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15/01/2008 | FRANCE | N°07-80800

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 janvier 2008, 07-80800


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : Statuant sur le pourvoi formé par :
- LA SOCIÉTÉ ÉLECTRICITÉ DOMANGE,
contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 21 décembre 2006, qui, pour homicide involontaire, l'a condamnée à 15 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 4 du protocole n° 7 additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 6, al

inéa 1er, 388, 512, 592 et 593 du code de procédure pénale, manque de base lé...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : Statuant sur le pourvoi formé par :
- LA SOCIÉTÉ ÉLECTRICITÉ DOMANGE,
contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 21 décembre 2006, qui, pour homicide involontaire, l'a condamnée à 15 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 4 du protocole n° 7 additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 6, alinéa 1er, 388, 512, 592 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la SARL Electricité Domange coupable d'homicide involontaire sur la personne de Daoud X... et a statué sur les actions publique et civile ;
"aux motifs qu'il résulte des pièces du dossier et des débats que la nacelle autoportée Haulotte HA 16 D a fait l'objet successivement de deux notices d'utilisation dressées par le constructeur la SA Pinguely Haulotte, à savoir : une notice d'utilisation identifiée sous le sigle E 12-90 en vigueur à partir de décembre 1990 ; une seconde notice d'utilisation identifiée sous le sigle E 03-96 en vigueur à partir de mars 1996 (cf : déclaration de Caroline Y..., juriste chez le constructeur Pinguely Haulotte D 502) ; que la prévenue, par l'intermédiaire de ses représentants, a prétendu n'avoir eu à sa disposition, au jour de l'accident, que la première notice, à savoir la notice E 12-90 - document communiqué aux enquêteurs par elle-même ainsi que par le loueur de la société Etup'Loc (D68 D236) - laquelle ne prévoyait pas lors de la mise en fonction de la nacelle, la présence de deux opérateurs capables, chacun, de prendre en cas de besoin, les commandes et le contrôle de la machine ; que cependant, à supposer constante cette affirmation de la prévenue - et donc écarté ce chef de prévention - il n'en demeure pas moins que la notice E 12-90 (comme du reste la notice E 03-96) mise à la disposition de la prévenue - la nacelle évoluant dans un hall encombré de colis et peu lumineux (nous sommes aux alentours de 16 heures en décembre) et étant de surcroît d'un maniement délicat (notamment influence de la force d'inertie pour arrêter l'engin de levage) - souligne la nécessité impérieuse, pour le conducteur, d'une formation préalable appropriée, le sensibilisant aux particularités de fonctionnement de la nacelle et aux impératifs de sécurité à respecter ; qu'or, il résulte des pièces du dossier et des débats que la nacelle a été livrée le matin même de l'accident par un employé d'Etup'Loc sans qu'une démonstration, même sommaire, du fonctionnement de la machine, de sa « prise en main », ait été effectuée (D111) ; que Daoud X... qui avait uniquement une qualification d'électro-technicien et qui s'était auparavant, formé au hasard, « sur le tas », pour le pilotage de ce type d'engin, n'a suivi aucune formation spécifique à la sécurité, à la charge de son employeur, ce qu'au demeurant, le gérant de la SARL Roger Losson et le responsable technique Alain Z... d'Electricité Domange ont reconnu ; qu'au surplus, ceci expliquant sans doute cela, la cour observe que Daoud X... ne s'est pas rendu compte du péril qu'il y avait : premièrement à déplacer la nacelle, en tournant le dos au sens de marche de l'engin ; deuxièmement à remplacer au pied levé, - avec l'autorisation de son employeur - le collègue salarié prévu pour lui apporter à partir du sol, aide et assistance, par son cousin, Bachir A..., intérimaire électricien de formation ; que ce dernier, chargé de préparer les pièces au sol, de les acheminer en hauteur vers la nacelle à l'aide d'une corde et de servir de vigie, ne possédait aucune connaissance technique, relativement au fonctionnement de la nacelle autoportée ; aucune conscience des dangers potentiels y afférents ; troisièmement à garder par devers lui la clé permettant d'actionner à l'aide d'un commutateur la nacelle, depuis le sol, réduisant à rien ou presque, l'efficacité d'une éventuelle tierce intervention y compris celle de Bachir A..., contraint de courir « dans les couloirs des bureaux » pour qu'« on appelle le 18 » (D121) puis revenant sur ses pas pour actionner l'arrêt d'urgence dont un salarié de l'établissement lui avait révélé l'existence ;
