LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Jacques,
contre l'arrêt de la cour d'appel de RIOM, chambre correctionnelle, en date du 30 avril 2009, qui, pour injures publiques envers un particulier, l'a condamné à 3 000 euros d'amende avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 29, 32, 50 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la cour d'appel a déclaré Jacques X... coupable d'injure publique envers un particulier ;
" aux motifs que par lettre du 26 février 2007 enregistrée au greffe du cabinet d'instruction le 27 février 2009, Dieudonné Y...
Y... s'est constitué partie civile contre tout auteur ou complice des faits d'injures commis le mercredi 29 novembre 2006 à l'occasion d'une émission radiophonique diffusée sur la station Europe 1 intitulée " regarde les hommes changer " et présenté par Frédéric Z... au cours de laquelle Jacques X... dit Arthur s'exprimait en ces termes : " même les mecs du Front National, j'ai lu une interview de Marine A..., même les mecs du Front National ont honte que Dieudonné soit venu les voir, c'est à dire que même le Front National n'en veut pas, c'est bien que, c'est bien la preuve que c'est la dernière des pourritures quoi " ; qu'en particulier pour le plaignant le terme utilisé " la dernière des pourritures " constitue l'expression outrageante qui caractérise l'injure prévue à l'article 29 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 ; que lors de sa mise en examen le 31 mai 2007 Jacques X... n'a pas contesté qu'il était bien l'auteur des propos diffusés sur les ondes le 29 novembre 2006, expliquant qu'il avait un " ras le bol terrible " de la situation dans laquelle Dieudonné, qui cherche à médiatiser l'histoire et n'a de cesse de le provoquer ; que Jacques X... a était renvoyé devant le tribunal correctionnel d'Aurillac pour y être jugé sous la prévention d'injure publique envers un particulier par parole, écrit, image ou moyen audiovisuel ; qu'au terme des dispositions de l'article 29, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881 sur le fondement desquelles Jacques X... est poursuivi, toute expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait est une injure ; que le prévenu ne conteste pas que l'expression " la dernière des pourritures " qui lui est reproché s'adressait à Dieudonné Y...
Y... et a été prononcée sur les ondes radiophoniques de la station Europe 1 le 29 novembre 2006 dans le cadre d'une émission intitulée " regarde les hommes changer " animée par Frédéric Z... ; que pour solliciter sa relaxe Jacques X... fait valoir : 1- que l'expression qui lui est reprochée est indivisible de l'imputation d'un fait et ne peut relever de la qualification prévue à l'article 29 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 ; 2- qu'il doit bénéficier de l'excuse de provocation ; 3- qu'en toutes hypothèses il est de bonne foi ; 1- sur la qualification d'injure ou de diffamation de l'expression incriminée : que le prévenu soutient que l'expression " c'est la dernière des pourritures " doit être replacée dans son contexte qui est celui d'une conclusion tirée de faits précis relatifs aux déclarations de la partie civile et de son rejet par le Front National ; qu'il souligne que les déclarations poursuivies sont indivisibles et renferment des allégations de faits susceptible d'un débat probatoire et à ce titre constituent une diffamation indivisible de l'injure qui est absorbée par celle-ci ; mais attendu que s'il est exact que l'expression " dernière des pourritures " a été prononcée en conclusion d'un raisonnement au terme duquel " même le Front National n'en veut pas " et d'une manière plus général en raison des prises de positions de la partie civile à l'égard des juifs, dont il considère les sketchs antisémites et ses prises de position qui l'ont rendu infréquentable pour le Front National, force est de reconnaître qu'à aucun moment Dieudonné Y...
Y... n'a estimé que les allégations d'antisémitisme proférées par insinuation ou sous entendu sont constitutives à son égard de faits diffamatoires ; en conséquence que l'expression poursuivie sera considérée comme injurieuse et non diffamatoire ; 2- sur l'excuse de provocation : que le prévenu estime que la cour doit s'interroger sur l'existence d'une provocation antérieure commise par la victime des propos incriminés et sur le lien qui existe entre celle-ci et l'injure proférée ; qu'à cet égard il fait valoir :- qu'il est pris à partie et ridiculisé publiquement à chacun des spectacles de Dieudonné Y...
