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24/06/2009 | FRANCE | N°08-14732

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 24 juin 2009, 08-14732


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 février 2008), que la Ville de Paris, propriétaire d'un appartement donné à bail à Mme X..., a délivré à cette dernière le 24 juin 2003 un congé pour vendre et l'a assignée aux fins de voir dire valable ce congé et ordonner son expulsion ; que Mme X... a soulevé la nullité du congé, faisant valoir que la bailleresse ne s'était pas conformée aux dispositions de l'accord collectif du 9 juin 1998, rendu obligatoire par le d

écret n° 99-628 du 22 juillet 1999 ;

Attendu que la Ville de Paris fait grief ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 février 2008), que la Ville de Paris, propriétaire d'un appartement donné à bail à Mme X..., a délivré à cette dernière le 24 juin 2003 un congé pour vendre et l'a assignée aux fins de voir dire valable ce congé et ordonner son expulsion ; que Mme X... a soulevé la nullité du congé, faisant valoir que la bailleresse ne s'était pas conformée aux dispositions de l'accord collectif du 9 juin 1998, rendu obligatoire par le décret n° 99-628 du 22 juillet 1999 ;

Attendu que la Ville de Paris fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que l'information mise à la charge du propriétaire intervient, en application du point 1 de l'accord, pour partie en amont de la décision de vendre, pour partie en amont de la publicité donnée à la décision de vendre ; que les formalités en cause constituent donc des préalables à la décision de vendre et à sa révélation au public ; que dès lors, une opération ne peut être regardée comme étant en cours, au sens du point 6.1 de l'accord, s'agissant des formalités prévues au point 1, si la décision de vendre et sa publicité précèdent l'entrée en vigueur de l'accord ; qu'en statuant comme ils l'ont fait, quand la décision de vendre a été prise par une délibération du 3 juin 1996, immédiatement publiée, les juges du second degré ont violé l'article 6.1 et les articles 1 et 2 de l'accord du 9 juin 1998 rendu applicable par le décret n° 99-628 du 22 juillet 1999, ensemble l'article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ;

2°/ qu'un acte réglementaire ne peut être rétroactif ; qu'est rétroactive, la disposition qui étend la règle qu'elle pose, à une situation ou à une décision antérieure à son entrée en vigueur, étant rappelé qu'une décision ou un acte doit être regardé comme régulier dès lors qu'il a été pris en conformité des prescriptions applicables à la date de son édiction ; qu'en l'espèce, la décision de vendre résultant de la délibération du 3 juin 1996, immédiatement publiée, ne pouvait en aucune façon être affectée par les dispositions entrées en vigueur à la suite du décret n° 99-628 du 22 juillet 1999 ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé le principe d'ordre public de non rétroactivité des lois et des décrets, ensemble l'article 2 du code civil et l'article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ;

3°/ qu'il était exclu que les juges du fond puissent prendre en compte la date de délivrance du congé, dès lors que les formalités en cause, celles prévues par les points 1.1 et 1.2 de l'accord, ont trait, encore une fois, à la décision de vendre et à sa publicité et qu'un congé doit être regardé comme régulier si la décision de vendre et sa publicité sont intervenues à une date où les formalités d'information n'étaient pas prescrites, faute d'entrée en vigueur du décret n° 99-628 du 22 juillet 1999 ; que de ce point de vue également, les juges du fond ont violé les articles 1.1, 1.2 et 6.1 de l'accord du 9 juin 1998 rendu obligatoire par le décret n° 99-628 du 22 juillet 1999 ;

4°/ qu'une décision confirmative est dépourvue de tout effet juridique ; qu'il était dès lors exclu que les juges du fond puissent tenir compte de la décision intervenue les 28 et 29 avril 2003 dès lors qu'elle n'était qu'une réitération de la décision de vendre du 3 juin 1996 ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 1.1, 1.2 et 6.1 de l'accord du 9 juin 1998 rendu obligatoire par le décret n° 99-628 du 22 juillet 1999 ;

