Sur le premier moyen :
Vu l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que lors de l'émission le 16 février 2004 " Complément d'enquête " M. Z..., avocat, interrogé sur les circonstances dans lesquelles serait intervenue " une négociation entre l'homme d'affaires et les impôts qui se serait soldée par un chèque de M. X... au Trésor public de 450 millions d'euros ", a relevé une " troublante coïncidence puisqu'au moment supposé de la transaction fiscale avec le ministère des finances c'est un ancien cadre dirigeant du groupe X..., M. Y... qui était directeur de cabinet du ministre des finances et qui viendra après le départ du ministre dans le groupe X... " et s'est interrogé de la manière suivante : " qui a présidé à cette transaction, est-ce que c'est le ministre directement ou est-ce que c'est un de ses directeurs.... je n'en sais rien. Il y a eu incontestablement une transaction très avantageuse pour M. X... dans des conditions qui sont très choquantes " ; qu'estimant ces propos diffamatoires à leur égard, M. X... et la société X... ont recherché la réparation du préjudice qu'ils auraient subi ;
Attendu que pour condamner M. Z... à payer des dommages-intérêts à M. X... et à la société X..., la cour d'appel a énoncé qu'il était clairement allégué que M. X... avait bénéficié d'une transaction fiscale dans des conditions anormales et donc illicites, son caractère choquant ne se comprenant qu'à la lumière de la coïncidence des liens existant entre M. Y... et le groupe
X...
dont celui-ci avait été l'un des cadres dirigeants et qu'imputer ainsi à M. X... et à sa société d'avoir bénéficié grâce à l'influence d'un de leurs cadres, d'un passe-droit fiscal au détriment des intérêts de l'Etat qui doivent être préservés dans le cadre d'une transaction et au mépris de l'égalité des citoyens devant la loi fiscale est diffamatoire ;
Qu'en statuant ainsi, quand les propos réellement tenus par M. Z..., n'exprimant qu'un simple jugement de valeur, ne sont pas diffamatoires, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 1 du code de procédure civile, la cassation n'implique pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 mars 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Condamne M. X... et la société X... aux dépens de la présente instance ainsi qu'aux dépens afférents aux instances devant les juges du fond ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... et la société X... à payer ensemble la somme de 2 500 euros à M. Z..., rejette la demande de M. X... et de la société X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mai deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils pour M. Z....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné monsieur Jean-Louis Z... à payer la somme de 2. 500 à monsieur François X... et la somme de 2. 500 à la société X... à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis ;
AUX MOTIFS QU'au cours de l'émission « Complément d'enquête » diffusée sur France 2 le 16 février 2004, consacrée notamment à l'homme d'affaires François X... et à une transaction conclue par celui-ci avec le Trésor public, Jean-Louis Z..., avocat au barreau de Lille, a déclaré : « Qui a présidé cette transaction, est-ce que c'est le ministre directement ou est-ce que c'est un de ses directeurs … je n'en sais rien. Il y a eu incontestablement une transaction très avantageuse pour François X... dans des conditions qui sont choquantes » ; que Jean-Louis Z... s'est exprimé après que le commentateur eut rappelé la coïncidence, que l'avocat a lui-même relevée, entre l'époque à laquelle a pu intervenir la transaction fiscale et celle durant laquelle Bruno Y..., ancien cadre dirigeant du groupe X..., a exercé des fonctions de directeur de cabinet au ministère des finances, avant de revenir dans le groupe ; que tout en disant ignorer la personne ayant présidé à cette transaction, Jean-Louis Z... a affirmé que celle-ci avait été « très avantageuse » pour François X... car obtenue dans « des conditions choquantes » ; qu'il est ainsi clairement allégué que François X... a bénéficié d'une transaction fiscale dans des conditions anormales et donc illicites et ce, vraisemblablement, le caractère choquant ne se comprenant qu'à la lumière de la coïncidence préalablement évoquée, en raison des liens existant entre Bruno Y... et le groupe X..., dont celui-ci avait été l'un des cadres dirigeants ; qu'imputer ainsi à François X... et à la société X... d'avoir bénéficié, grâce à l'influence d'un de leurs cadres, d'un passe-droit fiscal au détriment des intérêts de l'Etat qui doivent être préservés dans le cadre d'une transaction, et au mépris de l'égalité des citoyens devant la loi fiscale, est diffamatoire à leur égard ;
