LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : Statuant sur le pourvoi formé par :
- L'ADMINISTRATION DES DOUANES, partie poursuivante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 18 janvier 2006, qui, dans la procédure suivie contre Armand X... et Régis Y... du chef de contrebande de marchandises fortement taxées, a déclaré irrecevables ses demandes, après avoir constaté l'extinction des actions publique et fiscale par prescription ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 6 mars 2008 où étaient présents : M. Cotte président, Mme Labrousse conseiller rapporteur, MM. Joly, Le Gall, Farge, Palisse, Mme Ponroy, MM. Arnould, Dulin, Rognon, Mme Nocquet, M. Beauvais, Mmes Ract-Madoux, Radenne, M. Straehli, Mme Canivet-Beuzit, M. Finidori, conseillers de la chambre, Mmes Agostini, Caron conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Mouton ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire LABROUSSE, les observations de la société civile professionnelle BORÉ et SALVE DE BRUNETON et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGEet HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;
Me Salve de Bruneton et Me Waquet ont eu respectivement la parole en dernier ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 354, 355, 377 bis du code des douanes, des articles 509, 551, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt a constaté la prescription des actions pénale et fiscale et a, par voie de conséquence, déclaré irrecevable la demande de l'administration des douanes tendant au paiement des droits éludés ;
"aux motifs que, "l'article 10 du code de procédure pénale stipule que l'action civile se prescrit selon les règles du code civil, mais que toutefois cette action ne peut plus être engagée devant la juridiction répressive après l'expiration du délai de prescription de l'action publique ; que certes, l'administration des douanes est en droit d'obtenir et de demander devant la juridiction répressive, en application des dispositions de l'article 377 bis du code des douanes, le paiement des sommes fraudées ou indûment obtenues ; que cette action a toutefois le caractère d'une action civile et ne peut prospérer devant la juridiction répressive que pour autant que cette juridiction ait été régulièrement saisie ; qu'or, il appert de l'examen de la procédure d'appel, que si les appels contre le jugement querellé rendu le 15 novembre 2001 ont été formés entre le 22 novembre 2001 et le 29 novembre 2001, les citations devant la cour n'ont été délivrées aux prévenus que les 12, 14 et 22 avril 2005, soit plus de trois ans plus tard, de sorte que les délits pénaux et douaniers se sont trouvés prescrits et que la cour n'a pu être valablement saisie, y compris sur l'action civile par des actes de saisine délivrés postérieurement à la survenance de la prescription de l'action publique ; qu'ainsi, la cour doit constater la prescription des actions pénale et fiscale et juger que l'action civile ne peut prospérer devant la chambre des appels correctionnels que pour autant que les prévenus aient été cités devant cette chambre dans les délais de la prescription de l'action publique" ;
"1°) alors que la compétence des juridictions répressives pour statuer sur la demande en paiement des droits éludés s'étend à tous les cas où cette juridiction ne prononce aucune condamnation ; qu'en déclarant irrecevable l'action civile de l'administration des douanes motif pris de la prescription des actions publique et fiscale, alors qu'elle demeurait compétente pour statuer sur l'action en recouvrement des droits éludés nonobstant la relaxe prononcée consécutivement à la prescription, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"2°) alors qu'en tout état de cause, la citation devant la cour d'appel a seulement pour effet d'informer les parties de la date à laquelle l'affaire doit être appelée, cette juridiction étant saisie par l'acte d'appel ; qu'en déclarant irrecevable l'action en recouvrement des droits éludés formée par l'administration des douanes au motif qu'elle n'avait pu être valablement saisie, y compris de l'action civile, par des citations à comparaître délivrées aux prévenus en 2005, soit postérieurement à la prescription de l'action publique, alors qu'elle était saisie par les appels régulièrement formés entre les 22 novembre 2001 et 29 novembre 2001, soit antérieurement à l'acquisition de la prescription, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"3°) alors que la prescription triennale est intervertie en prescription trentenaire par la demande formée en justice tendant au recouvrement des droits éludés avant l'expiration du délai de trois ans ; qu'en refusant de se prononcer sur l'action tendant au paiement des droits éludés introduite par l'administration des douanes à l'encontre d'Armand X... et Régis Y... par citations des 18 et 19 janvier 2001 alors qu'elle demeurait compétente pour statuer sur l'action civile non prescrite nonobstant l'extinction des actions publique et fiscale, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Vu l'article 10 du code de procédure pénale, ensemble l'article 377 bis, 2°, du code des douanes ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, l'action civile est recevable devant la juridiction répressive lorsqu'elle est engagée avant la prescription de l'action publique ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Régis Y..., importateur, et Armand X..., commissionnaire en douane, mandaté pour effectuer les formalités de transit, entre la France et les ports d'Algérisas et de Porto, de stocks de beurre, en provenance de Nouvelle-Zélande, et à destination de l'Algérie, circulant en suspension de droits, sous le régime du transit communautaire externe, ont été cités devant le tribunal correctionnel du chef notamment de contrebande pour avoir, courant 1995, soustrait frauduleusement en cours de transport vingt-quatre chargements de ce produit ;
Qu'après avoir relaxé ces derniers de ce chef, le tribunal correctionnel, par jugement du 15 novembre 2001, a débouté l'administration des douanes de sa demande en paiement des droits éludés ; que les parties ont régulièrement interjeté appel de cette décision les 22, 28 et 29 novembre 2001 et n'ont été citées devant la cour d'appel que courant avril 2005, postérieurement à la prescription des actions pénale et fiscale ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable la demande de l'administration des douanes tendant au paiement des droits éludés, la cour d'appel énonce qu'elle n'a pas été valablement saisie de cette demande, ayant le caractère d'une action civile, les citations à comparaître ayant été délivrées postérieurement à la prescription des actions publique et fiscale ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'elle avait été régulièrement saisie par la déclaration d'appel de l'administration des douanes de l'action en paiement des droits éludés engagée avant la prescription de l'action publique, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions relatives à l'action de l'administration des douanes, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Montpellier, en date du 18 janvier 2006, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, sur la demande de l'administration des douanes ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Montpellier et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le deux avril deux mille huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;