucune disposition n'interdit à l'administration d'effectuer un contrôle inopiné de nuit dans les locaux d'une personne morale, là où une disposition autorisant une telle opération est nécessaire, la cour d'appel a violé les articles précités ;
"2) alors, en tout état de cause, qu'un contrôle inopiné ne peut avoir lieu de nuit qu'en cas de stricte nécessité ; que le prévenu faisait valoir que la gestion comptable de la société n'avait pas lieu la nuit, lorsque l'établissement est ouvert au public, mais dans la journée et que la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables, objet du contrôle inopiné, pouvait avoir lieu en journée ; qu'en se bornant à retenir que le contrôle inopiné effectué de nuit durant les heures d'ouverture au public de la discothèque répond parfaitement aux exigences de la situation de cet établissement sans caractériser, ainsi qu'elle y était invitée, la nécessité de procéder à ce contrôle de nuit, la cour d'appel a violé les articles précités" ;
Attendu que, pour écarter l'exception de nullité de la procédure, prise de ce que le contrôle inopiné de la discothèque exploitée par la société dont le prévenu était gérant, a eu lieu de nuit, l'arrêt, par motifs propres et adoptés, relève qu'il résulte de l'application des articles L.13, L. 47 et L. 52 du livre des procédures fiscales que la vérification de comptabilité doit se dérouler dans les locaux de l'entreprise vérifiée ou à son siège et qu'aucune disposition légale n'interdit les vérifications faites de nuit dans une activité nocturne, aux heures d'ouverture au public, comme en l'espèce ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision, sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, violation des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la procédure de vérification fiscale et a condamné Alain X... du chef de fraude fiscale ;
"aux motifs que les opérations de constatation ont eu lieu effectivement postérieurement à la remise de l'avis de vérification ;
"et aux motifs adoptés qu'il est établi que les agents de l'administration n'ont pas pénétré à l'intérieur des locaux d'exploitation de la discothèque et sont demeurés à l'entrée de l'établissement ; que, s'il n'est pas contesté que les agents de l'administration sont demeurés à l'entrée de l'établissement pendant le temps d'attente d'obtention du mandat, le fait qu'ils aient pu apercevoir le vestiaire et la billetterie ne peut être considéré comme le début de l'exercice d'un début de contrôle inopiné puisque les agents n'ont alors disposé que d'informations subjectives et n'ont pu procéder à des constatations matérielles ;
"alors que constitue une constatation matérielle des éléments de l'exploitation, objet du contrôle inopiné, l'observation, par les agents de l'administration fiscale, du fonctionnement du vestiaire et de la billetterie d'une discothèque ; qu'Alain X... faisait valoir que l'avis de vérification avait été remis une heure après que les agents de l'administration fiscale, qui attendaient à l'entrée de l'établissement, avaient pu observer le fonctionnement de la caisse des entrées et le vestiaire ; qu'en retenant que ces observations ne constituaient pas des constatations matérielles mais uniquement le moyen d'obtenir des «informations subjectives», la cour d'appel a violé les textes précités" ;
Attendu que, pour écarter l'exception de nullité de la procédure, prise de ce que les opérations de constatation auraient eu lieu antérieurement à la remise de l'avis de vérification, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il se déduit que les agents de l'administration des impôts n'ont pas procédé à des opérations de constatations matérielles, au sens de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, avant remise de l'avis de vérification de comptabilité, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Que le moyen ne peut donc être admis ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 1741 du code général des impôts, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Alain X... du chef de fraude fiscale par dissimulation de sommes sujettes à l'impôt, en l'espèce par souscription de déclarations minorées de TVA et de résultats passibles de l'impôt sur les sociétés pour le compte des société Lamia Seheiah et la société Acteor création et a dit que l'intéressé serait, avec Françoise X..., solidairement tenu avec les redevables légaux, la société Lamia Seheiah et la société Acteor Création, au paiement de l'impôt prétendument fraudé ainsi qu'à celui des majorations et pénalités y afférentes ;
"aux motifs qu'il est rappelé que l'infraction est constituée dès lors que la fraude excède le dixième de la matière imposable ou la somme de 153 euros, le juge pénal n'ayant pas à déterminer le montant des droits éludés ; qu'Alain X... reconnaît avoir assuré effectivement la gestion des deux entités juridiques visées à la procédure ; qu'il connaissait les obligations légales pour avoir précédemment fait l'objet d'un redressement fiscal ; que la matérialité des infractions, leur caractère systématique et organisé, l'importance des fraudes constatées caractérisent l'intention délictueuse ;
"et aux motifs adoptés que c'est la multiplicité des infractions comptables de même que l'importance des minorations relevées tant en matière de TVA que d'impôt sur les sociétés qui conduisent à admettre une volonté délibérée de fraude ;
"1) alors qu'en s'abstenant de constater en quoi les déclarations fiscales visées par la prévention et dont la souscription était imputée à Alain X... étaient minorées et constituaient une dissimulation de sommes sujettes à l'impôt, la cour d'appel, qui n'a justifié par aucun motif la décision par laquelle elle a constaté la culpabilité du prévenu, a violé l'article 593 précité ;
