LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Renée, épouse Y...,
- B... Alain,
- Z... Daniel,
- A... Marie-Claude, partie civile,
- C... Philippe, partie civile,
- LA GARANTIE MUTUELLE DES FONCTIONNAIRES, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 17 décembre 2007, qui, pour homicides et blessures involontaires, a condamné les trois premiers à six mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le samedi 20 juillet 1996, à 9 h 15, une violente explosion, provoquée par une fuite de gaz, a détruit partiellement un immeuble d'habitation de sept étages situé à Marseille ; que quatre personnes ont été tuées et vingt-deux blessées ; qu'une information a été ouverte, à l'issue de laquelle, Renée Y..., qui occupait un appartement au quatrième étage, ainsi qu'Alain B... et Daniel Z..., agents de Gaz de France, ont été renvoyés des chefs d'homicides et de blessures involontaires devant le tribunal correctionnel qui les a relaxés par jugement dont le ministère public a relevé appel ;
En cet état :
I-Sur les pourvois de Marie-Claude A... et Philippe C... :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
II-Sur les autres pourvois :
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation proposé par la société civile professionnelle Defrénois-Lévis pour Renée Y... et la Garantie mutuelle des fonctionnaires, pris de la violation des articles 121-3, 221-6 du code pénal, de l'article préliminaire et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, de l'article 6 § 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la présomption d'innocence, manque de base légale, défaut de motifs, contradiction de motifs ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme Y... coupable d'homicide involontaire sur les personnes décédées dans l'explosion de l'immeuble du 6 place des marseillaises le 19 juillet 1996 ;
" aux motifs que son compteur révélait une consommation de gaz tout à fait anormale ; que c'était le seul compteur à avoir révélé une telle anomalie ; qu'il était exclu que la fuite ait pu provenir de l'appartement voisin des soeurs D... puisque c'étaient elles qui avaient alerté GDF pour une odeur de gaz sur le palier, sans être incommodées chez elles ; que le siège initial de l'incendie, visible sur les photographies et selon les témoignages, était l'appartement de Mme Y..., relativement peu endommagé ; que le tube souple relativement peu endommagé reliant la cuisinière à la canalisation avait été retrouvé au sol par les enquêteurs ; que la liaison de ce tube au robinet mural était défectueuse ; que cette désolidarisation avait pu être favorisée par le fait que Mme Y... qui avait l'habitude de cacher ses bijoux derrière la cuisinière avait pu procéder à une telle manoeuvre, sachant qu'elle était partie en week-end et que de surcroît elle nettoyait tous les mois derrière sa cuisinière ; que la conjonction de l'ensemble de ces éléments, alors que rien ne permettait d'attribuer l'explosion à une autre cause, ne laissait aucun doute sur l'origine de l'explosion qui s'était bien produite dans l'appartement de Mme Y... en raison d'une importante fuite de gaz qu'elle n'avait pu déceler en raison de son absence même si, comme l'avait reconnu l'expert E..., la zone d'allumage n'avait pu être déterminée de façon certaine ; que Renée Y... avait fait changer le tube de raccordement de sa cuisinière au gaz par son cousin qui n'était pas un professionnel quelques mois avant l'accident ; que celui-ci avait déclaré qu'il s'était contenté de remettre le tuyau dans les mêmes conditions que celui qu'il avait remplacé ; que les experts avaient relevé que le tube souple qui raccordait la tuyauterie fixe à la cuisinière n'était pas solidement assujetti à ses deux extrémités comme l'exigeait la réglementation depuis un arrêté du 2 août 1977, dans la mesure où s'il était bien adapté à l'about de la cuisinière, il était incorrectement adapté à l'about