ALORS QUE les propos contenant un simple jugement de valeur ne sont pas diffamatoires ; qu'il en est de même des propos imprécis ; qu'en l'espèce, monsieur Z... s'est borné à exprimer un jugement de valeur sur les conditions de conclusion d'une transaction entre un homme d'affaires connu et l'administration fiscale, eu égard au contexte, en s'interrogeant sur ces conditions ; qu'en affirmant cependant que les propos litigieux s'analysaient en l'imputation d'un passe-droit au mépris de l'égalité des citoyens devant la loi fiscale, la cour d'appel, qui a affirmé à tort leur caractère diffamatoire, a violé les articles 29 de la loi du 29 juillet 1881 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
:IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné monsieur Jean-Louis Z... à payer la somme de 2. 500 à monsieur François X... et la somme de 2. 500 à la société X... à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis ;
AUX MOTIFS QUE la légitimité du but poursuivi par Jean-Louis Z... en s'exprimant sur ce sujet n'est pas mise en cause par François X... et la société X... et il n'est pas prétendu que Jean-Louis Z... éprouverait une animosité personnelle à leur encontre ; qu'il apparaît, au vu des éléments dont disposait Jean-Louis Z... pour s'exprimer dans les termes critiqués, que celui-ci, qui ne connaissait pas les termes exacts de la transaction, s'est fondé sur les articles parus dans la presse et notamment sur des commentaires qu'il a lui-même suscités ; qu'il n'a par ailleurs pas tenu compte d'un classement sans suite intervenu le 23 octobre 2002, à la suite d'une plainte déposée par l'association dont il était le conseil, et mettant en cause François X... et Bruno Y... ; qu'il n'allègue pas plus que la nouvelle plainte qu'il aurait déposée le 14 mai 2003 pour des faits d'ingérence et de prise illégale d'intérêts à l'encontre de Bruno Y... aurait apporté des éléments venant au soutien des imputations en cause ; qu'enfin, Jean-Louis Z..., avocat de profession, ne pouvait délibérément ignorer l'avis rendu le 6 juin 2002 par la commission chargée de veiller au respect des interdictions applicables aux activités privées des fonctionnaires placés en disponibilité, dont il ressort que Bruno Y..., dans le cadre des fonctions administratives qu'il a exercées, n'a pas été chargé de surveiller ou contrôler la société FNAC, ou toute autre entreprise apparentée, telle que le groupe X... ; qu'il en résulte que Jean-Louis Z... ne disposait pas d'éléments suffisants pour affirmer que la transaction fiscale évoquée avait été conclue dans des conditions anormalement favorables aux intérêts de François X... et de son groupe, le caractère péremptoire de son propos n'étant nullement atténué par sa prétendue ignorance de la personne ayant pu exercer l'influence nécessaire pour y parvenir, de sorte que, le bénéfice de la bonne foi étant refusée à Jean-Louis Z..., il sera condamné à réparer le préjudice subi par les demandeurs ;
ALORS QUE le sérieux des éléments dont disposait Jean-Louis Z... et le caractère proportionné des propos qu'il a exprimés résultait suffisamment de ce que, d'une part, il s'appuyait sur des articles de presse mettant en cause les conditions de la transaction, d'autre part, il avait été destinataire d'un courrier relatif à cette affaire, de surcroît, la situation de monsieur Y..., ancien cadre dirigeant du groupe X... devenu directeur de cabinet du ministre avec qui François X... a transigé, méritait d'être remarquée, enfin l'avocat avait défendu une association de défense de contribuables composée de syndicalistes et d'anciens salariés de la société La Redoute, en sorte qu'il pouvait légitimement mettre en cause les conditions de la transaction conclue entre François X... et l'administration fiscale, ce qu'il a fait en des termes proportionnés aux éléments dont il disposait, en précisant qu'il ne savait pas qui avait présidé cette transaction ; qu'en écartant néanmoins l'excuse de bonne foi, notamment au motif inopérant tiré de l'avis de la commission chargée de veiller à la compatibilité de l'embauche d'un fonctionnaire par une société privée, eu égard à l'influence dont jouit objectivement un directeur de cabinet, la cour d'appel a violé l'article 35 bis de la loi du 29 juillet 1881 et l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme.