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31/03/2009 | FRANCE | N°07-86892

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 31 mars 2009, 07-86892


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- L'ASSOCIATION GÉNÉRATIONS MÉMOIRE HARKIS, - X... Mohamed, parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11e chambre, en date du 12 septembre 2007, qui, dans la procédure suivie contre Messaoud Y..., Claude-Alice Z... et Alice A..., du chef de diffamation publique raciale, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 3 mars 2009 où étaient présents : M. Pelletier président, Mme Guirimand

conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Anzani, Palisse, MM. Beauvais, Guérin, Strae...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- L'ASSOCIATION GÉNÉRATIONS MÉMOIRE HARKIS, - X... Mohamed, parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11e chambre, en date du 12 septembre 2007, qui, dans la procédure suivie contre Messaoud Y..., Claude-Alice Z... et Alice A..., du chef de diffamation publique raciale, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 3 mars 2009 où étaient présents : M. Pelletier président, Mme Guirimand conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Anzani, Palisse, MM. Beauvais, Guérin, Straehli, Finidori, Bloch, Monfort conseillers de la chambre, Mmes Degorce, Harel-Dutirou conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Mouton ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
Sur le rapport de Mme le conseiller GUIRIMAND, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, de Me COPPER-ROYER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur la recevabilité du mémoire personnel de l'association Générations Mémoire Harkis :
Attendu que ce mémoire, qui émane d'un demandeur non condamné pénalement, n'a pas été déposé au greffe de la juridiction qui a statué, mais a été transmis directement à la Cour de cassation, sans le ministère d'un avocat en ladite cour ;
Que, dès lors, ne répondant pas aux exigences de l'article 584 du code de procédure pénale, il ne saisit pas la Cour de cassation des moyens qu'il pourrait contenir ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation et fausse application des articles 6, 7, 10 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, 5 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005, 32, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé Alice A..., Claude-Alice Z... et Messaoud Y... des fins de la poursuite du chef de diffamation envers un groupe de français musulmans à raison de leur qualité vraie ou supposée de harkis et a débouté l'association Générations mémoire harkis et Mohamed X..., parties civiles, de leurs demandes ;
"aux motifs que, sur l'application de l'article 5 précité, s'il interdit toute injure ou diffamation commise envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur qualité vraie ou supposée de harki, d'anciens membres des formations supplétives ou assimilées, il se borne à préciser in fine que « l'Etat assure le respect de ce principe dans le cadre des lois en vigueur », ne détermine pas les éléments constitutifs de l'infraction ni la peine applicable et ne fait pas référence à l'article 32 de la loi sur la presse ; qu'en vertu du principe de légalité des peines, aucune peine ne peut être prononcée à raison d'un fait qui n'est qualifié par la loi ni crime, ni délit, ni contravention ; que dès lors, la juridiction correctionnelle ne saurait se fonder sur ce texte pour prononcer une sanction à l'égard des prévenus ; que, par ailleurs, les premiers juges ont justement relevé que les harkis ne constituaient pas une catégorie de personnes protégées au sens de l'article 32, alinéa 2, de la loi sur la presse, le terme de harki désignant communément une personne originaire d'Afrique du nord qui a servi comme supplétif dans l'armée française en Algérie de 1954 à 1962 et qui avait fait le choix politique d'opter pour le soutien de la France et non pour l'indépendance de leur pays d'origine ; qu'en effet, à supposer que les passages incriminés soient diffamatoires, ils ne fustigent pas les harkis à raison de leur origine religieuse ou ethnique, mais à raison de leur choix politique au moment de la guerre d'Algérie ;
"1°) alors que contrairement à ce qu'a énoncé la cour d'appel, les termes de l'article 5 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 sont clairs ; qu'ils déterminent les éléments constitutifs de l'infraction et la peine applicable par renvoi aux dispositions de la loi du 29 juillet 1881 et qu'en refusant d'en faire application, la cour d'appel a violé les textes susvisés, privant de surcroît la partie civile de son droit au juge ;
"2°) alors que la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que les propos figurant dans l'écrit incriminé (la pièce « Le nom du père ») dont la portée doit être appréciée dans son ensemble, ne fustigent pas seulement les harkis de la première génération en raison de leur choix politique, mais fustigent également les fils de ceux-ci en raison de la transmission d'une mémoire générationnelle « inscrite dans leurs gènes », laquelle conduirait inéluctablement ces français musulmans à trahir leurs congénères, cette thèse autorisant l'auteur de la pièce à refuser au personnage principal, fils de supplétif dans l'armée française « qui ne sait ni ce qu'il veut ni qui il est », le droit à une identité, celui-ci étant désigné sous le vocable « SNP » (sans nom patronymique), et que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire et méconnaître ce faisant les dispositions de l'article 32, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881, affirmer que les harkis concernés par ces propos n'étaient pas visés à raison de leur origine religieuse ou ethnique, mais à raison de leur choix politique au moment de la guerre d'Algérie ;
"3°) alors que la cour d'appel ne pouvait, sans méconnaître sa saisine, faire abstraction des termes de la citation introductive d'instance par lesquels les demandeurs faisaient valoir « que le texte incriminé ainsi que la mise en scène visent à présenter comme inéluctable la traîtrise du fils du harki du fait de l'existence d'une mémoire générationnelle et que les allégations de la pièce Le nom du père portaient atteinte à l'honneur et à la considération non seulement des harkis (ayant joué un rôle de supplétif dans l'armée française à l'époque de la guerre d'Algérie) mais à leurs fils, ces derniers étant désignés comme des traîtres non à raison de leur choix politique personnel à l'époque de la guerre d'Algérie mais de leur origine" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que l'association "Générations Mémoire Harkis" et Mohamed X... ont fait citer directement devant le tribunal correctionnel pour diffamation raciale, sur le fondement des articles 29 et 32, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881, et de l'article 5 de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des français rapatriés, Messaoud Y..., Claude-Alice Z..., et Alice A..., respectivement auteur, metteur en scène et représentante légale de la société éditrice de la pièce de théâtre intitulée "Le nom du père", en articulant que plusieurs passages de cette oeuvre contenaient l'imputation ou l'allégation de faits portant atteinte à l'honneur et à la considération d'un groupe de français musulmans en raison de leur qualité vraie ou supposée de harkis ; que les premiers juges ont relaxé les prévenus et débouté les parties civiles de leurs demandes ;
Attendu que, pour confirmer le jugement entrepris, sur le seul appel des parties civiles, l'arrêt énonce que l'article 5 de la loi du 23 février 2005, qui ne comporte ni incrimination ni sanction, interdit toute injure ou diffamation envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur qualité vraie ou supposée de harki, d'anciens membres des formations supplétives ou assimilées, et que ce texte se borne à préciser que "l'Etat assure le respect de ce principe dans le cadre de lois en vigueur" ; que les juges ajoutent que les propos incriminés, à les supposer diffamatoires, fustigent les harkis en raison, non de leur origine religieuse ou ethnique, mais de leur choix politique au moment de la guerre d'Algérie, et qu'en conséquence, les dispositions de l'article 32, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881, n'ont pas vocation à s'appliquer ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel, qui a exactement apprécié le sens et la portée des écrits incriminés, a justifié sa décision, dès lors que, d'une part, ni les harkis ni les descendants de harkis ne constituent un groupe de personnes entrant dans l'une des catégories limitativement énumérées par l'article 32, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881, et que, d'autre part, l'interdiction de toute diffamation envers les harkis posée par l'article 5 de la loi du 23 février 2005 n'est assortie d'aucune sanction pénale ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente et un mars deux mille neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 07-86892
Date de la décision : 31/03/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Diffamation - Diffamation envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée - Personne ou groupe de personnes protégés - Exclusion - Cas

