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16/10/2007 | FRANCE | N°07-81916

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 octobre 2007, 07-81916


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le seize octobre deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller LE CORROLLER, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;
REJET du pourvoi formé par X... David, contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 20e chambre, en date du 26 octobre 2006, qui, pour homicide et blessures involontaires, l'a condamné à douze mois d'emprisonnement avec surs

is et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le seize octobre deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller LE CORROLLER, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;
REJET du pourvoi formé par X... David, contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 20e chambre, en date du 26 octobre 2006, qui, pour homicide et blessures involontaires, l'a condamné à douze mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles du 121-3, 221-6, R. 625-2 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré David X... coupable de blessures involontaires avec incapacité inférieure ou égale à trois mois et d'homicide involontaire, et en conséquence, l'a condamné à douze mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;
"aux motifs que, sur l'appréciation de la responsabilité pénale susceptible d'être encourue par les deux prévenus, il importe de relever en préambule : - que la collision survenue le 25 mai 2000 à 0 heure 52'02", temps universel, entre l'appareil MD 83 et l'appareil Shorts 330, indissociable des décisions successivement prises par David X..., contrôleur "SOL", et par Frédéric Y..., contrôleur "LOC", a été la conséquence directe de celles-ci ; - que David X..., en autorisant l'alignement des deux aéronefs sur la piste 27 - au seuil de celle-ci en ce qui concerne le MD 83 et à l'intersection de la bretelle n° 16 pour ce qui est du Shorts 330-, et Frédéric Y..., en autorisant à 0 heure 50'49" le décollage du premier appareil puis à 0 heure 50'51" l'alignement du second alors qu'il les croyait positionnés l'un derrière l'autre, n'ont pas simplement créé ou contribué à créer la situation qui a permis le dommage mais ont conjointement déterminé la trajectoire de chacun des appareils dont le conflit a eu pour conséquence directe la survenance de l'accident ; que ne sauraient dès lors trouver à s'appliquer en la cause les dispositions de l'article 121-3, alinéa 4, du code pénal issues de la loi du 10 juillet 2000 ; que David X... conteste les faits qui lui sont reprochés ; qu'il fait en substance valoir : - que la procédure de coordination préalable prévue en cas d'alignement d'un aéronef à partir des DGV qu'il lui est fait grief de n'avoir pas respecté, est issue du manuel d'exploitation (Manex) utilisé sur le site de Roissy-Charles de Gaulle, lequel n'a aucune valeur réglementaire, et était en tout état de cause tombée en désuétude ; - qu'en toute hypothèse la présence active de Jean Z... entre lui-même et Frédéric Y... rendait totalement inutile, voire impossible leur coordination verbale ; - que le décollage du Shorts 330 à partir de la bretelle n° 16 était habituel et non exceptionnel ; - que l'accident a pour origine l'autorisation de décollage donnée par Fréderic Y... au MD 83 alors que le Shorts 330 se trouvait devant lui au mépris de la mention tout à fait lisible et sans équivoque qu'il avait inscrite sur le strip de la présence du Shorts 330 sur la bretelle n° 16 ; mais que les premiers juges ont, à bon droit et par des motifs pertinents auxquels souscrit la cour, décidé que David X... s'était bien rendu coupable des infractions visées aux poursuites ; que la cour soulignera en particulier : - que, sans la moindre ambiguïté, experts judiciaires et enquêteurs du BEA ont identifié l'absence de coordination préalable entre le contrôleur "SOL", David X... et le contrôleur "LOC", Frédéric Y..., comme l'une des causes de l'erreur de représentation par ce dernier de la situation véritable des deux avions ; - que, si la procédure préalable de coordination prévue au paragraphe 4.7.2 du manuel d'exploitation n'était plus mise en oeuvre par tous les contrôleurs, elle demeurait malgré tout en vigueur ; qu'il n'est d'ailleurs pas indifférent de relever à cet égard qu'entendu le 8 novembre 2000 par le collège d'experts judiciaires, David X... déclarait n'avoir pas effectué la coordination requise par le Manex "en raison d'une surcharge momentanée de travail" mais n'en remettait cependant pas en cause l'existence ; - que ce dernier devait d'autant plus s'astreindre au respect de la procédure préalable qu'il se trouvait en binôme avec un instructeur de l'école nationale de l'aviation civile en période de maintien de qualification ; qu'en outre, pendant la période de contrôle de l'équipe en service, la totalité des avions décollant en piste 27 s'était alignée à partir du point d'arrêt du seuil et qu'enfin, dans les minutes précédant l'accident, s'était produit une confusion sur le point d'alignement du MD 83 que la coordination des deux contrôleurs avait permis de résoudre en dépit de la présence à leurs côtés de Jean Jezequel, chef de service ; - qu'il n'est en outre nullement établi, contrairement à ce que soutient le prévenu, que Jean Z..., ayant admis avoir effectué la transmission de "strips" entre les deux contrôleurs afin, a-t-il expliqué, de les aider, ait assuré le transfert du "strip" concernant le Shorts 330 ; qu'il apparaît ainsi établi qu'en s'affranchissant de la procédure de coordination prévue par le Manex, alors que le contexte en recommandait plus qu'en d'autres circonstances la mise en oeuvre et aurait permis de lever tout risque de confusion sur le positionnement du Shorts 330, David X... a commis une faute en relation directe avec l'accident suffisant à engager sa responsabilité pénale ;