de forme tronconique vissé sur la canalisation métallique se raccordant au robinet de commande de gaz ; qu'il appartenait à Renée Y..., au moment de son entrée dans les lieux, de vérifier que son installation était conforme ; que si elle avait fait venir un professionnel, celui-ci aurait décelé cette non-conformité ; que s'étant absentée quelques jours, elle n'avait pas pris la précaution de fermer le gaz ; que si aucun texte n'imposait une tel mesure, un tel comportement constituait indiscutablement une faute d'imprudence ou de négligence ; que ces fautes d'imprudences et de négligences étaient directement à l'origine de l'accident ;
" alors que 1°) le lien de causalité entre les faits reprochés et le dommage doit être certain ; qu'en retenant comme origine de l'explosion la fuite de gaz provenant de la gazinière de Renée Y... du fait que la désolidarisation du tuyau « avait pu » être provoquée par la prévenue qui avait l'habitude de cacher ses bijoux et qui « avait pu » procéder à une telle manoeuvre avant de partir en week-end, la cour d'appel a statué par des motifs hypothétiques ;
" alors que 2°) après avoir reconnu que la zone d'allumage n'avait pas pu être déterminée de façon certaine, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que le lien de causalité entre la prétendue défectuosité du tuyau d'alimentation de la gazinière et l'explosion à l'origine du dommage n'était pas certain ;
" alors que 3°) il appartient à la partie poursuivante de prouver le caractère certain du lien de causalité entre les faits reprochés à la partie poursuivie et le dommage, lequel ne peut pas résulter de l'absence de preuve par cette dernière de causes étrangères, sauf à inverser la charge de la preuve ; qu'en retenant comme cause certaine de l'explosion la défectuosité du tuyau d'alimentation de gaz de la cuisinière de Mme Y... du fait que rien ne permettait de l'attribuer à une autre cause, la cour d'appel n'a pas caractérisé la certitude du lien de causalité et a inversé la charge de la preuve ;
" alors que 4°) le lien de causalité est indirect lorsqu'une personne physique a simplement créé ou contribué à créer une situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'a pas pris les mesures permettant de l'éviter, de sorte que sa responsabilité n'est engagée qu'en cas de faute qualifiée ; que le fait pour une personne physique occupant un appartement dans un immeuble de ne pas avoir fait vérifier par un professionnel, à son entrée dans les lieux, la conformité du tuyau de raccordement de la cuisinière au gaz, de l'avoir fait remplacer à l'identique par un non professionnel, et de ne pas avoir fermé le robinet d'alimentation pendant son absence, ne saurait constituer la cause directe du décès d'occupants de l'immeuble provoqué par une explosion causée par une fuite de gaz rendue possible par un tel concours de circonstances ; qu'en ayant retenu que ces fautes étaient à l'origine directe des décès survenus dans l'immeuble, et en ayant par conséquent retenu la responsabilité pénale de la prévenue sur le fondement de fautes simples d'imprudence et de négligence, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées » ;
Attendu que, pour déclarer Renée Y... coupable, l'arrêt infirmatif retient que la fuite à l'origine de l'explosion provient de son appartement, comme le démontrent l'excédent de consommation enregistré par son compteur, qui correspond, selon les experts, à " un déversement massif et intempestif de gaz ", ainsi que des constatations relatives, d'une part, au siège de l'incendie qui a suivi la déflagration et, d'autre part, à la défectuosité du raccordement de sa cuisinière dont le tuyau d'alimentation, qui n'était pas solidement assujetti à ses deux extrémités, contrairement aux prescriptions de l'arrêté du 2 août 1977, s'était désolidarisé de l'embout de la canalisation de gaz, auquel il n'était pas adapté ; que les juges estiment qu'en s'abstenant de faire vérifier, au moment de son entrée dans les lieux, la conformité de son installation à la réglementation, en faisant changer, quelques mois avant l'accident, le tube de raccordement de la cuisinière par un cousin, qui n'était pas un professionnel, et en ne prenant pas la précaution de fermer le robinet d'arrivée de gaz alors qu'elle s'absentait de façon prolongée, à compter du vendredi 19 juillet, à 14 h 30, Renée Y... a commis des fautes d'imprudence et de négligence qui ont directement causé le dommage ;