5°/ que l'annulation de la décision confirmative n'emporte pas celle de la décision confirmée ; que même s'il fallait considérer que la décision des 28 et 29 avril 2003 est nulle pour non-respect de l'obligation d'information, cette annulation ne pourrait avoir aucun effet sur la décision de vendre du 3 juin 1996 ; qu'en statuant comme ils l'ont fait, les juges du fond ont violé les articles 1.1, 1.2 et 6.1 de l'accord du 9 juin 1998 rendu obligatoire par le décret n° 99-628 du 22 juillet 1999 ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la Ville de Paris avait, par délibération du 3 juin 1996 arrêté le principe de la vente, lot par lot, de l'immeuble, puis réitéré par une délibération des 28 et 29 avril 2003 relative à l'appartement donné à bail à Mme X... et notifié à cette dernière le 24 juin 2003 un congé pour vendre, et relevé que la bailleresse n'avait pas observé les formalités d'ordre public prévues au point 1.2 de l'accord collectif du 9 juin 1998 ayant acquis force obligatoire par l'effet du décret du 22 juillet 1999, alors que cette opération rentrait dans les prévisions de ce texte et qu'elle était en cours au sens du point 6.1 de l'accord, peu important que la délibération du 3 juin 1996 ait été rendue publique par affichage en l'Hôtel de Ville antérieurement à l'entrée en vigueur de l'accord, la cour d'appel en a déduit à bon droit la nullité du congé pour vendre ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Ville de Paris aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Ville de Paris à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la Ville de Paris ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils pour la Ville de Paris,

L'arrêt infirmé et attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a rejeté les demandes de la Ville de PARIS tendant à la validation du congé, à l'expulsion du locataire, et à la fixation d'une indemnité d'occupation ;

AUX MOTIFS QUE « l'accord du 9 juin 1998 a été rendu applicable aux logements du deuxième secteur locatif, auquel appartiennent les lieux loués, par le décret du 22 juillet 1999 ; que l‘article 6.1 de l'accord prévoit que «pour les opérations en cours », les bailleurs s'engagent à mettre en oeuvre les dispositions de l'accord, en particulier les points 4.1 et 4.2, en tenant compte de l'état d'avancement des opérations ; que les « opérations en cours » s'entendent des opérations de vente des logements, causes des congés, dans le cadre de la mise en vente par lots de l'intégralité d'un immeuble comportant plus de dix logements ;que pour ces « opérations en cours », l'accord est d'application immédiate aux phases non encore réalisées, notamment pour ce qui concerne la procédure de délivrance du congé pour vendre lorsque celui-ci n'a pas été encore signifié ;que la Vile de Paris ne conteste pas sérieusement que l'immeuble communal situé 12 rue des Nonnains d'Hyères comporte plus de dix logements, peu important que moins de dix locataires aient été susceptible de recevoir un congé pour vendre sur le fondement de la loi du 6 juillet 1989 ;que l'opération de vente, mise en oeuvre par la délié ration du Conseil de PARIS du 3 juin 1996, approuvant le principe de la vente, lot par lot, de l'immeuble dont s'agit et de la délivrance de congés pour vendre, réitérée les 28 et 29 avril 2003 pour ce qui concerne les lieux loués à Mme X..., était en cours lorsque l'accord du 9 juin 1998 a été rendu applicable à la VILLE DE PARIS en tant que bailleur du deuxième secteur locatif ; qu'il s'ensuit que le congé pour vente signifié sur le fondement de l'article 15-II de la loi du 6 juillet 1989 ne pouvait être envoyé à Mme X... le 24 juin 2003 sans l'observation préalable des prescriptions de l'article 1.2 de l'accord, immédiatement applicables à sa situation de locataire, et comportant notamment une procédure d'information des locataires que la VILLE DE PARIS ne conteste pas ne pas avoir mise en oeuvre ;que cette irrégularité de la procédure de congé, par l'inobservation d'une formalité d'ordre public résultant d'un accord collectif rendu obligatoire destiné à protéger les droits des personnes physiques et morales ainsi que l'équilibre entre propriétaires et locataires instauré par législateur dans la loi du 6 juillet 1989, entraîne sa nullité » ;

ALORS QUE, premièrement, l'information mise à la charge du propriétaire intervient, en application du point 1 de l'accord, pour partie en amont de la décision de vendre, pour partie en amont de la publicité donnée à la décision de vendre ; que les formalités en cause constituent donc des préalables à la décision de vendre et à sa révélation au public ;que dès lors, une opération ne peut être regardée comme étant en cours, au sens du point 6.1 de l'accord, s'agissant des formalités prévues au point 1, si la décision de vendre et sa publicité précèdent l'entrée en vigueur de l'accord ; qu'en statuant comme ils l'ont fait, quand la décision de vendre a été prise par une délibération du 3 juin 1996, immédiatement publiée, les juges du second degré ont violé l'article 6.1 et les articles 1 et 2 de l'accord du 9 juin 1998 rendu applicable par le décret n°99-628 du 22 juillet 1999, ensemble l'article 15 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 ;