Y...,- en était ainsi dans son spectacle intitulé " Dépôt de bilan " donné au théâtre parisien de la Main d'Or tous les soirs du 8 mars au 24 novembre 2006 au cours duquel il brocarde Arthur qu'il qualifie de milliardaire de la télé ajoutant " Arthur X..., je connais son nom alors je le dorme " ;- ou dans un spectacle intitulé " mes excuses " donné du 21 avril au 12 juin 2004 suivi d'une représentation au Zénith le 29 décembre 2004 où il le prenait à partie en disant " Arthur m'a appelé, Arthur ? c'est bizarre ça. Le gars qui fait n'importe quoi et qui s'en prend plein les poches... toi il te restera toujours des c.... en or au moins réfléchi''- ce qui a conduit le journaliste Martin B... à écrire le 16 janvier 2005 pour la dernière de son spectacle devant 5 mille spectateurs survoltés l'humoriste a fait d'Israël dont des juifs sa principale cible,- ou Bernard Henri C... à écrire dans son bloc notes du Point du 03 février 2005 " Dieudonné, fils de A... ",- que dans le magazine The Source, Dieudonné Y...
Y... a indiqué en janvier 2005 "... il faut savoir qu'Arthur (animateur sur TF1 et producteur de télévision) avec sa société de production finance de manière très active l'armée israélienne, cette armée qui n'hésite pas à tuer des enfants palestiniens.... ",- qu'il a pour ces propos été décisivement condamné par le tribunal correctionnel de Paris le 13 juin 2006 pour diffamation raciale à une amende de 3 000 euros ainsi qu'au versement de dommages-intérêts à Jacques X... après qu'il se soit désisté de son appel ;- qu'il a encore déclaré au magazine " La Libre Belgique " le 12 février 2004 " au niveau médiatique, je sais que je ne suis pas invité dans les émissions d'Arthur parce qu'il soutient l'armée israélienne de Tsahal " ;- qu'il est encore régulièrement mis en cause sur les sites internet les orgres. org et les ogres info sites de l'association Les Ogres dont Dieudonné fait partie qui écrit dans un article du 06 novembre 2006 " l'humoriste Arthur Jacques X... milliardaire international sur scène et secrètement fan de la soldatesque Israélienne ; Arthur 100 % Israël sauf son armée qui tue les enfants " ;- et dans un article publié le 29 juin 2006 " Arthur et sa pieuvre Endemol mis en échec par les internautes sur le projet de cirque néocolonial méprisant Caméléons "- et encore dans un article du 3 mai 2006 " l'histoire secrète d'Arthur ou Jacques X... la honte " lui reprochant d'avoir engagé une procédure à son encontre en écrivant " règlement de comte d'un Arthur revanchard après que Dieudonné ait dévoilé les coulisses de son émission et le favoritisme hépatique qui y régnerait et se terminant par " l'animateur le plus con de la bande FM tel qu'il se définit, va t-il ainsi étendre son domaine de lutte et acquérir un nouveau titre de plus con milliardaire pro-israélien ? "- et enfin le 05 février 2007 publié un article intitulé « Arthur et D... auraient-ils magouillé pour faire gagner des millions à une association prônant et finançant le départ et l'installation en Israël de familles juives sur le charity-bizness de l'autisme ? » ; que le prévenu estime que la provocation était contemporaine des faits poursuivis et qu'il peut être considéré comme se trouvant encore sous le coup de l'émotion lorsqu'il a fait la déclaration incriminée ; mais attendu qu'une injure telle que " dernière des pourritures " n'est excusable que si elle constitue une riposte immédiate et irréfléchie aux propos de la partie civile que tel n'est pas le cas en l'espèce dans la mesure où les propos injurieux ont été proférés lors d'une émission radiophonique détendue sur question d'une journaliste animée d'aucune intention malveillante ; qu'il y a donc lieu d'écarter l'excuse de provocation invoquée par le prévenu ; 3- sur la notion de bonne foi : qu'en matière d'injure et contrairement au droit commun les imputations injurieuses sont réputées faite avec intention de nuire, qu'il appartient donc au prévenu de rapporter la preuve de sa bonne foi ; qu'un tel principe ne porte pas atteinte aux dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme relatives au procès équitable dès lors que le prévenu n'est pas privé de tout moyen de défense mais peut établir que les propos poursuivis on été tenus de bonne foi ; que le prévenu estime que l'expression reprochée n'excède pas les limites de la liberté d'opinion concernant une personne dont les déclarations publiques à connotation antisémite et les provocations sur ce thème sont récurrentes, alors qu'il importe que des personnalités publiques puissent comme Jacques X... donner sincèrement au public leur sentiment, même en termes vifs sur les individus qui participent à la résurgence de l'antisémitisme en banalisant publiquement les comportements discriminatoires et en glorifiant les thèses révisionnistes ; que si en dénonçant des propos ou un comportement antisémite le prévenu, animé du souci d'informer le public des risques que leur auteur fait courir pour les libertés démocratiques d'un peuple et d'une nation victime au travers de l'histoire ancienne et plus récente de persécutions et de génocide, a agit de bonne foi, ce bénéfice ne peut lui être reconnu lorsqu'il profère une injure tel le qualificatif de " dernière des pourritures " à l'adresse de Dieudonné Y...
