La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/12/2007 | FRANCE | N°06-88025

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 décembre 2007, 06-88025


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Thierry,
- LA SOCIÉTÉ CATINOT,
parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 10 octobre 2006, qui les a déboutées de leurs demandes après relaxe de Claude Y... du chef de violation du secret professionnel ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violatio

n des articles 111-2, 111-3, 226-13 et 226-31 du code pénal, de l'article 66-5 de la loi du 31 ju...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Thierry,
- LA SOCIÉTÉ CATINOT,
parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 10 octobre 2006, qui les a déboutées de leurs demandes après relaxe de Claude Y... du chef de violation du secret professionnel ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-2, 111-3, 226-13 et 226-31 du code pénal, de l'article 66-5 de la loi du 31 juillet 1971 dans la rédaction que lui a donnée l'article 34 de la loi n° 2004-130 du 11 février 2004, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Claude Y... des fins de la poursuite, fondée sur la violation du secret professionnel, et a rejeté les demandes des parties civiles ;

"aux motifs que « la réalité des faits n'est pas discutée ;

qu'il est avéré que Claude Y... a utilisé le courrier à lui adressé le 16 mai 2003 par son confrère X..., lors de la procédure devant le tribunal de grande instance de Montpellier, ledit courrier ayant été : - cité dans les écritures signifiées le 29 octobre 2004, - produit lors de l'audience du 2 novembre 2004, - utilisé lors des plaidoiries à cette dernière audience ; que la cour relèvera ensuite que le courrier du 16 mai 2003 a été établi antérieurement à la loi du 11 février 2004 et à l'établissement du nouveau règlement intérieur harmonisé du Barreau de Montpellier, à une époque où, en l'absence d'exigence de forme particulière, les avocats n'avaient pas coutume d'apposer la mention « officielle » sur les lettres auxquelles ils entendaient conférer ce caractère ; que les dispositions de la nouvelle loi du 11 février 2004 ne sauraient dès lors être appliquées à ces courriers, sauf à faire rétroagir cette loi et, par voie de conséquence, à interdire la production de la quasi-totalité des courriers entre avocats précédemment considérés comme pouvant être communiqués ; que cela irait de surcroît contre la volonté du législateur de 2004 qui souhaitait précisément revenir sur l'article 66-5 de la loi du 30 septembre 1971, plusieurs fois remanié, qui faisait un absolu de la confidentialité de la correspondance entre avocats ; qu'il convient donc de rechercher si la lettre du 16 mai 2003 se situe hors du cadre contentieux, et si elle a pour objet, comme le soutient le prévenu, de constater et matérialiser un accord entre les parties et peut donc être considérée comme « officielle » ; que le courrier du 16 mai 2003 a été établi par Me X... en réponse à un précédent courrier du 13 mai dans lequel Me Y... lui demandait s'il considérerait le règlement de la somme de 32 500 euros comme satisfactoire au regard de la partie du jugement du 18 mars 2003 assortie de l'exécution provisoire ; que dans le courrier litigieux, Me X... écrit qu'il n'a « jamais eu de doute quant à l'erreur de plume affectant le jugement », ajoutant « j'avais bien lu la somme de 65 000 euros et non 75 000 ; en conséquence le principal exécutoire s'élève à 32 500 euros» ; que ce courrier a donc bien pour objet de matérialiser un accord entre les parties quant à la somme due par la partie succombante, au titre de la partie exécutoire d'un jugement affecté d'une erreur matérielle manifeste ; que de ce fait le courrier perdait son caractère confidentiel puisque destiné à officialiser l'accord intervenu entre les parties sur l'interprétation à donner à un jugement contenant une erreur de plume ; qu'il s'analysait bien en un document officiel dont le contenu pouvait être soumis à l'appréciation du tribunal ; qu'il sera encore relevé que ce courrier ne se situait pas dans la perspective d'une recherche transactionnelle ; qu'au demeurant, la quittance adressée par le prévenu à son confrère pour la somme réclamée par ce dernier, a été acceptée par la SCEA Catinot et retournée signée au cabinet du prévenu ; que la lecture du jugement, sur la base de 32 500 euros dus au titre de l'exécutoire provisoire, était ainsi avalisée ; qu'enfin il sera souligné que seul le courrier du 13 mai 2003, constitutif de l'accord, a été produit dans le cadre de l'instance civile, les autres échanges épistolaires entre avocats ne l'ayant été qu'à l'occasion de la présente instance pénale ; que le courrier du 13 mai 2003 étant communicable, aucune violation du secret professionnel ne saurait dès lors être retenue à l'encontre de Claude Y..., lequel sera en conséquence relaxé » ;

