La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/11/2009 | FRANCE | N°08-13642;08-13673

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 18 novembre 2009, 08-13642 et suivant


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Joints les pourvois n° U 08 13.642 et n° C 08 13.673 ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° C 08 13.673 :

Vu l'article 2244 du code civil, ensemble les articles 1792 et 2270 du code civil, applicables en la cause ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 22 janvier 2008), qu'entre 1991 et 1993, la société Habitations à loyers modérés Habitation Economique (la société HLM), maître de l'ouvrage et maître d'oeuvre d'exécution, assurée selon police dommages ouvrage par la société Axa

Assurances Iard, a, après avoir confié à M. X..., architecte, assuré par la Mutuelle ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Joints les pourvois n° U 08 13.642 et n° C 08 13.673 ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° C 08 13.673 :

Vu l'article 2244 du code civil, ensemble les articles 1792 et 2270 du code civil, applicables en la cause ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 22 janvier 2008), qu'entre 1991 et 1993, la société Habitations à loyers modérés Habitation Economique (la société HLM), maître de l'ouvrage et maître d'oeuvre d'exécution, assurée selon police dommages ouvrage par la société Axa Assurances Iard, a, après avoir confié à M. X..., architecte, assuré par la Mutuelle des Architectes Français (la MAF), une mission qui a pris fin à la phase "Assistance Marché de Travaux", chargé la société Société Auxiliaire d'Entreprise de l'Atlantique (société SOCAE) de la construction, en deux tranches, de maisons individuelles ; que la réception est intervenue sans réserve, pour la première tranche (quinze maisons) le 15 mai 1992, et pour la seconde tranche (seize maisons), le 30 avril 1993 ; que des moisissures, qui avaient été constatées, dès le premier hiver d'occupation 1992-1993, en plafond de certaines maisons, s'étant développées l'hiver suivant, la société HLM a assigné en référé expertise la société Axa, qui a appelé en déclaration d'ordonnance commune les constructeurs et les assureurs; que l'expert, désigné par ordonnance du 10 septembre 1997, a déposé son rapport le 15 janvier 2001 ; que la société HLM a, par acte des 25 et 26 février et 5 mars 2003, assigné en réparation la société SOCAE, devenue la société Eiffage Construction Atlantique (société Eiffage), M. X... et la MAF ;
Attendu que pour écarter la fin de non recevoir opposée par la société Eiffage tirée de la prescription de l'action de la société HLM s'agissant de la première tranche de travaux, l'arrêt retient que si, en principe, la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, quoique ayant des causes distinctes, tendent à un seul et même but, de telle sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première, que tel est le cas de l'action de la société HLM, maître de l'ouvrage, et de celle de la société Axa, assureur dommages ouvrage, qui, bien que procédant de contrats distincts, tendaient à la mise en oeuvre d'une même expertise judiciaire relative aux mêmes travaux, en vue de la détermination des dommages subis et des responsabilités encourues, que l'assignation délivrée par l'assureur dommages ouvrage à la société SOCAE a donc interrompu la prescription décennale au profit de la société HLM jusqu'au prononcé de l'ordonnance du 10 septembre 1997 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'action de la société HLM et celle de l'assureur dommages ouvrage n'avaient pas le même objet que pour être interruptive de prescription, la citation en justice doit être adressée à celui que l'on veut empêcher de prescrire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi n° C 08 13.673, ni sur le moyen unique du pourvoi n° U 08 13.642, qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission de ces pourvois ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la société Eiffage de sa demande de fin de non recevoir et déclare la société HLM recevable en son action contre cette société concernant la première tranche de travaux, et en ce qu'il fixe à 152 556,92 euros, correspondant à la première et à la seconde tranche de travaux, le montant en principal de la condamnation prononcée à l'encontre de la société Eiffage, in solidum avec M. X... et la MAF, l'arrêt rendu le 22 janvier 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;
Condamne, ensemble, M. X... et la MAF, aux dépens du pourvoi n° U 08 13.642 ;
Condamne, ensemble, la société HLM Habitation économique, M. X... et la MAF aux dépens du pourvoi n° C 08 13.673 ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne, ensemble, M. X... et la MAF à payer la somme de 2 500 euros à la société HLM Habitation économique ; condamne la société HLM Habitation économique à payer la somme de 2 500 euros à la société Eiffage construction Atlantique ; rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit novembre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils pour M. X... et la société Mutuelle des architectes français (demandeurs au pourvoi n° U 08 13.642).
Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné in solidum M. Edouard X..., la MAF et la SNC EIFFAGE CONSTRUCTION ATLANTIQUE à payer à la société HLM HABITATION ECONOMIQUE, maître d'ouvrage et maître d'oeuvre d'exécution, une somme de 152.565,92 , outre intérêts,
Aux motifs qu'Edouard X... et la MAF concluent à la confirmation du jugement qui a rejeté les demandes formées à leur encontre, au motif que les désordres étaient apparents lors des réceptions et que l'architecte n'a commis aucune faute ; que toutefois, il a déjà été indiqué que les désordres, de même que leur cause, n'étaient pas apparents lors des réceptions (arrêt p. 8),
Que pour conclure à la confirmation du jugement, qui a débouté la S.A. HLM HABITATION ECONOMIQUE de ses demandes à son encontre, la S.N.C. EIFFAGE CONSTRUCTION ATLANTIQUE soutient d'abord que, comme l'a estimé le tribunal, le vice affectant les immeubles était apparent lors de la réception des deux tranches de travaux, ce qui exclut la garantie décennale de l'entrepreneur ; que toutefois, il résulte des énonciations contenues dans le rapport de l'expert judiciaire, qui ne font l'objet d'aucune contestation, que les désordres, à savoir des moisissures, ne sont apparus progressivement qu'après les réceptions et de manière inégale selon les logements (page 6) ; que cependant, il est vrai qu'à la page 51 de son rapport, le technicien a indiqué que «les condensations, retenues comme cause des désordres, étaient apparentes à la date des réceptions» ; que le fondement de cette affirmation, qui n'est pas autrement explicitée, doit être recherché dans une lettre du 24 février 1992 adressée à la S.A. HLM HABITATION ECONOMIQUE par la S.A. SOCOTEC, qui avait été chargée d'une mission de contrôle technique (annexe 12 au rapport d'expertise) ; que dans ce courrier, le contrôleur technique indique au maître de l'ouvrage que "lors de nos dernières visites sur le chantier (...), nous avons constaté la présence de condensations extrêmement importantes en sous face des bacs de couverture des pavillons. Nous craignons qu'à terme, ces condensations aient un effet nuisible aussi bien sur le flocage des bacs que sur les poutres en bois support de couverture et surtout sur les plafonds et la laine de verre posée sur ces derniers" ; que par ailleurs, il relève une insuffisance des sections retenues pour la ventilation de la sous-face des couvertures, émet des doutes sur l'efficacité de la barrière de vapeur en sous-face de l'isolant, et attire l'attention de son cocontractant "sur les risques présentés par cette partie de l'ouvrage" ; qu'à la suite de la réception de cette lettre, la S.A. HLM HABITATION ECONOMIQUE a conclu avec la S.A. SOCIETE AUXILIAIRE D'ENTREPRISES DE L'ATLANTIQUE un avenant du 30 avril 1992 (annexe 23 du rapport de l'expert), prévoyant notamment le "remplacement de la ventilation statique par un groupe de ventilation mécanique pour les salles d'eau, w.c, avec groupe installé dans le faux-plafond de l'étage des pavillons'", ainsi qu'un « habillage des gaines de VMC », le tout, ainsi qu'elle l'indique dans ses conclusions sans être contredite par la S.N.C. EIFFAGE CONSTRUCTION ATLANTIQUE, pour remédier aux insuffisances de la ventilation relevées par le contrôleur technique et empêcher la formation de condensations en sous-face des bacs de couverture ; que les travaux objet de l'avenant ayant été exécutés, puisqu'il est constant que les pavillons visités par l'expert judiciaire étaient équipés de ventilation mécanique contrôlée (VMC), il n'est pas démontré qu'à la date des deux réceptions, la cause des désordres ait été apparente pour le maître de l'ouvrage, même s'il avait la qualité de maître d'oeuvre d'exécution, alors que postérieurement à la mise en garde du contrôleur technique, il avait fait réaliser des travaux de nature à porter remède aux risques signalés ; que dans la mesure où les désordres euxmêmes n'étaient pas encore apparus, ainsi qu'il a été dit, le moyen tiré de l'existence d'un vice apparent n'est pas fondé ;
Que la S.N.C. EIFFAGE CONSTRUCTION ATLANTIQUE soutient ensuite qu'elle s'exonère en toute hypothèse de la présomption de responsabilité pesant sur elle, en raison du fait du maître de l'ouvrage, qui était également maître d'oeuvre d'exécution ; que la S.N.C. EIFFAGE CONSTRUCTION ATLANTIQUE fait valoir que la S.A. HLM HABITATION ECONOMIQUE a commis une faute de négligence en ne lui indiquant pas que les maisons à construire étaient "destinées à recevoir des locataires pouvant vivre dans des conditions spéciales" ; que toutefois, d'abord, il incombait à l'entreprise de construction de se renseigner ellemême sur les contraintes spécifiques que les logements qu'elle s'était engagée à édifier pouvaient avoir à supporter ; qu'ensuite, en toute hypothèse, il ressort des énonciations de l'expert judiciaire qu' "en 1988, la Société d'H.L.M. L'HABITATION ECONOMIQUE, désirant faire construire à BASSENS, des maisons individuelles pour loger des familles maghrébines, a