LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Pierre,- LA SOCIÉTÉ KODAK PATHE, parties civiles,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 1re section, en date du 14 février 2008, qui, dans l'information suivie sur leur plainte contre personne non dénommée des chefs de dénonciation calomnieuse et chantage, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu l'article 575, alinéa 2, 6° du code de procédure pénale ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur la recevabilité du mémoire en défense de Roland Y... :
Attendu que, n'étant pas partie à la procédure, le témoin assisté ne tire d'aucune disposition légale la faculté de déposer un mémoire ;
Que, dès lors, le mémoire produit par celui-ci est irrecevable ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 226-10 et 312-10 du code pénal, des articles préliminaire, 80-1, 201, 204, 205, 208, 575, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt a confirmé l'ordonnance de non-lieu du magistrat instructeur sur les faits de dénonciation calomnieuse et de tentative de chantage ;
"aux motifs qu'après l'interrogatoire de première comparution de Roland Y... (D 247-248) le second juge d'instruction désigné a pris la décision de ne pas procéder à sa mise en examen au vu des explications fournies par l'intéressé ; que, si en effet une dénonciation d'une certaine conduite a bien été effectuée auprès d'une personne susceptible d'y donner une suite disciplinaire au sein de l'entreprise Kodak - qui a décidé de la classer après une enquête interne - cette dénonciation ne présentait pas un caractère de spontanéité ; dans la mesure où elle a été suggérée par M. Z..., cadre de cette entreprise, ainsi que celui-ci l'a admis (D 153) : ce que Roland Y... a fait par ses correspondances des 30 juillet et 9 septembre 2002 ; qu'au surplus, rien ne permet d'affirmer que cette dénonciation a été faite de mauvaise foi par le président d'Alpha Optic, c'est-à-dire en connaissance de la fausseté des faits dénoncés dans la mesure où il a toujours présenté une version identique de ses contacts avec le représentant de Kodak ; qu'il résulte des d'éléments d'exécution du supplément d'information, et en particulier du procès-verbal de première comparution de Roland Y... par le juge d'instruction que l'absence du caractère spontané de la dénonciation mis en exergue à ce stade de l'information a mis le magistrat instructeur délégué par la cour de céans dans l'impossibilité juridique de prononcer la mise en examen de Roland Y..., faute de l'existence d'un élément constitutif de l'infraction, que dès lors, contrairement aux termes du mémoire des parties civiles, il ne peut être fait grief à ce magistrat d'avoir estimé que la mise en examen ne se justifiait plus ; que, nonobstant les nombreux actes d'instruction accomplis et en particulier le supplément d'information intervenu, l'information judiciaire n'a pas mis en évidence contre quiconque et en particulier contre Roland Y... des faits constitutifs du délit de dénonciation calomnieuse, infraction prévue et réprimée par l'article 226-10 du code pénal ; que l'information n'a pas davantage permis d'étayer la tentative de chantage dénoncée par la société Kodak Pathé ; que les lettres qui lui ont été adressées par Roland Y... au nom de la société Alpha Optic sont dépourvues de menaces au sens de l'article 312-10 du code pénal ; qu'en conséquence la cour confirmera le non-lieu prononcé tant du chef de chantage, comme indiqué dans son arrêt du 28 septembre 2006, que du chef de dénonciation calomnieuse, infraction dont les éléments constitutifs ne sont pas suffisamment caractérisés, ou réunis (arrêt p.5-6) ;
"1°/ alors que, d'une part, le juge délégué par la chambre de l'instruction pour mettre en examen une personne déterminée dans le cadre d'un supplément d'information, est tenu de procéder à cette mise en examen en raison de la spécialité de sa délégation ; qu'il ne peut se soustraire à pareille obligation pour des raisons déduites d'une appréciation réservée à la chambre de l'instruction ; qu'en refusant elle-même de sanctionner la résistance du juge délégué, la cour a commis un excès de pouvoir et privé son arrêt d'une des conditions essentielles de son existence légale ;
"2°/ alors que, d'autre part, une dénonciation écrite réitérant une dénonciation verbale antérieure conserve le caractère de spontanéité nécessaire à la répression de la calomnie ; qu'en affirmant qu'en l'espèce la dénonciation écrite n'était pas spontanée comme ayant été suggérée par le propre supérieur hiérarchique de la victime, la chambre de l'instruction s'est formellement mise en contradiction avec les déclarations dudit supérieur (D. 152) qui établissaient tout au contraire l'existence d'une dénonciation verbale ? préalable directe et spontanée de l'auteur des calomnies dirigées contre le plaignant ; qu'ainsi, la cour a derechef privé son arrêt de tous motifs sur la substance même de la plainte" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, sur les plaintes de Pierre X... et de la société Kodak-Pathé, une information a été ouverte contre personne non dénommée pour dénonciation calomnieuse et chantage ; que, saisie par les parties civiles de l'appel de l'ordonnance de non-lieu rendue le 6 octobre 2005, la chambre de l'instruction, par arrêt avant dire droit, en date du 28 septembre 2006, a ordonné un supplément d'information et désigné un magistrat instructeur afin de procéder à la mise en examen de Roland Y... du chef de dénonciation calomnieuse, ainsi qu'aux "actes pouvant être rendus nécessaires par les déclarations de M. Y..." ; que le juge d'instruction a effectué l'interrogatoire de première comparution de Roland Y... et, au vu des explications fournies, décidé de ne pas procéder à sa mise en examen, le dossier étant retourné en l'état à la chambre de l'instruction qui en a constaté le dépôt au greffe ;
Attendu que, pour écarter l'argumentation des parties civiles faisant valoir que le juge d'instruction ne pouvait se soustraire à la mission qui lui avait été confiée, l'arrêt relève notamment qu'il résulte des éléments d'exécution du supplément d'information et, en particulier, du procès-verbal de première comparution de Roland Y... qu'en l'absence de spontanéité de la dénonciation, élément constitutif de l'infraction, il ne peut être fait grief au magistrat instructeur d'avoir estimé que la mise en examen ne se justifiait plus ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs et dès lors que l'arrêt ayant prononcé le supplément d'information présente le caractère d'une décision avant dire droit à laquelle ne pouvait s'attacher l'autorité de la chose jugée et laissait la chambre de l'instruction libre d'apprécier à nouveau, lors de son examen ultérieur et une fois la procédure devenue complète, l'existence de charges de culpabilité, les juges ont justifié leur décision ;
Attendu que, par ailleurs, les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre de l'instruction, après avoir exposé les faits dénoncés par la partie civile et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par celle-ci, a énoncé sans insuffisance ni contradiction, les motifs dont elle a déduit qu'il ne résultait pas de l'information charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis l'infraction, objet de la poursuite ;
Attendu que, dès lors, le moyen, irrecevable en sa seconde branche, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Joly conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Anzani conseiller rapporteur, Mme Palisse conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit avril deux mille neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;