Attendu que, si c'est à tort que la cour d'appel a considéré que Renée Y... avait causé directement le dommage, la censure n'est pas pour autant encourue, dès lors qu'il résulte des énonciations et constatations de l'arrêt que la prévenue, qui a créé la situation ayant permis la réalisation du dommage, a commis une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elle ne pouvait ignorer ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le moyen unique de cassation proposé par Me Jean-Alain Blanc pour Alain B... et Daniel Z..., pris de la violation des articles 121-3 et 221-6 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Alain B... et Daniel Z... coupables d'homicides involontaires et les ont, en répression, condamnés chacun à la peine de six mois d'emprisonnement assortie du sursis ;
" aux motifs qu'« il résulte des témoignages recueillis et des vérifications effectuées :- que Marie-Claude A... (qui occupe le premier étage de l'immeuble), en arrivant le vendredi 19 juillet 1996 vers 17 heures dans l'immeuble dont la porte était ouverte et en montant voir madame G..., a senti une odeur bizarre en arrivant sur le palier du quatrième étage,- que Gaëlle D..., qui se trouvait chez sa tante, Fortunée H..., au troisième étage a été alertée vers 22 heures par Mme I..., sa voisine du septième, d'une odeur de gaz, sur le palier ; qu'elle a expliqué qu'elle était montée au septième en empruntant l'ascenseur et avait effectivement senti une forte odeur de gaz sur le palier ; qu'elle était ensuite descendue par l'escalier, que plus elle descendait moins elle sentait l'odeur et qu'arrivée au troisième elle ne sentait plus rien ; que c'est elle qui a appelé Gaz de France sur les conseils d'un cousin en indiquant que l'odeur était perceptible depuis deux ou trois heures pas plus ; que lorsque les agents GDF se sont présentés dans l'immeuble, ils ont été reçus par Gaëlle D... qui leur a précisé qu'elle avait senti une odeur de gaz « vers le quatrième étage, dans le couloir " ; qu'Alain B..., dans sa première déclaration recueillie le jour même de l'accident, a déclaré que montant par les escaliers, il avait effectivement senti une odeur de gaz au quatrième étage ; qu'avec Daniel Z... ils avaient alors vérifié à cet étage les robinets d'arrivée dans la cage d'escalier et constaté que ceux-ci ne fuyaient pas ; que ce n'est qu'au cinquième étage qu'ils avaient décelé grâce à leur appareil de mesure une fuite indiquant 30 à 40 % de LIE (limite inférieure d'explosivité) ; qu'ils avaient resserré la bride et qu'à la suite de cette réparation, le nouveau contrôle s'était révélé correct ; qu'ils avaient ensuite effectué une mesure sous la porte des voisins de Mme J... (soit au cinquième) et n'avaient pas détecté de présence de gaz à ce niveau ; qu'ils s'étaient fait prêter une échelle par Mme J... et avaient vérifié à cet étage la colonne montante et toujours avec leur appareil de mesure n'avaient rien détecté ; qu'il était ensuite monté au 6ème et au 7ème sans constater à cette hauteur d'odeur de gaz, pendant que Z..., en possession du Catex, faisait des vérifications au 4ème sous les deux portes qui selon lui se sont montrées négatives ; que Daniel Z..., entendu au même moment par un autre enquêteur, déclarait : « nous avons contacté la requérante, Mme H... qui habite au troisième étage qui nous a dit qu'elle avait senti une odeur vers