"alors que, d'une part, les tribunaux ne peuvent légalement statuer que sur les faits relevés par l'ordonnance de renvoi ou par la citation qui les a saisis ; qu'en l'espèce, l'ordonnance du magistrat instructeur avait ordonné le renvoi de la personne morale prévenue pour avoir commis le délit d'homicide involontaire sur la personne de Daoud X... en omettant de respecter les instructions figurant dans la notice d'utilisation de la nacelle autoportée Haulotte HA16D qui prévoient la présence de deux opérateurs formés et l'a renvoyé du chef de défaut de formation pratique appropriée en matière de sécurité au bénéfice des travailleurs ; qu'en estimant la demanderesse coupable du délit d'homicide involontaire pour avoir omis de donner une formation spécifique à la sécurité, à la charge de l'employeur, aux salariés qui manipulaient la nacelle litigieuse, la cour a excédé sa saisine et violé les articles visés au moyen ;
"alors que, d'autre part, un prévenu ne peut être condamné pour la commission de faits qui ont donné lieu à un non-lieu à suivre ; qu'en l'espèce, l'ordonnance de renvoi, devenue définitive, a dit n'y avoir lieu à suivre contre quiconque des chefs de défaut de formation pratique en matière de sécurité au bénéfice des travailleurs ; qu'en condamnant la prévenue, personne morale, pour n'avoir pas prodigué à la victime et à son assistant au cours des manoeuvres de la nacelle autoportée, Bachir A..., une formation spécifique à la sécurité pour l'usage de cette nacelle, faits sur lesquels la demanderesse refusait expressément d'être jugée (conclusions d'appel de la demanderesse p.5, § 1 à 5), la cour a violé les textes visés au moyen ;
"alors que, enfin, le juge ne peut statuer sur des faits non visés à la prévention sans mettre en demeure le prévenu de préparer sa défense sur des faits non visés à l'ordonnance de renvoi ; qu'en l'espèce, la cour a substitué les faits d'omission de respecter les instructions, figurant dans la notice d'utilisation de la nacelle autoportée Haulotte HA16D, qui prévoient la présence de deux opérateurs formés à ceux d'omission de formation spécifique à la sécurité au bénéfice des travailleurs sans mettre la prévenue à même de se défendre sur ces faits expressément exclus par l'ordonnance de renvoi ; qu'en statuant ainsi, la cour a violé les textes visés au moyen" ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que le 22 décembre 1997, Daoud X..., électromécanicien au service de la société Electricité Domange, a été mortellement blessé au moment où ce salarié, pour changer les lampes du hall d'un atelier, manoeuvrait, avec l'aide d'un ouvrier intérimaire désigné dans les heures précédant l'accident, une nacelle autoportée de location, mise le matin même à la disposition de la société sans aucune démonstration de fonctionnement ; qu'à l'issue d'une information, ladite société a été renvoyée devant la juridiction de jugement pour avoir causé la mort du salarié par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, en l'espèce, en omettant de respecter la notice d'utilisation de la nacelle qui prescrivait la présence de deux opérateurs formés ;
Attendu que, pour dire la prévention établie, l'arrêt, relève notamment, au titre des manquements à l'origine de l'accident, que la notice d'utilisation que la prévenue reconnaît avoir eu en sa possession souligne la nécessité impérieuse, pour le conducteur de la nacelle, d'une formation à la sécurité spécifique à ce type de matériel ; que les juges ajoutent que la victime de l'accident n'a pas bénéficié de la formation qui lui aurait permis de se rendre compte du péril qu'il y avait à déplacer la nacelle en tournant le dos au sens de marche de l'engin, comme elle l'avait fait, et à remplacer "au pied levé", avec l'autorisation de son employeur, le salarié devant lui apporter, aide et assistance par un parent, intérimaire électricien, dont le concours avait été inadapté ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel, qui a statué dans les limites de sa saisine sur le seul fondement de l'article 221-6 du code pénal et n'a pas méconnu les droits de la défense, a justifié sa décision ; qu'il n'importe que la prévenue ait bénéficié d'une décision de non-lieu partiel s'agissant du délit spécifique prévu par l'article L. 231-3-1 du code du travail pour lequel, à l'époque des faits, la responsabilité pénale de la personne morale n'était pas encourue ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er de la loi du 5 juillet 1985, 1134 du code civil, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt, confirmant le jugement entrepris, a rejeté l'appel en garantie formé par la société Electricité Domange à l'encontre de la Maaf Assurances ;
"aux motifs propres que la nacelle autoportée circulant par ses propres moyens était en mouvement à l'intérieur du hall au moment de l'accident ; qu'elle est donc assimilée, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, à un véhicule terrestre à moteur ; que le contrat souscrit avec la Maaf excluait expressément dans un article 5 3e la garantie des dommages causés par un véhicule terrestre à moteur, survenant dans le cadre d'un accident de la circulation, régi par la loi de 1985 ;