fait étudier les conditions d'utilisation de ces logements» et que "la conclusion a été que ces familles ayant en général de nombreux enfants, la mère reste à la maison pour faire la cuisine et la lessive, c'est-à-dire qu'une forte production de vapeur d'eau était à prévoir" (page 5 du rapport d'expertise) ; que dans ces conditions, la S.N.C. EIFFAGE CONSTRUCTION ATLANTIQUE ne peut sérieusement prétendre ne pas avoir eu connaissance de la destination particulière des habitations ; que la société reproche ensuite au maître de l'ouvrage d'avoir consciemment et délibérément accepté des risques dont il avait pourtant été très précisément averti par le contrôleur technique, cette faute ayant été aggravée par le fait qu'il avait la qualité de maître d'oeuvre d exécution ; que toutefois, après avoir été avisée des risques par lettre de la S.A. SOCOTEC du 24 février 1992, la S.A. HLM HABITATION ECONOMIQUE a fait réaliser des travaux supplémentaires de nature à remédier à ces risques ; que la S.N.C. EIFFAGE CONSTRUCTION ATLANTIQUE invoque enfin une immixtion fautive du maître de l'ouvrage qui, bien qu'ayant assuré la maîtrise d'oeuvre d'exécution, n'a pas refusé les «toits froids», malgré un avis défavorable émis le 18 décembre 1990 par la S.A. SOCOTEC, et n'a pas veillé à ce que les prescriptions de cette société, destinées à éviter au maximum les condensations, soient suivies scrupuleusement ; que toutefois, l'avis défavorable initialement émis par le contrôleur technique le 18 décembre 1990 (annexe 11 du rapport d'expertise judiciaire) n'a pas été ultérieurement maintenu, après exécution des travaux destinés à remédier aux risques signalés dans la lettre du 24 février 1992 ; que par ailleurs, le fait que la S.A. HLM HABITATION ECONOMIQUE ait conclu le 30 avril 1992 un avenant avec la S.A. SOCIETE AUXILIAIRE D'ENTREPRISES DE L'ATLANTIQUE pour faire exécuter des travaux supplémentaires, destinés à remédier aux fautes d'exécution qui avaient été relevées dans la lettre précitée, démontre qu'elle a assuré sa mission de surveillance des travaux ; qu'enfin, de manière plus générale, la S.N.C. EIFFAGE CONSTRUCTION ATLANTIQUE ne prétend ni ne démontre que le maître de l'ouvrage lui ait imposé des choix erronés contre lesquels elle l'aurait vainement mis en garde ; qu'il s'ensuit que le moyen pris d'un prétendue immixtion fautive n'est pas fondé (arrêt p. 5 à 7),
Alors que, d'une part, le maître d'ouvrage ne peut engager la responsabilité des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale pour des désordres provoqués par des vices apparents à la réception et dont il connaissait les conséquences, même s'il a commandé ou fait réaliser, antérieurement à la réception, des travaux destinés à remédier à ces vices ;qu'en l'espèce, il résulte des constatations mêmes de l'arrêt attaqué (p. 5 in fine) que dès le mois de février 1992, le contrôleur technique a indiqué à la société HLM, maître d'ouvrage qui a également exercé la maîtrise d'exécution des travaux, que des condensations extrêmement importantes étaient apparues, il lui a signalé une insuffisance des sections retenues pour la ventilation de la sous-face des couvertures, a émis des doutes sur l'efficacité de la barrière de vapeur en surface de l'isolant et a attiré son attention sur les risques présentés par cette partie de l'ouvrage ; que pour décider que la garantie décennale était applicable, la Cour d'appel a retenu que les désordres découlant des vices dénoncés, à savoir des moisissures, étaient apparus après réception, que le maître d'ouvrage avait conclu un avenant avant réception pour remédier aux insuffisances de la ventilation et empêcher la formation de condensation en sous-face des bacs de couverture, et qu'il n'est pas démontré qu'à la date des réceptions, la cause des désordres ait été apparente pour le maître d'ouvrage ; qu'en se déterminant par ces motifs inopérants, sans justifier qu'à la date des réceptions, les vices dont les conséquences avaient été signalées avaient disparu, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard l'article 1792 du code civil ;
Alors que, d'autre part et en toute hypothèse, la responsabilité du maître d'ouvrage qui exerce une mission de maîtrise d'oeuvre des travaux est engagée sur le fondement de la garantie décennale pour les désordres relevant de cette garantie ; qu'au cas présent, après avoir constaté que la société HLM HABITATION ECONOMIQUE était le maître d'oeuvre d'exécution des travaux (arrêt p. 5 § 1er), la cour d'appel a condamné in solidum la SNC EIFFAGE et M. X..., sur le fondement de l'article 1792 du Code civil, à lui payer une somme correspondant au coût de reprise des désordres ; qu'en refusant ainsi de retenir la responsabilité de la société HLM, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil ;