ALORS QUE, deuxièmement, et en tout cas, un acte réglementaire ne peut être rétroactif ; qu'est rétroactive, la disposition qui étend la règle qu'elle pose, à une situation ou à une décision antérieure à son entrée en vigueur, étant rappelé qu'une décision ou un acte doit être regardé comme régulier dès lors qu'il a été pris en conformité des prescriptions applicables à la date de son édiction ; qu'en l'espèce, la décision de vendre résultant de la délibération du 3 juin 1996, immédiatement publiée, ne pouvait en aucune façon être affectée par les dispositions entrées en vigueur à la suite du décret n°99-628 du 22 juillet 1999 ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé le principe d'ordre public de non rétroactivité des lois et des décrets, ensemble l'article 2 du Code civil et l'article 15 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 ;

ALORS QUE, troisièmement, il était exclu que les juges du fond puissent prendre en compte la date de délivrance du congé, dès lors que les formalités en cause, celles prévues par les points 1.1 et 1.2 de l'accord, ont trait, encore une fois, à la décision de vendre et à sa publicité et qu'un congé doit être regardé comme régulier si la décision de vendre et sa publicité sont intervenues à une date où les formalités d'information n'étaient pas prescrites, faute d'entrée en vigueur du décret n°99-628 du 22 juillet 1999 ; que de ce point de vue également, les juges du fond ont violé les articles 1.1, 1.2 et 6.1 de l'accord du 9 juin 1998 rendu obligatoire par le décret n°99-628 du 22 juillet 1999 ;

ALORS QUE, quatrièmement, et en tout cas, une décision confirmative est dépourvue de tout effet juridique ; qu'il était dès lors exclu que les juges du fond puissent tenir compte de la décision des 28 et 29 avril 2003 dès lors qu'elle n'était qu'une réitération de la décision de vendre du 3 juin 1996; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 1.1, 1.2 et 6.1 de l'accord du 9 juin 1998 rendu obligatoire par le décret n°99-628 du 22 juillet 1999 ;

ALORS QUE, cinquièmement, et plus subsidiairement, l'annulation de la décision confirmative n'emporte pas celle de la décision confirmée ; que même s'il fallait considérer que la décision des 28 et 29 avril 2003 est nulle pour non-respect de l'obligation d'information, cette annulation ne pourrait avoir aucune incidence sur la décision de vendre du 3 juin 1996 ; qu'en statuant comme ils l'ont fait, les juges du fond ont violé les articles 1.1, 1.2 et 6.1 de l'accord du 9 juin 1998 rendu obligatoire par le décret n°99-628 du 22 juillet 1999.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 08-14732
Date de la décision : 24/06/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

BAIL D'HABITATION - Bail soumis à la loi du 6 juillet 1989 - Accords collectifs de location - Accord collectif du 9 juin 1998 - Application dans le temps - Détermination

BAIL D'HABITATION - Bail soumis à la loi du 6 juillet 1989 - Accords collectifs de location - Accord collectif du 9 juin 1998 - Obligation du bailleur - Obligation d'information préalable - Manquement - Sanction - Détermination

Les formalités d'ordre public prévues au point 1.2 de l'accord collectif du 9 juin 1998 rendu obligatoire aux 2ème et 3ème secteurs locatifs par le décret du 22 juillet 1999 sont applicables aux opérations de ventes par lots de plus de dix logements d'un même immeuble qui sont en cours lors de son entrée en vigueur. Dès lors, la cour d'appel, qui constate que la bailleresse n'a pas observé ces formalités préalablement à la délivrance de congés pour vendre s'inscrivant dans une opération entrant dans les prévisions de l'accord collectif rendu obligatoire, en déduit, à bon droit, la nullité de ces congés, peu important que la décision de procéder à cette vente par lots fût, quant à elle, antérieure à l'entrée en vigueur de l'accord (arrêt n° 1, pourvoi n° 08-14.731 et arrêt n° 2, pourvoi n° 08-14.732)


Références :

accord collectif du 9 juin 1998 rendu obligatoire par le décret n° 99-628 du 22 juillet 1999

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 19 février 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 24 jui. 2009, pourvoi n°08-14732, Bull. civ. 2009, III, n° 156
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, III, n° 156

Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : M. Bruntz
Rapporteur ?: M. Terrier
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Gadiou et Chevallier

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.14732
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