LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 12 juin 2008) que les époux X... exploitaient un élevage d'oies et de canards et exerçaient une activité de production, fabrication, transformation et vente de foie gras ; que, prenant leur retraite, ils ont, d'une part, donné à bail leur exploitation par acte du 13 février 1997 aux époux Y... et, d'autre part, par des actes séparés du même jour, cédé des éléments mobiliers de l'exploitation, ainsi que le droit de présentation de la clientèle et la marque et se sont engagés à ne pas faire de concurrence aux preneurs entrants ; que les époux Y... ont demandé le remboursement de diverses sommes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt de les condamner à rembourser la somme de 6 321,06 pour surévaluation des éléments de mobilier d'exploitation agricole, alors, selon le moyen :
1°/ que l'infraction prévue à l'article L. 411 74 du code rural nécessite que soit apportée la preuve que le bailleur ou le preneur sortant ait imposé ou tenté d'imposer la reprise des biens mobiliers à un prix ne correspondant à la valeur vénale de ceux ci ; que la preuve de la contrainte ou de l'intention délictuelle doit être faite par le preneur rentrant ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 411 74 du code rural ;
2°/ que les juges du fond ne peuvent ordonner la répétition de sommes qui avait été trop versées par le preneur au titre de la cession de biens mobiliers d'une exploitation agricole sans tenir compte de la valeur de l'ensemble du matériel d'exploitation cédé ; qu'en ne prenant en considération que quatre éléments du matériel agricole cédé sans rechercher, comme cela lui était demandé, si dans son ensemble le prix de cession du matériel n'était pas inférieur à sa valeur vénale, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article L. 411 74 du code rural ;
Mais attendu qu'ayant exactement relevé que la preuve d'une contrainte ou d'une intention délictuelle par le preneur entrant n'était pas nécessaire et constaté que la cession des éléments d'exploitation agricole avait eu lieu au prix de 45 734,70 , la cour d'appel qui a, sans être tenue de procéder à une recherche que ces constatations rendaient inopérante, relevé que la surestimation de la valeur vénale de la sertisseuse, de la marqueuse des chiffres , de l'autoclave et du stand d'exposition démontable était de 6 321,06 , d'où il résultait que la valeur vénale de l'ensemble était inférieure de plus de 10 %, a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 1134 du code civil, ensemble l'article L. 411 74 du code rural ;
Attendu que pour accueillir la demande des époux Y... en remboursement des sommes versées au titre de l'indemnité de clientèle, de la clause de non concurrence et de la marque, l'arrêt retient que la cession avait bien pour objet une exploitation agricole et que hormis les éléments mobiliers de l'exploitation les époux X... ne pouvaient monnayer, en vertu des dispositions de l'article L. 411 74 du code rural, ni la présentation de clientèle, ni la clause de non-concurrence, ni la cession de marque, comme s'il s'agissait de la vente d'un fonds de commerce ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le droit de présentation d'une clientèle professionnelle autre que commerciale et une clause de non concurrence sont des droits cessibles et qu'une marque est un bien incorporel qui a une valeur patrimoniale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné les époux X... à rembourser aux époux Y... la somme de 30 490,15 au titre de l'indemnité de présentation de clientèle et de la clause de non concurrence indûment perçue avec intérêt au taux pratiqué par la Caisse régionale de crédit agricole pour les prêts à moyen terme à compter du 1er janvier 1997, l'arrêt rendu le 12 juin 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen, autrement composée ;
Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. et Mme Y... à payer à M. et Mme X... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de M. et Mme Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize septembre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me de Nervo, avocat aux Conseils pour M. et Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné solidairement Monsieur et Madame X... à rembourser à Monsieur et Madame Y... la somme de 6.321,06 au titre de la surévaluation des éléments mobiliers d'exploitation agricole avec taux d'intérêts au taux pratiqué par la caisse régionale de crédit agricole pour les prêts à moyen terme à compter du 1er janvier 1997
AUX MOTIFS QUE l'article L 411-74 du code rural dispose que « sera puni d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 3.000 ou l'une de ces deux peines seulement tout bailleur, tout preneur sortant ou tout intermédiaire qui aura directement ou indirectement à l'occasion d'un changement d'exploitant soit obtenu ou tenté d'obtenir une remise d'argent ou de valeurs non justifiée , soit imposé ou tenté d'exposer la reprise de biens immobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci ; les sommes indûment perçues sont sujettes à répétition , elles sont majorées d'un intérêt calculé à compter de leur versement et égal au taux pratiqué par la caisse régionale de crédit agricole pour les prêts à moyen terme ; en cas de reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci l'action peut être exercée dès lors que la somme versée a excédé ladite valeur vénale de plus de 10% ; l'action en répétition exercée à l'encontre du bailleur demeure recevable pendant toute la durée du bail initial et des baux renouvelés qui lui font suite … » que c'est à bon droit que les premiers juges ont rappelé que la preuve d'une contrainte ou d'une intention délictuelle par le preneur entrant n'était pas nécessaire ; qu'il est constant que la cession des éléments d'exploitation agricole a