LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique pris en ses deux branches :
Attendu que la Banque nationale de Paris (BNP) devenue BNP Paribas (la banque) a consenti à M. et Mme X... (les emprunteurs), par actes des 3 août 1990 et 10 juillet 1991, deux prêts de 2 500 000 francs et 450 000 francs, remboursables par mensualités, garantis par une hypothèque ; qu'en raison de la défaillance des emprunteurs, la banque leur a adressé une mise en demeure le 7 février 1994, puis s'est prévalue de l'exigibilité anticipée des prêts par lettre recommandée du 6 juillet 1994 ; que les époux X... l'ont assignée, par acte du 11 juin 2004, en nullité des prêts pour dol et en paiement de dommages intérêts ; que la banque a soulevé la prescription de l'action en responsabilité en faisant en particulier valoir qu'elle avait été engagée plus de dix ans après la date à laquelle les emprunteurs indiquaient eux-mêmes que leur situation était devenue irrémédiablement compromise, soit au cours du mois de février 1992, durant lequel M. X... avait perdu son emploi ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 26 octobre 2007) d'avoir déclaré les demandes irrecevables, alors, selon le moyen, que :
1°/ en matière indemnitaire, le délai de prescription court du jour où apparaît le préjudice sous réserve que le demandeur à l'action en ait eu connaissance ; que pour déterminer le point de départ de la prescription, les juges du fond, qui sont tenus par la demande dont ils sont saisis, doivent retenir le préjudice tel qu'il est invoqué par le demandeur ; qu'en l'espèce, M. et Mme X... soutenaient que le préjudice dont ils demandaient réparation résidait dans la moins value affectant le prix de vente par suite d'une vente réalisée précipitamment et à la demande du créancier ; qu'en refusant de prendre en compte ce préjudice, tel qu'il vient d'être décrit, les juges du fond ont violé les articles 4 du code de procédure civile et L. 110 4 du code de commerce ;
2°/ en prenant en considération la circonstance que dès le mois de décembre 1993, le demandeur pouvait se rendre compte du caractère éventuellement abusif des prêts et des difficultés de remboursement qui en découlaient, le préjudice lié à ces conséquences ne coïncidait pas avec le préjudice dont la réparation était demandée, les juges du fond ont violé les articles 4 du code de procédure civile et L. 110-4 du code de commerce ;
Mais attendu que la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'après avoir rappelé que M. et Mme X... faisaient grief à la banque de l'octroi du premier prêt malgré leur incapacité manifeste à faire face à son remboursement, du défaut de proposition à M. X... d'une assurance perte d'emploi et de l'octroi du second prêt du 10 juillet 1991 en dépit du défaut de paiement des échéances de remboursement du premier, la cour d'appel a constaté que le caractère dommageable de ces faits s'était révélé à eux au plus tard en décembre 1993, avec les premières difficultés de remboursement qu'ils ont rencontrées; que c'est dès lors à juste titre que l'arrêt retient que les emprunteurs ne peuvent se prévaloir de la moins value subie lors de la vente de l'immeuble à laquelle ils ont procédé en juillet 1996 afin de régler leur dette, exigible depuis deux ans, pour retarder d'autant le point de départ du délai de prescription applicable, et qu'il en déduit que l'action engagée le 11 juin 2004 est prescrite ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils pour M. et Mme X...
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU' il a déclaré l'action de Monsieur et Madame X... prescrite en application de la prescription décennale prévue à l'article L.110-4 du Code de commerce ;
AUX MOTIFS QUE « la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'en l'espèce, les emprunteurs ont pu se rendre compte de l'éventuel caractère abusif des prêts et des conséquences de l'absence d'assurance perte d'emploi avec les premières difficultés de remboursement qu'ils ont rencontrées, soit au mois de décembre 2003 ; que le fait pour les époux X... de se prévaloir de la moins-value subie lors de la vente de l'immeuble de Neuilly-sur-Seine à laquelle ils ont procédé en juillet 1996, afin de régler une dette alors exigible depuis deux ans ne saurait permettre aux intéressés de retarder le point de départ du délai de prescription de leur action en responsabilité jusqu'à cette date, le préjudice ainsi allégué procédant aussi de l'octroi prétendument abusif de crédit et de l'absence d'assurance dont le caractère dommageable s'est révélé à eux au plus tard en décembre 1993 ; que l'action engagée le 11 juin 2004 par les époux X... est donc prescrite » ;
ALORS QUE, premièrement, en matière indemnitaire, le délai de prescription court du jour où apparaît le préjudice sous réserve que le demandeur à l'action en ait eu connaissance ; que pour déterminer le point de départ de la prescription, les juges du fond, qui sont tenus par la demande dont ils sont saisis, doivent retenir le préjudice tel qu'il est invoqué par le demandeur ; qu'en l'espèce, Monsieur et Madame X... soutenaient que le préjudice dont ils demandaient réparation résidait dans la moins-value affectant le prix de vente par suite d'une vente réalisée précipitamment et à la demande du créancier ; qu'en refusant de prendre en compte ce préjudice, tel qu'il vient d'être décrit, les juges du fond ont violé les articles 4 du Code de procédure civile et L. 110-4 du Code de commerce ;
ET ALORS QUE, deuxièmement, en prenant en considération la circonstance que dès le mois de décembre 1993, le demandeur pouvait se rendre compte du caractère éventuellement abusif des prêts et des difficultés de remboursement qui en découlaient, le préjudice lié à ces conséquences ne coïncidait pas avec le préjudice dont la réparation était demandée, les juges du fond ont violé les articles 4 du Code de procédure civile et L.110-4 du Code de commerce.