le quatrième étage dans le couloir ; que nous avons fait plusieurs contrôles aux 3ème, 4ème et 5ème étages et nous avons trouvé une légère fuite au 5ème à un robinet de coupure GDF ; que nous l'avons resserré et vérifié ; puis nous avons fait d'autres contrôles au 6ème et nous n'avons rien trouvé … notre intervention a duré environ 3 / 4 d'heure et il n y avait plus aucune anomalie » ; que réentendu le 25 juillet 1996 à 9 heures de manière plus détaillée, Alain B... a déclaré qu'il était monté par les escaliers jusqu'au quatrième, qu'arrivé sur le palier, il avait senti une odeur suspecte, qu'il n'avait vu personne, qu'ils n'avaient pas frappé aux portes des deux appartements, qu'ils avaient vérifié les ouvrages GDF, en l'occurrence deux colonnes montantes de gaz, Z... ayant le gazomètre à la main qui n'avait pas fait de bip-bip, qu'il ne se souvenait pas si Z... avait passé la sonde sous les portes de ces deux appartements, qu'ils étaient ensuite montés au cinquième, en sentant la même odeur, qu'en mettant son nez sur le robinet de branchement de Mme J..., il avait senti une odeur suspecte, que son collègue avait mis la sonde sur le robinet et que le gazcope avait indiqué 30 % de LIE ; qu'il s'était alors aperçu que les vis de bride qui maintiennent le boisseau de ce robinet étaient desserrées, qu'il les avait resserrées avec un tournevis, qu'il y avait bien une fuite de gaz sur ce robinet mais qu'elle lui semblait peu importante, qu'après la réparation, Z... avait passé le gazcope et que cette fois-ci la mesure était normale ; que questionné à nouveau, il a déclaré qu'il ne se souvenait pas si Z... avait pris des mesures sous les portes ; qu'il était ensuite monté seul par les escaliers au 6ème et au 7ème et avait vérifié avec son nez tous les piquages des colonnes ainsi que tous les robinets de branchement particulier, sans constater la moindre odeur suspecte, qu'il était ensuite allé rejoindre Z... qui était sur le palier devant la porte de Mme J... avec qui il s'entretenait ; qu'en présence de Mme J..., son collègue avait fait de nouvelles vérifications sur le robinet de desserte de Mme J..., qu'il lui avait demandé une échelle, avait placé celle-ci en face de la porte de Mme J... et avait mis son nez à l'endroit de la colonne de gaz sans rien sentir, que son collègue avait au même endroit effectué un prélèvement avec le gazcope qui n'avait rien indiqué d'anormal, qu'il avait de nouveau passé le gazcope sous la porte de l'appartement situé en face de celui de Mme J... ; que son collègue lui avait fait part qu'il s'était rendu au quatrième étage et qu'il avait avec l'appareil fait un contrôle sous les portes ainsi que dans les serrures et qu'il n'avait rien décelé d'anormal, qu'ils avaient moussé le robinet de Mme J... et qu'il n'y avait aucune bulle, qu'ils étaient redescendus par les escaliers jusqu'au troisième sans sentir la moindre odeur suspecte ; qu'ils étaient enfin retournés chez les H... en faisant un compte rendu de leurs opérations ; que Z..., réentendu au même moment le 25 juillet 1996, confirmait qu'une jeune femme brune Gaëlle D... leur avait dit que l'odeur se situait au quatrième étage, qu'ils avaient vérifié à cet étage les deux robinets de coupure sur branchement ainsi que les joints, que l'appareil qu'il tenait dans les mains n'avait rien signalé, qu'ils étaient ensuite montés au cinquième étage où B... avait réparé le robinet desservant l'appartement de Mme J..., qu'il avait fait alors plusieurs vérifications au cinquième étage, toutes négatives, qu'il était ensuite monté avec son appareil aux cinquième et au sixième, puis pendant que B... demandait un escabeau à Mme J... il était allé faire des contrôles sous les portes et dans les serrures au quatrième, contrôles qui s'étaient avérés négatifs, qu'il était remonté au cinquième ; que Mme J... a déclaré que vers 22h30, elle avait entendu du bruit sur son palier au cinquième et