"et aux motifs adoptés que Daoud X... est décédé alors qu'il avait actionné la machine élévatrice en effectuant une marche arrière pour se positionner sous une lampe ; que c'est en raison du mouvement de l'engin que l'accident est survenu ; qu'il convient d'analyser la nacelle impliquée comme un véhicule dans la mesure où la machine, autoportée, se déplaçait en roulant ; qu'il s'agit donc, au regard de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985 d'un accident de la circulation ayant entraîné la mort de Daoud X... ; qu'il résulte de l'article 5 3e du contrat d'assurance souscrit par la SARL Electricité Domange auprès de Maaf Assurances que cette dernière ne garantit pas les dommages causés par les véhicules terrestres à moteur et les remorques ou semi-remorques soumis à l'obligation d'assurance dont le cocontractant et les personnes dont celui-ci est civilement responsable a la propriété, l'usage et la garde ;
"alors que l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985 s'applique à condition que le véhicule terrestre à moteur ait été en mouvement sur une voie de circulation lors de l'accident ; que ne constitue pas une voie de circulation l'intérieur d'un hall fermé d'un immeuble, à usage d'ateliers où la nacelle autoportée ne devait sa présence que pour la réalisation de travaux de remplacement des lampes ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations des juges du fond que la nacelle autoportée était en mouvement à l'intérieur du hall de l'immeuble à usage d'ateliers au moment des faits ; qu'en estimant néanmoins que la Maaf assurances invoquait à juste titre l'exclusion de garantie du contrat d'assurance, exclusion visant les dommages causés par un véhicule terrestre à moteur, survenant dans le cadre d'un accident de la circulation, la cour a violé les textes visés" ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, pour rejeter l'appel en garantie formé par la société Electricité Domange contre son assureur, la compagnie Maaf assurances, auprès de laquelle elle avait souscrit une police "multirisques professionnels", les juges du fond relèvent que les dispositions contractuelles excluant la garantie des dommages causés par un véhicule terrestre à moteur et survenus lors d'un accident régi par la loi du 5 juillet 1985 ont vocation à s'appliquer, dès lors que, les faits s'étant produits au moment où Daoud X... effectuait une marche arrière pour positionner la nacelle sous une lampe, l'engin qu'il manoeuvrait et qui se déplaçait en roulant était impliqué en tant que véhicule dans un accident de la circulation ;
Attendu qu'en décidant ainsi, la cour d'appel, loin de méconnaître les textes visés au moyen, en a fait, au contraire, l'exacte application ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 000 euros la somme que la société Electricité Domange, représentée par la SCP Nodée-Lanzetta devra payer à la société civile professionnelle Masse-Dessen et Thouvenin au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale sur le fondement de l'article 2 de l'ordonnance du 8 décembre 2005 ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Joly conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Guirimand conseiller rapporteur, Mme Anzani conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 07-80800
Date de la décision : 15/01/2008
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ACCIDENT DE LA CIRCULATION - Loi du 5 juillet 1985 - Domaine d'application - Chauffeur conduisant une nacelle autoportée dans les locaux d'une entreprise

Les dispositions contractuelles d'une police d'assurances excluant la garantie des dommages causés par un véhicule terrestre à moteur à l'occasion d'un accident régi par la loi du 5 juillet 1985 ont vocation à s'appliquer, s'agissant d'un accident survenu alors que le salarié d'une société manoeuvrait dans les locaux de l'entreprise une nacelle autoportée qui, se déplaçant en roulant, était impliquée en tant que véhicule dans l'accident


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 21 décembre 2006

Sur le n° 2 : Sur l'application de la loi du 5 juillet 1985, à rapprocher : 1e Civ., 8 juillet 2003, pourvoi n° 00-18216, Bull. 2003, I, n° 160 (rejet).2e Civ., 18 mars 2004, pourvoi n° 02-15190, Bull. 2004, II, n° 128 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 15 jan. 2008, pourvoi n°07-80800, Bull. crim. criminel 2008 N° 6 p. 17
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2008 N° 6 p. 17

Composition du Tribunal
Président : M. Joly (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat général : M. Finielz
Rapporteur ?: Mme Guirimand
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Vuitton

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:07.80800
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