eu lieu le 13 février 1997 moyennant le prix de 45.734,70 ; que la contestation des époux Y... qui porte sur l'intégralité du mobilier n'est étayée en cause d'appel qu'en ce qui concerne la sertisseuse la marqueuse l'autoclave et le stand d'exposition démontable ; qu'il résulte des pièces versées aux débats que la sertisseuse la marqueuse et les chiffres ont été revendus en 1997 aux appelants au prix de 3735 alors qu'ils avaient été acquis au prix de 3.729,21 en 1988 ; compte tenu de leur vétusté il convient d'en fixer la valeur vénale globale en 1997 à la somme de 1000 soit un trop perçu 2.635 devant revenir aux époux Y... ; que s'agissant de l'autoclave vendue 2.998,67 aux époux Y... des attestations contradictoires sont produites au dossier quant à son origine mais il est établi que sa vétusté est de 17 ans lors de la revente ; il y a lieu d'évaluer à 457 sa valeur vénale en 1997 et de dire que les appelants peuvent prétendre au remboursement de la somme de 2.495,97 ; que le stand d'exposition démontable vendu 1.524,49 aux époux Y... a selon Monsieur A... été fabriqué par ses soins avec Monsieur X... , il atteste avoir fourni les ¾ de la matière première ; que la valeur vénale de cette marchandise en 1997 sera fixée à la somme de 305 et les cédants seront tenus solidairement de rembourser aux appelants la somme de 1.190 à titre de trop perçu ;
1° ALORS QUE l'infraction prévue à l'article L 411-74 du code rural nécessite que soit apportée la preuve que le bailleur ou le preneur sortant ait imposé ou tenté d'imposer la reprise des biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci ; que la preuve de la contrainte ou de l'intention délictuelle doit être faite par le preneur rentrant ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L 411-74 du code rural
2° ALORS QUE les juges du fond ne peuvent ordonner la répétition de sommes qui auraient été trop versées par le preneur au titre de la cession de bien mobiliers d'une exploitation agricole sans tenir compte de la valeur de l'ensemble du matériel d'exploitation cédé ; qu'en ne prenant en considération que quatre éléments du matériel agricole cédé sans rechercher comme cela lui était demandé si dans son ensemble le prix de cession du matériel n'était pas inférieur à sa valeur vénale, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article L 411-74 du code rural ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné Monsieur et Madame X... à rembourser à Monsieur et Madame Y... la somme de 30.490 , au titre de l'indemnité de clientèle, de la clause de non concurrence indûment perçues avec intérêts au taux pratiqué par la caisse de crédit agricole pour les prêts à moyen terme à compter du 1er janvier 1997
AUX MOTIFS propres QUE la cession a pour objet une exploitation agricole et que hormis les éléments mobiliers susvisés de l'exploitation les époux X... ne pouvaient monnayer en vertu des dispositions de l'article L 411-74 du code rural précité ni la présentation de clientèle ni la clause de non concurrence ni la cession de marque comme s'il s'agissait d'une vente de fonds de commerce ;
AUX MOTIFS à les supposer adoptés QUE Madame Geneviève X... a décidé de cesser toute activité ; qu'il est constant que les défendeurs ont fait valoir leurs droits à la retraite durant la même période de la transmission de l'exploitation agricole ; que les bailleurs reconnaissent ne plus exercer d'activité agricole suite à la signature du bail rural et de contrats connexes, qu'ils demandaient tout de même une rémunération pour leur abstention d'exercer une activité agricole ; qu'il convient donc de dire que la somme versée en contre partie de la prétendue clause de non-concurrence n'est justifiée par aucun élément de fait ;
1° ALORS QUE le droit de présentation de clientèle professionnelle d'un fonds autre que commercial est un droit cessible à titre onéreux ; qu'il s'en suit que la cession d'un droit de présentation de clientèle d'un fonds agricole ayant pour activité la fabrication, la transformation et la vente directe de produits agricoles est licite ; qu'en décidant que la présentation de clientèle de l'activité agricole des époux X... n'était pas monnayable comme s'il s'agissait d'un fonds de commerce, et que l'indemnité perçue à ce titre devait être restituée, la cour d'appel a violé les articles 1131 et 1134 du code civil et l'article L 411-74 du code rural
2° ALORS QUE la contrepartie d'une clause de non concurrence est la privation du droit de libre exercice d'une activité professionnelle ; que l'indemnité de non concurrence est licite dès lors que le bénéficiaire a renoncé à exercer une activité concurrentielle ; qu'en énonçant que la clause de non concurrence n'était pas monnayable dans le cadre de la cession d'une exploitation agricole, la cour d'appel a violé les articles 1131 et 1134 du code civil et l'article L 411-74 du code civil
3° ALORS QUE la contrepartie à une clause de non concurrence est due même si le débiteur fait valoir ses droits à la retraite ou ne reprend pas d'activité ; qu'en énonçant que l'indemnité n'était pas due sous prétexte que les exposants avaient fait valoir leurs droits à la retraite, la cour d'appel à supposer qu'elle a adopté les motifs des premiers juges de ce chef a violé l'article 1131, 1134 du code civil et l'article L 411-74 du code rural
4° ALORS QU'une marque telle que définie par l'article L 711- 1 du code de la propriété intellectuelle est un bien incorporel ayant une valeur patrimoniale qui peut être cédée par celui qui en a la propriété ; qu'en énonçant que la cession avait pour objet une exploitation agricole, et que les époux X... ne pouvaient monnayer la marque comme s'il s'agissait d'un fonds de commerce, la cour d'appel a violé l'article L 711-1 du code de la propriété intellectuelle, l'article 1131 et 1134 du code civil et l'article L 411-74 du code rural