Alors qu'enfin, dans leurs écritures d'appel, M. X... et la MAF ont fait valoir que selon l'expert, l'entretien des bâtiments avait été fait avec la plus grande négligence, et que le maître d'ouvrage n'avait pas passé de contrat assez contraignant avec l'entreprise chargée de l'entretien des VMC ; qu'en ne recherchant pas si ces fautes étaient de nature à justifier la mise en jeu de la responsabilité du maître d'ouvrage, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Moyens produits par Me Blondel, avocat aux Conseils pour la société Eiffage Construction Atlantique (demanderesse au pourvoi n° C 08 13.673).
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir écarté la fin de non recevoir opposée par la société EIFFAGE et tirée de la prescription de l'action de la société d'HLM HABITATION ECONOMIQUE s'agissant de la première tranche des travaux,
AUX MOTIFS QUE 'en 1997, à une date non précisée, la SA HLM HABITATION ECONOMIQUE a fait assigner en référé, devant le président du Tribunal de Grande instance de BORDEAUX, la compagnie AXA ASSURANCES IARD, prise en sa qualité d'assureur «dommages-ouvrage», pour obtenir la désignation d'un expert; qu'à une date également non précisée, la compagnie AXA ASSURANCES IARD a fait assigner en déclaration d'ordonnance commune devant le même magistrat différents intervenants à l'acte de construire et leurs assureurs, notamment la SA SOCIETE AUXILIAIRE D'ENTREPRISES DE L'ATLANTIQUE, aux droits de laquelle vient la S.N.C. EIFFAGE CONSTRUCTION ATLANTIQUE; que par ordonnance du 10 septembre 1997, le juge des référés a joint ces instances et a ordonné une expertise, confiée à Claude Z...; que si en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, quoique ayant des causes distinctes, tendent à un seul et même but, de telle sorte que la deuxième est virtuellement comprise dans la première; que tel est le cas en l'espèce de l'action de la SA HLM HABITATION ECONOMIQUE, maître de l'ouvrage, et de celle de la Compagnie AXA ASSURANCES IARD, assureur «dommages-ouvrage», qui, bien que procédant de contrats distincts, tendaient à la mise en oeuvre d'une même expertise judiciaire relative aux mêmes travaux, en vue de la détermination des dommages subis et des responsabilités encourues; que l'assignation délivrée par l'assureur «dommages-ouvrage» à la SA SOCIETE AUXILIAIRE D'ENTREPRISES DE L'ATLANTIQUE a donc interrompu la prescription décennale au profit de la SA HLM HABITATION ECONOMIQUE jusqu'au prononcé de l'ordonnance de référé du 10 septembre 1997; qu'à compter de cette date, une nouvelle prescription de dix ans a commencé à courir; qu'il s'ensuit que l'assignation introductive d'instance ayant été délivrée à la requête de la S.A. HLM HABITATION ECONOMIQUE le 25 février 2003 à la SA SOCIETE AUXILIAIRE D'ENTREPRISES DE L'ATLANTIQUE, l'action au fond a été engagée avant l'expiration de la prescription décennale; que la fin de non-recevoir n'est pas fondée,
ALORS QUE toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 et suivants du Code civil est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, après dix ans à compter de la réception des travaux; que la citation en justice n'interrompt, en vertu de l'article 2244 du Code civil, le cours de la prescription qu'au profit de celui dont elle émane, et au détriment de celui à qui elle est adressée; qu'en l'espèce il résulte de l'arrêt attaqué que le maître de l'ouvrage a assigné en référé expertise, dans le délai de dix ans, le seul assureur dommages ouvrage, à l'exclusion des constructeurs, qui n'ont participé aux opérations d'expertise que parce qu'ils y ont été attrait par l'assureur dommage ouvrage, de sorte que l'action intentée par le maître de l'ouvrage directement contre les constructeur, plus de dix ans après la réception de la première tranche des travaux était tardive; qu'en écartant néanmoins la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en garantie formée par la société HLM HABITATION ECONOMIQUE contre la société EIFFAGE CONSTRUCTION, la cour se fonde sur le but commun des actions successivement intentées par le maître de l'ouvrage puis l'assureur, qui permettrait au premier de se prévaloir de l'interruption de la prescription acquise par le second à l'encontre des constructeurs; la cour, qui n'a par ailleurs pas constaté que l'assureur avait agi en qualité de subrogé du maître de l'ouvrage, ne justifie pas légalement son arrêt au regard des articles 1792, 2244 et 2270 du Code civil, violés.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
:
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société EIFFAGE CONSTRUCTION ATLANTIQUE, in solidum avec la MAF et Monsieur X..., à payer certaines sommes à la SA HLM HABITATION ECONOMIQUE ;
