LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu que la société GE Capital Bank, devenue GE Money Bank, qui avait consenti à Mme X... un prêt, dont le remboursement était garanti par un cautionnement solidaire souscrit par le fils de celle ci, l'a assignée en paiement du solde de la somme prêtée ; que reprochant à la banque de lui avoir fautivement octroyé le prêt, Mme X... a formé une demande reconventionnelle en paiement de dommages intérêts ;
Attendu que pour rejeter cette demande la cour d'appel, après avoir constaté que Mme X..., alors âgée de 71 ans, avait souscrit le prêt à l'effet de financer l'achat d'un véhicule automobile destiné à son fils, a retenu, par motifs adoptés, qu'il n'appartenait pas à l'organisme financier de s'immiscer dans la vie privée de ses co contractants, que lors de la souscription du contrat Mme X... avait déjà des revenus inférieurs au montant de la mensualité de remboursement du prêt, laquelle s'élevait à 1 827 euros quand ceux ci atteignaient mensuellement la somme de 690 euros, de sorte qu'elle ne pouvait qu'être pleinement consciente qu'il lui serait difficile d'honorer ses engagements, et, par motifs propres, que si Mme X... et son fils avaient fait le choix délibéré de laisser celle ci souscrire seule le contrat de crédit, il leur appartenait d'assumer les conséquences du montage financier qu'ils avaient souhaité, et en a déduit que la preuve d'un manquement de l'organisme financier à son obligation de prudence et de conseil envers Mme X... n'était pas rapportée, celle ci ayant contracté en pleine connaissance de cause ;
Qu'en se déterminant par de tels motifs desquels il ne résultait pas que Mme X... eût été un emprunteur averti, quand il lui incombait de préciser si tel était, ou non, le cas et, dans la négative, si conformément au devoir de mise en garde auquel elle était tenue à son égard lors de la conclusion du contrat, la société GE Money Bank justifiait avoir satisfait à cette obligation à raison des capacités financières de Mme X... et des risques de l'endettement né de l'octroi du prêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais uniquement en sa disposition rejetant la demande en paiement de dommages intérêts formée par Mme X..., l'arrêt rendu le 4 décembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée ;
Condamne la société GE Money Bank aux dépens ;
Vu les articles 37 et 75 de la loi n° 91 647 du 10 juillet 1991, condamne la société GE Money Bank à payer à Me Foussard, avocat de Mme X..., la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la société GE Money Bank ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour Mme X....
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a rejeté la demande reconventionnelle de Mme Y..., visant à faire constater à son profit une créance de dommages et intérêts, et condamné Mme Y... à payer deux sommes principales de 22.833,18 et 909,42 ;
AUX MOTIFS adoptés QU' « avant que l'offre de prêt ne devienne définitive, la loi prévoit au bénéfice du créancier un délai de réflexion ; qu'il doit ainsi pendant ce délai examiner si l'offre est en rapport avec ses facultés de remboursement ; qu'il n'appartient pas à l'organisme financier de s'immiscer dans la vie privée de ses cocontractants ; que lors de la souscription du contrat, Madame X... avait déjà des revenus inférieurs au montant de la mensualité du prêt (690 euros par mois pour des mensualités de 1827 euros) ; qu'elle ne pouvait qu'être pleinement consciente qu'il lui serait difficile de d'honorer ses engagements ; que l'attitude de MONEY BANK n'a rien ajouté à cette situation évidente et objective ; qu'il apparaît clairement que le prêt n'a été consenti à Madame X... que parce que son fils, dont selon ses propres déclarations les revenus s'élevaient à 3 500 euros par mois, se portait caution solidaire de ses engagements ; qu'il ne résulte pas de ces éléments la preuve que GE MONEY BANK ait manqué à son obligation de prudence et de conseil envers Mme X... (…) » (jugement, p. 4, § 4 à 10).
Et AUX MOTIFS propres QUE « que si Mme X... et son fils ont fait le choix délibéré de mettre le contrat de crédit et la carte grise du véhicule au seul nom de l'appelante, alors que les mensualités de remboursement ont, de toute évidence, été réglées par Monsieur Jean-Marc X..., il appartient aux consorts X... d'assumer les conséquences du montage financier qu'ils ont souhaité ; que d'ailleurs, Monsieur Jean-Marc X... ne conteste pas le jugement déféré qui l'a condamné solidairement avec sa mère à payer les sommes dues à la Société GE MONEY BANK ; qu'il ressort du contrat signé par Madame X... que celle-ci a été mise en possession d'un exemplaire de l'offre de crédit, avec un formulaire détachable de rétractation ; que le Tribunal a exactement estimé que la preuve d'un manquement de l'organisme financier à son obligation de prudence et de conseil envers Madame X... n'était pas rapporté, celle-ci ayant contracté en parfaite connaissance de cause (…) » (arrêt, p. 5, § 1 à 3).
ALORS QUE, premièrement, en retenant que la preuve n'était pas rapportée que la banque ait manqué à son obligation de prudence et de conseil, quand il appartenait au contraire à l'établissement de crédit d'établir qu'il avait satisfait à ses obligations, et notamment à son obligation de mise en garde, les juges du fond ont inversé les règles de la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil ;
Et ALORS QUE, deuxièmement et en tout cas, dès lors que l'emprunteur est non-averti, l'établissement de crédit est tenu d'un devoir de mise en garde lui imposant de l'alerter sur les risques du prêt, au regard de ses capacités financières et de l'endettement qui découlaient du prêt ; que faute d'avoir recherché si Mme Y... ne pouvait pas être considérée comme un emprunteur non-averti et si, par suite, l'emprunteur avait satisfait à son obligation d'alerter Mme Y... sur les risques du prêt, eu égard à ses capacités financières et à la charge du remboursement, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 1137 et 1147 du Code civil.