Y..., laquelle dépasse les outrances de langage admissibles de la part d'un animateur radiophonique rompu aux techniques de communications ;
" alors que, d'une part, lorsqu'une expression outrageante ou appréciation injurieuse est indivisible d'une imputation diffamatoire à laquelle elle est directement liée, elle est absorbée par le délit de diffamation et la relaxe s'impose lorsque la poursuite n'est fondée que du chef de l'injure ; qu'en constatant que l'expression poursuivie selon laquelle « même les mecs du Front national ont honte que Dieudonné soit venu les voir, c'est à dire que même le Front national n'en veut pas, c'est bien que, c'est la preuve que c'est la dernière des pourritures quoi » a été prononcée en conclusion d'un raisonnement alléguant l'antisémitisme de Dieudonné Y...
Y..., fait portant atteinte à l'honneur ou à la considération de l'intéressé, tout en la jugeant constitutive d'une injure, aux motifs inopérants que la partie civile n'a pas estimé que les paroles litigieuses sont constitutives à son égard de faits diffamatoires, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;
" alors que, d'autre part, l'expression « dernière des pourritures », prononcée au terme d'un raisonnement alléguant l'antisémitisme de Dieudonné Y...
Y..., est absorbée par l'allégation portant atteinte à l'honneur ou à la considération avec laquelle elle forme un tout indivisible ; qu'en jugeant l'expression poursuivie injurieuse et non diffamatoire, la cour d'appel a méconnu le principe selon lequel l'injure, lorsqu'elle est directement liée à la diffamation, est absorbée par ce délit ;
" alors, qu'enfin, l'injure est excusable lorsque le prévenu peut raisonnablement être considéré comme se trouvant encore sous le coup de l'émotion que la provocation lui a causée ; qu'il résulte des pièces de la procédure que Dieudonné Y...
Y..., depuis 2004 et à l'occasion de son spectacle « dépôt de bilan » dont les représentations se sont achevées le 24 novembre 2006, soit 5 jours avant l'injure reprochée, brocardait publiquement Jacques X... ; qu'en rejetant l'excuse de provocation au motif erroné que l'injure a été proférée lors d'une émission radiophonique détendue à la question d'un journaliste qui n'était animé d'aucune intention malveillante, circonstance inopérante à exclure que le demandeur était encore sous le coup de l'émotion, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du principe susvisé " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Dieudonné Y...
Y... a porté plainte et s'est constitué partie civile, du chef d'injures publiques envers particulier, en raison de la diffusion, lors d'une émission radiophonique, du propos suivant tenu par Jacques X..., dit " Arthur " : " Même les mecs du Front national, j'ai lu une interview de Marine A..., même les mecs du Front national ont honte que Dieudonné soit venu les voir, c'est à dire que même le Front national n'en veut pas, c'est bien que, c'est bien la preuve que c'est la dernière des pourritures, quoi " ; que les juges du premier degré ont condamné Jacques X... à une peine d'amende, et prononcé sur les intérêts civils ; que le prévenu et la partie civile ont relevé appel de cette décision ;
Attendu que pour dire établi le délit d'injures publiques, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, desquelles il résulte que les injures incriminées n'étaient pas absorbées par des propos contenant l'imputation de faits précis portant atteinte à l'honneur et à la considération de la partie civile, et qu'elles ne constituaient pas une riposte immédiate et irréfléchie à une provocation, la cour d'appel, abstraction faite du motif erroné, mais non déterminant, justement critiqué au moyen, relatif à l'appréciation subjective par la partie civile des propos litigieux, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Pelletier président, M. Monfort conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Anzani, Palisse, Guirimand, MM. Beauvais, Guérin, Straehli, Finidori conseillers de la chambre, Mme Degorce conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Mouton ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;