AUX MOTIFS QUE pour conclure à la confirmation du jugement qui a débouté la SA HLM HABITATION ECONOMIQUE de ses demandes à son encontre, la SNC EIFFAGE CONSTRUCTION ATLANTIQUE soutient d'abord que, comme l'a estimé le tribunal, le vice affectant les immeubles était apparent lors de la réception des deux tranches de travaux, ce qui exclut la garantie décennale de l'entrepreneur; que toutefois, il résulte des énonciations contenues dans le rapport de l'expert judiciaire, qui ne font l'objet d'aucune contestation, que les désordres, à savoir des moisissures, ne sont apparues progressivement qu'après les réceptions et de manière inégale selon les logements (p. 6); que cependant il est vrai qu'à la page 51 du rapport, le technicien a indiqué que « les condensations, retenues comme cause des désordres, étaient apparentes à la date des réceptions »; que le fondement de cette affirmation, qui n'est pas autrement explicitée, doit être recherchée dans une lettre du 24 février 1992 adressée à la S.A. HLM HABITATION ECONOMIQUE par la SA SOCOTEC, qui avait été chargée d'une mission de contrôle technique (annexe 12 du rapport d'expertise); que dans ce courrier, le contrôleur technique indique au maître de l'ouvrage que « lors de nos dernières visites sur le chantier (..), nous avons constaté la présence de condensations extrêmement importantes en sous face des bacs de couverture des pavillon. Nous craignons qu'à terme, ces condensations aient un effet nuisible aussi bien sur le flocage, des bacs que sur les poutres en bois support de couverture et surtout sur les plafonds et la laine de verre posée sur ces derniers »; que par ailleurs il relève une insuffisance des sections retenues pour la ventilation de la sous-face des couvertures, émet des doutes sur l'efficacité de la barrière de vapeur en sous-face de l'isolant, et attire l'attention de son cocontractant « sur les risques présentés par cette partie de l'ouvrage»; qu'à la suite de la réception de cette lettre, la S.A. HLM HABITATION ECONOMIQUE a conclu avec la S.A. SOCIETE AUXILIAIRE D'ENTREPRISES DE L'ATLANTIQUE un avenant du 30 avril 1992 (annexe 23 du rapport de l'expert) prévoyant notamment le «remplacement de la ventilation statique, par un groupe de ventilation mécanique pour les salles d'eau, wc, avec groupe installé dans le faux plafond de l'étage des pavillons», ainsi qu'un «habillage des gaines de VMC», le tout, ainsi qu'elle l'indique dans ses conclusions sans être contredite par la S.N.C. EIFFAGE CONSTRUCTION ATLANTIQUE, pour remédier aux insuffisances de la ventilation relevées par le contrôleur technique et empêcher la formation de condensations en sous-face des bacs de couverture; que les travaux objet de l'avenant ayant été exécutés, puisqu'il est constant que les pavillons visités par l'expert judiciaire étaient équipés de ventilation mécanique contrôlée (VMC), il n'est pas démontré qu'à la date des deux réceptions, la cause des désordres ait été apparente pour le maître de l'ouvrage, même s'il avait la qualité de maître d'oeuvre d'exécution, alors que postérieurement à la mise en garde du contrôleur technique, il avait fait réaliser des travaux de nature à porter remède aux risques signalés; que dans la mesure où les désordres eux-mêmes n'étaient pas encore apparus, ainsi qu'il a été dit, le moyen tiré de l'existence d'un vice apparent n'est pas fondé» ;
ALORS QUE D'UNE PART la garantie décennale ne peut être mise en oeuvre que pour des vices non apparents à la date de la réception; qu'il appartient au maître de l'ouvrage, qui entend mettre en oeuvre la responsabilité des constructeurs, de prouver le caractère caché des désordres allégués; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que le maître de l'ouvrage poursuivait l'entrepreneur en réparation des dommages causés par des condensations en sous face des bacs de couverture des pavillons, condensations annoncées par la SOCOTEC dès 1990, constatées par ce bureau d'études quelques semaines avant la réception, et dont l'expert judiciaire avait retenu qu'elles étaient «apparentes à la date des réceptions»; que l'arrêt relève encore que le maître de l'ouvrage assumait une mission de maîtrise d'oeuvre d'exécution, après s'être séparé du maître d'oeuvre chargé de la conception; que pour condamner néanmoins la société EIFFAGE CONSTRUCTION, sur le fondement de l'article 1792, la Cour retient que des travaux ayant été exécutés en vue de remédier aux désordres, qu'il n'est pas démontré qu'à la date des deux réceptions la cause des désordres ait été apparente pour le maître de l'ouvrage; qu'en statuant ainsi, la cour, qui ne constate pas que les travaux effectués avaient, fût-ce qu'en apparence, porté leurs fruits, inverse la charge de la preuve et viole l'article 1315 du Code civil ;
ET ALORS QUE D'AUTRE PART et en toute hypothèse, la responsabilité du maître de l'ouvrage qui exerce une mission de maîtrise d'oeuvre des travaux est engagé sur le fondement de la garantie décennale pour les désordres relevant de cette garantie ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que la société HLM HABITATION ECONOMIQUE était le maître d'oeuvre d'exécution des travaux (cf p.5 alinéa 1 de l'arrêt) la Cour a cependant condamné in solidum notamment la SNC EIFFAGE sur le fondement de l'article 1792 du Code civil à payer audit maître de l'ouvrage une somme correspondant au coût de reprise des désordres ; qu'en refusant cependant de retenir la responsabilité de la société HLM ayant la qualité de maître d'oeuvre, la Cour ne justifie pas légalement son arrêt au regard de l'article du Code civil précité.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 08-13642;08-13673
Date de la décision : 18/11/2009
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

ASSURANCE DOMMAGES - Recours contre le tiers responsable - Recours de l'assureur - Prescription - Délai - Interruption - Bénéfice - Limites - Détermination

PRESCRIPTION CIVILE - Interruption - Causes - Citation en justice - Destinataire - Personne qu'on veut empêcher de prescrire - Nécessité PRESCRIPTION CIVILE - Interruption - Causes - Citation en justice - Objet - Détermination - Portée

L'action du maître de l'ouvrage et celle de l'assureur dommages-ouvrage, bien que tendant à la mise en oeuvre d'une même expertise judiciaire relative aux mêmes travaux, en vue de la détermination des dommages subis et des responsabilités encourues, n'ont pas le même objet. Pour être interruptive de prescription, la citation en justice doit être adressée à celui que l'on veut empêcher de prescrire. Dès lors, l'assignation délivrée par l'assureur dommages-ouvrage à un constructeur n'est pas interruptive de prescription au profit du maître de l'ouvrage, qui n'avait assigné en référé expertise que l'assureur dommages-ouvrage


Références :

Cour d'appel de Bordeaux, 22 janvier 2008, 05/02995
articles 1792, 2244 et 2270 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 22 janvier 2008

A rapprocher :3e Civ., 23 janvier 1991, pourvoi n° 89-15527, Bull. 1991, III, n° 29 (cassation) ;3e Civ., 23 février 2000, pourvoi n° 98-18340, Bull. 2000, III, n° 39 (cassation) ;3e Civ., 15 juin 2005, pourvoi n° 03-17478, Bull. 2005, III, n° 133 (cassation), et les arrêts cités


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 18 nov. 2009, pourvoi n°08-13642;08-13673, Bull. civ. 2009, III, n° 250
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, III, n° 250

Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : M. Badie
Rapporteur ?: Mme Lardet
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Boulloche

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.13642
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award