"2) alors en tout état de cause, que le juge répressif ne peut puiser les éléments de sa conviction dans les constatations de fait relevées par l'administration et contradictoirement débattues devant lui sans en reconnaître l'exactitude par une appréciation autonome et exempte d'insuffisance ; qu'en se bornant à se référer aux minorations relevées par l'administration fiscale, sans avoir préalablement reconnu, par une appréciation autonome, l'exactitude desdites minorations, la cour d'appel a violé le principe de l'indépendance des procédures pénale et administrative" ;
Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article 1743 du code général des impôts, des articles préliminaire, 388 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, excès de pouvoirs ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Alain X... du chef d'omission d'écritures comptables et a dit que l'intéressé serait, avec Françoise X..., solidairement tenu avec les redevables légaux, la société Lamia Seheiah et la société Acteor création, au paiement de l'impôt prétendument fraudé ainsi qu'à celui des majorations et pénalités y afférentes ;
"aux motifs que la matérialité des infractions, leur caractère systématique et organisé, l'importance des fraudes constatées caractérisent l'intention délictueuse ;
"et aux motifs adoptés qu'Alain X... conteste le délit d'omission de passation d'écritures comptables au motif qu'il n'a pas effectué les achats de marchandises correspondant à des factures Leclerc qui sont apparues comme non comptabilisées ; qu'il fait valoir que l'administration fiscale ne rapporte pas la preuve qu'il a passé commande auprès des établissements Leclerc pour le compte des sociétés Lamia Seheiah et Acteor création ; que, d'une part, Alain X... ne justifie pas du caractère fictif des factures litigieuses ni ne démontre d'une quelconque façon qu'il a été victime d'une usurpation d'identité, d'autre part, l'infraction reprochée d'omission de comptabilisation doit être appréciée dans un contexte global de fraude puisqu'il a été relevé d'autres infractions comptables pour les deux sociétés, en particulier une absence de comptabilité du chiffre d'affaires « tabac », une comptabilisation du stock relatif à l'exercice clos le 31 décembre 2001 mentionnant une valeur différente de celle inscrite sur le relevé de stock établi par l'entreprise Lamia Seheiah et une comptabilisation globale des recettes journalières qui ne permet pas de vérifier le détail des recettes (absence de brouillard de caisse et absence de bande des caisses enregistreuses) ;
"1) alors que la prévention visant la non-comptabilisation de certaines factures d'achat et du chiffre d'affaires « tabac », en retenant à la charge du prévenu la comptabilisation d'un stock mentionnant une valeur inexacte et une comptabilisation globale des recettes journalières qui ne permet pas de vérifier le détail des recettes, la cour d'appel a dépassé les termes de sa saisine, a violé l'article 388 du code de procédure pénale et a excédé ses pouvoirs ;
"2) alors que le juge répressif ne peut puiser les éléments de sa conviction dans les constatations de fait relevées par l'administration et contradictoirement débattues devant lui sans en reconnaître l'exactitude par une appréciation autonome et exempte d'insuffisance ; qu'en se bornant à rappeler que l'administration avait relevé une absence de comptabilité du chiffre d'affaires « tabac » sans se prononcer sur la réalité de ce chiffre d'affaires, la cour d'appel a violé le principe de l'indépendance des procédures pénale et administrative ;
"3) alors que le délit d'omission d'écritures comptables suppose qu'une opération ait nécessité l'inscription de telles écritures ; qu'en se bornant à constater la présence de factures d'achats établies au nom du redevable, sans constater qu'à ces factures correspondait une opération d'achat ou un paiement nécessitant une écriture, la cour d'appel n'a pas légalement motivé sa décision ;
"4) alors qu'en exigeant que le prévenu démontre que les factures d'achats non inscrites en comptabilité présentées par l'administration fiscale seraient fictives ou résulteraient d'une usurpation d'identité, là où il appartenait à l'accusation de démontrer que ces factures correspondaient à des achats effectivement réalisés, la cour d'appel a violé le principe de la présomption d'innocence et les articles préliminaire du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance et sans excéder les limites de sa saisine, caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits de fraude fiscale et d'omission d'écritures en comptabilité dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Dulin conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Labrousse conseiller rapporteur, M. Rognon conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 09-80568
Date de la décision : 02/12/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Impôts directs et taxes assimilées - Procédure - Vérifications - Vérification de comptabilité - Entreprise exerçant une activité nocturne - Vérification de nuit aux heures d'ouverture au public - Possibilité

Aucune disposition légale ou conventionnelle n'interdit aux agents de l'administration fiscale de procéder, de nuit, aux heures d'ouverture au public, à une vérification de comptabilité, dans les locaux ou au siège d'une entreprise exerçant une activité nocturne


Références :

articles L. 13, L. 47 et L. 52 du livre des procédures fiscales

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 09 décembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 02 déc. 2009, pourvoi n°09-80568, Bull. crim. criminel 2009, n° 202
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2009, n° 202

Composition du Tribunal
Président : M. Dulin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat général : M. Mathon
Rapporteur ?: Mme Labrousse
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:09.80568
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