"et aux motifs adoptés, qu'en ce qui concerne David X..., il lui est reproché une faute involontaire, celle d'avoir omis d'appliquer la procédure de coordination préalable prévue expressément par le manuel d'exploitation, lorsqu'il a dirigé le Shorts 330 sur la bretelle 16 en vue du décollage ; qu'il y a lieu de déterminer tout d'abord si la faute reprochée à David X... a causé directement le dommage et, dans ce cas, la loi exige une faute simple ou si son action a un lien indirect avec l'accident, et dans ce cas, la loi du 10 juillet 2000 exige de déterminer une faute caractérisée ou délibérée, à l'encontre du prévenu ; que l'analyse du lien de causalité entre la faute et le dommage doit s'apprécier avec les circonstances de l'espèce ; que le lien de causalité sera qualifié de direct chaque fois que l'imprudence reprochée est la cause unique exclusive ou la cause immédiate et déterminante de l'atteinte à l'intégrité de la personne ; que l'absence de contact physique n'exclut par l'existence d'un lien de causalité direct ; qu'une omission fautive peut être en relation directe avec le dommage lorsqu'elle en est la cause unique immédiate, c'est-à-dire chaque fois que, par sa seule action personnelle, le prévenu aurait pu empêcher le dommage ; qu'en l'occurrence, il y a lieu de considérer que l'omission fautive de David X... est la cause immédiate de l'accident puisqu'il est évident que, si David X... avait appliqué la procédure préalable d'alerte, il n'aurait pu attribuer au Shorts 330 la piste numéro 16 pour le décollage qu'avec l'accord de Frédéric Y... ; qu'en conséquence, celui-ci aurait su avec certitude que l'avion se trouvait bien sur la piste numéro 16, puisque c'est lui qui l'aurait décidé ; que, même, si Frédéric Y... n'avait pas regardé son strip, ni consulté son écran radar, il n'aurait pu se tromper sur la position de cet avion, et l'accident n'aurait pas eu lieu ; qu'en conséquence, il y a lieu de considérer que le lien de causalité entre la faute reprochée à David X... et l'accident est un lien de causalité direct et la loi n'impose alors que la détermination d'une faute simple à l'encontre du prévenu ; qu'il est retenu de l'enquête et des débats que cette procédure préalable de coordination était tombée en désuétude sur l'aéroport de Roissy, du fait que le départ en bretelle intermédiaire était devenu chose courante, notamment pour les petits avions ; que, malgré tout, elle existait toujours dans le manuel d'exploitation appelé Manex ; que ce manuel d'exploitation est considéré comme le règlement applicable par tous les contrôleurs aériens même si ce document comporte une page préalable de mise en garde sur le fait qu'il ne s'agit que d'un document de travail ; que, toujours est-il, qu'il permet à tous les contrôleurs aériens de pouvoir fonctionner ensemble en appliquant les mêmes textes ; qu'il doit être considéré comme une sorte de règlement intérieur, régissant le travail des contrôleurs aériens ; qu'il doit être considéré que David X... , qui apparaît comme un bon professionnel, habitué à l'aéroport de Roissy depuis plusieurs années et à ses règles de fonctionnement, a commis une faute d'inattention ou de négligence mésestimant la capacité professionnelle de Frédéric Y... ; qu'il venait de lui transmettre un premier strip, celui du MD 83, comportant la mention Q., mention considérée par David X... comme suffisamment satisfaisante pour que le contrôleur LOC puisse comprendre sans aucune hésitation, la position de l'avion MD 83 ; que, pourtant, Frédéric Y... se trompait sur la position de l'avion et David X... lui indiquait verbalement que l'avion était en piste 27 et non pas 26 ; que, lorsqu'arrive cet avion Shorts 330, habitué à décoller en piste intermédiaire notamment la piste 16, David X... ne devait-il pas, après la première erreur de Frédéric Y..., l'alerter sur cette position inhabituelle pour la soirée puisque c'était le premier avion qui allait décoller de cette piste intermédiaire et revenir à la technique antérieure et habituelle qui prévoyait une procédure préalable de coordination, afin d'alerter le contrôleur LOC, stagiaire depuis quelques jours, qui a toujours maintenu que, même s'il savait qu'il y avait certaines dérives concernant l'application de cette procédure, il s'attendait à ce qu'elle soit appliquée dans ce type de situation ; que, par la première erreur commise par Frédéric Y... , et par bonheur rectifiée par les pilotes du MD 83, David X... a commis une négligence en ne tenant pas compte de la compréhension que pouvait avoir Frédéric Y... de la situation ; qu'en appliquant la procédure du Manex, il aurait évité l'erreur fatale de Frédéric Y... ; qu'en conséquence, David X... sera déclaré coupable des infractions reprochées ;