qu'elle avait vu les agents GDF bricoler autour de sa porte, qu'ils lui avaient dit qu'ils venaient de vérifier le robinet de desserte de son appartement, qu'il ne fuyait pas, qu'ils lui avaient demandé une échelle qu'ils lui avaient rendu par la suite et qu'elle n'avait pas fait attention à eux ; qu'il résulte de ces déclarations, que personne n'a été témoin des vérifications faites par les agents GDF ; qu'on peut sérieusement mettre en doute la réalité ou en tout cas l'intensité des contrôles faits au niveau du quatrième étage ; qu'en réalité, l'essentiel des contrôles, sinon la totalité des contrôles, a été effectuée, au cinquième étage et dans les étages supérieurs ; que Alain B... à deux reprises, le jour même de l'accident et quelques jours seulement après, a déclaré ne pas se souvenir si des vérifications avaient été faites au quatrième étage ; que dans leur rapport initial, les experts K..., E... et M..., ont indiqué : « Il convient de noter que lors de leur intervention la veille de l'explosion vers 22 heures, les agents de Gaz de France ont senti une odeur de gaz, définie ensuite comme « odeur suspecte » aux 4ème et 5ème étages ; qu'il peut paraître surprenant que ces agents spécialistes du gaz ne soient pas davantage préoccupés de la provenance de cette odeur au 4ème étage ; qu'en effet, la fuite découverte et réparée au 5ème étage ne pouvait entraîner d'odeur suspecte à l'étage inférieur, compte tenu, d'une part, de sa faible importance et, d'autre part, de la densité du gaz plus léger que l'air ; le gaz ne pouvant avoir que tendance à s'élever dans la cage d'escalier, qui de plus et du fait de l'effet de cheminée facilitait sa diffusion verticale, cette fuite ne pouvait entraîner d'odeur suspecte au 4ème étage ; les contrôles que nous avons effectués, sur le catharomètre-exposimètre Catex utilisé par les agents de Gaz de France lors de leur intervention du 19 juillet, ont montré que cet appareil fonctionne tout à fait correctement ; le fait qu'il n'ait pas réagi lors des détections faites dans l'atmosphère sur les paliers des 4ème, 5ème et 6ème étages peut s'expliquer par une faible concentration en gaz dans cette atmosphère, non détectable par l'appareil, mais suffisante cependant pour entraîner une odeur de gaz perceptible par certains ; que GDF a fait parvenir au juge d'instruction une modélisation établie par le centre expérimental de recherches et d'études du bâtiment et des travaux publics (CEBTP) aux fins de démontrer qu'en réalité compte tenu d'un certain nombre de paramètres (fermeture des portes, différences de température...) que la circulation de l'air, de bas en haut ou de haut en bas variait selon l'heure du jour, en fonction notamment de la différence de température entre la température extérieure et de la température intérieure ; que les experts, invités par le juge d'instruction, à se prononcer sur cette note, ont conclu en ces termes : « La modélisation réalisée par le CEBTP ne prend pas en compte tous les paramètres, et notamment ceux affectant les phénomènes aérauliques, pouvant être enjeu dans l'immeuble et n'est pas crédible ; que les invraisemblances et incohérences relevées rendent infidèle l'hypothèse selon laquelle lors de leur intervention peu après 22 heures, le 19 juillet 1996, les agents de Gaz de France aient pu sentir une odeur de gaz au 4ème en provenance d'une fuite de gaz de faible importance au 5ème étage sur un robinet dans la cage d'escalier ; que notre point de vue sur le mouvement ascendant de l'air dans la cage d'escalier au moment de l'intervention des agents de Gaz de France n'est pas remise en cause par la note précitée » ; que, par ailleurs, les essais réalisés par les experts leur ont permis de constater que lorsque le tube souple est désolidarisé de l'about tronconique terminant la canalisation provenant du compteur, le débit de gaz déversé est de 100 litres / minute, soit 6 m3 à l'heure, ce