"alors que, premièrement, l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, tel qu'issu de la loi n° 2004-130 du 11 février 2004, s'applique, aux termes de la jurisprudence de la première chambre civile de la Cour de cassation, aux correspondances échangées antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2004-130 du 11 février 2004, dès lors qu'elles n'ont pas fait l'objet, à cette date, d'un litige quant à leur communication définitivement tranché ; qu'en décidant d'écarter les dispositions en cause, quand la correspondance avait été produite en justice, peu important sa date, postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2004-130 du 11 février 2004, en sorte qu'elle n'avait pas fait a fortiori l'objet à cette date d'un litige quant à sa communication définitivement tranché, les juges du fond ont violé les textes susvisés ;

"et alors que, deuxièmement, l'existence d'une coutume ne saurait en aucune façon tenir en échec l'application des règles légales gouvernant le secret professionnel et par suite les règles pénales réprimant sa violation ; qu'en retenant l'existence d'une coutume, pour entrer en voie de relaxe, les juges du fond ont de nouveau violé les textes susvisés" ;

Vu les articles 226-13 et 226-31 du code pénal, l'article 66-5 de la loi du 31 juillet 1971 dans sa rédaction issue de la loi du 11 février 2004 ;

Attendu qu'il résulte de l'article 66-5 modifié de la loi du 31 juillet 1971 que les correspondances échangées entre avocats, à l'exception de celles portant la mention "officielle", sont couvertes par le secret professionnel ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Thierry X..., avocat, et la société Catinot ont cité Claude Y..., également avocat, pour violation du secret professionnel, en lui reprochant d'avoir produit, le 24 septembre 2004, dans une instance civile, une lettre que le premier lui avait adressée le 16 mai 2003 et qui ne portait pas la mention "officielle" ; que le tribunal correctionnel a condamné le prévenu ;

Attendu que, pour infirmer le jugement entrepris sur l'appel du prévenu et relaxer celui-ci, l'arrêt énonce que la loi du 11 février 2004 n'est pas applicable aux courriers antérieurs à son entrée en vigueur et que la lettre litigieuse, officialisant un accord entre les parties, n'avait pas le caractère confidentiel ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que la production de la correspondance était intervenue postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi précitée, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens proposés :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Montpellier, en date du 10 octobre 2006, et pour qu'il soit jugé à nouveau, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-provence, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application, au profit de Thierry X... et de la société Catinot, de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Montpellier, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Anzani conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Palisse, Guirimand, MM. Beauvais, Guérin, Straehli conseillers de la chambre, Mme Ménotti conseiller référendaire ;

Avocat général : M. Mouton ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 06-88025
Date de la décision : 04/12/2007
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

AVOCAT - Secret professionnel - Loi n° 2004-130 du 11 février 2004 - Application de la loi dans le temps

AVOCAT - Secret professionnel - Etendue - Correspondances échangées entre avocats

L'article 66-5 de la loi du 31 juillet 1971, dans sa rédaction issue de la loi du 11 février 2004, édictant que les correspondances échangées entre avocats, à l'exception de celles portant la mention "officielle", sont couvertes par le secret professionnel, est applicable aux correspondances échangées avant son entrée en vigueur et n'ayant fait l'objet d'une communication que postérieurement à cette date. Encourt la censure l'arrêt qui pour relaxer du chef de violation du secret professionnel un avocat ayant produit une lettre en justice le 24 septembre 2004 retient que cette lettre lui avait été adressée par un confrère le 16 mai 2003 et, qu'officialisant un accord entre les parties, elle n'avait pas le caractère confidentiel


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 10 octobre 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 déc. 2007, pourvoi n°06-88025, Bull. crim. criminel 2007, N° 295
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2007, N° 295

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Mouton
Rapporteur ?: Mme Anzani
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:06.88025
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award