"alors que, lorsque le lien de causalité entre le comportement du prévenu et le décès est indirect, le délit d'homicide involontaire n'est constitué que si ledit prévenu a violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, ou a commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer ; qu'est indirecte la faute qui a seulement créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage et qui n'en est ni la cause immédiate ni la cause essentielle et déterminante ; qu'en l'espèce, il résulte des constations des juges du fond que la cause directe du dommage est l'erreur de représentation commise par Frédéric Y... qui pensait que le Shorts 330 se trouvait derrière le MD 83 et non sur la bretelle 16 lorsqu'il a donné l'ordre de décollage au MD 83 ; que l'absence de coordination imputée à David X... n'a été qu'une des causes de l'erreur de représentation de Frédéric Y... et donc une cause indirecte du dommage ; qu'en jugeant le contraire, les juges du fond ont violé les textes susvisés" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, par suite d'une erreur de représentation de leur situation au sol et d'une absence de coordination entre les contrôleurs chargés de les guider, deux aéronefs ont été autorisés à pénétrer concomitamment par des points d'accès différents sur la même piste d'envol où l'appareil MD 83 est entré en collision avec l'appareil Shorts 330 dont le pilote a été blessé et l'officier pilote tué ; que l'enquête a révélé que David X..., contrôleur en charge de la gestion des avions au sol entre leur point de parking et leur point d'attente avant l'arrivée sur la piste d'envol, avait autorisé l'aéronef percuté à accéder, par une bretelle intermédiaire, à cette piste sur laquelle le MD 83, parti du seuil de la piste, s'apprêtait à s'envoler après avoir reçu du contrôleur aérien Frédéric Y..., en charge de la gestion des décollages et atterrissages, l'autorisation de décoller ; que les deux contrôleurs aériens ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel qui les a déclarés coupables d'homicide et de blessures involontaires ;
Attendu que, pour confirmer le jugement entrepris, l'arrêt relève que David X..., en autorisant, dans le même laps de temps, des manoeuvres qui devaient conduire à l'alignement des deux aéronefs sur la même piste d'envol - au seuil de celle-ci en ce qui concerne le MD 83 et à l'intersection d'une bretelle intermédiaire avec ladite piste pour ce qui est du Shorts 330-, et Frédéric Y..., en autorisant à 0 heure 50'49" le décollage du premier appareil puis à 0 heure 50'51" l'alignement du second sur cette même piste, alors qu'il les croyait, par suite d'une erreur, positionnés l'un derrière l'autre, n'ont pas simplement créé ou contribué à créer la situation qui a permis le dommage mais ont conjointement déterminé la trajectoire de chacun des appareils dont le conflit a eu pour conséquence directe la survenance de l'accident ; que les juges précisent que, si David X... avait respecté la procédure de coordination qui s'imposait à lui, il n'aurait pu attribuer à l'aéronef percuté la bretelle intermédiaire d'accès à la piste d'envol, déjà empruntée par le second aéronef, qu'avec le seul accord du contrôleur, chargé d'autoriser le décollage de cet avion, qui se serait nécessairement rendu compte de sa méprise et que, dans une telle situation, cet accord n'aurait pas été donné et l'accident n'aurait pas eu lieu ; qu'ils en déduisent, après avoir constaté que les pilotes des aéronefs n'ont commis aucune faute, que David X... et Fréderic Y... sont les auteurs directs des dommages résultant des délits visés à la prévention ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, d'où il résulte que les dommages ont été directement causés par les fautes commises simultanément par les personnes chargées du contrôle des mouvements des aéronefs, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Farge conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Le Corroller conseiller rapporteur, MM. Blondet, Palisse, Mme Radenne, M. Straehli conseillers de la chambre, Mmes Slove, Guihal, MM. Chaumont, Delbano conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Di Guardia ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 07-81916
Date de la décision : 16/10/2007
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

HOMICIDE ET BLESSURES INVOLONTAIRES - Lien de causalité - Causalité directe - Applications diverses

RESPONSABILITE PENALE - Homicide et blessures involontaires - Lien de causalité - Causalité directe - Applications diverses NAVIGATION AERIENNE - Homicide et blessures involontaires - Faute - Lien de causalité - Causalité directe

En l'état d'une collision survenue entre deux aéronefs autorisés à emprunter concomitamment la même piste d'envol, doivent être considérées comme la cause directe des délits d'homicide et blessures involontaires visés à la prévention les fautes commises simultanément par les personnes chargées d'assurer, ensemble, le contrôle des mouvements de ces avions


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 26 octobre 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 oct. 2007, pourvoi n°07-81916, Bull. crim. criminel 2007, N° 245
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2007, N° 245

Composition du Tribunal
Président : M. Farge (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat général : M. Di Guardia
Rapporteur ?: M. Le Corroller
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:07.81916
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