qui les a amenés à conclure que, compte tenu du volume de gaz déversé intempestivement (environ 97 m3), ce déversement avait duré environ 16 heures et avait donc commencé peu après 17 heures, ce qui correspond à l'heure où Mme A... a la première perçu une odeur bizarre ; qu'il en résulte que lorsque les agents GDF sont venus, il y avait déjà depuis plusieurs heures une fuite de gaz dans l'appartement de Mme Y... autrement plus importante que celle constatée sur le robinet desservant l'appartement de Mme J... ; que même si l'audition de madame Y... a révélé que celle-ci avait placé un feutre au bas de sa porte d'entrée pour empêcher les cafards de rentrer, ce genre de protection est rarement complètement hermétique et en tout état de cause est sans effet sur les serrures et les encoignures ; que le quatrième étage se composait de deux appartements, celui de Mme Y... et celui des époux G... ; que celui des époux G... n'était pas relié au gaz ; que dans la mesure où le robinet extérieur desservant l'appartement de Mme Y... ne révélait rien d'anormal, les agents GDF devaient en conclure qu'il y avait nécessairement une fuite provenant soit de l'appartement de Mme Y..., soit de l'appartement des époux Turc, si ceux-ci utilisaient du gaz en bouteille ; qu'ils n'ont pas frappé aux portes du quatrième étage où pourtant se trouvait madame G... de sorte qu'ils n'ont pu vérifier si celle-ci utilisait du gaz en bouteille et surtout n'ont pas su que Mme Y... était absente de son domicile ; qu'ils n'ont fait aucune enquête de voisinage, se focalisant sur une petite fuite du cinquième étage dont ils n'ont pas vérifié préalablement avec un produit moussant si elle était la cause de la déviation de leur appareil de contrôle et qui de toute évidence ne pouvait expliquer la fuite du quatrième ; que s'ils s'étaient mieux renseignés, ils se seraient aperçus que Mme Y... était absente ou en tout cas ne répondait pas ce qui aurait justifié que l'on fasse ouvrir sa porte puisqu'il est certain que l'odeur perçue au quatrième, à l'origine de l'alerte, ne pouvait provenir de la fuite minime découverte au cinquième étage ; que manifestement, même après leur départ, le gaz continuait à se dégager dans l'immeuble puisque le lendemain matin, Gaëlle D..., avisée par sa soeur qui à 8h45 s'en allait au travail de la forte odeur de gaz qui persistait dans la cage d'escalier, a de nouveau prévenu GDF, malheureusement arrivée peu après l'explosion ; que contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, Alain B... et Daniel Z... n'ont pas accompli les diligences normales qui leur incombaient compte tenu de la nature de leur mission et de leur fonction, de leur compétence ainsi que du pouvoir et des moyens dont ils disposaient ; qu'ils ont causé indirectement le décès de Claude H..., Fabienne L..., Ruth et Alain I..., en ne prenant pas les mesures qui s'imposaient qui eussent permis d'éviter le dommage et ont commis des fautes caractérisées, qui exposaient autrui à un risque d'une particulière gravité qu'ils ne pouvaient ignorer de sorte que sont établis à leur encontre les délits d'homicides involontaires reprochés au regard des articles 211-6 et 121-3 du code pénal " ;
" alors, d'une part, que la cour d'appel a constaté que le jour même de l'accident, Alain B... avait déclaré que « Daniel Z..., en possession du Catex, avait fait des vérifications au 4ème sous les deux portes qui selon lui se sont montrées négatives » (arrêt, p. 28) et que réentendu par la suite, il avait indiqué que « son collègue lui avait fait part qu'il s'était rendu au 4ème étage et qu'il avait avec l'appareil fait un contrôle sous les portes ainsi que dans les serrures et qu'il n'avait rien décelé d'anormal » (arrêt p. 29) ; qu'en affirmant néanmoins, pour caractériser l'insuffisance des diligences de Alain B... et Daniel Z..., que « B... à deux reprises, le jour même de l'accident et quelques jours seulement après, a déclaré ne pas se souvenir si des vérifications avaient été faites au 4ème étage », la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs constitutive d'un défaut de motifs ;