PRESSE - Diffamation - Personnes et corps protégés - Harkis - Loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés - Effet

Justifie sa décision, au regard des articles 5 de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, et 32, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881, la cour d'appel qui déboute les parties civiles de leurs demandes dans une procédure suivie contre l'auteur d'une pièce de théâtre, le metteur en scène et l'éditeur de cette pièce comportant, selon les plaignants, l'imputation ou l'allégation de faits de nature à porter atteinte à l'honneur et à la considération des Harkis ou de leurs descendants, dès lors que ceux-ci ne constituent pas un groupe de personnes entrant dans l'une des catégories limitativement énumérées par l'article 32, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881 et que, d'autre part, l'interdiction de toute diffamation envers les Harkis posée par l'article 5 de la loi du 23 février 2005 n'est assortie d'aucune sanction pénale


Références :

article 32, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881

article 5 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 12 septembre 2007

Sur la répression des infractions commises envers des personnes en raison de leur qualité de Harki, à rapprocher :Crim., 31 mars 2009, pourvoi n° 07-88021, Bull. crim. 2009, n° 62 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 31 mar. 2009, pourvoi n°07-86892, Bull. crim. criminel 2009, n° 61
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2009, n° 61

Composition du Tribunal
Président : M. Pelletier
Avocat général : M. Mouton
Rapporteur ?: Mme Guirimand
Avocat(s) : Me Copper-Royer, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:07.86892
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