" alors, d'autre part, que ne commet pas de faute caractérisée le prévenu qui accomplit les diligences normales compte tenu de la situation ; qu'au cas d'espèce, n'ont pas commis une telle faute les agents de Gaz de France qui, appelés pour une odeur suspecte dans un immeuble, ont décelé une fuite et l'ont colmatée, à la suite de quoi l'appareil de mesure en état de marche dont il était équipé n'a plus fait mention d'une concentration excessive de gaz, sans qu'il puisse leur être reproché de ne pas avoir, en outre, fait ouvrir un appartement inoccupé sur lequel ils avaient effectué, au niveau des serrures et du bas de la porte des contrôles qui s'étaient avérés négatifs, l'arrêt constatant au surplus qu'un feutre avait été placé au bas de la porte de cet appartement pour en assurer l'étanchéité ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
" alors de troisième part, qu'en retenant, après avoir constaté que Mme Y... « avait placé un feutre au bas de sa porte d'entrée pour empêcher les cafards de rentrer », que « ce genre de protection est rarement complètement hermétique et en tout état de cause est sans effet sur les serrures et les encoignures », la cour d'appel a statué par des motifs hypothétiques » ;
" alors, enfin, que le caractère normal des diligences accomplies s'apprécie au regard des données et moyens dont disposait le prévenu au moment de son intervention ; qu'au cas d'espèce, il ne pouvait être retenu, pour établir une « faute caractérisée » de MM. B... et Z..., le fait qu'une odeur de gaz ait été constatée par certains occupants de l'immeuble le 20 juillet 1996 à 8 heures 45, soit 10 heures après que Alain B... et Daniel Z... ont quitté les lieux, ayant constaté que leur appareil de mesure donnait un résultat négatif ; qu'en statuant par des motifs non susceptibles de justifier une faute caractérisée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;
Attendu que, pour déclarer Alain B... et Daniel Z... coupables, l'arrêt retient que, dépêchés sur les lieux vendredi, à 22 h 22, ils ont été accueillis par une personne qui leur a signalé avoir elle-même senti, au quatrième étage, une odeur de gaz qu'Alain B... a perçue ; qu'après avoir détecté une fuite peu importante sur le robinet desservant un appartement du cinquième étage, à laquelle ils ont remédié, les deux agents ont essentiellement procédé au contrôle des colonnes et des robinets alimentant les étages supérieurs puis sont repartis à 22 h 52 ; que les juges relèvent que l'odeur décelée au quatrième étage ne pouvait provenir d'une fuite à un niveau supérieur puisque le gaz, plus léger que l'air, ne descend pas ; qu'ils considèrent que cette constatation aurait dû conduire les prévenus à approfondir leur contrôle à cet étage, dès lors qu'ils n'avaient constaté de dysfonctionnement sur le robinet externe alimentant le logement de Renée Y... ; que l'arrêt ajoute que, s'ils avaient poursuivi leurs investigations, ils auraient constaté l'absence de cette personne, ce qui aurait justifié l'ouverture de la porte de son appartement et permis la découverte de la fuite qui, selon les calculs des experts, avait débuté vers 17 heures ; que les juges en déduisent qu'Alain B... et Daniel Z... n'ont pas pris les mesures qui auraient permis d'éviter le dommage et qu'ils ont commis une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'ils ne pouvaient ignorer ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations et constatations, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Pelletier président, M. Chaumont conseiller rapporteur, MM. Farge, Blondet, Palisse, Le Corroller, conseillers de la chambre ;
Avocat général : M. Boccon-Gibod ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;